Du jaune. Non. Peut être du orange. Je ne suis pas convaincu. Plus claire ? C’est ça. Mon pinceau vient lécher avec douceur la toile en lin. La couleur est parfaite. Les plumes de l’outil contournent les lignes tracés au crayon. J’additionne un peu de rouge pour contraster certains endroits. Debout face au chevalet, ma main commence à fléchir. J’effectue un dernier mouvement avant de rabattre mon bras avec soulagement. Cela fait des heures que je peins cette toile. Je fais deux pas en arrière pour prendre du recul par rapport à mon oeuvre. Je ne me rappelle plus combien de fois j’ai du apporter des modifications alors que je pensais ma peinture achevée. Mais cette fois, un sourire satisfait vient étirer mes lèvres. La toile est belle et bien terminée. Mlle Denarbonne, vous êtes si belle.
Ces derniers jours j’ai été inspiré. J’ai dessiné et peins tout ce qui me passait par la tête. Aujourd’hui, j’ai été pris d’une soudaine envie de représenter la femme que j’ai torturé. C’est la première fois que je réalise le portrait d’une personne que je connais. Et à vrai dire, je ne suis pas peu fière de ce que j’ai fait. Même si je suis légèrement étonné de mon initiative.
Je m'affaisse sur le siège positionné derrière moi en contemplant mon oeuvre d’un léger sourire. Une semaine déjà que je l’ai laissé s’enfuir de chez moi. Je ferme les yeux en repenssant à cette délicieuse soirée. Sans doute ne le voit elle pas du même oeil. Je ris intérieurement. Bien évidemment que ce n’est pas le cas. J’ai réussi à instaurer l’angoisse de ma simple vue à cette femme qui était devenue si forte. Maintenant je lui ai laissé un répit de sept jours. En réalité cette pause vient du faite que sa terreur sera bien plus grande quand elle me reverra après ce moment de sérénité. Et il sera plus amusant encore de jouer avec elle. Le calme avant la tempête. Ici, cette expression l’illustre parfaitement. Je veux savourer la montée soudaine de son angoisse à mon arrivée. Quoique lorsque l’on est ensemble, je ne sais jamais ce qui va arriver. Et ce point d’interrogation sur l’évolution de notre ‘relation’ est absolument réjouissante. C’est ça qui rend nos jeux plus plaisant encore.
Je bascule la tête en arrière pour vérifier l’heure. Il va être dix-huit heure. La fin des cours. Me semble-t-il que c’est à cette heure que Juliette finit aussi ses cours. Pour ma part, j’ai eu congé toute l’après-midi. Et cela grâce à une sortie prévue par le corps enseignant avec mes élèves. J’ai donc pu m’abandonner à l’une des activités favorites avec grand plaisir. Je finis par me lever en reportant mon attention sur le portrait. Je ne pense pas lui donner un jour. Ce serait… Une trop grande marque d’affection pour moi. Il restera donc avec les autres très nombreuses toiles que j’ai réalisé et qui ne verront jamais le jour. J’attrape le tableau et vais le ranger dans l’arrière salle. Après avoir pris soin de fermer la pièce à clé, je retourne dans ma classe, songeur. Je pense qu’il faudrait que j’aille rendre une petite visite à notre enseignante aujourd’hui. Je me délecte d’avance de sa réaction lorsqu’elle me verra.
En quittant la salle de classe, j’entends déjà la sonnerie retentirent dans les couloirs. Le soleil commence lentement à décliner, balayant les salles d’une lumière rougeâtre. Il faut que je me dépêche avant qu’elle ne parte. Heureusement, sa salle n’est pas trop loin. Je ralentis en voyant sa silhouette encore présente dans la pièce. Elle n’est pas partie. Mes lèvres forment un sourire sauvage. J’atteins son lieu de cours et toque doucement à la porte. Ma position devient plus nonchalante. Mon sourire continue de squatter mon visage. J’entre dans la salle avant qu’elle n’est pu dire un mot et pousse légèrement la porte une fois à l’intérieur.
Ma voix devient plus suave en m’adressant à Juliette.
Bonjour Mlle Denarbonne.