ATTAQUE SURPRISE [Pv Kalth]

Kalth soufla. Il était assis sur un banc, lisant un livre, sans vraiment prêter attention à ce qui l’entourait. C’est à peine si les rayons du soleil qui, carressant son visage, parvenaient à le faire se sentir dehors. Au contraire, il se sentait plus que jamais enfermé.
   
    Pourquoi lisait-il ce livre ? Non pas qu’il était mauvais, mais... pas vraiment à son goût... Les français du XIXe n’étaient pas très fantaisistes faut dire. Kalth referma L’Assommoir. Il portait bien son nom.

    Kalth se leva, enfila ses nouveaux gants, semblables aux anciens et commença à marcher. Il n’avait qu’un besoin : se perdre. L’allée pavée en face de lui ferait probablement l’affaire. Kalth n’était à l’académie que depuis très peu de temps et il repensa rapidement aux seules connaissances qu’il avait ici. Les gens d’ici étaient résolument bizarres. Intrigants certes, mais en attendant, mieux valait s’écarter un peu. Jusqu’ici il n’avait encore jamais croisé personne qui semblait vraiment embrasser ses idéaux.

    Devant lui s’étendait le jardin, immense. Alors qu’il faisait beau, il n’y trouvait que si peu de monde ! L’occasion était trop belle. Déçu par sa lecture, Kalth se dit que Zola aurait son heure de gloire plus tard : à présent, le soleil jaunissait les pavés et les étendues fleuries semblaient engloutir ces routes de briques nouvellement jaunes. L’imposant château, dont la silhouette avait été laissée loin derrière, trônait maintenant sur l’horizon rouges des coquelicots. Un large sourire se dessina sur le visage du jeune homme. Sous ses pieds, semblaient se dérouler un nouveau monde, mais pas inconnu : Oz ouvrait-il ses portes si facilement ? Alors Kalth se prêta au jeu. Si le jour lui faisait pareille offrande, comment la lui refuser ?

    Kalth savait qui il était. Un soldat... Non, un simple voyageur ! Il venait de la ville, et son périple ne faisait que commencer. De sa vie, il n’avait jamais rien vu si ce n’est les murs de la citadelle ou les incroyables tours du grand magicien ! Le simple voyageur qu’il était devenu ne devait pas se douter que son idole était en fait un charlatent. En tout cas, il comptait bien découvrir ce monde aussi merveilleux que mystérieux, et s’il le fallait, au péril de sa vie. Peut-être croiserait-il un lion peureux, ou un épouvantail parlant ! Mais qu’importe. Il découvrirait bien par lui-même qui lui tomberait dessus le premier. Douce ironie.

    Kalth progressait lentement sur ce qui était devenu pour lui le chemin de brique jaune. De temps en temps il passait sous un arbre, et aux croisements, il voyait ceux-là lui désigner un chemin. Jusqu’au moment où un brusque cris le sorti de sa rêverie :

-KYAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA !!!

-AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAH !

Attaqué par un ennemi, laissant échapper un cri et brandissant Zola, la massue qu’il pensait porter, telle fut sa stupeur voyant son aggresseur dix centimétres au dessus de lui, s’apprétant à lui tomber dessus. Sachant qu’il ne pourrait pas éviter le rouquin, Kalth encore sous le choc, se prépara à l’inéluctable !

Le choc fut tel que le jeune Saphir s’en retrouva sonné ! L’inconnu et lui étaient à présent au sol, l’un par dessus de l’autre. Kalth, écrasé par le corps de son attaquant, avait du mal à inspirer suite au choc. Lorsque l’homme tomba sur le coté, le Saphir fut comme libéré.
   
    Le blondinet aux reflets roux qui était à présent à coté de Kalth se releva après quelques secondes, comme si de rien n’était. Il observa un instant l’élève gisant au sol qu’il venait d’écraser. On aurait presque pu voir « OWNED » écrit dans le vide. Lorsque le jeune Irlandais ouvrit les yeux, il vit un homme lui ressemblant un peu lui sourire de façon bienveillante comme un grand enfant et lui tendre une main pour qu’il se relève.

-Euh... Excuse moi, je suis Stefan Smith, le professeur de langues, désolé... et enchanté!

     Kalth écarquilla les yeux. Il puisa dans ses forces pour tendre sa main gantée jusqu’à celle, tout aussi gantée, de son professeur. Son professeur ?! Les professeurs aussi étaient-ils tous complètement loufoques ? Du moins, l’élève avait tout de suite compris que celui-là était spécial. Attaquer un élève dans les jardins depuis le haut d’un arbre puis l’aider à se relever comme si de rien n’était, Kalth n’avait jamais rien vu de tel. Et il le regrettait : avec lui on ne devait point s’ennuyer ! Et peut-être même parfois au péril de sa vie ! Il regrettait également presque le retour au sérieux du professeur.
   
    Étonnamment, lorsque Kalth fut relevé, il ne put s’empêcher de répondre avec un certain enthousiasme dans la voix, marqué par son accent irlandais.

- Je suis Kalth MacLir, de la maison Saphir ! Je... eh bien... ça n’est pas grave !

    Kalth se frotta l’arrière du crâne, ne sachant que dire de plus pour le moment.

Soudainement, l’interlocuteur du Saphir devint silencieux, l’air concentré. Cet instant de silence effraya presque Kalth... Avait-il fait quelque chose de mal ? De si étrange ? La réponse ne se fit pas attendre. D’un air peu assuré, il posa à l’Irlandais, cette question qui avait l’air de titiller le professeur.

"- Dis moi... À ton accent... Est-ce que tu ne viendrais pas d'Irlande, par hasard?"

    Kalth se toucha inconsciemment la gorge. Était-ce si évident ? Son accent était-il si audible ? Cela dit, pour un linguiste, cela était probablement simple à remarqué, surtout si celui-ci partageait ce point commun... Comment le Saphir avait-il pu ne pas s’en rendre compte, lui qui se pose des questions sur tout et n’importe quoi ? À moins que son attention n’ait été détournée par les événements précédents... Kalth répondit l’air un peu déstabilisé.

- Eh bien... Oui ! Je suis né à Dublin et ait grandi dans le comté de Mayo... J-Je me trompe peut-être, mais... Vous aussi non ?

    Kalth était présent depuis très peu, qu’il avait déjà rencontré plus de monde qu’il n’en avait jamais rencontré en 18 ans. Et sur toutes ces rencontres, il y trouvait des Français, des Russes, des Japonnais, entre autre... Et pourtant, aucun autre Irlandais. Le jeune homme n’était pas patriote, pourtant, l’idée de rencontrer quelqu’un de la même origine lui faisait plaisir en un sens. Monsieur Smith représentait pour lui une part de ce qu’il avait quitté et donc un éventuel moyen de s’y raccrocher. Un être si intrigant, partageant peut-être son origine, il pourrait peut-être s’entendre avec ?

    Kalth se dit alors que les points communs ne s’arrêtez peut-être pas là... Il regarda un instant les gants de son « agresseur ». Pourquoi porter des gants par ce temps ? Il ne craignait probablement pas d’avoir froid, non, surtout si lui aussi était Irlandais, ça n’était pas ce temps qui le ferait frissonner. Soit il cachait ses mains, de peur de dévoiler au grand jour un grand secret, soit, tout comme Kalth, il avait un pouvoir à canaliser... l’Irlandais numéro 2 pencha pour la seconde option...