M'accorderiez-vous votre compagnie ? [PV : Mira]

Cela fait à peine quelques jours que je me suis installer dans la ville d'Abondance, et c'est pourtant la première fois que j'ai l'occasion d'y faire un tour pour visiter les lieux. En même temps, vu tous les cartons que j'ai dû déballer après mon déménagement, et toutes les conditions administratives qui m'ont conduit à passer plus de 3 heures avec ma mère au téléphone, autant dire que ce n'était pas gagné d'avance. Sérieusement, pourquoi ma mère est la seule qui a voulu m'accorder de son temps pour ça ? A quoi il sert mon agent dans les cas comme ça ? Ou mes assistants ? Mais bref, le passé est passé comme on dit. Il faut dorénavant penser au présent et à mon futur dans cette nouvelle ville.

Et dans l'instant présent, une chose est sûre, j'ai mal aux pieds ! Et j'ai faim ! Ça fait combien de temps que je visite ce quartier à la recherche de lieu qui pourrait m'intéresser ? Deux heures ? Pas étonnant que mes pauvres jambes soient en marmelade. Au moins, j'ai pu admirer quelques lieux tentant qui me donnent envie d'aller y faire un tour par l'occasion. Notamment la boite de nuit. Mon seul regret et de n'avoir toujours pas trouvé la salle de concert. C'est étrange. Je pensais que dans un quartier aussi animé, il y en aurait une aux alentours. Je me serais trompé ? Non, ça m'étonnerais, je suis sûr qu'il y en a une pas loin, j'ai du nez pour ça. Et on peut me croire, je ne me trompe jamais. Enfin presque jamais. La plupart du temps. Bon la dernière fois remonte à il y a une semaine mais passons !

Je reprendrais mes recherches plus tard. En attendant, je dois trouver un lieu où manger avant que je tombe dans les pommes, ou pire. Que j'ai l'estomac tellement vide qu'il finit par se digérer tout seul. C'est... peut-être un peu sale dit comme ça. Même dit autrement. Oui. Je disais quoi déjà ? Ah oui, trouver un endroit où manger. Tout seul au milieu de plein de gens. Décidément je pense des choses bizarres aujourd'hui. Qu'est ce qui m'arrive ?

C'est peut être car l'idée de manger seul au milieu de pleins de personnes accompagnés me dépriment. C'est peut être ça. En même temps, la dernière fois que j'ai mangé seul, c'est quand ma mère travaillait trop et que je la voyais presque jamais. Ces derniers jours avec le déménagement j'avais pas vraiment pensé à ça. Mais maintenant... Allez Karma, reprends toi. Tu vas t'y faire, c'est juste parce que c'est le début, rien de plus.

Je lève la tête pour prendre une grande bouffée d'air frais, et reprends ma marche. J'en profite pour remettre mes lunettes de soleils correctement, ainsi que ma capuche, avant de remettre rapidement mes mains vernis dans les poches de mon sweat. D'habitude, me faire remarquer dans la rue me gêne pas du tout, bien au contraire. J'adore le contact avec mes fans. Ou alors quand je veux être plus discret, je passe juste par les petites ruelles pour ne pas me faire voir, mais c'est bien la première fois que je me "déguise". En même temps, ma visite aurait été moins agréable si j'avais été interpellé sans arrêt, et les petites ruelles ne permettent pas de tout voir. Donc d'un côté c'est pratique. Et d'un autre, j'ai hâte de me poser et d'enlever tout...

" Ouf ! "

Aïe ! J'étais tellement plongé dans mes pensées que j'ai complètement oublié de regarder où j'allais. Ça fait mal ! Heureusement que mon déguisement est resté en place. Mais qu'est-ce que je me suis pr... Et mince, j'ai percuté une fille ! Et de plein fouet en plus ! Je remets mes lunettes pour bien cacher mes yeux, et me relève d'un bond avec de me dépoussiérer rapidement. Je tends ensuite la main vers la jeune femme à terre pour l'aider, l'air désolé.

" Je suis réellement désolé ! Je pas regarder où je allais ! Tu aller bien ? " je demande gentiment.

Etant donné mon niveau médiocre en langue, rajouté au fait qu'elle est peut être sonné, j'espère qu'elle va comprendre et ne m'en tiendra pas rigueur.

M'accorderiez-vous
votre compagnie ?

– Bonne soirée Alain !
– A toi aussi, Mira. A demain.

Je lui fis un petit signe de main avant qu’il se tourne pour fermer à clé le club. C’était ma soirée de liberté de la semaine mais depuis que j’étais à Abondance, on ne peut pas dire que je la remplissais énormément. Je me contentais de rentrer chez moi, de ranger mon appartement, de me poser devant la télé en câlinant Roméo ou avec un bon livre, le petit chenapan sur mes genoux. Oui… C’était complètement passionnant !

Je soupirai en constatant que presque un mois s’était écoulé et que je n’avais pas encore réfléchi à la moindre solution pour répondre aux exigences de mes parents. Au contraire, je commençais petit à petit à m’habituer à mon rythme de travail au club, au resto et avec d’autres petits boulots par-ci par-là et à passer le reste de mon temps chez moi pour récupérer de mes longues journées. Rien d’exaltant, c’est sûr ! Et je ne progressais absolument pas mais quand j’y pensais, je retrouvais sans mal ma façon de me protéger de mes souvenirs.

Abondance était peut-être la première ville ou j’avais l’impression de pouvoir me faire une place mais c’était aussi la ville qui me confrontait régulièrement à mes angoisses et à mon dégout de moi-même. Les gears et les dotés ne se cachaient pas comme ailleurs et je ne pouvais m’empêcher que peut-être l’un d’eux étaient la cause de l’accident de… de…

Je me figeai, mon regard capturé par l’écran se trouvant derrière la vitre du bar. Un frisson se propagea dans tout mon corps, la chair de poule contamina la peau nue de mes bras, mon cœur loupa un battement.

Alex ?

Non, ce n’était pas possible… Ce ne pouvait pas être lui ! Ce n’était pas… Il ne pouvait pas… Ses cheveux blonds, ses yeux émeraude, son sourire espiègle… Je n’arrivais pas à voir quelqu’un d’autre. Un journaliste lui tendait son micro, je tentai de lire le sujet de l’interview écrit dans le bandeau du bas mais j’étais trop loin. Je devais entrer ! Je devais vérifier ! Je…

Je n’avais pas fait un pas en direction de la porte que je percutai avec assez de forces pour me propulser en arrière.

– Ouf !

Je n’aurais pas dit mieux ! En moins d’une seconde, je me retrouvai sur les fesses, complètement étourdie. Mon premier réflexe fut de jeter à nouveau un regard sur l’écran que je pouvais encore apercevoir même au sol. Un jeune homme blond que je ne connais pas du tout répondait au micro devant lui… Je l’avais imaginé ? J’avais cru voir Alex ? J’avais été tellement coincé dans mes souvenirs que je venais de confondre un rêve avec la réalité ? J’étais désespérante…

Je passais une main sur mon visage pour me retirer ses idées obscures et vit devant moi celui qui avait subi le même choc que moi, déjà sur ses deux pieds. Sweet à capuche et lunettes de soleil ? Quand je regardais mon débardeur et mon jean court, je me demandais si le jeune homme devant moi ne devait pas avoir un peu chaud… On aurait dit qu’il se cachait du soleil, ou qu’il se cachait tout court. Il me lança un regard, ou du moins je le supposais puisque je ne voyais pas derrière ces lunettes et me tendis la main.

– Je suis réellement désolé ! Je pas regarder où je allais ! Tu aller bien ?

J’eus un moment d’arrêt, ne m’ayant absolument pas attendu à ce qu’il soit étranger. Mais je me repris rapidement et acceptai sa main avec un petit sourire.

– Merci, dis-je en ramassant mon sac qui s’était fait la malle dans ma chute. Je vais bien, il n’y a pas de problèmes ! Et je m’excuse aussi ! J’étais ailleurs aussi…

Je baissais les yeux, lui fis un signe de tête et m’apprêtai à m’en aller. Mais quelque chose me retient. Je fronçais les sourcils et me pinçai les lèvres. Ce jeune homme affublé de cette manière, avec un air désolé, qui s’était excusé alors que cela n’aurait pas été le cas de tout le monde, étranger… J’examinai un moment son visage, puis lui fit un grand sourire.

– J’ai l’impression que vous êtes un peu perdu… Je me trompe ? Je peux peut-être vous aider ?

Houlà, la fille que je viens de faire tomber semble être à l’arrêt ! Comme ci elle venait de découvrir quelque chose, comme qui je suis par exemple ! Mon dieu, j’espère vraiment qu’elle n’a rien compris. Je vais quand même rebaisser un peu ma capuche au cas où ce n’est pas le cas.

Ah, elle semble être sorti de sa torpeur. Allez hop, debout mademoiselle ! Elle est vraiment légère cette fille. En même temps j’aurais dû le voir par sa corpulence. D’ailleurs en parlant de son corps, elle est vraiment jolie. Dommage qu’elle ait l’air plus vieille que moi, pas de chance. Je commence doucement à sourire tandis que je la vois ramasser son sac.

– Merci. Je vais bien, il n’y a pas de problèmes ! Et je m’excuse aussi ! J’étais ailleurs aussi…

J’haussa les épaules doucement, tout en continuant à sourire. Tiens, elle a l’air gentille et non accompagnée, je pourrais peu… Et non trop tard, la voilà déjà sur le point de partir. Pff, en même temps c’est vrai qu’il n’y a aucune raison d’engager la conversation, et elle a peut-être d’autre chose à faire. Je n’ai décidemment pas de chance aujourd’hui. D’abord je me perds et après, ça.

Honte à toi Dieu ! Pourquoi tu me fais ça aujourd’hui ? Si tu es là-haut, et que tu accepte de m’aider, promis je me remets en question, en commençant par mon arrogan… ah non, en faites laisse tomber, j’ai l’impression qu’elle se retourne. Ah moins que… non c’est bon, elle reste ! Son sourire le confirme, trop de la chance !

– J’ai l’impression que vous êtes un peu perdu… Je me trompe ? Je peux peut-être vous aider ?

Youpi ! Trop bien ! Elle accepte de m’aider je suis trop content ! En plus c’est elle qui demande ! Mon long périple dans les rues de la ville va enfin toucher à sa fin, et ce n’est pas sans joie que je raccroche mon épée et ma cape. Ah non pas la cape, il ne faut pas qu’on voit mon visage. Je souris de toutes mes dents et hoche la tête frénétiquement.

« Oui, merci vous ! Je cherche un restaurant depuis beaucoup heures ! Vous peut être savoir où en trouver. Je est nouveau ici. »

Je me penche un peu en avant vers elle. Hop là, bon réflexe Karma ! Heureusement que j’ai réussi à rattraper mes lunettes avant qu’elles ne tombent, et j’espère qu’elle n’a rien vu. Je ne sais pas comment cette fille réagirait si elle savait qui j’étais, et je ne sais pas non plus si elle a entendu parler du grand EnjeruB. Mais qu’est ce que je dis, bien sûr qu’elle me connaît. I’m so famous after all, haha !

D’ailleurs en parlant de ça, j’allais en oublier les bonnes manières, j’ai oublié de me présenter. En temps normal, ce n’est pas la peine, mais là ça s’impose. Par contre, mieux vaut ne pas dire mon vrai prénom pour être sûr. Après tout ce n’est pas courant d’après ce que je sais. Enfin je crois. Non, ce n’est pas rependu. Mais peut être en dehors du Japon ? Non plus. Mais c’est vraiment un prénom même ? Oh et puis peu importe.

J’attrape doucement sa main afin de lui faire un baise main par politesse. J’espère qu’elle ne va pas le prendre dans le mauvais sens. Beaucoup de gens pense que c’est bizarre de faire ça aujourd’hui. Pourtant il n’y a rien de bizarre au fait d’être galant et poli avec les femmes.

« Sur le chemin, je appelle Karm-Karel ! Je appelle Karel. Et je pouvoir savoir votre prénom mademoiselle ? Si vous vouloir. » je demande avec un sourire quelque peu gêné à la fin.

C’est pas passé loin ! Désormais appelez-moi Karel. Tout du moins, jusqu’à la fin de la journée.

Un grand sourire vient accueillir ma proposition ainsi qu’un hochement de tête enthousiaste. Je devais lui avoir enlever une sacrée épine du pied sans vraiment le savoir. Ça eut le don de me faire plaisir. J’aimais aider les autres, ça me permettait de me sentir utile, de me dire que j’avais peut-être un rôle à jouer quelque part.

– Oui, merci vous ! Je cherche un restaurant depuis beaucoup heures ! Vous peut être savoir où en trouver. Je est nouveau ici.

Il se pencha sans que je comprenne pourquoi mais je mis ceci sur le compte d’habitudes d’étranger. Cela ma rappelait vaguement le comportement que pouvait adopter un japonais mais je ne pouvais pas en être sûre. Au final j’avais très peu voyagé et ce que je connaissais des autres cultures n’était dû qu’à quelques informations glanées en cours et de nombreux moments passés devant la télévision et ses différentes fictions. Donc autant dire que j’étais assez limitée. Ce qui me fit tilter par contre c’est la dextérité avec laquelle il rattrapa ses lunettes, comme si c’était d’une importance capitale. Mon sourcil droit se souleva légèrement en signe de suspicion curieuse. Il avait vraiment l’intention de rester dissimulé derrière son accoutrement anti-été. Bon, je n’allais pas le forcer à l’enlever mais ça piqua fortement mon côté curieux.

Mes questionnements furent vite détournés quand il me prit la main et que ses lèvres s’y déposèrent légèrement. Mes yeux s’étaient sûrement arrondis de surprise devant ce baise-main et je ne pus réagir de suite après cet acte inattendu.

– Sur le chemin, je appelle Karm-Karel ! Je appelle Karel. Et je pouvor savoir votre prénom mademoiselle ? Si vous vouloir.

Je récupérai ma main avec l’air le plus naturel du monde mais il était évident que le rose qui s’était installé sur mes joues dévoilait ma gêne et un zeste de timidité. Le petit sourire sur mon visage en était une belle preuve aussi. Malgré moi ce geste que je pouvais encore assimiler à celui du preux chevalier m’avait quelque peu flattée. Je détournai alors les yeux en lui faisant un signe de tête pour qu’il s’engage dans la même direction que moi. C’est en marchant lentement que je lui répondis en espérant que la rougeur de mes joues avait rapidement disparu.

– Vous pouvez m’appeler Mira. Karel… C’est la première fois que j’entends ce prénom, vous êtes de quelles origines ?

Je me tournai vers lui en attendant sa réponse mais avant qu’il n’ait le temps de dire un mot, je me rendis compte que je lui parlais normalement sans me soucier de sa compréhension.

– Oh ! Je vois que vous parlez assez bien ma langue mais si vous ne comprenez pas quelque chose, n’hésitez pas à me le dire…

Je dis ça mais je me demandais encore si j’étais compréhensible pour le coup. J’espérais qu’il allait me rassurer sur ce sujet parce que m’interrogeai sans cesse sur les mots que je devais utiliser avec lui allait être un peu fatiguant.

Le temps que je dise ces deux-trois phrases, nos pas nous avaient conduit au resto que je voulais lui proposer. Si je ne l’avais pas aidé, je suis sûre qu’il aurait pu le trouver tout seul puisqu’il était déjà dans le quartier de divertissements mais j’aimais pensé que je lui avais au moins un peu facilité la vie.

– On est déjà arrivé ! C’est pour moi le meilleur restaurant de la ville et je ne dis pas seulement ça parce que j’y travaille.

Je lui montrai du bout du doigts la devanture classe et épurée avec une terrasse qui se remplissait peu à peu. De grands parasols rouges protégeaient les tables en fer noir travaillées en jolies courbes qui ne comportaient pas encore la mise en place, mais l’atmosphère un peu cocooning et la vue que permettait la grande rue sur le soleil descendant derrière les buildings avaient déjà charmé quelques clients.

– Cela vous convient ? lui demandai-je avec un sourire chaleureux.