Doudoune. (Pv MA SOEUR) ♥

Toujours planqué derrière mon arbre, je sursaute lorsque le bruit de la porte retentit. A tout les coups c'est un pion qui vient d'entrer, j'suis dans la merde...

 Après le repas au réfectoire - infect comme toujours, soit dit en passant - j'aime bien fumer un peu. En général je fais ça en attendant le bus, mais j'ai mangé tellement vite que j'ai attrapé celui d'avant. Enfin, "manger" est un bien grand mot : j'ai regardé le poisson danser au bout de ma fourchette et j'ai mastiqué du vieux pain pendant cinq minutes avant d'en avoir marre. De toute façon j'aime pas manger.
 Et donc, vu que je suis un sale gosse, j'aime emmerder le monde. Et quoi de mieux pour emmerder le monde que d'aller griller une clope dans une serre ? Rien, moi je vous le dit. En plus il paraît que le Directeur avec un grand "D" y tient, à sa serre toute pourrie. J'ai jamais compris l'extase que les fleurs provoquent chez les gens, by the way. Pourquoi pas se pâmer devant des cailloux ? C'est aussi la nature, les cailloux. Ça sent peut-être pas bon mais au moins c'est tout compact, tu peux le malaxer tranquillement sans risquer de le détruire. Comment ça ce que je dis est stupide ? Comment ça je pose beaucoup de questions rhétoriques ? Bref.
 Le bruit d'une porte qui s'ouvre me sort de mes réflexions stupides sur les cailloux ; je me raidis contre le tronc d'arbre auquel j'étais adossé. Le souffle coupé, j'attend que l'intrus s'en aille pour finir paisiblement ma clope.
 Quelle idée stupide de fumer ici, n'empêche...

Elle perdait foi, chaque jour qui passait. Nan, ce n'était pas un dur retour à la réalité, mais Lucie avait, pensait-elle, simplement misé beaucoup trop d'espoir sur une académie qui se voulait différente. Dans le bon ou le mauvais sens, c'est pas le problème, même dans une académie remplie de fous, tueurs et psychopathes en tout genre, elle y aurait trouvé son compte, un peu d'exotisme aurait suffit pour elle, largement. Elle n'était plus difficile, depuis un moment même, mais la lassitude ne s'était pas en allée avec les caprices. Le hic, c'est qu'ici, les pouvoirs était aussi fréquents que les journées intéressantes, sans doutes parce qu'ils allaient par deux, et autant dire qu'ils n'étaient pas monnaie courante... Même ici. Et elle avait fait ça toute seule, comme une grande, pas la peine de vendre du rêve à une âme triste ; elle ira fantasmer toute seule.

Les utopiques auraient rétorqué à la jeune femme que la présence de son frère valait bien de passer quelques journée à s'ennuyer ; vraiment ? Lucie était une fille intelligente, pour ne pas dire brillante, que reste-t-il à découvrir d'un être qu'on a connu plus de dix-sept années ? Les discussions étaient intéressantes autant que le temps passait vite avec ce petit frère, mais la vie ne peut pas se limiter à ça, et quand bien même, la surveillante ne tarderait pas à s'en lasser, elle n'était pas difficile... Mais lasse.

Jour après jour, ce sentiment qu'elle avait arrêté de fabriquer des souvenirs se renforçait, cette idée de recommencer toujours la même chose, encore et encore, des semaines, des mois, voire des années. Quoique non, pas des années, puisqu'elle n'était pas là depuis un an... ça ne l'empêchait pas de penser partir, bien sûr.

"Parcourir le monde et voir ce que la vie propose, vivre au grand air et marcher dans les champs de roses..."

Elle serait bien sortie, oui, prendre l'air un peu peut-être, ou simplement être tranquille, pas forcément sortir. La surveillante réfléchit, calmement, et en passant en revue les lieux de l'académie, elle se posa une question tout simplement stupide, mais pourquoi pas intéressante ? "Qu'est-ce qui peut amener quelqu'un à aller à la serre ?" Et puis, c'était dans tous les cas gagnant pour elle, soit elle avait la tranquillité qu'elle avait voulue, soit elle satisferait sa curiosité... Et forcément, la serre était de l'autre côté de l'académie, elle venait de marcher dix minutes pour s'en éloigner... Putain, la prise de tête que c'est, simplement de vouloir être tranquille, le midi, alors même qu'on pourrait espérer que les "autres" vont manger...

"À se changer en roi, à hurler à la lune..."

Seul le claquement de la porte accompagnait la surveillante... sauf pour elle, avec ses écouteurs, bien sûr. Elle ne put s'empêcher de sourire quand elle se rendit compte que sa voix était redevenue celle qu'elle aimait... ou plutôt, celle qu'elle attendait. Elle soupirait quand même en remarquant quelqu'un... Il essayait de se cacher ? C'était raté.

"Hé, pourquoi tu t'caches ?"

La jeune femme ne put s'empêcher de sourire en reconnaissant son frère, et elle ne put s'empêcher de soupirer quand elle remarqua qu'il fumait. Dans l'ordre, elle préféra lui saute dessus pour lui offrir de l'affection entre ses bras... Enfin, "son" bras.

"Mais c'est mon petit frèèèèèèèèèèèèèèèèèère !!"

Puis elle le lâcha en prenant sa cigarette et en se permettant de la continuer.

"Arrête ça, soit un peu intelligent, ne fais pas comme moi."

Elle sortit une sucette de son sac en la tendant un son frère, ne pouvant s'empêcher de sourire.

"C'est moins mauvais."

Elle s'efforçait de sourire malgré le début des désagréments suite à un contact avec ce petit être humain.. C'était bien pénible, mais on lisait sur son bras, qui brillait d'un rouge vif, qu'elle était aussi calme qu'elle semblait le paraître quand elle tirait sur sa cigarette.

« Hé, pourquoi tu t'caches ? »

 Oh, cette voix… Lucie ?

« Mais c'est mon petit frèèèèèèèèèèèèèèèèèère !! »

 Elle court vers moi et me saute dessus pour me prendre dans ses bras, la sauvage. Mais je ris, soulagé que ce soit elle… Et puis sa présence n’est pas si désagréable. Je m’inquiète juste pour sa peau, du coup.

« Arrête ça, soit un peu intelligent, ne fais pas comme moi. »

 Puis elle me pique la cigarette pour en tirer quelques bouffées. Je lui aurais bien repris des mains mais je sais qu’il faut pas déconner avec elle, en plus elle est pionne. Avec un sourire taquin, elle plonge la main dans son sac pour en sortir une sucette Chupa Chups.

« C'est moins mauvais. »

 Je saisis la gourmandise d’un geste nonchalant ; mets dans ma poche avant de rétorquer :

« Pour qui me prend-tu ? Je mange pas de ce genre de choses, moi. Et puis sache que je ne fume pas pour te ressembler, chère sœur. Je fume parce que c’est apaisant. »

 En vrai, j’aime bien les Chupa Chups. En plus celle-là est à la pomme, mes préférées… Mais si j’ose y toucher devant Lucie, c’est la fin de ma dignité. Je la mangerai plus tard. Terré dans mon dortoir. Avec les fenêtres et les volets fermés. Juste au cas où !
 Je contemple mon paquet de clopes vide, désemparé. Bon, ben pas de cigarette habituelle du midi, aujourd’hui. Ca m’fait chier quand même.

« Si j’te file dix balles, tu vas m’en acheter un autre pendant les cours ? Tu me rend la monnaie ce soir, bien entendu. »

« Pour qui me prend-tu ? Je mange pas de ce genre de choses, moi. Et puis sache que je ne fume pas pour te ressembler, chère sœur. Je fume parce que c’est apaisant. »

Lucie souria brièvement, mais perdit rapidement cet éclat de bien-être suite aux paroles de son frère. Elle aussi avait commencé comme ça "juste des clopes" et ça avait dégénéré. Elle aurait détesté qu'on lui fasse la morale, elle aurait trouvé ça pénible, ou hypocrite venant d'un fumeur, mais pour elle, il n'était pas hypocrisie à prendre soin d'une personne qu'on aime. Elle aurait aimé se servir d'un de ses bras pour remonter sa manche, mais elle ne pouvait pas. Elle réfléchi, et se dit qu'il n'était de toutes façons pas nécessaire de lui montrer quoi que ce soit. Son frère rangeait la sucette dans son sac en lui disant qu'il ne la mangerai pas ; quand leur relation était-elle devenue ce qu'elle était ? Quand leur complicité avait-elle été amputée au point de ne plus manger une friandise l'un devant l'autre ? Mademoiselle Tardi n'avait jamais grandi, mais le temps des enfantillages devant les apparences était-il si loin ? Peut-être devrait-elle se raviser, son frère n'était plus un enfant, c'était même peut-être à elle d'imiter sa maturité.

« Si j’te file dix balles, tu vas m’en acheter un autre pendant les cours ? Tu me rend la monnaie ce soir, bien entendu. »

Ne pas lui faire la morale ? C'était acceptable, l'encourager à faire ce qu'elle avait fait par contre, la dérangeait beaucoup plus. Suivant d'autres "principes" elle n'aurait même pas dû l'empêcher d'essayer des drogues moins légales. La jeune femme écrasa la cigarette par terre.

"Tire ma manche si tu veux voir à quel point je suis apaisée. Je ne t'encouragerai pas à faire ce que quelqu'un aurait dû m'empêcher de faire. Donc pour ton paquet tu pourras aller te faire foutre, de toutes façons tu vas bien sécher quelques heures pour aller l'acheter toi même, non ?"

En général, Lucie évitait les répétitions, que ce soit à l'écrit ou à l'oral, mais sa grossièreté n'était pas nouvelle, pourtant, quelque chose la gênait. Cette manière de s'exprimer, elle avait l'impression de rabâcher à son frère tout ce qu'un parents lui aurait reproché, et elle ne voulait pas que leur relation partent dans ce sens. Malgré son ton calme, elle était sûre que son frère aurait cet arrière goût de jugement. Peut-être était-elle trop ennuyée à l'idée, non pas d'avoir perdu son petit frère qu'elle aimait tant, mais d'être confronté à la réalité qu'il avait grandi. Ou peut-être, à mauvaise journée, mauvais caractère. Ceci étant, son bras rouge vif signifiait bien qu'elle n'était en aucun cas en colère, et elle pensait que, sans doute, son frère avait appris à comprendre ça, au fil des années. Et les démangeaisons, qu'elle connaissait depuis des années, elles, étaient toujours aussi désagréables.