discutions entre amis (pv Yumiko)

Cette nuit, j’avais un peu moins pleuré qu’à l’accoutumée. Etait-ce parce que je guérissais ou que je me sentais un peu soulagée par rapport à mes craintes ? Je n’en savais rien, en vérité. Cela pouvait tout simplement être parce que mon corps était épuisé après plusieurs semaines presque sans repos. Enfin, tant de possibilités qui pouvaient être la cause de moins de pleurs, ce n’était peut-être pas plus mal ainsi quelle que soit la raison. Après tout, j’en étais un peu plus en forme, ce qui me permit de faire autre chose que rester dans la maison Saphir à zoner ou rester enfermée dans ma chambre. Je profitai donc de mon temps « libre » et, surtout, du beau temps pour sortir un peu. A vrai dire, je n’avais aucune envie particulière en termes d’activité. La seule motivation que j’avais consistait à dorer au soleil, profiter de la chaleur qui revenait et faire quelques activités qui me montraient ma liberté retrouvée. Pas de barreaux, plus de chaînes… seulement ma vie à l’académie qu’on m’avait rendue avec tout ce qu’une personne pouvait demander. Pourtant, il me semblait qu’il me manquait encore quelque chose. Mais quoi ?

Lentement, je marchai à travers les extérieurs de l’académie, évitant soigneusement les endroits peuplés. Je n’avais pas envie de me retrouver face à des foules ou des inconnus alors que même faire face à mes amis pouvait s’avérer compliqué. Cette pensée me mena donc dans les jardins. Il n’était pas encore coloré et fleuris comme lors des beaux jours, mais je savais que je serais désormais là pour le voir à nouveau, vivant sous les rayons chauds du soleil. Je ne changeai pas mon regard admirateur pour autant, trouvant que le jardinier était vraiment compétent (quoi que doué fut le mot qui me vint plus naturellement à l’esprit). C’est grâce à cette observation des lieux que je remarquai une personne assise au pied d’un arbre, les yeux bandés. Sur le coup, je ne reconnus pas Noa, mais comme elle me semblait fatiguée et que le bandage sur ses yeux m’interpellait, j’allai doucement vers lui et mis une main légère sur son épaule pour lui demander avec difficulté :

- Est-ce que ça va ?

Code par Rin

Entendant ma voix, le jeune homme releva la tête comme pour me regarder. Plus je l’observais et plus il me faisait penser à… N’étant pas certaine de mes dires, je n’osais pas formuler totalement mes pensées. Je préférais être certaine, même si ces dernières étaient totalement secrètes, à moins qu’une personne soit capable de les lire. J’espérais que personne n’en était capable pour le coup… Je dus cependant bien admettre qu’il s’agissait bel et bien Noa quand il me répondit en souriant :

_ Tiens Yumiko je ne t’avais pas entendue venir.

Plus nous nous rencontrions et plus il changeait. C’était… incroyable ! Pourtant, je ne fis aucun commentaire à ce propos, le laissant bailler et, aussi, beaucoup trop préoccupée par son état. Pourquoi avait-il les yeux bandés ? Que lui était-il arrivé depuis la dernière fois que je l’avais vu, après avoir laissé Luxia à l’infirmerie ?

- Je vais très bien je te remercie et toi ?

- Tu es sûr ?

Je n’avais pas pu m’empêcher de murmurer cette question que je regrettais à moitié. Sachant d’avance qu’il ne voudrait pas que je le soigne, et parce que je ne savais pas ce qu’il avait eu, je m’assis près de lui, dos contre le tronc de l’arbre sous lequel nous étions et je pris une grande inspiration. Je voulais le croire quand il me disait qu’il allait bien, mais je savais que quand on avait un bandage comme ça il s’était passé quelque chose. Mais, d’un autre côté, il était autre chose que je devais lui dire. C’est d’ailleurs ce que je fis en souriant doucement :

- Je suis heureuse qu-… que tu sois resté.

Une de mes plus grandes peurs était de voir les personnes que j’aimais partir sans me dire « au revoir ». Récemment, j’en avais parlé avec Narok. A vrai dire, c’était avant que Noa ne décide de s’en aller et juste après l’examen de biologie. Le Saphir m’avait alors proposé la possibilité que je fasse de sa maison à Winchester la mienne. Même après y avoir pas mal réfléchis, je ne savais pas encore comment je pouvais prendre une telle proposition. Après tout, quelle « incidence » cela aurait-il sur les rapports que j’entretenais avec lui ? Est-ce que sa mère, puisqu’il m’avait dit vivre avec, me verrait comme une invitée plus qu’une intruse ?
En parlant de « rapports » et de « liens », je demandai à mon ami à côté de moi :

- As-tu trouvé Yasushi ?

Code par Rin

Lorsque j’eue demandé doucement s’il était sûr d’aller bien, mon ami porta une main sur son bandage qui lui cachait les yeux tout en souriant avec l’air d’être mal à l’aise. Il me répondit alors que je n’avais pas m’inquiéter puisqu’Archie avait assuré que ce n’était que temporaire, donc pas grave. Je me demandais tout de même ce qui avait conduit à ce qu’il en arrive là. Je gardai néanmoins cette question pour moi, préférant tout de même parler sur un sujet plus léger et moins fâcheux, si ce n’était plus important que rester sur des yeux bandés qui ne le seraient peut-être bientôt plus. Et quand je lui eus exprimer ma joie de le voir parmi nous, à l’académie, il m’avoua avec reconnaissance :

_ A vrai dire je te suis reconnaissant de m’avoir dissuadé de partir.

Quant à ma question concernant Yasushi, il y eu un temps de silence qui me fit un peu peur. La probabilité que Noa ne soit resté en l’absence de notre ami commun était presque nulle, mais je ne pouvais pas totalement l’affirmer. Alors, dans le doute j’attendis avec une crainte grandissante qu’il réponde à ma question :

_ Oui et il est revenus à l’académie. Et toi ? Comment tu vas depuis l’autre jour ? Je remarque que tu as retrouvé la parole dans a quasi-totalité, c’est une bonne nouvelle.

Je fus on ne peut plus soulagée de l’apprendre, au point que j’en soupirai doucement. J’osais imaginer qu’en plus de cela, il allait bien donc que j’allais pouvoir lui parler à nouveau. C’était rassurant d’apprendre tant de bonnes nouvelles. Je perdis néanmoins le sourire quand le sujet dévia sur moi. Comment j’allais, hein ? A vrai dire, je n’en étais même pas certaine. Je mis donc un peu de temps avant de lui répondre :

- Je me sens rassurée de… savoir que toi et Yasushi allez bien et que vous rest-… restez à l’académie. Sinon, … je ne pense pas qu’il soit juste que je d-… dise que je vais bien. Je pleure dès que je rejoins mon lit. J’essaie d’aller mieux, de montrer que je suis forte, mais en v-… vérité, je suis encore totalement brisée.

D’une certaine manière, et sans réellement le vouloir, je faisais référence à ce qui était arrivé Hayate en usant de ce dernier terme. Franchement, je ne voyais pas comment dire les choses autrement alors que cette image me représentait réellement. Concernant la parole…

- Mis à part ça, les petites phrases sont plus f-… faciles à prononcer. C’est comme si ma voix se fatiguait rapid-… rapidement.

Code par Rin

Le silence succéda à mes paroles. Peut-être n’était-ce pas plus mal ainsi. Puis, que pouvait-il répondre à ça ? Il ne pouvait pas avoir de solution miracle, il n’était pas dit qu’il ait connu une situation similaire à la mienne et il allait de toute façon falloir que j’arrête de faire référence à tout ceci, même si j’avais mal. Arrêter de parler semblait être bien, surtout avec ma voix défaillante. Mais, sur le long terme, je doutais d’en être capable. Finalement, j’aimais bien dire les choses à voix hautes quand la honte ne me prenait pas à cause de mes cordes vocales paresseuses.

_ Tu sais ce qui pourrait te faire du bien ? Une sortit en ville ! Faire les magasins entre amis et profiter des soldes. Personnellement il faut que je me rachète des vêtements j’ai eu quelques petits soucis au niveau de tous ce qui est pulls et T-shirt … je t’expliquerais une fois …. En plus ma promesse de t’apprendre à t’amuser tiens toujours. Si tu veux on se fera ça dès que j’ai retrouvé la vue. Ça te tente ?

Au bout de quelques minutes pendant lesquelles aucun de nous n’avait prononcé un mot, Noa m’avait fait cette proposition aussi alléchante qu’effrayante. Je n’étais pas retourné en ville depuis mon enlèvement par peur que le cauchemar recommence. Néanmoins, je n’oubliais pas que je n’avais toujours pas fait ce que j’avais prévu ce jour-là. En plus de cela, les fameux cadeaux étaient de circonstance puisqu’il fallait que je les remercie de m’avoir sauvée. Ces deux grands arguments me rendaient indécise. Tremblante au début en pensant à ce qu’il s’était passé, je pris une grande inspiration pour m’obliger au calme. La panique n’était pas de mise puisque j’étais en sécurité. Je n’avais rien à craindre. Il en serait de même lors de la sortie en ville proposée, surtout si Noa acceptait de m’accompagner. Bien entendu, si je faisais cela, je comptais ne pas le quitter d’une semelle ! Je gardai cela pour moi et, tournant la tête vers lui en souriant, je lui répondis :

- J’adorerais, mais t-… te sens-tu capable de veiller sur une pe-… peureuse comme moi ? Après tout, je r-… risque de te coller plus qu’au parc d’att-… attraction.

Je me demandais ce qui pouvait lui être arrivé pour qu’il ait tant besoin de tee-shirts et de pulls. C’était un mystère que j’étais curieuse de découvrir sans pour autant être pressée. Je me doutais que s’il ne voulait pas en parler tout de suite c’était qu’il y avait une raison. Je ne comprenais que trop bien désormais cette impression de ne pas être prêt à accepter certaines choses, donc ne pas vouloir en parler.

Code par Rin

Tous deux fûmes silencieux en même temps, comme pris dans nos pensées. En plus de me poser des questions sur son besoin de hauts, je me demandais à quoi il pouvait bien réfléchir. Est-ce que le fait que je le colle le dérangeait ? Est-ce que cela allait nuire le projet comme je le craignais ?

-Arf ! Je crois que je vais pourvoir m’y faire sans trop de mal ! Je viendrais te chercher dès que je serais prêt !

L’humour que je reconnus dans sa voix me fit sourire, presque rire. Si seulement il savait combien ma peur était décuplée ! Certainement avait-il tenté de me rassurer en disant cela et qu’il comprenait très bien ce que je voulais dire. C’est pourquoi je ne fis aucune remarque par rapport à cela, préférant conclure ce projet d’une voix enjouée :

- Je t’att-… t’attendrais. J’ai hâte.

Oui, j’avais réellement envie d’y être malgré ce que cela signifiait. Il allait falloir que j’accepte les évènements qui s’étaient déroulés et que je comprenne enfin que j’étais en sécurité. D’autant plus que je n’étais plus seule. Des personnes avaient tellement souhaité mon retour et ma sécurité qu’ils étaient venus me chercher.
Ne voulant pas me rappeler la mort de Hayate tant que je ne serais pas seule, et parce que je souhaitais éviter de ternir la joie du moment, je secouai doucement et silencieusement la tête comme pour me débarrasser de cette image tenace. De toute façon, il commençait à se faire tard. Bientôt nous allions devoir retourner dans les dortoirs… donc je serais seule pour pleurer la mort de mon ami disparut. Il fallait que je tienne d’ici là. D’ailleurs, la question de comment mon ami allait rentrer s’imposa à moi au moment où il me demanda avec une gêne que j’eus un peu de mal à déceler :

_ Dis … est ce que tu veux bien m’aider à retourner à mon dortoir s’il te plait ?

Souriant avec gentillesse, je me levai et lui tendis une main proche de de lui en espérant qu’il réussirait à la sentir. Là, je lui répondis :

- Pas de problème. Do-… Donne-moi ta main.

S’il préférait se lever seul, je le laisserais faire sans râler, ni m’offusquer. Je partais simplement du principe qu’à un moment ou un autre j’allais devoir le guider, donc le prendre par la main. Tout simplement.

Code par Rin

Lorsque je lui avais présenté ma main, Noa avait eu comme un léger mouvement de recul. Je ne pouvais pas lui en vouloir. Après tout, avec sa cécité ce ne devait pas être facile de se rendre compte des choses comme quand on pouvait voir. Je restai donc patiente en lui parlant et en laissant ma main près de lui. Bien m’en fit puisqu’il ne tarda pas à la prendre en se relevant. Je l’aidais comme je pus avant de le guider au mieux vers sa maison. Le chemin n’étant pas énormément escarpé, j’eus surtout à lui montrer la bonne direction et faire en sorte d’éviter les collisions. En soit, c’était déjà pas mal en prenant en compte mes difficultés à parler. La lenteur de notre marche nous permit aussi de profiter du printemps naissant : les oiseaux qui chantent, les fleurs qui commençaient à s’épanouir, le soleil plus chaud… quoi qu’il me semblât être bien mieux placée pour profiter que mon ami aveugle. Malheureusement, toute bonne chose a une fin et celle de notre promenade vint assez rapidement. Noa s’en rendit rapidement compte et me remercia en lâchant ma main :

_ Je te remercie, je vais débrouiller pour la suite. Au fait je pense que tu devrais parler avec Yasushi à l’occasion, ça ne peut vous faire que du bien …si je me souviens bien vous étiez des confidents l’un pour l’autre.

Il avait raison… Je le savais, pourtant je ne savais pas comment l’aborder. Il avait beau ne pas être un inconnu, je rencontrais les mêmes difficultés que s’il l’avait été. C’était aussi étrange que débile. Je souris donc pensivement en lui répondant :

- C’est vrai… J’espère que tu passeras une bonne soirée.

Ma réponse était tout aussi bête que ma crainte de voir Yasushi. Je venais après tout de dévier le sujet comme jamais auparavant. Pourtant, mon ami tenta seulement de me faire un signe de main avant de rentrer dans la maison Rubis. Je le regardai faire avant de retourner vers celle des Saphir, la tête pleine de questions mais en me rappelant la proposition de Noa. Cela me fit prier pour qu’il guérisse plus vite que je ne l’avais déjà espéré.

Code par Rin