Wyls Dravis - Le génie torturé (fini)

Ai-je mérité cette nouvelle vie ? Cette résurrection au prix incommensurable ? Je ne le pense pas, personnellement. Mais les gens autour de moi en ont jugés autrement, sans mon accord.

J'avais treize ans à l'époque, j'avais une amie, une vie relativement douce et une mère. On s'amusait bien. On rigolait bien.

- Dis-donc, tu pourrais venir au lieu de jouer dans ton coin !

- Quoi ? Je suis bien dans mon coin, moi.

- Encore à bricoler des trucs, c'est pas possible... Un vrai inventeur en herbe !

- Viens plutôt par ici, Wyls. J'ai même préparé des cookies.

- C'est vrai ?

- Ha ha ! Si facile à amadouer. On dirait un petit animal sauvage, c'est adorable.

- Ah... Même son père est plus facile à approcher. Et pourtant dieu sait qu'il passe ses journée dans son laboratoire.

- C'est bon maman... Et je suis pas un "petit animal" Laure !

- Roh... C'est qu'une façon de parler, rabat-joie.

- N'empêche, je visiterais bien le laboratoire de papa.

- Ah, ça non. C'est pour les grandes personnes. Ça peut être dangereux avec le matériel.

- Et après c'est moi le rabat-joie... Ha ha !



Oui je m'amusais bien à l'époque...



- Qu'est-ce qu'il se passe Wyls ?! Réponds-moi ! Alfonse ! Il lui arrive quoi ?!

- Mais ! Ses yeux... Regarde ses yeux chérie ! Son pouvoir, il en a un aussi !

- Un pouvoir...? Mais pourquoi ça lui fais ça ?! Reste avec moi bout de choux !

Ne... M'appelle pas comme ça... Mère...

- Il ne supporte pas l'éveil de son pouvoir ! Il est en train de faire une crise !
Fiston tiens bon ! Si ça continue, il va...

- NE DIS PAS ÇA !!! Ne le dis pas... Je ne laisserais pas mon fils mourir comme ça !

- Non ! Ne fais pas ça ! Pitié... Tout sauf ça !

- C'est lui ou moi, Alfonse... Je ne peux pas laisser notre fils dans cet état...
Je suis désolée !

- ...

- Je te laisse t'occuper de lui pour le maintenir en état, je suis désolée... Adieu.

Quelle est cette lueur, cette chaleur ? Que se passe-t-il ? Mère ? NON ! Arrête... Ça fait mal !



Il s'en est passé des choses, depuis trois mois... Mes cheveux autrefois châtains ont blanchis, la lueur de mes yeux est d'un ton violacé maintenant. Mon père essaie de me maintenir en vie via ses expériences. Il essaie de donner un sens à ce sacrifice absurde. Je suis resté reclu dans le manoir de la famille, maintenant habité de deux personnes et des quelques servants qu'il reste. Pendant ce lapse de temps, tout le manoir est resté en deuil. Celui de ma mère... Certaines personnes mettaient l'innocence de mon père en doute. Une mort pareille c'est suspect. Mais celui qui en est la cause n'est autre que moi. Mon père a fini par m'expliquer après ces trois mois... Ces trois... Longs... Mois. Il m'a dit qu'on avait des pouvoirs dans la famille. Mon père manipule la technologie, moi j'ai des capacités déductives hors normes. Ma mère pouvait redonner la vie au prix de la sienne. Mon père doit me haïr... Et pourtant, je n'ai pas vu une once de haine de sa part... Du moins je n'aurais pas dû. Mais à chaque fois que je vois son visage, je vois la haine au travers de son semblant de calme avec mon maudit oeil. Je vois le dégoût qui en ressort et la tristesse profonde qu'on partage. À chaques fois.

Peu de temps après, j'ai appris que Laure voulait de mes nouvelles. Père l'avait déjà congédiée à plusieurs reprises car je n'étais "pas en état". Si seulement elle savait ! D'ailleurs elle a fini par le savoir. Elle s'est faufilée jusqu'à moi un beau jour. Je peux entendre les crissements de ses pas, je sais que c'est elle. Elle va être déçue de la visite.

- Hey ! Psst ! Wyls, t'es là ?

- ...Malheureusement, oui...

Elle s'approche un peu plus. Je peux déjà deviner la tête qu'elle va faire.

- Eh, ça v-- Wow...

Et voilà, le travail. Elle est choquée, sûrement dû à mon changement d'apparence brutal. Elle reprend d'un tout autre ton, bien plus grave sa phrase... Elle a comprit.

- Ç-Ça va ?

Elle essaie de s'approcher. Je réagis en me levant de mon siège, ou du moins en essayant tant bien que mal à l'aide de ma béquille. Je m'écarte de quelques centimètres pour maintenir une distance de sécurité. Je ne veux-- Je ne peux pas me permettre d'agir comme avant.
Il s'est passé beaucoup trop de choses pour ça.

- Je... Ta mère... Je suis désolée...

Si elle savait. Je n'arrête pas de me répéter ça dans la tête. Elle ne sait rien et ne saura probablement jamais rien. Je ne peux pas non plus lui parler de tout ce délire sur les pouvoirs de ma famille. On se fixe pendant un relativement long moment de silence. Elle me lance un regard plein de pitié, de tristesse et d'inquiétude. Moi je la fixe comme "un petit animal sauvage" à l'affût, méfiant et prêt à fuir.

- Je... Je suis désolée...

Un autre moment de silence s'installe. Elle hésite à plusieurs reprises à tourner les talons. À chaque fois mon coeur s'emballe à l'idée de ne plus jamais la revoir. Je voudrais lui sauter dessus et tout lui raconter en me vidant de toutes mes larmes... Mais je reste silencieux. Prenant appui sur ma béquille, avec un regard indescriptible. Caché dans la pénombre de ma chambre mal éclairée et littéralement tétanisé, incapable de bouger d'un pouce. Au bout d'un moment sa patience vient à bout. Elle décide de s'en aller. Pour de bon. M'abandonnant. C'est moi qui suis désolé. Désolé de devoir fuir, mais tu pourras reconstruire une amitié comme celle-ci un jour, réparer ces blessures au coeur. Moi je suis brisé, au delà du réparable.
Après cet évènement, des années passent. Je m'installe dans une sombre routine de douleur, d'insomnie et de cours à domicile. Je passe mon temps libre à apprendre diverses choses, à construire et créer des objets ; vêtements, gadgets, recettes de cuisine. Toutes sortes de choses. Un jour le dernier de nos servants encore actif, mon tuteur, m'apporte une lettre. C'est une lettre d'une certaine Académie pour les gens qui ont un "don" comme moi. À ça j'ai bien envie de leur cracher toute ma haine et mon déplaisir au visage. Cependant mon père calme mes ardeurs et m'explique que ce serait peut-être une bonne idée d'arrêter de m'isoler. Apparemment il aurait déjà eu affaire à ces gens qui plus est. Je fini par accepter, et pars du manoir Dravis en même temps que le dernier des servants rends son tablier. Laissant mon père seul dans cette grande bâtisse. À ses expériences, et son désespoir.