Quand on imagine quelqu'un avec un don extraordinaire, on se dit qu'il doit forcément vivre un quotidien hors normes, qu’il a dû connaître une enfance pleine joie, que ses parents devaient en être fiers et que sans le moindre doute sa vie devait être plus intéressante et bien différente de la nôtre, pauvre mortel anonyme et dépourvu d’originalité. C’est sans doute vrai pour une grande partie d’entre eux, mais en aucun cas ce fut le cas de Lily Walker. Elle ne débuta pas sa vie d’une manière passionnante ou heureuse. Son histoire est celle d’une enfant qui se transforma en monstre.

Elle naquit dans une famille tout à fait ordinaire, les Walker. Ses parents étaient aimants et n'avaient absolument rien de spécial, ni don, ni gears. Ils possédaient une petite maison de quartier, n’étaient ni trop riches ni trop pauvres, en bref, c’était un cadre idéal pour une vie tranquillement banale.
Ils étaient cependant de fervents adeptes d'une idéologie peu recommandable, peut être en avez-vous déjà entendu parler, Future Of Humanity aussi appelée Le FoH. Celle-ci consiste tout simplement à repousser ce que l'on ne considère pas comme étant naturel, que ce soit les dons magiques ou bien les dons technologiques.

Mais lors des premières années de sa vie cela ne dérangea aucunement l'enfant, on lui apprit que ces gens qui avaient des facultés étranges étaient des monstres, mais elle était bien trop jeune et influençable pour se rendre compte de la laideur de leurs propos.
Cela ne changeait en aucun cas le fait que ses parents étaient attentionnés et très fiers de leur petite fille, dès son plus jeune âge elle avait commencé à apprendre la danse classique et se montrer très futée. Et pendant ces quelques années bénites, Lily fut entourée par la protection et l'amour de ses parents, comme n'importe quel enfant devrait être. Et puis un jour, le drame se produisit.

Elle ne s'en rappelle bien sûr pas, elle était trop petite. Mais il avait fallu que sous les yeux de sa mère, elle passe d'une enfant prometteuse, à un monstre doté de capacités surnaturels. Quand bien même son don était d'une noblesse surprenante, tout changea dès l'instant où celui-ci s’éveilla. Sous le regard horrifié de sa mère, Lily avait eu le malheur de succomber à son désir pressant de voler la blessure d'un enfant qui s'était coupé en tombant. Et alors même qu'elle saignait à sa place, sa mère l'avait saisi par le bras et traînait à la maison.

Les jours qui suivirent furent les pires de sa vie. Fort heureusement, elle ne s'en souvient qu'à peine. Mais ses parents l'enfermèrent chez eux dans le but de vérifier à quel point leur chère enfant s'était-elle transformée en monstre. Ils la regardaient d'un air dégoûté, ne prononçaient même plus son nom, l'insultant à tour de rôle, allant même jusqu'à se blesser volontairement quand ils commençaient à espérer qu'elle était soignée, qu'elle n'avait plus ce pouvoir maudit. Mais à chaque fois, l'enfant meurtrie et incapable de résister à son instinct de guérisseuse revenait vers eux et transférer leurs blessures à son propre corps pourtant si fragile.

Ils perdirent finalement patiente et le voyage de l'enfant commença. Ils ne supportaient plus de la voir, elle n'était rien de plus à leurs yeux qu'une tentative ratée, qu'un monstre qui n'avait plus rien de l'enfant qu'ils avaient tant aimé. Elle fut donc placée en internat dès son plus jeune âge.
Mais étant encore si jeune et naïve, elle crut que ses parents finiraient par l'accepter de nouveau et qu'ils pourraient redevenir une famille. De ce fait, elle n'enfreignait jamais les règles, ne ramenait que des bonnes notes, s’exerçait tous les jours à la danse classique, en espérant que le jour où elle les reverrait elle pourrait leur montrer et qu'ils seraient fiers de nouveau. Qu'ils l'aimeraient de nouveau. Mais ils ne revinrent jamais la chercher. Quand pour les fêtes les autres enfants rejoignaient leurs familles, Lily elle restait à l'internat. Quand elle était malade, personne ne venait la récupérer, elle guérissait seule à l'infirmerie. Pour son anniversaire, elle ne recevait jamais ne serait-ce qu'un appel.
Pendant ce temps, son pouvoir continuait de se développer, elle ne pouvait s'empêcher d'intervenir quand elle sentait la souffrance de quelqu'un.

Puis, elle changea de façon de faire. Petit à petit, elle se mit à faire des bêtises, espérant attirer l'attention de ses parents. S'ils ne venaient pas quand elle était sage, peut être viendrait-il si l'établissement le demandait. Elle ne faisait plus ses devoirs, provoquait des batailles de nourriture à la cantine, poussait les autres enfants à ne pas dormir au moment du couvre-feu. Rien de très grave au début, mais son attitude ne fit qu'empirer. Et au lieu de se présenter aux portes de l'internat, au lieu de venir la réprimander, ses parents la changèrent tout bonnement d'établissements.
Ce fut le début d'une scolarité ponctuée de nombreux déplacements.

Il lui fallut tout de même plusieurs années avant de perdre espoir. Elle comprit qu'elle ne pouvait pas compter sur sa famille lorsqu'elle se rendit compte qu'elle ne se rappelait même plus nettement des visages de son père et de sa mère. Leurs voix n'étaient qu'un lointain souvenir.
Son cœur se brisa et alors qu'elle devenait seulement une jeune fille, elle sombra dans ce personnage qui perturbait les cours, qui en séchait une bonne partie, qui faisait le mur, qui tenait tête aux professeurs, qui n’avait peur de rien et vivait pour lui-même. Elle se faisait balader de pensionnat en internat, se faisant renvoyer de ci et de là.
Elle développait son don, aidant ceux qui en avaient besoin. Elle se rendit vite compte qu'à la différence de ses parents, beaucoup de personne admiraient son pouvoir. Qu'il n'était pas "le mal incarné" comme on lui avait fait croire. Que ce don ne faisait pas d'elle quelqu'un de mauvais, au contraire.
Parfois, elle essayait de s'empêcher d'intervenir, de maîtriser ce besoin qu'elle ressentait au plus profond d'elle et qui la poussait à toujours prendre la douleur des autres. Et peu à peu elle y arrivait. Au début à de très rares occasions et sur de très petites blessures, puis de plus en plus souvent. Si elle en avait toujours une envie folle, maintenant elle réussissait parfois à se maîtriser.

Que dire de plus ? C'est ainsi qu'elle vécue son enfance et son adolescence. Elle arrêta l'école dès qu'elle le put et se trouva de petits boulots de ci de là, lui permettant de survivre.
Et puis, elle se rendit compte que son pouvoir avait une autre spécificité. Lorsqu'elle prenait la blessure de quelqu'un d'autre, celle-ci guérissait bien plus vite que d'ordinaire. Elle se risqua même à se transférer des choses plus graves que les coupures et autres contusions auxquelles elle s'était habituée, maintenant elle pouvait prendre des os cassés, de toute façon ils se régénéraient assez vite pour ne pas la déranger très longtemps.
Mais quand bien même, elle garda ce pouvoir plus ou moins caché. Elle ne s'en vantait auprès de personne et seuls ceux qui avaient eu besoin d'être soignés étaient au courant.

Et puis un jour elle entendit parler de cette ville, Abondance. On disait de celle-ci que tous y étaient les bienvenus, autant ceux qui avaient des pouvoirs que ceux qui utilisaient le gear ! Elle n'y crut pas tout de suite, mais elle exécuta des recherches et du se rendre à l'évidence. Cette ville prophétique existait. Et si Lily avait sa place quelque part, c'était forcément là-bas.

Elle fit donc des économies et se paya le voyage. Aujourd'hui, la jeune femme est installée dans cette fameuse ville.
Elle y habite un petit appartement et y a même trouver du travail, elle y a des amis et même quelqu'un qu'elle considère comme sa famille, il est d'ailleurs aussi son patron et son meilleur ami. Elle fut la première employée de son bar, un an après son ouverture. Quand il l'avait embauché, il ne se doutait pas qu'il lui tendait une main longtemps attendue. Il connait maintenant tout de son passé.
La jeune femme reste très discrète et ne divulgue que très rarement la nature de son pouvoir, le fait qu'elle puisse transférer les blessures des autres à son propre corps et soigner celles-ci mieux que leurs propriétaires d'origine.

Mais ce qui est sûr, c'est que sa place se trouve dans cette ville.