Les Roux de secours. [PV - Lucy]

Richie était en Nouvelle-Calédonie. Le voyage et l’arrivée s’était bien passée, il n’avait jamais eu de voyage aussi agréable ! Le soleil brulait, et le rouquin était persuadé qu’il allait finir avec un coup de soleil, sans aller bronzer ! Cette chaleur estivale ne cessait de lui faire rappeler Son désert, là d’où il venait. A force de rester ici, il s’était juré d’y penser de moins en moins : ressasser des souvenirs sans cesse était une affaire très épuisante, et la nostalgie n’était pas le meilleur des sentiments. Les larmes peuvent monter vite : il n’y a pas que les filles qui pleurent !

Richie n’avait pas été tourmenté par des pensées négatives depuis qu’il était ici : tout allait pour le mieux. Il avait toujours apprécié les vacances, et celles-ci étaient vraiment des vacances de luxe ! Le bigleux n’avait jamais eu la réelle chance de voyager quand il était plus jeune : ses parents n’étaient pas vraiment aisés, alors il a passé beaucoup d’été chez lui, sous la chaleur écrasante, à mourir comme des merdes sur le bord du trottoir. Il y avait encore la rivière pour se rafraîchir, c’est vrai… l’été où il partait à la mer ont été les meilleurs étés de sa vie, sûrement.

Stop, il avait dit qu’il ne fallait pas y penser ! Ça pourrait bien lui pourrir ses vacances, là. Les jours précédents, Richie avait surtout posé ses marques, comme la première fois où il avait débarqué sur le sol anglais : le décalage horaire l’avait complètement dévasté, mais il pensait s’en sortir mieux maintenant. L’idée de savoir qu’il était sur une île paumée, en Océanie, ça ne le rassurait que peu. Il préférait les continents. L’enfant naïf qu’était Richie (du moins, une partie de lui) pensait que les îles pouvaient être englouties par la mer. Mourir noyé ? Non merci ! Il avait encore du temps devant lui.

Richie se tenait devant « le Village sur pilotis » que l’Académie avait entièrement loué. C’est dans ces moments-là que Richie se demandait quel paradis fiscal cachait cette fichue école… tout l’argent qu’ils devaient posséder… le nombre devait être bien au-dessus des estimations modestes de Richie, qui n’était de base, pas vraiment riche. Bref, il se pensait trop jeune pour penser et discuter finance, alors il préféra s’arrêter au « L’Académie a loué ce village, point. »

Richie se tenait à l’entrée, et contemplait le soleil qui baissait doucement, pour au final la ligne d’horizon et disparaître complètement sous les flots. Ça avait tout d’un merveilleux paysage de carte postale, ça oui. Le bigleux voyait plusieurs élèves rentrer, ou sortir, à plusieurs, ou tout seul. D’humeur romantique, Richie avait préféré rester seul pour contempler ce qui l’entourait.

HRP:

Richie fut intrigué par la présence d’une jeune fille, vêtue d’un simple maillot de bain dont les pièces n’étaient pas de la même couleur. Ce qui était frappant chez elle était sa magnifique chevelure rousse, brillante et longue : la couleur était bien plus rouge que les cheveux du bigleux. Cette belle fille tenait plus de la Petite Sirène qu’autre chose. Et cette sirène était justement en train de se baigner. Sacrebleu, les pensées de Richie sont bien accordées ! Le garçon ne put s’empêcher de sourire en pensant à cette blague qui n’en était pas vraiment une.

Puis le drame. Richie vit la jeune fille tomber lamentablement sur le quai, suite à une fausse manip’ légèrement étourdie. Avait-elle bu, était-elle bourrée ? Il priait pour que ça ne soit pas le cas, il ne sentait pas arriver vers elle, puis devoir la porter pour la confier aux adultes ? Foutue timidité… aussi, c’était un peu normal non ? Il ne voulait pas qu’elle prenne peur en voyant qu’un garçon la portait.

Richie l’entendit jurer, et ne put réprimer un petit rire. Décidément, celle-là se révélait marrante ! Il secoua la tête pour chasser ses mauvaises pensées et resta là, à se poser une question : devait-il l’aider ? Bien sûr que oui ! Mais l’égo de cette fille devait avoir pris un gros coup, faire une chute comme ça, là… peut-être qu’elle se vexerait si Richie l’approchait ? Au diable ses mauvaises pensées ! Il se rapprocha de quelques pas : la jeune fille s’était assise et regardait ses égratignures.

Richie n’avait pas peur du sang, mais sa vue arrivait quelques fois à le rendre mal à l’aise : heureusement que ces coupures n’étaient que superficielles… mais il n’aurait pas aimé être à sa place.

« Tu n'a rien vu j'espère ?? »

Richie se rapprocha, doucement, puis il finit par courir en faisant de grandes enjambées peu distinguées. Il n’allait sûrement pas se préoccuper de quoi il avait l’air, maintenant ! Sa seule crainte était de faire tomber ses lunettes, déjà bien cassées : tant pis, il pouvait s’en racheter, mais il y avait là valeur sentimentale. Il arriva près de la jeune fille et se pencha un peu au-dessus d’elle.

Richie sentit ses joues s’enflammer comme si elles subissaient l’assaut d’un feu grégeois. Il se trouvait juste au-dessus de… il s’était penché au-dessus des… il se dépêcha de changer de posture, pour ne pas passer pour un pervers : la vue était intéressante, mais il ne voulait pas passer pour LE gros pervers de service, ni d’inquiéter la jeune fille. Et ce serait sûrement plus que de l’inquiet… elle avait dans ses yeux quelque chose d’étrange. Comme de la timidité très prononcée, et il savait par expérience que les timides se révélaient redoutables.

Richie se tenait en face d’elle, genoux pliés, les fesses près des talons. A force de penser, il avait presque oublié de répondre, et il savait bien que c’était rare chez lui : il parle tout le temps ! Contrairement à ce que les gens normaux devraient faire dans une situation comme ça, c’est-à-dire, prendre leur temps et choisir leurs mots, Richie dit la première chose qui lui vint en tête.

« A vrai dire, c’est difficile de rater quelque chose d’aussi drôle. »

Richie savait qu’il avait sûrement pris un gros risque. En étant dans cette position, sa vision était ciblée sur les égratignures de la jeune fille, et il ne put s’empêcher d’y jeter un œil curieux. Ses yeux s’écarquillèrent d’horreur quand il vit ce qui se déroulait sous ses yeux.

Voilà qu’elle faisait remonter le sang, et que ce dernier rentrait dans les plaies à peine ouvertes ! Richie ne put s’empêcher d’émir un petit hoquet d’horreur. Jamais il n’avait vu quelque chose comme ça ! D’habitude bien calme, Richie crut bien qu’il allait perdre son sang-froid, et bégayer comme un enfant. Mais il ne dit rien. Sa bouche restait ouverte, formant un parfait « o », alors qu’il observait le phénomène inimaginable qui se passait sous ses yeux. C’était… incroyable.

« Mais c’est dégueulasse ! »

Pendant l’espace de quelques secondes, Richie pensait que la jeune fille aurait pu mal le prendre, et se braquer suite à ses paroles légèrement moqueuses, presque prétentieuses. Effectivement, sortir que sa chute s’était révélée très drôle était quelque chose de plutôt osé. Mais bon, sa spontanéité légendaire ne l’aidait pas aussi, et il pensait que la fille y avait remarqué. Le bigleux ne pouvait pas se contrôler, ses paroles venaient à sa bouche plus vite qu’au cerveau.
Humour.

Richie ne put s’empêcher d’esquisser un léger sourire quand il l’entendit rire. A l’entendre, ce n’était pas un rire moqueur, ou quoi que ce soit d’autre, mais bien un rire amusé : cela voulait dire qu’elle n’était pas vexée, non ? A moins que ce soit un rire de gêne… décidément, le rouquin n’était vraiment pas doué pour l’observation, et pour la déduction !

Richie préféra voir ce qui allait se passer pour la suite avant de donner un jugement qui pouvait se révéler faux.

« Désolée, c'est rendu un réflexe pour moi quand je me blesse. J'aurais dû demander avant si ça te dérangerais... »

Richie prit bien soin d’analyser ses paroles et il tenta d’en tirer une conclusion des plus… réalistes. Voilà qu’elle venait de dire que c’était un réflexe quand elle se blessait, cela voulait-il dire que c’était déjà arrivé, et qu’elle le faisait souvent ? Est-ce que c’était ça, son pouvoir ? Pouvoir faire rentrer le sang à l’intérieur de son corps ? Richie ne put retenir un frisson : il était partagé entre le dégoût et l’amusement… c’était un pouvoir bien atypique !

« Je m’appelle Lucy, enchantée ! Désolé de t'avoir dégoûté mais heureuse d'avoir pu te faire rire un peu ! »

Richie vit cette Lucy lui tendre la main, après l’avoir passée dans ses cheveux d’un air qu’il trouvait, très féminin et très agréable. Il la serra vigoureusement en souriant et il finit par la relâcher, un peu tardivement. Lucy, c’était un très joli nom ! Il se décida à y répondre.

« Moi, c’est Richie, enchanté ! »

Richie ne put s’empêcher de rire encore. Dégoûté, voilà l’impression qu’il avait laissé ! C’était plutôt vrai, mais ça ne l’avait pas été assez, car il ne s’était pas enfui devant ce spectacle plus qu’étonnant.

Ce qui était le plus étonna chez elle était ses yeux rouge, aussi rouge que ses cheveux. Voilà que tout s’accordait et était harmonieux, chez elle. Mais ce qui était presque effrayant était sa peau pâle, qui contrastait énormément avec ses cheveux flamboyants. Étaient-ils colorés ? Si non, et s’ils étaient naturels, cette fille était un phénomène, tout autant que son pouvoir ! Remarque, la couleur dominante, chez elle, donc le rouge, avait la même teinte que son sang qu’il avait pu voir de très près.

Richie regarda de plus près son ventre, et ses bras. Les marques étaient là, sans être là : à vrai dire, elles n’étaient réduites qu’à de vagues ecchymoses peu remarquables. Il n’y avait plus de sang… c’était si perturbant… il priait pour que ce soit vraiment à l’origine de son pouvoir.

« Ton pouvoir, c’est d’aspirer ton propre sang ? »

Richie eut une pensée malsaine, concernant l’aspiration du sang chez les filles… berk, pourquoi pensait-il à des trucs comme ça ? Il se le demandait vraiment, car c’était absolument dégueulasse ! Plus jamais, plus jamais il ne devait répondre ça.

Richie prit le temps d’inspecter cette Lucy alors qu’elle hochait simplement de la tête à l’entente de son prénom. Elle semblait analyser chaque syllabe, comme si le nom était compliqué à retenir et à prononcer. Du moins, c’était l’impression que laissait une telle attitude. Il espérait se tromper… tout de même, son prénom n’était pas si compliqué que ça… hein ?

Après sa question, quelque peu idiote, Ariel se mit à rire, ce qui eut le don de faire légèrement reculer Richie. Il ne se dirait pas blessé, mais il n’avait pas trop l’habitude de voir des personnes rire de ses questions… remarque, c’était légitime : il était tellement spontané qu’il pouvait facilement dire d’énormes bêtises, et ce, très rapidement… puis elle donna quelques explications.

« En fait, oui et non. Je maîtrise le sang, en général et je peux maîtriser le mien à ma guise. Donc, lorsque je me blesse, je peux empêcher le sang de sortir de mes plaies ou lui ordonner de retourner dans mon corps comme tu la aperçue plus tôt. Je peux aussi le faire sortir de mon corps et lui faire prendre la forme et la texture que je désire selon les situations auxquelles je fais face. »

Qu- !? Quoi ? Cette réplique était décidément beaucoup trop longue… c’est à peine s’il avait tout compris… à vrai dire, c’était la fin de la journée, et Richie avait bien du mal à comprendre correctement quelque chose à cette heure-ci, sans que l’information ne passe par une oreille, et ressorte par l’autre.

Voilà un pouvoir fort intéressant ! Maîtriser le sang… c’est à la fois horrible, et tout à fait passionnant ! Mais avec ça, elle pouvait stopper ses hémorragies ? Encore fallait-il qu’elle ait toute sa tête pour le faire… le sang pouvait donc rentrer dans son corps, comme vu quelques secondes auparavant, et alors, les plaies se fermaient d’elles-mêmes, ne laissant que de subtiles traces de couleurs.

Et… elle pouvait le faire sortir de son corps ? Comment ? Par la bouche, ou par les pores de la peau ? Comment était-ce possible ? Richie avait vraiment de mal avec ce pouvoir… mais il l’aimait beaucoup ! Il avait tellement de questions à poser… il espérait ne pas ennuyer cette pauvre fille… tout de même, à l’entendre, elle ne semblait pas ennuyée.
Tant mieux.

« Si tu a des questions ne te gêne surtout pas. Mais au fait, quel est ton pouvoir ? »

Richie sourit, visiblement soulagé. Savoir que Lucy l’invitait presque à poser des questions le rassurait vraiment : il ne vouait pas l’emmerder, encore une fois. Quant à sa question… Richie ne savait pas vraiment quoi répondre. A vrai dire, il ne voulait pas révéler la présence du Mad Clown : pourquoi ? Les personnes au courant de sa présence seraient toujours légèrement mal à l’aise en présence de Richie. C’est vrai, qui ne serait pas mal à l’aise en se savant espionnée par une chose invisible ?

Richie opta pour la solution la plus simple, mais sûrement la plus idiote : il avait juste à dire qu’il avait le pouvoir de soulever les objets, et de contrôler ce qui était autour de lui –à petite échelle bien évidemment- : ça colle, non ?

« A vrai dire, je peux simplement contrôler des objets qui sont à ma portée, et influencer ce qui m’entoure. A très petite échelle, je ne suis pas très doué… »

Richie passa une main dans ses cheveux et ne put retenir un petit rire gêné. Il priait pour que ça passe, et que ce soit crédible… c’est vrai, avouer que le Clown était avec lui serait un terrible échec pour le rouquin. Il préféra changer de sujet.

« Est-ce que tu ressens quand même la douleur ? Je veux dire… quand tu fais rentrer ton sang à l’intérieur ? »

Décidément, il avait bien du mal à s’exprimer normalement.

« Pour utiliser mon pouvoir, je dois m'entailler la peau pour en faire sortir le sang. Ce geste ne me fait aucunement mal. Mais si la blessure viens de quelqu'un d'autre, je vais ressentir la même douleur que n'importe qui de ''normal'' ressentirais. Pour ce qui est de faire rentrer mon sang dans mon propre corps, je ne ressens rien. Absolument aucune douleur. Bien sûr, il y a une petite sensation étrange aux niveaux des plaies, mais rien qui soit désagréable. »

Décidément, c’était impossible pour elle de faire des coupures ? N’avait-elle toujours pas remarqué que Richie est lent d’esprit, et qu’il lui faut du temps pour comprendre quelque chose de complexe ? À en voir son attitude, non, cette chère consœur rousse ne se doutait pas des problèmes d’attentions, qui étaient pourtant mineurs de son interlocuteur. Puis tant pis… du moins, cette Lucy avait fait un certain effort : en effet, elle avait parlé lentement. Et tant mieux !

Alors voilà que cette fille disait qu’elle devait s’entailler la peau, pour manipuler finalement son sang, et donc, utiliser son pouvoir, qui se résumait tout bonnement à la « manipulation du sang ». Mais dis donc, c’est joyeux tout ça ! A dire vrai, Richie n’y avait pas encore vu sous cet angle : cet angle froid, malsain, terrifiant. On aurait dit que la rousse sortait tout droit d’un film d’horreur ! Un nanar, bien entendu : en effet, le bigleux n’aurait pas payé pour voir un film où le protagoniste principal peut manipuler son sang…

Et voilà que Lucy lui annonçait qu’elle ne souffrait pas quand elle s’infligeait elle-même la blessure ! Non mais, et puis quoi encore ? C’était quoi ce pouvoir surpuissant ! Richie était dégoûté : lui, il se contentait de ce Clown stalker qui le suivrait jusque au bout de la Terre… il ne lui sert à rien, en plus ! Oui, il était bien dégoûté. Être avec cette entité n’était vraiment pas quelque chose de classe ! Alors que manipuler son sang, et surtout, ne pas ressentir la douleur quand on se l’inflige nous-même, ça, c’est stylé !

Bon, par contre, ce qui est moins classe était qu’elle ressentait la douleur, si c’était quelqu’un d’autre qui lui infligeait… rah, dommage ! Ça aurait fait d’elle un super-héros, et surtout, une femme invincible ! Si, en fait, voir un film sur quelqu’un qui peut manipuler le sang n’est pas une si mauvaise idée… avec un bon réalisateur, un film avec une aussi bonne idée aurait pu éviter d’être un nanar.

Richie ne put s’empêcher d’étudier l’étendue et l’influence que ce don pouvait avoir : malgré tout, le rouquin n’arrivait toujours pas à réfléchir posément, son cerveau surchauffait devant toutes ces informations ! Il ne se disait pas handicapé de la réflexion, mais il commençait à se faire tard, et le soir, le cerveau du bigleux n’assumait plus ses fonctions… un peu comme toute personne fatiguée, hein ! Voilà qu’une autre question surgissait dans l’esprit du pauvre garçon malmené : pouvait-elle vraiment en faire ce qu’elle voulait ?

« Mais tu peux vraiment en faire ce que tu veux ? Et tu peux manipuler le sang des autres ? »

Trop de questions… il espérait ne pas l’ennuyer ! Ni même la forcer à se répéter… Richie ne voulait pas la faire fuir, car cette Lucy se révélait bien intéressante ! Déjà qu’elle était bien aimable, et très gentille… le rouquin sentit ses joues s’empourprer en y pensant, mais il décida de faire comme si tout allait bien, et qu’un champ de coquelicots ne venait pas du tout de s’implanter au milieu de son visage pâle.

Richie ne put empêcher un certain sentiment de soulagement naissant au fond de lui : en effet, Lucy n’avait pas insisté sur son pouvoir… et c’est exactement ce qu’il voulait ! La situation aurait été plus que gênante si d’autres questions commençaient à montrer le bout de leur nez.