Look at this beautiful sunset... [Pv Antoine]

Il est mort le soleil, celui qui resplendissait pourtant, qui brillait et éclatait de ses milles feux comme l'on dit parfois. Il est mort le soleil, celui qui réchauffait les cœurs et les âmes les plus en peines, qui entourait de son manteau d'or les malheureuses personnes. Il est mort le soleil celui qui autrefois était si magnifique et si beau, et apaisait la Terre de ses bras de flammes. Il est mort le soleil, celui qui fournissait la vie et qui faisait naître l'été. D'ailleurs, il est mort l'été, le flamboyant empereur a perdu son trône et son royaume a disparu. Il est mort l'été, ses couleurs chaudes se sont tut et ses rayons ne sont plus.

Et là, comme le soleil faisait parti des mort, Antoine les rejoignait. Ses yeux, emplis de brume, étaient le seul guide bientôt éteint qui dirigeait sa marche, marche qui ressemblait à celles des fantômes. Car il n'en était plus qu'un, tout était mort. Oui, tout était mort en lui et en dehors de lui. C'était la fin, et lui se disait que la fin allait arriver à toute chose, que la fin était inéluctable pour tous. Que tout sera fini, bel et bien fini, et que lui appartenait déjà à ce monde, à ce monde fini, qui n'était plus, et ainsi le soleil, lui, seul source de vie, seul source de tout, avait disparu, il était bien mort le soleil, il était bien mort le temps où il faisait beau ! Et ainsi tout était mort, tout !

Et ainsi lui n'avait plus de raison d'aller et venir, il n'était plus qu'une enveloppe pâle et vide qui errait dans le jardin. Un corps dépourvu de toute raison d'être, ce n'était plus qu'un cerveau malade qui tentait de gouverner en vain les autres membres flasques et décrépis. Un zombie, un mort-vivant, un esprit, tout ce qui fait peur et qui est passé dans l'outre-monde lui ressemblait. La lueur interne déjà faible était presque éteinte, elle n'éclairait que faiblement cette pauvre carcasse errante et mourante. Le garçon, si l'on pouvait appeler cela un garçon ou un être humain, tomba devant une jeune fille encore fraîche et vivante.

Et tandis qu'il était déclaré mort sur l'herbe, il observait de ses yeux vitreux la blonde à la mèche bleue, et se disait, avec le peu d'énergie qui lui restait : "Que cette personne est si bien, et moi que je suis si mal."

Sa bouche ne remuait pas. Aucune autre partie de son corps ne semblait pouvoir faire le moindre mouvement. Seul son torse faisait encore quelques hauts et bas, et ses cils battaient aussi faiblement que son cœur. Ses yeux dans le désespoir le plus profond regardait la fille sans même rien dire. Car on dit qu'on voit les gens à travers leurs regards, mais ici on ne pouvait apercevoir que du vide et encore du vide, peu importe aussi loin qu'on allait chercher. Et ce qui vivait encore un peu en lui, ne faisait que se répéter la même chose : qu'elle est si bien celle là, qu'est ce qu'elle vit. Et ce qui se répétait aussi, c'était qu'elle allait mourir, elle aussi. Comme sa mère, comme lui, comme tout le monde. Parce que tout le monde allait subir le même sort, en fin de compte, et que c'est triste et terrible à la fois, et que c'est tout en même temps, se disait-il.

Alors il ne faisait que de l'observer, elle et ses cheveux blonds qui reflétait la lumière qu'il n'avait plus, et il murmura d'une si sombre manière : "Toi... aussi..." Et il eut la vision qu'il n'aurait jamais dût avoir, tout autour de lui se transformait en noir et bleu et la lumière se taisait. Et la jeune fille disparaissait peu à peu, et elle se laissait emporter dans un voile transparent qui se mélangea avec la couleur ambiante. Il n'y avait plus que le fond des défunts, et il se sentait lui aussi transporter vers un autre monde. L'impression de disparaître était devenu si grande, il était si mort maintenant. Il allait rejoindre sa mère, cette fille, tous les autres. Car tout le monde est voué à partir, et que c'est horrible, et que c'est profond, et que c'est tout ce que je ressens, se disait-il pour la dernière fois.

Et ce qu'il empêcha de tomber dans le néant total, ce fut une pauvre voix à peine discernable, dont on y pouvait entendre tout autant de malheur qu'en voyant les yeux du garçon. C'était le malheur implacable des temps du désespoir, le malheur qui avait pris place depuis bien longtemps déjà et qui se maintenait en empereur. Le maigre amas de son qui parvenait à ses oreilles réussissaient tant bien que mal à s'organiser en un bout de parole cohérente. Et Antoine se répétait qu'à quoi bon faire cela, puisque nous serons, et même nous sommes tous déjà disparu. Sa main blanche était figée et ne faisait rien, puisqu'elle était déjà parti vers l'au delà. Ce fut son intérieur le plus profond, seul au milieu du vide qui l'entourait, qui fit se mouvoir quelques doigts de manière si lente et faible, qu'on aurait dit un mourant qui réalisait ses derniers gestes.

Et ses yeux avaient maintenant perdu leur essence et la seule essence qu'il y avait était la couleur noire des cheveux. La seule chose qui les animaient, qui leur donnaient encore un semblant de vie, étaient trois minuscules larmes s'amassant autour de l'iris déjà vidé de toute vivacité. Ce fut une heure entière qui s'écoula, et pendant chaque minute, les fragments et les morceaux de la mémoire se recollèrent pour former le terrible puzzle, celui des choses que l'on préfère oublier, celui des choses tellement douloureuses que lorsqu'elle resurgissent, ce sont d'affreux dommages qui reviennent. Et les larmes devinrent nombreuses, si nombreuses que seul l’œil ne pouvait les contenir et qu'elles dévalèrent les pentes du visages.

Antoine était maintenant comme sur un pont qui secoue, qui tremble et qui vacille, remplissant le vide du son des planches qui craquent et des cordes qui s'effritent et de l'éboulement des pierres dû au fondations qui cèdent, et ce pont là, ce pont là est la chose même qui l'empêche de tomber dans les affres du malheur. Et le pont s'écroula, et alors Antoine, dans un hurlement sauvage, explosa et poussa un cri énorme qui résonna à travers tout le parc. Et tous ses membres se contractèrent comme s'il fut pris de convulsions, et ses mains s'agrippèrent solidement à son visage plantant presque les ongles sous la peau, les larmes se mélangèrent aux pleurs et aux lamentations alors que la voix était remplie de tremblement et de suffocations pendant que des grands "AH", synonymes de la douleur, resurgissaient de sa gorge tel un volcan en flammes au maximum de sa puissance tandis que la douleur en elle même était à présent devenue maîtresse de son esprit.

Car sur son visage, on pouvait lire comme une phrase, une terrible phrase qui était hélas bien vraie : "Et des doigts s'arrachait l'encre des cheveux, et de son visage coulait l'encre de ses yeux."