Le petit poisson se noie dans l'océan {PV • Mlle River}

Le soleil se levait juste quand Thalie avait tiré les rideaux de son appartement. Dehors, l'agitation habituelle de la ville semblait pour un temps calmée en ce dimanche matin. Les rues étaient plus désertes qu'à leur accoutumé et l'on n'entendait pas le son de klaxons et de sifflets de bus. Pour la première fois, l'enseignante se rendrait sur son lieu de travail un dimanche matin. Mais c'était pour une bonne raison et elle s'était préparée rapidement pour ne pas être en retard. En sortant de chez elle, elle avait regardé dans sa boîte aux lettres. Rien à part des factures. En tout cas, la lettre qu'elle attendait n'était toujours pas arrivée. Tant pis, elle attendrait encore... Le regard rivait vers le ciel, elle avait commencé à marcher.

Le soleil perçait difficilement à travers les nuages ce matin là. Elle était partie plus tôt pour pouvoir rejoindre l'Académie à pied. Cela faisait une belle marche et elle devait presser le pas, mais elle avait besoin de réfléchir. De s'éclaircir les esprits. C'était une spécialiste en matière de pouvoirs, on pourrait même dire qu'elle était très douée. Titulaire d'un doctorat en psychologie et d'un diplôme de l'institut du maître Xu en pouvoirs, elle était toute qualifiée pour aider des jeunes gens dans l'apprentissage de leur don et vers la maîtrise de ce dernier. Mais, parfois, elle s'inquiétait. Ce n'était pas si aisé et il ne suffisait pas d'un coup de baguette magique pour tout arranger. Elle le savait bien. Et puis, chaque cas variait suivant les personnes.

En fait, elle était inquiète depuis qu'elle avait reçu la lettre de l'une de ses élèves quelques jours plus tôt. L'adolescence était une phase difficile à traverser. Mais encore plus quand on possédait un pouvoir, et un pouvoir qu'on ne pouvait pas contrôler ou qui opposait un obstacle à ce que l'on puisse vivre paisiblement. La chevelure rousse de la professeur attachée en en queue de cheval se balançait de gauche à droite tandis que la jeune femme marchait d'un pas toujours plus pressé. Elle avait hâte de retrouver son élève. Pour comprendre ce qui n'allait pas et tout mettre en œuvre pour l'aider. Thalie s'était montrée discrète. Elle n'en avait parlé à personne. A aucun de ses collègues et pas même au psychologue scolaire. Elle respectait le choix de son élève et la discrétion dont elle avait besoin.

Elle finit par apercevoir les locaux de l'Académie et arriva finalement au portail. Sous demande expresse de l'enseignante, ce dernier avait été ouvert le matin même et elle put donc entrer. Elle traversa les jardins pour finalement entrer dans le bâtiment principal. Les sols et les casiers sentaient le nettoyant. Le ménage devait être fait de la veille. Grimpant les escaliers, Thalie s'arrêta à chaque étage, voyant si elle apercevait la jeune fille avec laquelle elle avait rendez-vous. C'est en parcourant un couloir avec rapidité, regardant en tous sens à la rechercher de son élève qu'elle finit par la trouver. Elle se tenait timidement dans l'ouverture d'une porte ouverte donnant sur une salle de classe. Ralentissant le pas, Thalie s'approcha doucement.


Elle avait parlé d'une voix calme afin de ne pas stresser la jeune fille qui semblait déjà peu rassurée. Thalie resta face à son élève et lui sourit avant de finalement entrer dans la salle de classe. Elle alluma la lumière avant d'aller poser ses affaires sur un table. Puis, elle se retourna.

Yumie semblait très tendue, mais quoi de plus normal. Alors, en cet instant, Thalie avait juste envie de tout faire pour aider son élève et tenter de l'apaiser. Thalie ne savait pas agir comme une mère puisque la sienne avait cessé rapidement de l'aimer, ou alors juste de montrer un peu d'affection, mais elle pouvait au moins faire son possible pour tenter de réconforter l'élève. Le soleil commençait à percer à travers les rideaux de la salle de classe et l'enseignante s'éloigna quelques instants de la jeune fille pour aller tirer ces derniers. Il leur fallait de la lumière. Une lumière naturelle, douce et chaleureuse. Pour Thalie, l'obscurité ne faisait que renforcer les craintes en donnant une impression d'enfermement, d’oppression. De plus, la discrétion que Yumie devait chercher ne serait pas compromise pour autant puisqu'elles étaient à l'un des plus hauts étages de l'Académie et que les fenêtres donnaient seulement sur l'horizon, au loin.

Thalie revint donc vers la jeune fille, attrapa une chaise d'élève qu'elle vint placer à côté de celle dont Yumie était la plus proche. Il ne servait à rien qu'elle se place face à elle. Cela aurait certainement été d'autant plus intimidant pour l'adolescente et elle n'était pas entrain de passer un oral. Le silence commençait à s'installer et Thalie savait que c'était à elle de le rompre. Mais elle ne voulait pas brusquer Yumie. Elle posa une main sur l'épaule de la jeune fille.


Au fond d'elle-même, Mlle River trouvait sa phrase stupide. A l'âge de Yumie, elle aurait hurler intérieurement si on lui avait dit une telle chose. Car, non, ça n'allait pas. Et tout n'allait pas s'apaiser d'un simple claquement de doigts. Mais, en disant cela, Thalie pensait surtout à cet entretien. Elle voulait implicitement signifier à Yumie qu'elle n'avait pas à s'inquiéter, qu'elle avait bien fait de la contacter et que, ce premier pas difficile étant fait, elle pouvait enfin dévoiler sans crainte ce qui la faisait souffrir.
Thalie se montrait douce et calme car la souffrance perceptible chez la jeune fille l'atteignait et l'attristait. Finalement, elle retira sa main de son épaule, puis commença à s’asseoir en faisant signe à Yumie de l'imiter. Elle se tourna ensuite vers elle.


Elle ne savait pas comment Yumie voulait procéder, mais Mlle River pensait fermement que c'était à l'élève de démarrer comme elle voulait le faire et comme elle s'en sentait le plus capable. Quand elle aurait cerné les soucis de Yumie, Thalie pourrait alors se permettre de diriger un peu plus leurs entretiens pour l'aider de son mieux.
Elle la plongeait immédiatement dans le vif du sujet mais Thalie estimait que les formules de politesse et autres interrogations sur les cours ou sa vie à l'Académie seraient déplacées et futiles.

Thalie écouta attentivement Yumie, prêtant attention à chaque détail. Elle savait en effet que la jeune fille sortait d'un coma, mais en entendre à nouveau la raison lui faisait mal au cœur. Elle se contint pourtant. Yumie n'avait pas besoin de compassion ou de pitié et elle méritait plus que ça. Elle avait surtout besoin qu'on l'écoute et que des choses soient mises en place pour l'aider car ce qu'il lui arrivait était vraiment grave et il fallait agir vite pour que ça ne s'aggrave pas. C'est donc sans l'interrompre que Mlle River l'écouta dire tout ce qui la faisait souffrir.

Le point rassurant était que Yumie semblait avoir de bons amis, comme Arianna qui avait pris cela au sérieux en lui conseillant de se faire aider. Quand elle eut terminé de parler, ce fut au tour de Mlle River de s'exprimer. Et, même si c'était désagréable pour l'étudiante, elle serait obligée de l'interroger. Ne voulant pas tarder plus, elle s'y attela donc. Voyant qu'elle retenait difficilement une larme, Thalie attrapa doucement la main de l'élève et la serra gentiment dans ses deux mains avant de la relâcher.


Elle adressa un sourire encourageant à Yumie avant de se lancer.


Thalie voulait en savoir plus sur cette grand-mère. C'était peut-être important. Yumie avait dû ressentir une grande souffrance à un moment donné. Souffrance qui avait provoqué sa détresse et ainsi perturbé son pouvoir. Quand à sa difficulté à différencier rêve et réalité, Thalie avait peut-être une idée.


Ce n'était pas sûr que ça marche ou que cela convienne à la jeune fille mais si ça fonctionnait, ce serait aussi pour elle une grande force. Thalie se tut pour lui laisser le temps de parler.