Volonté d'un Rubis

Le corps de l'étudiant Law Kidd Jr. fut transporté sur une civière dans une pièce d'un blanc immaculé. Il fut placé dans un lit d'hopital et branché à un moniteur de signes vitaux. Son pouls était faible, mais bien présent. Ce n'était rien de moins qu'un miracle, considérant ce qu'il s'était passé à l'académie plus tard. Les témoins de l'incident devaient sans doute être en état de choc. L'Agence se trouvait quelque peu mitigée... Devait-elle envoyer quelqu'un pour effacer la mémoire des témoins? Le choix revenait à l'étudiant Law Kidd Jr à son réveil.

Une agente en uniforme blanc bordé de lignes dorées était installée à son chevet. Elle tenait un calepin de notes et avait son dossier non loin, ainsi qu'un document d'autorisation, mais ça... Ils allaient y venir plus tard. Elle replaça une mèche de sa longue chevelure noire, patientant. Selon son collègue, il devrait se réveiller très bientôt. D'abord ils allaient évaluer son état psychologique et ensuite...

Ensuite, le plus dur était à venir.

L'agente posa son calepin encore vierge avant de se prendre une gorgée de café noir. À ce moment-ci, l'élève semblait avoir des spasmes. Il émergeait tranquillement de son sommeil artificiel. La jeune femme posa sa tasse et reprit son calepin en main. Bon, ça allait être un autre cas ''joyeux''...

L'agente:

Le jeune homme s'était réveillé visiblement mécontent, rien de surprenant compte tenu des circonstances. Et cela n'allait faire qu'empirer, mais les émotions de l'élève et les siennes étaient sans importances. Il fallait se concentrer sur la tâche. D'ailleurs, l'étudiant ne perdit pas de temps.

- Alors, par où on commence ?

Au moins il ne faisait pas de crises ou ne posait pas dix milles questions. Cela allait grandement aider. La dame le regarda dans les yeux.

- Commençons d'abord par les présentations. Je suis le Docteur Rosalène, vous souvenez-vous de votre nom? Des circonstances qui vous ont emmené ici?

La première étape était de savoir si tous les souvenirs du jeune homme était en ordre. Après une telle expérience, il ne serait pas surprenant de le voir désorienté. Une fois le tout vérifié, elle passerait à l'étape suivante de lui dire ce qu'il voulait savoir, mais pas forcément ce qu'il voudrait entendre. Ce n'était pas son premier cas, le docteur Rosalène se le disait à répétition, mais ça ne rendait pas le travail plus facile.

- Avez-vous besoin de boire quelque chose?

L'élève ne tarda pas à lui répondre avec une certaine arrogance à laquelle le docteur Rosalène répondait avec la plus grande neutralité. Law... Il se souvenait de son nom, c'était un bon départ, cependant, elle accrocha sur le détail d'une "stupide'' notion d'amitié, la faisant noter le commentaire avec un point d'interrogation dans son calepin. À sa demande, elle se leva pour se diriger vers le distributeur d'eau, ignorant pour le moment son second commentaire.

Alors qu'elle revenait, il renchérissait.

- Je veux des réponses. Je veux comprendre qui vous êtes, qu'est-ce que je fais ici, comment je suis arrivé ici. Est-ce que vous pouvez me venir en aide, Docteur Rosalène ?

Des questionnements bien légitimes, se rasseyant, le docteur le regarda dans les yeux.

- Vous aurez vos réponses, mais je ne suis pas responsable de si elle vous satisferont ou non. Également, je peux apporter une certaine aide... Celle que vous désirez? Ça, je l'ignore.

Déposant son carnet sur ses cuisses, elle commença par le début.

- Vous vous êtes suicidé... Avec une arme à feu, dans la bibliothèque de l'académie de Tsuki. Ici, vous êtes dans une clinique spéciale de l'Agence. L'académie Tsuki et ses élèves sont sous notre responsabilité. Moi, je ne suis qu'un docteur spécialisée dans des cas plus... particuliers.

Cependant, elle n'était pas là pour raconter sa vie. Le sujet était Law avant tout.

- Faisons un marché. Nous échangerons nos informations. Je pose des questions et je vous donnerai les réponses que je peux en contre-partie. D'abord, parlez moi de votre suicide... Pourquoi avez-vous fait une telle chose? En quoi le concept d'amitié a-t-il été stupide pour vous?

Le jeune Law se mit à rire avec plein de dérision. Il évoquait au Docteur Rosalène les hommes de quarante ans dépassé, devenus cyniques et amères de la vie. Elle avait ses moments elle aussi, mais elle aimait se dire qu'elle conservait de temps à autres un certain idéalisme... Mais pas dans ces instants là.

- L'amitié. J'ai voulu croire en cette connerie toute ma vie et aujourd'hui je suis ici, j'ai placé ma foi, mes ambitions, mes rêves à partir de cette notion. Je pensais que pour grandir, pour apprendre de la vie, on avait besoin des autres, on avait besoin d'avoir quelqu'un avec nous pour réussir et..c'était faux. Tout est faux, tout, tout ce qu'on peut croire ou même tout ce et ceux qu'on pense comprendre, tout ça c'est faux. Ils n'étaient pas là quand j'avais besoin d'eux, quand j'étais dans le besoin. Ils devaient surement avoir quelque chose de plus intéressant à faire que d’être avec un mec qui pourrait mourir pour eux, qui pouvait. C'est forcément mieux de se battre dans une foret avec un mec surpuissant que de combattre gentiment son pote, c'est surement mieux de trainer avec des meufs ou faire des fêtes que d’être avec son pote, c'est surement mieux de faire des activités pendant que son pote est cloitré chez lui, dans le noir, ayant comme seul ami sa clope. Si j'avais vécu pour moi, j'aurais rejoins Ren' et tout pourrait être différent aujourd'hui. J'espère qu'il est encore vivant, il faut que je parle à cet idiot. Warren, il était là que les 36 du mois, dès qu'il y avait une fête ou du poulet à prendre, Allan..Allan. J'ai compris la définition d’être amoureux avec lui, parce que ouais j'suis un connard de bisexuel. J'étais amoureux de lui, et il est responsable d'une bonne partie de ma situation. C'est à cause de lui que j'ai pas rejoins Ren', à cause de ses arguments, à cause de la Maison Ambre. J'avais juste besoin d'une oreille.. Et vous savez ce qui m'énerve encore plus docteur ? C'est que ce que je vais faire, mettre fin aux vies de ces misérables, c'est même pas mon choix encore, je prends pas cette décision parce que j'en ai envie mais parce qu'il le faut, c'est un besoin, un besoin qui vient de cette haine envers eux. Je me demande comment ils vont.. C'était ma famille. C'est pour ça que tout est fini pour eux. Je vais croire en moi, mes idées, mon avenir, mes convictions et mon propre crédo, crédo donc la première règle sera que tuer est un besoin, pas une pulsion. Il faudra se référer à ça avant de commettre cet acte. J'apprends à me comprendre, j'ai appris à le faire. Je vais peut-être trop loin de mes explications, docteur. Dans tout les cas, je pense que vous avez une partie de votre réponse. Le suicide est quant à lui une simple conséquence, je ne pouvais pas vivre comme ça plus longtemps, il fallait que j'agisse. La dépression et ma connerie naturelle je suppose. Je ne regrette rien. Maintenant je veux des réponses aussi, vous avez dit que je me suis suicidé et pourtant, je suis là, avec vous. Je veux des explications, s'il vous plait, docteur. Et..Vous n'avez pas une clope ?

Le docteur Rosalène soupira. Il n'avait qu'à moitié raison. Les gens avaient besoin des uns des autres, c'était scientifique, pas pour une question de sentiments. Elle considérait qu'il fallait que la roue tourne. Les gens sont là pour combler mutuellement leur besoin et apporter ensuite quelque chose au monde. C'était tout simple. C'était dommage à dire, mais ce n'était qu'un gosse qui n'avait pas eu de chance. Seulement, il était hors de question qu'il utilise ceci comme excuse. Elle ne répondit pas sur le coup, mais après avoir pris ses notes, elle releva enfin les yeux vers l'étudiant lorsqu'il lui quémanda une cigarette.

- Fumer n'est pas bon pour la santé.

Elle avait dit cela en roulant les yeux avec un ton sarcastique. Elle se leva, se dirigeant vers un recoin de la pièce, montant sur une chaise pour mettre un ruban adhésif noir sur la caméra de surveillance. Bien entendu, c'était du bluff, il y en avait d'autres beaucoup mieux dissimulés, mais heh, pour une fois elle allait passer pour une personne ''cool''. En fait, elle s'en fichait bien, mais déjà, avoir Law un peu de son ''côté'' allait faciliter la communication.

Elle débarqua de la chaise, fouilla dans sa poche de blouse blanche.

- Malboro, ça te convient?

Tant qu'à y être, elle décida de s'en prendre une. Si son collègue Niels lui disait quoi que ce soit, elle lui enverrait gentimment un doigt d'honneur. Le café est autant une drogue que la cigarette, chacun ses vices.

Elle tendit la cigarette avant de l'allumer pour l'étudiant et ensuite allumer la sienne. Elle prit quelques secondes pour en prendre une bonne bouffée.

- C'est pas tout les jours que je peux me permettre de fumer au travail..., souffla-t-elle, observant le plafond.

Regardant à nouveau l'étudiant, elle le regarda dans les yeux.

- Je peux comprendre un minimum la situation. Pas la bisexualité ou autres détails, mais si l'âge permet une chose c'est d'avoir apporté un peu d'expérience de vie. Des potes, on en a qui viennent et qui partent. Des gens qui se sert juste de leur ami comme bouche-trou, le chauffeur désigné pour les fêtes, ou comme vous dites, pour venir voler le PFK. D'une certaine manière, il faut savoir choisir où on met son énergie. Sinon, je serais bien tombée dans le même piège. Ils sont fautifs de vous avoir ignoré, mais ça s'arrête là. Il ne faut pas tomber dans la victimisation et la haine de l'univers tout entier.

Alors qu'elle termina son petit speech, elle se leva pour se diriger vers une armoire où elle sortit une petite bouteille de Brandy. Elle en servit deux petits verres sans glace et en apporta un à son patient. Loin d'être assez pour enivrer, mais ça donnait un peu de punch. Alala, Rosalène, elle allait prendre cher après cette réunion.

- Tiens, pour avoir écouté mon petit sermont.

Reprenant sa position, le docteur prit une autre bouffée de sa cigarette.

- Je ne peux pas donner les détails, mais je peux vous assurer que vous êtes bien vivant. Quelqu'un ne s'est pas mêlé de ses affaires et a décidé d'utiliser ses pouvoirs pour vous ramener. Sans réfléchir aux conséquences, sans demander la permission, une décision égoïste.

Le docteur Rosalène avait laissé entrevoir de l'agacement dans sa voix en disant cela.

Mmm, peut-être n'aurait-elle pas dû tenter d'amadouer l'étudiant avec la cigarette et l'alcool en plus, il commençait à prendre un peu trop ses aises avec elle, surtout considérant ce qu'elle allait lui annoncer. Autant pour lui que pour elle, ces petits ''médicaments'' servaient à anesthésier la douleur mentale, comme béquille dans les moments difficiles. Le docteur Rosalène travaillait peut-être pour l'agence, mais elle ne restait pas dépourvue de sens moral. Ou de culpabilité...

Prenant un coup de sa cigarette, Law la questionnait de nouveau alors que le docteur lui tendit un cendrier.

- Et..Est-ce que vous savez pourquoi il a fait ça Docteur ? C'est simplement un délire de psychopathe ou il a quelque chose derrière la tête ? Je vous en demande peut-être beaucoup mais, j'ai besoin de ces réponses Mademoiselle Rosalène.

- Docteur Rosalène pour vous, rectifia-t-elle.

Elle ne s'était pas fendue le derrière toutes ses années pour avoir ce doctorat, encore chose difficile pour les femmes et les personnes de couleur même au 21 ème siècle, pour se faire appellée ''Mademoiselle''.

- Pour ce qui est de ses raisons... Il faudrait le lui demander en personne, mais hélas, monsieur le Directeur continue d'être très évasif...

Rendu là... Elle n'avait plus de raisons de dissimuler davantage.

- Peu importe ses raisons, je ne lui pardonnerai pas cela. Il a été très inconsidéré et je crois que lui même ne savait pas ce qui vous arriverais... Du moins, je l'espère.

À nouveau, le Docteur Rosalène avait retrouvé un visage dur, le masque professionnel devait revenir à un moment ou à un autre.

- Je suppose que c'est votre tour pour la question, docteur.

- Ce ne sera pas la peine... Vous avez répondu déjà, bien plus que vous le croyez. C'est à moi de vous exposer ce qu'il adviendra de vous.

Et cela ne lui faisait nullement plaisir. Calme, cependant, le visage le plus sérieux, elle le regarda dans les yeux.

- Law, je regrette, mais dès que vous avez appuyé sur la gâchette, vous étiez condamné. Ça... Peu importe le pouvoir... Personne ne peut ressuciter les morts. Le directeur a remonté le temps pour vous ramener, mais il a été cruel en faisant cela. Il n'a fait que retarder que très peu l'inévitable... Vous allez mourir bientôt. S'il y a une question que j'ai à vous poser est... Vos dernières volontés.

Law ne réagit pas sur le coup. D'un côté, le docteur Rosalène ne s'attendait pas à ce que le jeune homme fonde en larmes ou fasse une crise. Il était celui qui a mit un terme à sa propre vie. Toutefois, le faire revenir à la vie alors qu'il avait fait la paix avec la mort était pour elle impardonnable.

- Bientôt ? Deux jours ? Une heure ? Si je dois mourir sous peu, je préfère partir d'ici, DOCTEUR. Le temps joue contre moi et je ne compte pas rester sur le banc et attendre ma mort comme un vulgaire déchet. Laissez moi partir d'ici Docteur, laissez moi retourner à l'Académie, c'est ma dernière volonté. Ça vous fera un problème en moins et vous serez la première à la cantine.

Le docteur haussa un sourcil à sa demande. Tiens, donnait-elle une telle impression? Non, contrairement à son stratagème avec l'alcool et la cigarette, quand elle faisait un boulot, elle le faisait jusqu'au bout.

- De toutes les volontés possible, c'est celle-ci? Pourquoi? N'aviez vous pas déjà tout abandonné dans cette bibliothèque?

Bien entendu, l'entente était une question pour une réponse, Law lui en posa une nouvelle.

- Pourquoi vous faites ce travail Docteur ? Je pose cette question par simple curiosité, je veux dire, pourquoi ici et pas ailleurs ? Vous allez me dire que c'est la vie privée et, je comprends. Je me demande simplement comment on peut vouloir faire quelque chose de différent quand on peut avoir une vie tranquille.

Elle écarquilla légèrement les yeux. Pourquoi faisait-elle un tel boulot... Elle ne se rappellait même plus à quoi elle pensait quand, fraîchement diplômée, elle avait été recrutée. Elle était si naive à l'époque... Travailler à l'Agence signifiait ne plus pouvoir détourner le regard des choses qu'on ne veut pas voir.

- Je suppose que c'est parce qu'il doit être fait... Et je ne laisserai pas quelqu'un d'incompétent faire ce boulot à ma place.

Le docteur Rosalène haussa les épaules.

- Quand on travaille ici, on prends conscience des choses qui ne sont pas révélés aux citoyens lambda... Ce n'est plus vraiment un choix. Est-ce naif de dire que quand un système est pourri, on peux contribuer à l'améliorer de l'intérieur?

C'était une question rhétorique, le docteur n'attendait pas de réponses.

- Vous avez 24 heures, pas plus... Inutile de dire que vous serez accompagné et que des mesures sont prises pour que vous ne fassiez rien de stupide. Avec cette information, je vous donne deux choix. La première, continuez dans votre voie, allez à l'académie, obtenez vos réponses et faites vos adieux. La suivante... est de changer complètement votre vie.

Elle le regarda dans les yeux.

- J'ai crée une machine qui retranscrit toute votre mémoire... détruisant au passage la mémoire actuelle. C'est un processus réservé aux mourrants. Ainsi, dans votre esprit, vous mourrez en ayant réalisé tous vos rêves et libéré de tout regret. ...Je crois, que c'est la vraie raison pour laquelle je fais ce travail, admit-elle.

À voir le regard de Law, le docteur Rosalène se doutait un peu de sa réponse, mais elle n'en dit rien, attendant qu'il parle de lui-même. Ce qui ne tarda pas.

- Alors qu'est-ce qu'on attend pour mon retour à l'Académie ? Votre machine est intéressante mais, mourir dans le mensonge.. Je refuse.

- C'est courageux..., commenta-t-elle, en se levant.

Elle alla chercher les vêtements que Law portait, préalablement lavés, et les posa sur ses genoux.

- Voilà... Autre chose?

- Vous savez quelque chose sur, Ren' ?

Le docteur Rosalène se mordit la lèvre inférieure.

- Depuis qu'il ne sait pas choisir ses relations? Aucune. Nous savons qu'il est en vie, mais pas son emplacement exact... Je regrette, mais vous n'aurez pas votre coeur à coeur avec lui si c'était ce que vous souhaitiez.

Elle tourna le dos au jeune homme avant de quitter la pièce, histoire de lui laisser un peu d'intimité.

À la sortie elle tomba sur son collègue qui amenait la machine sur une table roulante.

- Pas aujourd'hui, Neil...

- Oh..., fit-il d'un ton déçu.

- Par contre je sors, disont que cette fois, il aura ce qu'il veut dans le monde réel.

- T'es sûre que ça va aller, Eva?

- Il est surveillé. Pour le reste, j'attendrai dehors. Je ne suis pas intrusive au point de regarder tous les détails de ses derniers adieux.

- Okay... Bon, on se fait un souper au Chicken Kitchen après?

Le docteur Eva Rosalène ignora son collègue qui ramena la machine avec une mine basse. Elle cogna à la porte de Law.

- C'est bon? Vous êtes changé?

Elle pouvait litéralement dire qu'elle n'avait pas toute la journée, mais ça, l'élève le savait déjà.

Elle ouvrit la porte, sans toutefois entrer dans la pièce, attendant Law à l'extérieur. Il était fin prêt à y aller. Sauf que son collègue décidait de revenir. Se tournant vers lui avec un regard agacé, elle se demandait ce qu'il pouvait bien vouloir. Au moins, il ne ramenait pas la machine.

- J'ai oublié de te donner ça. À plus tard!

- Hey!

Le docteur Rosalène regarda le papier qu'il lui avait donné... Une adresse de resto.

- Neil...

Elle chiffona le papier avant de le mettre dans sa poche de sarrau.

- En quoi consistera mon escorte, docteur ?

La jeune femme se tourna vers l'étudiant.

- De moi-même. ...Oh et pas de plaisanterie facile.

Elle lui tourna le dos, lui indiquant silencieusement de la suivre. Bien entendu elle mentait... Encore. D'autres suivraient, mais ça, Law n'en aurait même pas connaissance, elle non plus d'ailleurs. Il y avait des gens à l'agence spécialisés pour la discrétion... Ce qui n'était décidément pas le cas de son collègue. Le poulet allait attendre... Elle ne croyait pas avoir faim de sitôt après cette journée.

- Ma voiture est là, la rouge, indiqua-t-elle, lui faisant signe d'embarquer du côté passager.

Et ils prirent la route, direction l'académie Tsuki.

Alors qu'elle roulait, Law décida d'agir... en imbécile.

- Qu'est-ce qui m’empêche de mettre fin à votre vie ici, docteur Rosalène ? Et l'excuse de la peur n'est pas valable.. Je suis déjà mort, dans le passé et dans le futur. Les rappeurs chantent la même chose, les fous aussi. C'est comme ça que vous voyez vos patients n'est-ce pas, des fous ? Les fous s'occupent des fous après tout. C'est pour ça que vous faites ce travail, docteur Rosalène.

Elle lui jeta un regard de biais, mais sans quitter ses yeux ambrés de la route.

- Que pense votre mère de votre travail ? Est-ce qu'elle le sait ? J'en doute. C'est mal de mentir à celle qui vous donne la vie. Emmenez moi à l'Académie, laissez moi faire ce que j'ai à faire. J'ai aucune idée de si vous avez des complices quelque part ou non mais, ils devraient partir. Personne ne vous tiendra responsable des actes d'un dégénéré mental. Après, qui suis-je pour vous dire quoi faire ? Quelqu'un qui pense que vous agissez depuis trop longtemps sous les pensées de votre travail et non pas par votre cœur ? Un crétin ? Un fou ? Un peu des trois je suppose. Je doute que vous puissiez faire quoique ce soit après tout, vous voulez votre promotion, votre carrière. Vous êtes dans votre conformité alors restez-y. Sachez simplement qu'on ne change pas un monde en pensant que ce qui est bien, est juste. Allons-y docteur.

- Avez-vous terminé, Laworth " Junior " Kidd? Vous êtes bien arrogant de penser à ma place. Je vois mes patients comme des patients... Ou est-ce fou de ma part? Il me semble que moi seule est en mesure de savoir ce que je désire.

Oui, elle seule, le savait... Quant à sa mère, elle était bien tranquille à Yamoussoukro et recevait de quoi vivre de sa part à tous les mois. Si quelque chose lui arrivait, elle hériterait de sa part d'héritage. Pour Eva Rosalène, cela lui suffisait. Il était hors de question de se laisser intimidée par l'étudiant. Elle avait volontairement utilisé son nom complet, montrant qu'elle avait vu le dossier. Son nom, son pouvoir, force et faiblesse, elle savait tout cela.

Ça, et elle avait une confiance aveugle en son équipe... Non, pas une confiance comme celle qu'on accorde à des amis. Plutôt qu'elle savait que ces types faisaient leur travail avec brio.

- Nous allons à l'académie pour faire vos adieux et respecter vos dernières volontés Law... Dès le moment où vous faites un acte stupide à la Kamikaze, je veillerai à ce que vous auriez préféré mourir dans le mensonge.

Ce n'était pas une menace, le docteur Rosalène restait calme, professionnelle. C'était sa capacité à garder son sang-froid qui lui avait valu sa place à ce travail. Les études ne valent rien sans un peu de caractère apparement.

- Si je meurs, Neil devra le manger seul ce poulet..., pensa-t-elle avec un petit sourire sans joie.

Alors qu'elle continuait de rouler calmement, le jeune homme se décida de baisser la tension d'un cran.

- Je suis un Orth, je suis, Laworth. Allons à l'Académie dans le calme, vous avez raison.

Elle ne répondit rien sur le coup. Elle regardait l'horizon qui se teindait d'orangé. Elle se surprenait à avoir hâte que le compte à rebours atteigne le zéro. Que le garçon ferme les yeux définitivement. Pourtant il n'y avait pas de haine envers lui. Ce n'était que naturel. Il avait choisi sa mort. Égoïstement et lâchement certes, mais il l'avait choisi. Et maintenant... Il se tenait à ses côtés, respirant et ayant des projets dans ses dernières heures pour le meilleur ou pour le pire. Elle avait seulement ce pressentiment qu'il aurait dut rester mort dans cette bibliothèque, qu'il faudrait que son coeur s'arrête avant qu'il n'arrive à l'académie. Elle gardait son masque impassible, mais elle sentait un voile de malaise.

- Sachez simplement que, si vous essayez de me tuer ou vos camarades, j'ai les moyens de mettre fin à votre vie, maintenant.

- Je n'ai pas de raisons de tuer un mourrant.

Du moins, pas pour le moment... Le docteur Rosalène espérait que ça n'en vienne pas à ça. Tout dépends de Laworth, pas vrai?

- ...Eva...

C'est vrai, elle savait le véritable nom du patient. Donnant donnant, comme toujours.

- Je suis le docteur Eva Rosalène.