Une aventure (enfin) normale [Pv Mr. Hatami & Sawako - FIN]

Tyron se baladait dans les couloirs l’air serin, sans se pressé. De bonne humeur, il n’était pas peu fier d’avoir obtenu le remplacement permanent de l’un professeur malade pour quelques groupes en début de semaine. Il lui semblait que les jours s’égrainaient beaucoup plus agréablement depuis cette nouvelle. Bien sûr, il essayait de soustraire une certaine rencontre qui s’était produite à peu près dans les mêmes délais, à l’équation de sa nouvelle béatitude, mais cette tâche était loin d’être aisée. Cela faisait presqu’une semaine, jour pour jours, qu’il s’était retrouvé, au grenier, dans sa plus simple expression devant les yeux d’une jeune étudiante qui, jusqu’alors, aurait pût être pure. Il ravala sa salive au retour de cette pensée qui venait trop souvent se placardé au fond de son crâne. Prenant une inspiration, il laissa sa conscience se foutre de lui sans lui accorder le moindre intérêt et décida de passer à autre chose, même si, il le savait, cette image de ces mains tremblantes servant de barrière à son intimité reviendrait le hanter au cours de la journée.

Il jeta un bref coup d’œil à ces notes alors que ces cheveux, de mèche avec sa conscience sans doute, lui tombèrent sur le visage pour lui bloquer la vue. Comprenant qu’un rendez-vous chez le coiffeur était de mise, il secoua la tête pour les écartés en maugréant. Alors que les mèches blondes le reprirent d’assaut il décida de changer de tactique, décidé à vaincre l’ennemi capillaire qui se dressait sur sa route. Avec un sourire de triomphe, il regarda ces notes, le bras tendu droit devant lui pour les maintenir. Il les lues ainsi, aux yeux de tous et quand, enfin, sa conscience se releva pour le ramener sur terre : soit, dans les couloirs de l’Académie à l’intercours qui venait de sonner, il abaissa délicatement son bras comme si de rien n’était en jetant des regards incertains autour de lui pour prendre conscience de qui aurait bien pût le voir sourire à des feuilles de papier. Essayant de reprendre contenance suite à la gêne qui s’en était prise à lui, il reprit sa route pour quitter rapidement les lieux.

Sa tâche, pour la prochaine heure, était de repérer une poignée d’élèves faisant partie de l’une de ces nouvelles classes afin de leur remettre un carnet de notes que leur ancien instituteur avait omis de distribué. C’était une corvée ingrate, certes, mais les examens arrivaient bientôt et le fameux livret contenait des informations plus qu’importantes pour la réussite des étudiants visés. Alors que Tyron soupirait en se demandant quel prof imbécile pouvait oublier ce genre de choses, il se dirigea vers l’aile diamant afin d’aller feuilleter les dossiers. Histoire de pouvoir retrouver ces recherchés pendant le prochain cours.

C’est en chemin qu’il la croisa. Elle. La jeune fille du grenier.

Sentant le cramoisi lui menacer les joues, Tyron essaya de rester calme alors qu’il se détournait subtilement pour passer inaperçu. Sitôt que ce fût chose faite, il se senti complètement stupide. Quoi de plus suspicieux qu’une réaction pareille ? Il entendait sa conscience marmonner avec un sourire narquois. Il fronça les sourcils, inspira et adopta une stature droite et fière. Elle était là, d’accord, mais rien ne l’obligeais à aller lui parler. « Aucune raison valable ne l’autorisait à le faire, tu veux dire ? » railla la voix sournoise sortie tout droit de sa tête. « La ferme. », lui répondit-il simplement, avec, tout de même, une sensation de culpabilité brûlante qui se rependait dans toute sa gorge.

Il se retourna doucement et regarda un peu la jeune fille qui l’accompagnait de façon plus discrète qu’il ne s’en serait cru capable. Elles semblaient discuter. Et avec un grand sourire. C’était son amie ? Sans doute. Il avait comme une impression de déjà vu en la regardant. Pourtant, il ne se souvenait pas l’avoir rencontrée… Avec leurs cheveux blonds et leurs yeux bleus, elles se ressemblaient un peu, il fallait l’admettre, mais Tyron avait la ferme impression que ce n’était pas de là que cette intuition lui venait. Songeur, il regarda ces feuilles sans réellement les voir. Pourtant, celui lui aurait sauvé de précieuses minutes. Parce que quand il prit enfin connaissance de ce qu’il fixait distraitement, il pût constater qu’il regardait la photo d’identité de cette même étudiante. Sawako Hayashi. L’une de ces nouvelles élèves. Et par ce fait même, l’une de celles qu’il devait rencontrer lors de l’heure à venir.
Intérieurement, il envoya un sourire victorieux à sa sorcière de conscience : « Aucune raison de lui parler, n’est-ce pas…? », puis, alors qu’elle affichait une mine boudeuse, il prit la direction des deux jeunes demoiselles avec une posture assurée.
Lorsqu’il arriva enfin à leur hauteur, il s’arrêta et les salua.

«  Je suis navré d’interrompre votre discussion, dit-il, mais j’ai un document important à remettre à Mlle Hayashi.

Se tournant vers elle (un peu à contre cœur, même si jamais il ne l’admettrait), il prit le temps de lui expliquer plus clairement ;

-  Vous avez dû entendre dire entre les branches que votre enseignant avait des problèmes de santé, c’est moi qui le remplacerai pour quelques temps. Comme il avait oublié de remettre le carnet d’informations pour le prochain examen à votre classe, c’est moi qui m’en charge aujourd’hui.

Lui offrant un sourire ainsi que le document, il ajouta :

- Oh, j’oubliais, je suis Tyron Hatami. Bien sûr, Mlle Okamoto aurait pût vous le dire, mais je préférais le faire moi-même.

Dit-il alors que son sourire s’agrandissait un peu plus. Par la suite, il accorda enfin, lui semblait-il, son attention à Yumiko. Il garda cependant un air professionnel cette fois :

- Vous vous portez toujours bien depuis la dernière fois, mademoiselle ?

Lui demanda-t-il en réprimant bien malgré lui le sourire fourbe et rieur qu’il lui avait proposé la semaine antérieur. Il espérait qu’elle comprendrait cet air sérieux si soudain, même si, dans un recoin de son esprit, l’idée qu’elle ne comprenne pas et s’en offusque le hantait considérablement…

Le professeur souriait aux étudiantes alors que Miko, dont le visage avait pris des teintes d’un rouge très peu naturel, lui répondait qu’elle allait très bien. Alors qu’il se demandait naïvement ce qui pouvait bien la rendre aussi mal aisée, sa conscience lui apporta la réponse en roucoulant : « C’est l’homme que tu es qui la met dans cette état, idiot. » Malgré ces paroles froides, elle semblait bien plus amusée qu’autre chose par la situation. Alors que, mentalement, il lui répondit, le jeune homme prit bien le temps de se dire qu’il avait une imagination bien trop débordante. Même en étant une pure invention de son cerveau, elle réussissait tout de même à le déstabiliser. « Que… Quoi ? Pourquoi … ? » Débitait-il maladroitement alors qu’il pouvait la voir rire grassement de lui. « Je vais t’expliquer plus clairement, petit être naïf et débutant ; quand un monsieur et une demoiselle se rencontre et qu’ils se plaisent mutuellement, leurs corps respectives sont en proie à toutes sortes de réactions étranges. Comme les rougeurs sur ces joues ou bien, un peu plus avancé, quand tu te réveille le matin et que ton entre-jam… » Même en tant que dialogue mentale, Tyron décréta que cela allait beaucoup trop loin et lui coupa la parole pour la faire taire. La réduisant de nouveau qu’à un simple fruit de son monde imaginaire, il tenta de l’éloigner de ces pensées. Pourtant, comme les souvenirs du grenier, il savait qu’elle reviendrait sournoisement le mettre mal à l’aise un peu plus tard quand il baisserait sa garde. Elle était omniprésente dans sa tête presque à chaque instant de sa vie. Sans doute les effets secondaires de longues années de solitude, de drogues et de folies en laboratoire avaient-elles contribuées à son développement en tant que personnalité à part entière. Parfois, Tyron se demandait si ce n’était pas le cerveau d’un quelconque jumeau non-né qui habitait un coin de sa tête. Il avait même déjà songé à lui donner un nom, mais s’était ravisé en pensant que ce serait lui reconnaitre une existence réelle et concrète.

Le plus important, bien sûr, (sachez-le) c’était qu’au moins, l’enseignant savait et reconnaissait envers lui-même qu’il était fou.

Revenant rapidement sur les lieux d’où se tenait son corps, le diamant offrit un large sourire amical à la jeune fille en guise de réponse.

« Je suis bien heureux de vous l’entendre dire ! Disait-il avant de reprendre finalement ; Je vais vous laisser vaquer à vos occupations mesdemoiselles, j’ai d’autres étudiants à rencontrer.

Juste avant de partir, il ajouta, à l’attention de Yumiko, et ce, pour une raison bien précise :

- Je remettrais les carnets aux étudiants de votre groupe dans le cours que nous aurons demain.  Bonne journée mesdames.»

Puis, maintenant qu’il était presque certain qu’elle avait compris qu’il serait son nouvel instituteur, Tyron se retourna et s’éloigna d’elles deux, un petit sourire bien dissimulé aux lèvres.
C’est alors que, de nouveau, une voix railleuse s’éleva ; «  Je sens que nous allons bien s’amuser ce trimestre » chantonnait sa conscience avec un sourire narquois. L’homme, lui, l’ignora royalement. Trop occupé à divaguer d’une pensée à l’autre.