Thé au citron [Pv Tori]

Quand la vie vous donne des citrons, ajoutez son jus à votre thé. C'est ce que Patrick MacKenzie, le grand-père de William du côté de sa mère, avait toujours. Le jeune écossais pensait plutôt que le citron avait sa place au côté d'un fish'n'chips, mais  en ce jour fatidique, le fruitier du coin avait raté sa commande de citron et en avait distribué des caisses pleines à tous les commerçants du coin. Au final, le petit salon de thé où le rouquin travaillait se retrouvait avec une quantité effroyable d'agrumes et il y avait une limite à la quantité de carrés au citron qu'ils pouvaient faire. Ainsi donc, le dictons du vieux farceur était venu à la rescousse et chaque théière était servie avec un quartier de citron en accompagnement. Quand même, la journée s'annonçait longue et il n'était que 9h11, ce qui laissait encore 589 minutes avant la fin du quart de travaille du jeune homme.

Il bâilla un bon coup en essuie son comptoir pour la énième fois. Si au moins il avait pu mettre la musique de son choix pour l'ambiance, il aurait pu s'y perdre. Tristement, la propriétaire, bien que britannique elle-même, insistait le plus possible pour faire jouer des classiques de la Suisse, donc de l'allemand et du français, que William peinait à apprécier vu la barrière linguistique.

C'est alors qu'il était sur le point de s'endormir, un fin filait de salive au coin des lèvres, que la clochette de la porte retenti. Il se redressa et essuya sa bavure de son chiffon avant d'afficher son plus beau sourire. Il compta rapidement le nombre de têtes qui entraient, attrape un nombre égal de cartes, puis se dirigea vers une table où il accueillit poliment les clients. Il leur énonça le spécial citron et leur laissa le temps de faire un choix avant de faire son boulot. Une fois cette table servie, il se retrouvait à nouveau seul avec lui-même. Certes à l'affût de la moindre demande, mais tout de même las.

Éventuellement, le cri de la sonnette annonça l'arrivée d'une autre cliente parmi tant d'autre et pourtant bien différente. Celle-ci ne serait pas qu'une silhouette sans nom, sans visage et sans personnalité. Meta, vous me direz, mais j'ai le droit, je suis le narrateur. Maintenant silence et lisez plutôt la suite alors que le borgne attrape un menu et va se poster à côté d'une table tranquille pour y accueillir la nouvelle venue.

"Bienvenue, dit-il avec un sourire invitant en offrant place et menu à la jeune femme. Nous avons un spécial citron aujourd'hui : pour chaque théière, on vous offre un quartier et la pâtisserie du jour c'est un carré au citron. Je vous laisse un moment pour décider ?

Et voilà que la balle, ou le bal, était lancée. Comme il était coutume dans le quartier, William avait servit la demoiselle en anglais, ce qui avait bien souligné son accent britannique, ascendant écossais. Il faisait de son mieux pour sonner internationale, mais les highlands se font tout de même sentir. Bref, il serait aisé de deviner de quel coin de pays venait notre rouquin.

William prit une note mentale de ce que la demoiselle désirait, notant aussi l'accent américanisé. Apparemment, pas de thé, mais du moins un carré au citron. C'est sûr qu'après Boston, les américains n'ont jamais été très -thé-. Bref, elle désirait tout de même boire quelque chose, à savoir de la limonade. Comme l'endroit était principalement là pour offrir des breuvages, ça ne lui avait même pas traversé l'esprit d'en faire, à lui ou à Madame White. Peut-être qu'il pourrait s'en tirer en fait. De la limonade, c'est du jus de citron, de l'eau et un peu de sucre, non? Tous les ingrédients étaient disponibles. Il fit le calcule rapidement dans sa tête et opina du chef à l'intention de la blonde.

"Donc un carré au citron, puis pour la limonade.. alors, on en a pas spécialement, mais on a tout ce qui faut pour en faire. Ça ne devrait prendre que quelques minutes; je vous l'emmène en même temps que le carré?"

Sur réception de la réponse positive, le jeune homme reprit le menu des mains de la cliente et quitta promptement pour se mettre à l'oeuvre. Confiant en ses capacités de maître brasseur, il ne prit même pas la peine de vérifier une recette de limonade. Il n'y avait, selon lui, rien de sorcier à mélanger du jus de citron dans de l'eau avec un peu de sucre. Il se mis donc à l'oeuvre avec comme contenant maître une grosse théière qu'il rempli au quatre cinquième environ. Il s'afféra ensuite à presser du citron jusqu'à remplir son contenant et fini avec le sucre, qu'il mit de manière parcimonieuse.

Bien confiant du résultat, mais sans pour autant l'avoir goûté, il servit une part de carré au citron sur une assiette, puis amena le tout jusqu'à la table de la jeune femme. Alors, MacKenzie n'a pas pris le temps de vérifier une recette de limonade, mais moi, oui. Et dois-je vous dire, il n'a mis ni assez d'eau, ni assez de sucre... Surprise !

Fidèle à son poste, William s'empressa d'accueillir les prochains clients et de les servir. Il fit un tour du salon après être repassé au comptoir pour déposé ce qui lui gênait les mains et en profita pour demander à ses premiers clients si tout était beau. Ceux-ci acquiescèrent. Ce qui lui permit, bien rapidement, de retourner voir la jeune femme à la chevelure de miel. Elle avait très visiblement adoré le carré au citron, si bien qu'il n'osait pas vérifier s'il en restait ou pas. La limonade, elle, ne semblait pas avoir eu autant de succès. Non-inquiet, certaines personnes ne boivent qu'après avoir fini de manger, il se présenta dans le champs de vision de la blonde.

"Alors, tout est à votre goût, la limonade n'est pas trop sucrée? demanda-t-il avec naïveté."

Il allait écouter la réponse de la jeune femme, alors qu'il entendit ce qu'il rêvait de ne plus jamais, ô grand jamais, entendre.

"FOOD FIGHT !!"

En l'espace d'un instant, les souvenirs revinrent hanté l’œil du highlander. C'était la semaine passée, une semaine comme les autres. C'était un mercredi des plus ordinaires. C'est la journée de travail de William. Il était particulièrement occupé cette fois là, alors que le salon était bondé. Il était bondé de clients étonnamment jeunes. Ils avaient tous commandé des pâtisseries en quantité impressionnante. Tant mieux, se disait l'écossais, tant mieux, qu'il pensait. Malheureusement, tous ces jeunes avec ce petit air malin. Le sourire aux lèvres, ils jetaient tous des regards par dessus leurs épaules ici et là, rigolant à l'occasion. Jusqu'à ce que l'un d'eux se lève et déclare la guerre.

L'instant d'après, le rouquin avait déjà analysé ce qui le séparait du guignole qui venait de déclenché son syndrome de stress post-traumatique.

Au troisième instant, le serveur de thé disparu avec un grand *BUMH* du genre qu'on entend dans les bandes-annonce de film. À cet instant, William MacKenzie était passé de de-là, à de-là. *Le narrateur pointe du côté de Tori, puis de celui du mécréant, près de la porte.* Le saut sonique du jeune doté venait de lui faire traverser le salon au complet et les traits qu'il affichait déclaraient haut et fort qu'il n'entendait pas à rire. Il attrapa dès lors le poignet du gamin qui ne devait pas avoir plus de 15 ans, gamin qu'il reconnaissait fort bien de l'autre jour, et le força à prendre la porte. L'élan donné amena le môme à faire quelques mètre dehors.

"Tu dégage et tu reviens pas, que j'appelle la police !"

"What ze feuck, mec ! C'était qu'une vanne !"

"I'm not f*ck*ng laughing, déclara-t-il alors que son regard aurait pu trancher du diamant."

L'adolescent abandonna bien vite et parti en joggant. Quoi qu'il se permit tout de même une dernière tirade en partant.

"N*qu* ta mère sale doté ! 'spèce de monstre, vas t'faire voir chez les grecques ! À MORT LES P*T**NS DE DOTÉS !!"

Will se contenta de cracher sur le trottoir avant de retourner à l'intérieur. Il ne fit que quelques pas avant que les quelques clients présents ne le contourne malhabilement, serrant leur choses prêt de leur corps. Il soupira, se consolant au moins alors qu'il aperçu de l'argent laissé en panique sur les tables. Il fit un scan rapide du salon pour ne retrouver que cette chère blondine, qui n'avait demandé qu'un limonade et qui avait obtenu du jus de citron dilué à l'eau avec un fantôme de sucre.

Le jeune homme se permit se tirer la chaise en face de la jeune femme et de s'y affaler comme s'il venait de faire un sprint.

"Désolé pour... pour tout, dit-il en levant les mains en défaite. Tout allait avant que je.. ?

Il offrit une courte suspension avant de secouer la tête et de s'accouder sur la table pour se masser les tempes.

Le garçon fut tout de même satisfait que la jeune femme ne soit pas plus embêtée que ça par rapport à la situation. Ça lui faisait encore au moins une cliente malgré tout. Elle l'informa quand même que sa limonade était conplètement ratée.

"Déso-, commençait-il alors qu'elle continuait."

Il se fit une note mentale de vérifier soit une recettte, soit le goût même de sa concoction la prochaine fois. Il écouta ensuite ce que la fille avait à dire. Elle en avait quand même long à dire. Il l'écouta jusqu'au bout, bien qu'elle soit complètement à côté de la plaque. Il ne se sentait pas exclus ou incompris. C'est plutôt lui qui ne comprenait pas trop certaines personnes, mais il ne s'en faisait pas avec ce genre de choses.

"William, mais Will ça va. Quant à tout ce discours... désolé, mais c'est pas moi, ça, dit-il avec un sourire en coin, son oeil bleu-vert témoignant de son honnêteté. En fait, je suis plus exaspéré qu'autre chose, ce n'est pas comme si je leur avait servi du thé qui goûte l'eau sale."

Il renifla un petit coup et se réajusta sur sa chaise. Il s'accouda sur la table, les mains jointes et pris un faux airs sérieux en fixant bien Tori dans les yeux.

"Alors... LGBTQ, ou dotée ?"

Ne me regardez pas comme ça, elle fait clairement partie d'un groupe d'incompris quelconque, et le highlander avait décider de détendre l'atmosphère un petit peu. D'ailleurs, ses lèvres trahissaient déjà ses pensées alors qu'un léger rictus se dessinait sur son visage.

Tori sembla désolée ou gênée par sa réaction qui s'avéra fausse une fois que Will eut corrigé le tir. Heureusement, encore grâce au rouquin, elle fut remise dans ses plats avec la question qui tue. La réponse qu'elle lui offrit, d'ailleurs, lui coupa le souffle sur le coup. Il ne lui était pas venu à l'esprit de douter d'elle, après tout il ne la connaissait pas encore vraiment. Il n'osait donc pas prendre ce qu'elle disait pour une blague ou du sarcasme. Il se voyait déjà être sermonné à propos du disque cosmique et de toutes les conneries que ça impliquait. Par chance, la jeune femme rectifia bien vite l'information avec la vérité. Deux fois plutôt qu'un, en plus, alors qu'elle spécifiait qu'elle ne croyait pas en la Terre-Plate. En voilà une bonne chose. Quant à l'identité réelle, c'était une dotée. Will s'en doutait, sauf que la possibilité LGBTQ en cet âge était très réelle aussi, ne sait-on jamais.

"Aah? répondit-il au presque-compliment. Mmh, oui, j'imagine. Enfin, c'est surtout impressionnant quand ça t'arrive pour la premier fois, alors que t'as pas encore un seul poil au menton. Sinon, maintenant que ta vu le mien, c'est pas un peu injuste? Quoi que, vu les lois qui régissent la ville, nay, le monde, ce serait un peu déplacé de ma part de te demander de me montrer, dit-il en laissant une courte suspension à la fin, avant un laisse s'échapper une quinte de rire."

Le highlander jeta un coup d’œil du côté de la porte. Personne ne semblait vouloir apparaître pour demander du thé ou du citron, et encore moins du thé au citron. Il retourna donc son regard de cyclope sur la blonde, considérant que la balle conversationnelle était dans son camp.