Rien ne va plus... (PV Tori)

Un matin normal. Un petit déjeuner normal, une avant-midi normale, des cours normaux. En fait, normal remplaçait juste tout ce que Marco avait oublié de sa journée. Il ne savait plus qu'est-ce qu'il avait mangé, à qui il avait parlé ou quel prof il avait bien put écouté cette journée là. Sa tête était un vide. Le monde lui-même semblait s'être arrêté de tourner, comme s'il s'était cruellement mit en pause, mais juste pour lui. Non, les autres eux, ils s'occupaient de leurs affaires, ils avançaient dans leur vie... Tandis que lui restait bloqué à la même case. Comme s'il était incapable de faire autre chose que lire et relire une centaine de fois le même texto. Il était peut-être mort en fait. En train de vivre son enfer personnel en boucle...

Il n'arrivait pas à décrocher ses yeux de l'écran. Les lettres noires sur blanc semblaient s'imprimer dans ses yeux et son cerveau.

''Ta mère s'est suicidée.''

Suicidée...

Suicidée.

Suici...

S....

- Aah... AAAAAAAAAARGHH!!!!!!!

Puis, le monde s'en allait en accélérer. Comme si les autres étaient juste en train de passer autour de lui en avance rapide alors qu'il jetait violemment son cellulaire contre le mur du salon commun des émeraudes, éclatant à l'impact. Puis ce fut au tour de la table qu'il avait changé en or à sa première journée. Il perdait le contrôle, tout le monde le regardait... Mais lui ne les voyait pas à cause de ses yeux embrouillés.

Plus rien n'atteignait le jeune homme alors qu'il se déchaînait sur la table en or qui fut dans un tel état que les pattes en étaient courbées à force d'être entrée en contact avec le sol.

- Marco ?... Qu'est-ce qu'il... se passe ?... Qu'est-ce... qui ne va pas ?

Il cligna des yeux, les larmes lui coulant sur les joues alors qu'il revenait sur terre et constata que d'abord, Tori lui avait parlé et qu'ensuite... Tout le dortoir le regardait.

- Je... J'ai...

Il recula, heurtant le divan et le transformant par la même occasion.

Ah non pas maintenant! Ce n'était pas le moment de perdre le contrôle!

Alors que les élèves s'étaient ammassés en tampon devant la sortie, il ne lui restait que comme issue de secours, les escaliers menant aux chambres.

- Pardon, je suis désolé!

Bousculant sans le vouloir quelques élèves, il sortit du salon commun, se dirigeant vers sa chambre, priant pour que personne ne le rattrape. Il était rouge de honte, son coeur battait à tout rompre... Il n'oserait plus jamais se montrer face à eux!

Marco aurait bien voulu barricader les portes, qu'on le laisse tranquille! Mais si Allan revenait dans la chambre, il avait juste à s'arrêter de danser pour faire voler la porte alors ça aurait été bien futile de sa part. À la place, Marco s'était assis entre son lit et celui de son voisin, dos à la porte. Il s'était recroquevillé, tenant ses genoux pour calmer sa respiration et tenter de ne pas transformer son pantalon.

Il venait à peine d'apprendre à maîtriser son pouvoir... Et monsieur Loys n'était plus là pour le guider désormais. Une autre personne qui l'avait abandonné. À cette pensée, Marco baissa la tête, laissant échapper un sanglôt. Quelqu'un entra dans la chambre. Allan? Un autre colocataire?

- Marco, je veux savoir ce qu'il se passe.

Le jeune homme sursauta en entendant la voix de Tori. Mais... Elle n'avait pas d'affaire là! Cependant, il ne trouvait pas la force de lui dire de sortir. Elle s'approcha de lui en prenant un ton beaucoup moins brusque.

- Qu'est-ce qui a bien pu te mettre dans un état pareil ? Tu peux bien me le dire, non ?

Marco se mordit la lèvre inférieure. Il ne voulait pas parler... Il voulait rester seul! ...Non, c'était un mensonge. Parler était probablement ce dont il avait le plus besoin. Il se sentait tellement pathétique...

- ...Ma mère est morte.

Tori semblait sous le choc et bien entendu les paroles qui vinrent étaient sorties toutes seules.

- Quoi ?! Comment ça ? Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

- Je n'ai pas besoin de pitié ou de curiosité!

Il y eu quelques secondes de silence où Marco réalisa ce qu'il venait de dire. Et à Tori en plus! Pourquoi avait-il fait ça?! Elle n'avait pas à payer pour ce qui s'était passé! Ni les autres étudiants d'ailleurs. Marco avait vraiment envie d'aller s'enterrer vivant...

- Désolée, ce n'est pas respectueux de poser ce genre de question. Tu n'es pas forcé d'y répondre, mais s'il te plaît, fais au moins l'effort de te redresser et de t'assoir. Tu te sentiras mieux qu'en restant recroquevillé comme ça. Ensuite, si tu veux parler ou encore si tu ne veux rien dire, je suis là. Allez, je sais que tu peux le faire.

La jeune fille avait posé sa main sur son épaule pour le réconforter un minimum. Marco s'était tendu par réflexe avant de poser sa main sur celle de son amie.

- C'est moi qui suis désolé... Tu ne méritais pas que je te dise ça. Pardon...

Lâchant la main de Tori, Marco se releva pour s'asseoir sur le lit, toujours les yeux innondés de larme alors qu'il avait la tête baissée honteusement. Il n'osait pas regarder son amie, mais la moindre des choses était qu'il lui parle.

- Je ne sais pas les détails... Mon père m'a dit que ma mère s'est suicidée.

Les mots faisaient toujours aussi mal une fois dehors, mais Marco continua, tremblant de rage.

- Il me l'a annoncé par texto! Pas d'explications, pas de raisons... Rien!

Il était en colère bien sûr. Contre son père, qui aurait dut empêcher cela. N'était-ce pas son rôle de veiller sur son épouse!? Et pour lui avoir annoncé la nouvelle aussi froidement. Avait-il si peu de considération pour lui?! À cet instant précis, son père était aussi mort pour lui.

Marco se sentit soulagé lorsque Tori lui répondit qu'elle ne lui en voulait pas. Il ne savait pas ce qu'il aurait fait s'il venait à la perdre elle aussi... C'est fou à quel point on réalise ce qu'on a que lorsqu'on le perds, n'est-ce pas? Il se moucha avant d'envoyer valser le mouchoir souillé dans la poubelle entre les deux lits avant d'essuyer ses yeux avec le coin de sa manche. Sans grand succès puisque les larmes ne cessaient de couler. Son amie l'écouta, attentive et empathique à sa situation, lâchant même un commentaire cinglant par rapport à son père.

- Eh ben, on peut dire qu'il mérite l'Oscar de la meilleure annonce solennelle de l'année !

Marco acquiesça, toujours la mine aussi sombre... Il écarquilla cependant les yeux lorsque Tori le serra dans ses bras. Son coeur avait même sauté un battement. Sur le coup, il ne savait pas quoi faire ou dire, encore trop peu habitué aux contacts physique. Toutefois, il ne tarda pas à s'abandonner contre elle, laissant aller ses émotions en rendant plus ou moins maladroitement le câlin. Cette chaleur... Ce réconfort... Il attendait cela depuis si longtemps et plus jamais ses parents n'allaient pouvoir lui apporter cela. Cela lui brisa encore plus le coeur... Il avait l'impression que toutes ses espérances avaient été réduites à néant. Marco voulait tellement être aimé... De ses parents, de Lizbeth... Et il n'avait désormais ni l'un ni l'autre.

Sauf que Tori lui donnait ce réconfort. Elle lui donnait cette chaleur... C'était en fait très troublant, mais en ce moment Marco ne voulait pas se poser de question. Il acceptait ce qu'on lui donnait à cet instant précis.

- Mon pauvre, je ne sais pas quoi te dire qui pourrait t'aider et pourtant, ce n'est pas comme si je n'étais pas passée par-là...

Sur le coup, Marco ne répondit pas, mais il resserra malgré lui son étreinte sur elle, comme si elle avait peur que son amie disparaisse.

- ...Dis moi seulement que tu ne m'abandonnera pas. Mes parents sont tous les deux morts pour moi... Monsieur Loys est parti... Et...

Non, il ne voulait pas parler de Lizbeth. Elle était toujours là, mais ne partageait pas ses sentiments, c'était tout.

- Et je ne veux plus perdre quelqu'un d'autre. Dit moi Tori... Pourquoi maman a fait ça? J'ai failli moi-même faire cette erreur... J'ai voulu mourir quand je subissais ce que ces Rubis m'ont fait. Mais j'ai tenu le coup, grâce à mes amis... Pourquoi ma mère, qui est sensé être plus forte, est-elle morte!?... Je comptais si peu pour elle?!

Comme si un barrage s'était détruit, Marco avait laissé sortir ces paroles qui pesaient tant sur son coeur.

Il y eut encore un moment de silence comme si Tori cherchait les mots justes... Mais Marco s'en fichait un peu rendu là. Du moment qu'elle ne lâchait pas. Il voulait en profiter... Comme s'il n'allait plus jamais ressentir d'étreinte, comme si c'était la dernière fois qu'il la reverrait elle aussi.

- Ce n'est pas une question d'amour. Je suis certaine qu'elle t'aimait énormément et que tu étais l'une des choses les plus précieuses de l'univers à ses yeux, seulement parfois les sentiments ne sont pas suffisants pour faire rester quelqu'un. Même la personne la plus forte du monde cache des faiblesses et il suffit que tout espoir semble perdu pour que certains n'aient plus la force de regarder au-delà du désespoir pour voir ce qu'il leur reste de positif. Ta mère a peut-être combattu quelque chose pendant plusieurs années et elle n'a plus eu la force de lutter et de penser à ceux qu'elle laisserait derrière elle.

Le problème c'est que Marco n'allait jamais avoir de vraie réponse. Il pouvait s'accrocher aux paroles de Tori pour se rassurer, mais serait-ce la vérité? Serait-ce se voiler la face que de prendre son amie aux mots pour ne pas souffrir? Il n'allait jamais avoir la réponse de sa mère. ...Probablement jamais de son père. Cela tourmentait Marco bien sûr, mais il acquiesça lentement, comme pour rassurer Tori.

- Tu as sans doute raison..., souffla-t-il.

- Je fais rarement des promesses. Lorsque je ne suis pas sûre d'être en mesure de les respecter je préfère m'abstenir, car pour moi c'est une chose sacrée... Aujourd'hui, je te fais la promesse que je ne t'abandonnerai pas.

Marco ferma les yeux, ses dernières larmes coulant de ses yeux devenant secs.

- Merci Tori... Merci..., répéta-t-il avant de tranquillement tourner le visage vers elle.

C'était étrange... Il ne l'avait jamais vu d'aussi près avant. Leurs visages se touchaient presques. Non, mais à quoi il pensait!? Il fit un geste comme pour mettre fin au câlin, prétextant se prendre un mouchoir pour essuyer ses yeux et ses lunettes. Était-il dans un état si fragile que ça? Après avoir jeté le mouchoir, Marco n'osa pas se tourner vers Tori, craignant d'avoir le visage rouge et pas seulement à cause de ses pleurs.

- Je te remercie Tori... Pour tout... Écoute, j'ai besoin d'être seul. Et tu es dans la chambre des garçons, ajouta-t-il.

Bon, c'était peut-être direct, mais pour le moment, il était vrai qu'il voulait surtout dormir. Sa colère et sa peine l'avait draîné et il avait l'impression qu'à la seconde où il aurait la tête sur l'oreiller, qu'il allait plonger dans un sommeil de plomb.