Lecture en plein air [PV Stef']

Une fois de plus le jeune professeur avait prévu d'utiliser sa journée à déambuler dans l'académie sans but précis. Assez récemment arrivé et n'ayant pas encore eu le temps de tout explorer, il n'avait pas découvert le quart de l'académie. Ce beau matin de printemps là, il avait décidé de s'attaquer au parc et aux jardins intérieurs de l'établissement. Vêtu de son inséparable costume rouge, il sautillait gaiement entre les arbres, observant les petits oiseaux et toutes les créatures et chantonnant. Il n'y avait personne, étonnant pour une si belle journée, alors que le printemps s'installait bien sûrement. "Ils doivent tous être en cours" se disait-il simplement.

Bien sûr, dans son esprit, toute cette verdure ces couleurs et ces sensations nouvelles ne le laissaient pas indifférents. Ce serait non seulement son premier printemps anglais, qui avec un peu de chance changeraient des pluies et des vents d'Irlande, mais notre éternel enfant ne pouvait s'empêcher de s'imaginer des centaines de scénarios dignes des dessins animés les plus extravagants qui accompagneraient la nouvelle saison.

Il regretta un instant de ne pas avoir pris avec lui un ballon pour pouvoir faire quelques dribbles entre les grands troncs qui se dressaient là, puisqu'il n'avait personne avec qui discuter, mais il se consola bien vite en apercevant ce qui lui sembla sur le moment être le saint Graal; un arbre auquel grimper. Il s'en approcha, saisit sans grand difficulté l'une de ses branches, avant de se hisser. Un souvenir lui revint soudain à l'esprit; la chute qu'il avait fait plus jeune, et qui lui avait bien valu des reproches à l'hôpital et de ses parents. Mais il ne s'était pourtant rien fait de grave, et avait juste hérité d'un étrange don dont il n'avait jamais pu expérimenter les effets lui-même. Alors... Comme à un enfant à qui il faut tout répéter trois fois, il répéta son erreur et ne retint pas la leçon.

Se visualisant sans difficulté dans l'une de ces scènes épiques de poursuite en pleine jungle, comme il y en a par centaines dans tout un tas d'animés, il continua de grimper, et de s'avancer sur les branches, et prenant vite confiance, il ne vit pas que la branche sur laquelle il était en train de progresser était bien trop frêle pour supporter son poids d'adulte, et lorsqu'il entendit un craquement et senti une vibration sous ses pieds, il n'eut que le temps de pousser un grand cri avant d'entamer une chute de peut être deux ou trois mètres. Lorsqu'il atterrit enfin au sol, sur le dos par grande chance, il sentit une grande douleur le parcourir, mais il savait parfaitement que c'était plus de peur que de mal. Mais toujours plongé dans son jeu en solo, il décida de faire le mort au cas où les méchants viendraient pour s'en assurer. Il diminua donc au maximum sa respiration, ferma les yeux, et entrouvrit la bouche, laissant sa longue écharpe jaune étalée au sol derrière lui.

Les effets du choc s'atténuaient peu à peu, et le jeune homme restait immobile. Il savait qu'il n'avait rien, mais tenait à garder le jeu en cours aussi longtemps que possible, se fichant bien qu'on puisse trouver tout cela puéril, et de toute façon persuadé d'être seul. Écoutant très attentivement tous les bruits alentours, il se visualisait d'étranges créatures sautant d'arbre en arbre, et l'observant d'un œil mauvais. Il sentit une présence s'approcher, mais toujours plongé dans son film mental, il fit simplement comme si elle en faisait dorénavant parti. Elle s'approchait, elle s'approchait un peu plus... ET LÀ BAM SWITCH DE PERSONNE POUR QU'ON VOIT COMMENT CA SE PASSE DANS LA TÊTE DE L'AUTRE!

J'étais là, allongé sur le sol, incapable du moindre mouvement. Je les sentais m'observer, et bien que je mourrais d'envie d'épuiser mes dernières forces pour me lever et fuir, mon instinct me hurlait de rester immobile. C'est donc ce que je fis. L'un des mutants s'approcha de moi, et prononça quelques paroles incompréhensibles, même pour un professeur de langues aussi brillant que moi, et dont j'étais incapable de déterminer à qui elles s'adressaient. Moi? Ses compagnons? Impossible de le savoir. Mais par prudence, je restais immobile. Après un étrange petit bruit de déglutition, elle finit enfin par adapter son dialecte;

"-Vous… vous allez bien ?"

Était-ce un piège? Notre jeune protagoniste s'imaginait des scénarios impossibles tout en continuant de tenir son rôle de faux mort à la perfection. Il laissa durer la scène encore un instant, peut être une minute ou deux, parfaitement immobile et imperméable à toute solicitation. Seulement, comme un enfant, il s'était déjà lassé de ce jeu qu' était le sien. Il rouvrit donc brutalement les yeux, découvrant ainsi la jeune fille non loin de lui et dégageant ces images de mutants, se redressant en posant à toute vitesse sa main sur son épaule, il cria:

"-C'EST TOI LE CHAT!!!"

Puis se relevant d'un bond il courut une bonne dizaine de mètres plus loin.

À toute vitesse, et avec la même énergie qu'un chiot, Stefan courut entre les arbres pour échapper à celle qu'il avait désigné comme sa poursuivante. Celle ci était restée figée là, visiblement dans l'incompréhension la plus totale. Elle murmura quelque chose qu'il fut incapable d'entendre, mais dont il se fichait un peu. Il attendait simplement qu'elle ne le rejoigne dans son jeu, elle aussi. Ah, enfin! La jeune femme commença à courir derrière lui. Au début, il la laissa s'approcher un peu pour la narguer, puis lorsqu'elle ne fut plus qu'à une demi-dizaine de mètres reprit sa course, un grand sourire aux lèvres. Il ne s'arrêta que lorsqu'il entendit;

"-Vous allez bien ?"

À ce moment, il se figea net et se retourna. Avait-il l'air en mauvaise santé? Avait-il été blessé sans s'en rendre compte? Il ne comprit pas tout de suite d'où ces paroles avaient bien pu surgir. Il regarda la fille avec de grands yeux étonnés, avant de répondre, de sa voix d'adulte comme si de rien était;

"-Vous parlez de moi? Oui, je crois que je vais bien. Enfin... Vous ne connaissez pas le je du chat et de la souris? C'est tout bête pourtant! Et c'est aussi un peu la base! Regardez, j'étais le chat, je vous ai touché, vous êtes devenue le chat et moi la souris, et maintenant c'est à vous de m'attraper! Mais quel rapport avec ma santé?"

En y réfléchissant un peu, l'irlandais remarquait que les règles de ce jeu ne respectaient pas la moindre logique. Pourquoi le chat se transformerait en souris et réciproquement? Heureusement que la nature n'avait pas été faite ainsi, tout aurait vraiment été très confus. Quoique c'aurait pu être drôle, il l'admit intérieurement. Mais du peu de maturité qu'il lui restait, il s'accorda qu'il valait mieux que ce scénario ne reste que dans sa tête, ou un dessin animé à la rigueur.

Le jeune adulte fut presque parcouru d'un frisson lorsqu'il entendit ces mots;

"-Je ne connais pas ce jeu non… J'en suis désolée…"

Était-ce VRAIMENT possible de ne pas connaître ce jeu? Il ne pouvait pas le croire. Même ayant vécu dans un coin totalement perdu de l'Irlande pendant toute sa vie, entouré par les moutons (et les méduses, on le dit pas assez), ce jeu avait construit une immense partie de son enfance.

"-Vous attraper ? Pourquoi devrais-je faire ça ? Je ne comprends pas…"

L'étonnement sur son visage n'avait jamais été aussi présent. Il n'y avait pas besoin de comprendre quoi que ce soit! Il fallait juste s'amuser, courir l'un derrière l'autre comme des enfants tout ce qu'il y a de plus innocent! Et dans le cas de notre pseudo-protagoniste, s'inventer des scènes plus ou moins épiques dignes de dessins animés. Mais là c'est un cas à part. Il aurait bien à nouveau tenté de lui expliquer, mais elle continua sur sa lancée, semblant complètement perdue;

"-Vous êtes tombés, je n'ai pas compris votre réaction tout à l'heure… Je vous pensais blessé… Ce n'est pas le cas ?
Je vous présente toutes mes confuses…"

La syntaxe de cette phrase titilla Stefan. Présenter ses confuses? Il n'arrivait toujours pas à comprendre. Sûrement une erreur due à la confusion justement... Mais il ne fit toujours pas de remarques, attendant que quelque chose se passe. Quoi? Il ne le savait pas. Mais peu importe, que quelque chose advienne pour briser cette gène, ou plutôt cet instant d'inactivité, car il n'étais pas d'humeur à rester en place.

"- Vous êtes sûrs que vous allez bien ?"

Dans un ultime espoir, il répondit, le plus sérieusement du monde, mais toujours les yeux grands ouverts comme si ce qui se passait était totalement incroyable;

"-Mais je vous ai dit que oui! Je ne vois même pas ce qui pourrait ne pas aller, à vrai dire. J'étais poursuivi par les mutants, qui me pourchassaient par les arbres, puis à un moment une branche à cassé, je suis tombé, et pour être sûr qu'ils me laissent tranquille j'ai fait le mort! Et puis vous êtes venue, et comme j'étais lassé, j'ai changé de jeu! Mais vous semblez ne pas connaître celui-ci... C'est bien embêtant. Vous voulez que je vous apprenne à jouer?!?"

Proposa-t-il alors qu'un grand sourire illuminait à nouveau son visage et que ses yeux pétillaient à cette idée.

Tout le long de son pavé, elle posa différentes question, sans comprendre à quoi faisait référence le jeune homme. Seulement, ne s'interrompant pas dans sa lancée, il ne pu pas lui expliquer que les "mutants" étaient tout droit tirés de son imagination. Mais ce qui le décevait le plus fut sûrement la réponse finale à son ultime proposition;

"-Je ne pense pas que ce jeu me plairait…"

Son sourire se transforma alors en une petite moue attristée pendant un instant, alors qu'il réfléchissait à un moyen de tirer la jolie jeune femme dans son jeu. S'amuser seul, ça va pour un temps, mais c'est toujours mieux avec un partenaire, et comme il n'avait pas souvent d'occasion pareille, et que de plus la fille avait l'air gentille, il voulait faire connaissance. Après tout, il était encore assez nouveau ici, et ne connaissait presque personne.

"-Bon... Comme vous voudrez... Vous voulez faire un autre jeu? Cache cache peut-être? Un deux trois soleil? Ce que vous voulez! Oh mais en fait! Je ne me suis pas présenté, je suis Stefan Smith, le nouveau professeur de langues de Tsuki, ravi de vous rencontrer mademoiselle!"

Puis il pensa un instant à la confusion qu'il aurait pu laisser dans la tête de cette inconnue, et jugea qu'il pourrait être bon de de fournir quelques explications.

"-Oh, et pour les mutants, je parle de ces créatures."

Il retira d'un geste vif le gant de sa main droite et posa deux doigts sur le cou de Laurelynn, pour lui permettre de visualiser les créatures qui étaient apparues dans sa tête quelques instants auparavant, en espérant qu'il n'allait pas la perdre encore plus.

Hallucination:

"-Ooh !"

Eut-elle juste le temps de s'exclamer, avant de ne voir apparaître devant ses yeux les créatures. Son regard avait un instant semblé différent, et une fois de plus le professeur se demanda ce qu'il avait pu dire et qui aurait pu la mettre dans cet état. Une fois que la vision eut pris fin, il remit donc son gant et observa les réactions de la jolie jeune femme, pensant niaisement qu'elle aurait compris tout ce qui venait de lui arriver. Il déduit sans mal que ce n'était pas le cas en constatant qu'elle était en train de trembler comme une feuille. Même ses cheveux semblaient s'agiter nerveusement. Au grand désolement du professeur, elle recula de quelques pas comme pour le fuir, avant de demander;

"-Qu'est-ce que…
c'était…
que ça ?"

Ce à quoi, instinctivement et d'un ton rempli de regret, il répondit, les deux mains grandes ouvertes devant lui, comme pour dire "je ne veux rien de mal!";

"-Je suis désolé! Vous demandiez ce qu'étaient les mutants, alors je me suis dit que j'allais vous les montrer! Je ne voulais pas vous faire peur, pardonnez moi! Mais si je peux vous rassurer, ce n'était qu'une simple illusion. Ils ne reviendront plus à moins que vous me retouchiez."

Il marqua un petit instant de blanc pour laisser à Laurelynn le temps d'avaler tout ça, puis réalisa qu'il n'avait lui pas la moindre idée ni de son nom ni de son rôle au sein de l'académie. Etait-ce une élève ou bien une professeur? Il était nouveau et ne savait encore rien, après tout. Et sa curiosité enfantine le poussa à demander;

"-Euh... Excusez moi... Mais pourriez vous à votre tour me renseigner un peu sur vous? J'aimerais pouvoir poser un nom sur votre joli visage..."

Oh non, Stefan n'était pas spécialement un romantique. Mais il se plaisait à s'imaginer pour une fois dans le rôle de l'un de ces preux chevaliers qui sont les héros des histoires pour enfant. En attendant, il espérait aussi pouvoir un peu flatter la jeune femme, et par la même occasion se faire pardonner de ses erreurs...

Stefan fut assez amusé de voir les petites joues de la jeune femme virer au rose puis au rouge clair. En fait, il trouvait que c'était assez mignon. Mais il regrettait qu'elle soit si timide, lui qui avait cette facilité d'expression digne d'un enfant. M'enfin cette comparaison est évidente, Stefan était un enfant. Il ne fit cependant aucun commentaire, encore doté d'un reste de délicatesse.

"-Oh oui… Bien sûr…
J'ai essayé mais… vous m'avez surpris avec votre…"

Dit elle en reproduisant toujours hésitante la mimique que le professeur avait effectué plus tôt, ce qui fit d'ailleurs décrocher un petit sourire amusé à l'irlandais. Comprenant tout de même qu'il n'avait sûrement pas agi de la bonne façon, il murmura une petite excuse en passant sa main derrière sa tête.

"-Eh eh... Excusez moi en encore...

-Je suis Laurelynn… Valentine… Assistante bibliothécaire."

Son sourire grandit, et il saisit sans hésiter un instant la main que la petite brune lui tendait. Ayant remis son gant, il n'y avait plus aucun risque qu'un incident se produise.

"-Ravi de faire ta connaissance, Laurelynn!"

Après un instant, il se souvint de ce qu'il faisait tout au début de sa promenade au parc, et maintenant que la jeune femme semblait légèrement plus à l'aise avec lui, il osa demander à nouveau;

"-Bon, et bien, maintenant, désolé de tellement insister, mais que dirais-tu de faire un jeu? Je te laisse choisir ce que tu veux, comme ça il n'y aura pas de problèmes!"

Hrp:

Alors qu'il était persuadé que cette fois-ci serait la bonne, elle abaissa une fois de plus son menton et sembla désolée, ce qui eut pour effet d'une fois de plus encore de donner à notre gamin un air entre l'étonnement et l'interrogation. Enfin, ces deux émotions étaient apparemment bien trop souvent liées, chez lui...

"-Je suis désolée je ne m'y connais pas tellement en jeux…
Je n'ai pas eu beaucoup l'occasion de jouer quand j'étais plus jeune…"

Ses yeux continuaient de s'écarquiller. Même si lui même n'avait aucunement conscience de n'être pas du tout sorti de son enfance, il ne pouvait même pas s'imaginer qu'on ait pas eu ne serait-ce qu'une fois l'occasion de jouer. Qu'avait-elle pu bien faire alors? Il n'en revenait clairement pas.

"-Mon truc c'est plutôt la lecture"

Il remarqua qu'une mèche de cheveux portait un livre et s'agitait, ce qui l'amusa un peu. C'était sûrement son don à elle, il le trouva très original. Mais au fond, chaque personne ici avait l'air d'être plus intéressante que la précédente.

"-En tant que professeur de langues vous devez lire beaucoup non ?
Vous enseignez quelles langues ?"

Demanda-t-elle, très certainement bien plus à l'aise sur ce sujet. Malheureusement... En réalité Stefan était loin d'être un si grand lecteur. Tout ce qu'il savait, c'était les animés, internet et surtout sa curiosité qui le lui avait appris... Mais les étincelles dans les yeux de la jeune femme, l'espoir devinable au fond de ses pensées, tout ces signes et sa gentillesse le poussèrent à réfléchir un instant, le temps de faire un petit inventaire, pour pouvoir lui répondre. Mais à peine eut-il fini qu'il fut prit de court avant de pouvoir répondre.

"-Mais vous préférez jouer vous dites ?
Mmh."

Elle semblait de nouveau déçue. Stef' répondit;

"-Je parle beaucoup de langues, à vrai dire... Particulièrement celles d'origine latines, mais aussi grecques, gaéliques, asiatiques etc... La liste est plutôt longue. Tu sais, une fois qu'on en a appris une ou deux, ça vient tout seul! Et puis une langue, c'est un peu comme un jeu, c'est un langage codé qu'il faut déchiffrer! Du coup... Je m'en sors plutôt bien... Oh mais excuse moi, je parle tout seul. Oui, j'aime beaucoup jouer, mais si tu ne veux pas... Ce ne serait pas mon genre de t'y forcer. Par contre, je n'arrive pas à comprendre comment c'est possible que tu n'ais jamais joué!"