Savez-vous ce que c'est que de baigner dans une mare de sang pendant trente-huit heures, dix-sept minutes et douze secondes ? Moi oui. Personne n'a jamais su ce qu'il était véritablement arrivé à mes parents. Les services sociaux et la police locale m'ont retrouvé assis, prostré, les genoux contre la poitrine et la tête s'appuyant dessus, le regard dans le vide, au milieu du sang froid et séché de mes parents, tous les deux violemment égorgés. J'avais cinq ans. J'ai été placé en orphelinat mais vu mon profil, il était presque admis que je ne trouverais jamais de famille d'accueil. Mes parents étaient des immigrés clandestins. Ils n'avaient pas de papiers et moi non plus. Un nom me fut attribué presque arbitrairement. J'eus le loisir de le modifier en grandissant.
Il n'est pas vraiment étonnant de réaliser que les méandres de l'administration alliées à l'énigme que constituait la mort de mes parents avaient eu raison de l'habituel test de recensement des individus à pouvoirs. Pourtant, le mien se manifesta très vite. Ceci dit, c'était un pouvoir au potentiel intéressant mais à la manifestation très discrète, aussi n'eus-je aucun mal à le cacher.
Brillant dans ma scolarité, je fus sélectionné pour un programme d'aide à l'insertion et parvins jusqu'à des études de médecine. Si le métier de médecin spécialiste ou généraliste ne me disait rien, je fus très vite fasciné par celui de médecin légiste, d'autant plus que c'était une profession à la fois très bien payé et peu demandée. J'étais tout particulièrement intéressé par la proximité qu'il offrait avec les forces de l'ordre, la justice et la politique. Les trois pouvoirs à porté de main.
Non, je ne suis pas un défenseur de la justice et de la sécurité de nos concitoyens, au contraire. J'ai hâte de faire connaissance de la pègre locale...