C'est dans la nuit du 31 octobre 2001 que j'ai poussé mon premier cri. Je suis née en Illinois, aux Etats-unis avec pour géniteurs des parents aimants. Le seul hic est que ma famille est assez portée vers le catholicisme et que je n'ai pas hérité de ce que mes parents avaient l'habitude d'appeler "le don de la foi". Cela n'a pas gâché ma vie hein, loin de là mais, disons que cela a causé pas mal de différends avec ma mère.

Petite, j'avais une santé fragile due à de trop faibles défenses immunitaires. Ce n'est que plus tard que j'ai appris que c'était à cause de mon pouvoir, à cause de Nattö. De plus ma mère était ce qu'on appelle une maman poule, donc obligation de porter un masque en papier toute la journée et tout ce genre d'âneries. Après quatre ans d'existence, je n'avais jamais mis ne serait-ce que le bout du nez dehors. De ma fenêtre j'avais vue sur la chambre du fils de mes voisins qui devait avoir mon âge, j'aimais observer le monde par cette paroi de verre.

Puis un jour alors que mon professeur particulier venait de quitter ma maison, mon regard croisa celui du jeune garçon. A l'époque j'étais complètement différente d'aujourd'hui et j'étais une véritable trouillarde alors comme une peureuse je m'étais cachée au sol, honteuse. Il s'était contenté d'attendre et de me sourire et de me saluer lorsque j'avais osé relever la tête... et de la rebaisser aussitôt. J'avais un peu attendu avant de me relever pour voir qu'il n'avait pas bougé. J'avais donc pris me courage à deux mains et lui avait répondu, oui j'étais une vraie trouillarde/ timide à l'époque. Le lendemain il était là et le surlendemain aussi. Au fur et à mesure j'étais de moins en moins effrayée et le contact se faisait petit à petit. Comme je ne pouvais sortir, il m'apprit des signes qui correspondaient à chacune des lettres de l'alphabet. La scène était comique, lui qui me montrait sur une petite ardoise la lettre à laquelle correspondait un signe, dessinée en grand et moi qui tentais en vain de retenir tous ces signes complexes. Les débuts furent... difficiles. J'avais du mal à comprendre ce qu'il me disait et à moi même m'exprimer dans cette langue qui m'était nouvelle. Au bout de quelques jours, nous parlions ensemble en épelant nos mots. On faisait connaissance et j'appris de nombreuses choses sur lui: il s'appelait Tom, avait comme moi 5 ans et il était sourd tout comme ses parents, c'est pour cela qu'il connaissait tous ces signes.

Mes parents n’affectionnaient pas la ville c'est pourquoi nous vivions dans ce qu'on peut appeler littéralement "le trou du cul de l'Illinois" ou en banlieue très reculée. Tom m'avait parlé de la plaine qui se trouvait derrière nos maisons et m'avait aussi proposé de le rencontrer. Je savais que la salle de bain avait une fenêtre qui donnait sur cette plaine ainsi qu'un arbre. Nous avions six ans cela faisait un an que nous avions cette relation à distance et aujourd'hui était le jour où j'allais rencontrer le seul vrai ami que j'avais eu en six ans d'existence. Excitée comme une puce j'avais attendu avec impatience que sonne la vieille horloge du salon pour annoncer les quatre heures. Puis, vint le moment tant attendu. Le lourd bruit de l'horloge sembla résonner dans toute la maison. A pas feutrés, je m'étais glissée dans la salle de bain et j'avais lentement ouvert la fenêtre. Je n'avais pas le droit d'aller dans cette salle de bain d'habitude parce que les fenêtres n'étaient pas bloquées. L'air frais vint alors caresser mon visage, un petit vent, une sensation nouvelle. Puis, de nouvelles odeurs, l'humidité de l'herbe, les arbres, la nature quoi. Ni une ni deux, je passais une jambe après l'autre par-dessus le cadre de la fenêtre et mes pieds se posèrent sur une branche du végétal. Un pied après l'autre, j'avançais prudemment vers le tronc de l'arbre. Alors que je n'avais jamais fait ça de ma vie, je me découvris une certaine facilité à me balader dans cet arbre. Afin d'éviter de tomber je mis mes mains sur le tronc lorsque des petits picotements se firent ressentir dans ma main droite. Je regardais alors celle ci et découvrit une fine ligne d'où perlaient de petites gouttes rouges pourpres. Je ne pouvais m'empêcher de sourire, non pas parce que j'aimais avoir mal hein je n'ai jamais été dans ce genre de délires mais parce que j'avais toujours vécu dans une bulle comme si j'étais handicapée, et à ce moment j'avais l'impression d'être normale. Je repris mes esprits et descendis jusqu'au sol. Maman m'aurait tuée si elle m'avait vue dans cet arbre, elle avait heureusement un sommeil lourd et elle devait faire "sa sieste du dimanche". Mes pieds touchèrent l'herbe et je m'empressais d'enjamber la petite barrière de bois blanc. Tom était là et il me regardait, amusé. Je n'avais pu m'empêcher de détourner mes yeux. Je me souviendrai toujours de cette après midi qui m'avait parue féerique. Tous les jours nous nous retrouvions les après midis. Quand j'y repense j'avais eu une sacré chance que ma mère ne m'ait jamais chopée, si ça se trouve elle m'avait déjà vue mais n'avait rien dit. Tom m'apprenait de nouveaux signes et me faisait découvrir le monde extérieur que j'avais pris l'habitude de le nommer comme étant son monde. A présent je parle couramment l'ASL (American Sign Language) et ça c'est à Tom que je le dois. Sauf que comme beaucoup le disent, toutes les bonnes choses ont une fin.

J'avais huit ans ce jour là et je remontais de mon escapade lorsque je vis ma mère dans la salle de bain. Je reculais alors instinctivement de peur de me faire attraper sauf que mon pied glissa et je tombai. Ça allait être douloureux, très voire fatal pour mon frêle corps. Une chute de plusieurs mètre ça pardonne rarement. Je ne sais pas pourquoi j'avais fermé les yeux, peut être la peur de regarder la fatalité dans les yeux. Une forte douleur se fit ressentir dans mes omoplates m'arrachant un petit gémissement de douleur. J'aurai sûrement pensé que j'avais touché le sol sauf qu'il manquait un... choc ?


Effrayée par cette voix qui ressemblait à celle d'une gamine mais.... modifiée.... J'obéissais et ouvrit mes yeux. La première chose que je vis fut mes pieds flottant dans les airs à un mètre du sol. Derrière moi, étaient déployées deux grandes ailes sombres.

Malgré la voix désagréable qui résonnait dans ma tête j'étais fière de moi. Fière d'être quelqu'un. J'étais digne de mes parents qui avaient tout réussi, sauf moi, je veux dire j'étais un peu le boulet de la famille, le poids. Et là je me sentais différente, digne d'être la fille de mes parents. Je me dirigeais vers la branche et je n'avais pas trop de mal à contrôler ces nouvelles parties de mon corps. Je rentrais dans la salle de bain que ma mère avait quitté avant de courir dans toute la maison en hurlant "Maman! Maman!". Je continuais gaiement ma recherche lorsque j'entendis un bruit de débris de vaisselle.

Rares sont ceux qui savent ce qui s'est passé et je préfère éviter de revenir sur tout ce que j'ai vécu par la suite. Tout ce qu'il y a à savoir c'est que dans les jours qui ont suivi je me suis retrouvée dans un avion direction la France. Pendant deux années trop longues j'ai vécu dans un vieux couvent en France, obligé de vivre des cérémonies horribles et ennuyantes. C'est pendant ces deux années que mon caractère a changé et que j'ai appris le français. Deux années où j'ai appris à maîtriser et connaître Nattö en secret dans la douleur. Puis, après deux ans de profil bas j'ai pu revenir chez mes parents qui m'ont retrouvée changée. C'est pour cela que j'ai été envoyée chez mon oncle qui a l'époque dirigeait un petit terrain de paintball. C'est comme ça que j'ai découvert le paintball. Mon oncle n'avait pas peur de moi et il m'aidait à maîtriser Nattö dans l'espoir d'un jour pouvoir faire sa connaissance, chose qui n'arriva jamais.

Ma vie après ces deux ans de douleur et de vie cachée avait pris un rythme différent. Mon oncle était plus "cool": depuis que j'avais découvert ma "faculté" mes soucis de santé avaient comme disparu et Nattö m'avait parlé d'une surcharge de l'énergie des péchés. J'allais dans une école publique classique. Ma vie était rythmée par les entrainements réguliers au paintball et au tir, par les conversations vidéos avec Tom ben oui c'est un peu compliqué de faire des appels audio avec lui , les cours, les rares appels de mes parents qui ne me reconnaissant plus m'avaient envoyé chez mon oncle mais je pense qu'ils croyaient encore que j'étais "étrange" pour ne pas parler de ce qui s'est passé dans la cuisine plusieurs années auparavant. Les années ont passé dans la paix et la sérénité jusqu'au jour de mes 16 ans, mes parents sont venus et ont pris mon oncle à part. Le soir même j'étais contre mon gré dans un avion de retour pour la France, sauf que cette fois ci je n'allais pas me laisser faire.  A nouveau dans un couvent austère et sombre je décidais de tout faire pour me faire renvoyer et pour moi cela n'allait pas être dur. Pendant 3 mois ma vie s'est résumée à escapades nocturnes pour m’entraîner hors du couvent, irrespect, conneries, limite vandalisme. Au bout de trois mois on m'a enfin fichue dehors. Le soir même j'étais dans un avion direction l'Illinois, chez mon oncle. Je ne sais même pas si mes parents ont été au courant. Bien entendu je me suis faite bien défoncée mais mon oncle était trahi par ses yeux remplis de joie.

Ma vie reprenait peu à peu son cours normal lorsqu'une lettre m'étant destiné arriva. Une certaine académie Tsuki, pour des gens comme moi. Sauf que je n'en avais que faire, j'étais bien avec mes amis, mes marques mes compétitions, tout. Mon oncle disait que c'était une opportunité à saisir, que je ne devais pas le laisser passer. Je ne voulais pas partir. Je me suis à de nombreuses reprises disputée avec mon oncle refusant d'aller dans cette "académie". J'étais bien, j'avais des projets et cette foutue lettre allait tout foutre en l'air. Larmes et cri ont ensuite résumé mon quotidien et c'est sous la menace que j'ai enfin accepté de partir pour cette "école" à la con. Oui je ne mâche pas mes mots. A présent je suis dans l'avion direction un trou paumé en Angleterre et j'avoue que même si je ne suis pas ravie d'être ici, je ressens quand même une légère excitation face à l'idée de cette future vie nouvelle.