Arbitre sans réel combat [Pv Jïnn]

Je revenais du réfectoire pour y avoir déjeuné. Les quelques filles de ma classe qui voulait absolument discuter avec moi pour quelques raisons farfelues comme le fait que j’étais une bonne élève en général et qu’elles souhaitaient en profiter, que j’avais un « bon » caractère ou qu’elles avaient eu vent sans comprendre que j’avais des ennuis de santé, me suivaient en discutant très joyeusement. Pour être franche, je trouvais ces lèches-bottes très collantes et, une fois que nous fûmes dans les extérieurs de l’académie, je cherchai un moyen de me débarrasser d’elles jusqu’à la fin de la journée. Étrangement, je n’eus rien à faire : effrayée par des éclats de voix ou trop prétentieuses pour admettre que leurs pouvoirs ne servaient à rien si elles venaient à être prises dans une bagarre, elles parlèrent d’aller dans les jardins. Toutes d’accord pour aller observer des fleurs et de discuter de choses inutiles… ou pour me demander sur un coup de tête tous mes cours pour travailler car tout ce qu’elles savaient faire c’était dormir ou se maquiller, elles me demandèrent de les suivre. Alors, en regardant en direction du terrain d’entraînement, je leur répondis fermement bien qu’avec le sourire :

- Partez devant, je veux voir ce qu’il se passe.
- Ah ouais, c’est vrai que tu veux être prof… !
- Allez, venez les filles, on y va.

C’est là qu’on voit si ce sont de vrais amies ou non. Je n’avais, de toute façon, jamais demandé à être suivie par ce genre de pimbêches superficielles. Alors, une fois qu’elles partirent en me laissant seule, je partis en direction des éclats de voix. Deux garçons étaient en train de commencer à se battre. L’un semblait bien entraîné, brun avec un bandeau… le genre de mec à prendre soin de son corps sans pour autant vouloir être beau gosse. Je devais avouer qu’il était pas mal. En face de lui, un blond châtain, grand mais pas autant que le premier, ni aussi musclé d’ailleurs, il semblait être la source de la bagarre. Rouge comme une écrevisse, il était en état de rage. En y réfléchissant bien, j’avais déjà vu le pouvoir de ce gars et en plus de me rappeler que je pouvais le contrer avec le mien il m’était évident qu’il ne le maîtrisait pas du tout. Alors pourquoi voulait-il vraisemblablement un duel ? En cas de problème je savais que je pouvais éviter un accident, mais ne connaissant pas la nature du pouvoir du brun je ne savais pas si ce serait efficace. De plus, je ne pouvais pas éviter que le blond se blesse. Je décidai cependant de regarder ce qu’il se passait pour intervenir au cas où.

En attendant la suite des évènements, assise dans l’herbe, je tentai de me rappeler avec exactitude le pouvoir que je pouvais arrêter. Il me semblait qu’il pouvait manipuler la terre mais que, souvent, il les maniait avec tellement de maladresse qu’il faisait souvent tomber des pierres sur tout le monde… et parfois même de haut ! Je pouvais arrêter une chute de pierre ou stopper leur mouvement, mais j’espérais que je n’aurais pas à le faire trop longtemps. Je ne pouvais pas tenir plus de 10 ou 15 minutes et cela me fatiguait énormément. Je ne savais pas non plus quand ma maladie pouvait se manifester… Bref ! Je ne pouvais qu’espérer que tout se passe dans le calme, bien que ce ne soit pas du tout dans le tempérament du blondinet.

Pendant que je lui parlai, Jïnn était allé s’occuper des oreillers derrière moi, certainement pour que ce soit plus confortable pour moi, laissant sur sa chaise des cubes en bois reliés par une ficelle. Toutefois, au lieu de me demander ce que cela pouvait bien être, je m’inquiétais plutôt de son silence. L’avais-je inquiété à ce point ? Pour le vérifier, je me tourner pour le regarder. Il avait l’air frustré, en colère. Cela se voyait par l’expression de son visage autant que par le fait qu’il serrait mon oreiller avec force.

- Je... Toutes ces paroles prononcées tout à l'heure... Pardonne moi d'avoir dit ces choses... Sans m'en rendre compte je t'ai blessée...

Pourquoi s’excusait-il ? Non, la question était bête. Il devait comprendre par ce qu’il s’était passé et par mes paroles que je n’avais pas de temps devant moi et que ses dires par rapport à la « sélection naturelle » avaient été durs. Mais, ce qu’il ne devait pas encore réaliser, c’est que je ne lui en voulais pas du tout. Pour moi, chacun avait le droit d’avoir son avis, aussi blessant soit-il. Pourquoi m’énerverai-je pour si peu ? Si je m’arrêtais sur chaque frustration, chaque petite blessure, certainement serais-je encore en train de broyer du noir chez mes parents. Je ne voulais plus de ça. J’avais enfin compris que si ma vie était courte il me fallait alors en profiter plus encore. Oui, la vie était injuste. Non, je ne voulais pas mourir. Et encore non, je n’étais pas satisfaite de mon sort. Pourquoi ? Tout simplement parce que je voulais au moins vivre pour fonder une famille, donner la vie, aider tous ceux qui en avaient besoin…

- Si tu me le permets... Enfin, si tu le veux… Je peux au moins participer à ces que tes heures avec nous soient les meilleures de ta vie...

Doucement, je lui souris en posant une main sur ses bras dont on voyait les veines. Certainement se sentait-il impuissant, tout comme d’autres. Tout comme moi. Peut-être même plus. Alors, je pris une voix que je voulais douce et rassurante malgré les mots que je prononçais :

- Pour être franche, je ne sais pas du tout combien de temps il me reste à vivre. Cette maladie… on ne l’a jamais réellement vue auparavant. Alors, je préfère me dire qu’un jour on parviendra à me trouver quelque chose d’efficace pour me guérir. Mais, en attendant, je serais ravie que tu me donne un coup de main pour profiter de la vie à fond.

Dommage que je sois en train de régresser… Devoir retourner à des séances de chimio alors que je m’en étais enfin débarrassé… Peut-être que je serais plus gagnante en acceptant le « nouveau » traitement… ? En attendant, une autre question me torturait :

- Jïnn, combien de temps suis-je restée évanouie ?

J’avais peur, toujours à chaque fois que je m’évanouissais de la sorte, que je sois restée endormie aussi longtemps que la première fois. C’était une peur certainement irrationnelle dont je ne pouvais me défaire.

Doucement, Jïnn lâcha l’oreiller pour le tapoter. Certainement m’offrait-il de me mettre à l’aise, ce que je fis quand il s’éloigna un peu. Puis, quand je lui eus posé la question sur le temps que j’étais restée inconsciente, il se gratta la tempe droite, près d’une cicatrice. Certainement réfléchissait-il puisqu’il me répondit assez rapidement :

- Cela doit bien faire...1h30 facile je pense. Pourquoi ? En fonction de la durée du coma c'est grave c'est ça ? Puis...J'ai un peu bidouillé ça aussi, c'est matériel et sans doute pas très important mais j'tenais à te donner ça. En signe de soutien surtout.

- Merci beaucoup, lui répondis-je en le prenant. C’est vraiment très joli. Ça me fait vraiment plaisir. Et, rassures-toi, c’est simplement que j’ai peur de rester dans le coma, justement. La première fois que je me suis évanouie, je suis restée inconsciente deux mois durant. Je n’ai pas envie que ça recommence, c’est tout.

Je parlais en souriant, ce qui n’était pas forcément le cas. Ma situation le touchait à ce point ? C’était assez… inhabituel.

- Sinon...L'infirmière a insisté pour que j'te laisse en paix. Tu veux qu'on se revoie quand Kendra ? Si tu veux on pourrait aller au parc. T'en penses quoi ? J'ai bien des idées pour te faire profiter à fond !

- Mmh… Normalement je devrais prendre mon traitement dans quelques jours. Entre temps j’ai rendez-vous à l’hôpital pour discuter d’un nouveau traitement… Je dirais que dans trois ou quatre jours se serait parfait. Tiens, échangeons nos numéros : comme ça, s’il y a un souci je te préviendrais. En tous les cas, je te remercie.

Suite à cela, je pris mon téléphone qui n’était autre que dans une poche de mon pantalon avant de me préparer à recevoir son numéro. J’étais bien contente de voir que certaines personnes comprenaient mes sentiments. J’étais tout de même triste qu’il s’en veuille comme ça pour ce qu’il m’avait dit. Il avait le droit d’avoir son opinion et cette dernière n’était certainement pas fausse. Seul le fait qu’il pense à une « sélection naturelle » avait un peu de mal à passer. Il n’en restait pas moins que cette discussion que j’avais eu avec lui était agréable. Jïnn était une personne très sympathique qui méritait de connaître autant de joie que la vie lui imposait d’épreuves.
Quand l’infirmière vint annoncer la fin des visites, nous nous dîmes au revoir. J’espérais le recroiser avant la prise de mon traitement. En attendant, je me devais de réfléchir un peu plus concernant ce fameux nouveau traitement « hasardeux » à mon goût. Ne serait-ce pas mieux que recommencer la chimiothérapie ?