Compagnie inattendue pour un temps indéterminé [PV Aleïsha & Jahia]

Seule dans ma chambre, je m’étais sentie comme dans un havre de paix que personne ne pouvait violer sans autorisation, un endroit dans lequel ma maladie n’était pas vue à moins que je le veuille. Bon, il y avait bien eu l’intrusion de Noa et durant quelques jours j’avais eu une colocataire, mais cela n’avait rien été de bien grave. D’autant plus que je m’étais expliquée avec le jeune homme qui m’avait également aidée lors d’une sortie à la patinoire. Mais rien ne m’avait préparée à l’arrivée de nouvelles colocataires. Bien qu’il y ait quatre coins pour accueillir autant de personnes avec un lit, une armoire, une sorte de bibliothèque et un bureau, mon problème restait tout autre : allais-je devoir rester à l’infirmerie pour éviter que quiconque ne me voit dans un état déplorable et ait pitié de moi ?
Alors que j’attendais l’arrivée des nouvelles venues, habillée simplement d’un jean et d’un pull léger pour l’essentiel, je réfléchis à l’attitude que je devais avoir. Cela me ramena à mes conversations avec la psy de l’académie. D’après elle, mes gestes étaient bien plus parlant que ce que j’avais bien voulu le croire jusque-là. Bien entendu, cela avait été inconscient pour moi, mais était-ce une raison pour nier ? Je commençai à comprendre que non mais je n’arrivais pas à savoir ce que je devais changer avec exactitude. Doucement, je soupirai sans avoir de réelle réponse. Certainement que l’expérience qu’elles me donneraient me ferait miroiter ce qui m’échappait. En attendant, je décidai d’ouvrir la fenêtre par peur qu’il ne règne une odeur médicamenteuse. Etant habituée à cette dernière, j’avais bien des difficultés à me rendre compte de sa présence. En attendant que la pièce s’aère, j’allais à la salle de bain pour ranger un peu mes affaires. Je m’étais un peu étalée, ne laissant que très peu de place pour autrui, chose que j’arrangeai rapidement. Cela fait, je me rendis compte que je n’avais pas grand-chose d’autre à faire qu’attendre. Cela allait me permettre de réfléchir un peu.

Après quelques dizaines de minutes de réflexion, j’en vins que j’aurais peut-être plus d’idée sur le moment et décidai de fermer la fenêtre. Je trouvais qu’il faisait un peu frisquet même s’il s’agissait certainement d’un contrecoup de mes traitements. Mais peu importait sur le moment. Je retournai donc m’assoir sur mon lit au fond à droite de la chambre et me mis un livre que j’avais retrouvé dans mes affaires.

Au fur et à mesure de ma lecture, j’oubliai que j’attendais deux ou trois personnes. Non pas que mon livre soit des plus intéressant puisque c’était surtout un devoir qui m’avait été donné pour le cours de littérature, mais assez difficile pour capter toute mon attention. J’en vins même à me dire qu’heureusement j’avais encore un mois, voire plus selon l’avancée des cours, pour le terminer. Il allait bien me falloir bien ça. Et, à tous les coups, je serais la seule à l’avoir lu ce fichu bouquin ! En tous les cas, cela n’empêcha pas mon sursaut discret quand quelqu’un ouvrit la porte en me saluant :

- Salut, qu'est-ce que tu lis ?

- Bonjour à toi. Mmh… « Bel ami », pour la littérature.

A vrai dire, même si j’aurais pu lui demander si elle connaissait, bien que ce soit une œuvre française, j’eus énormément de difficultés à garder le sourire pour l’accueillir et non l’envoyer balader en lui demander si c’était une habitude pour elle d’entrer dans la chambre des autres sans prévenir. Heureusement, la valise qu’elle tirait derrière elle me rappela assez rapidement à l’ordre pour que rien dans mon attitude ne trahisse mes premières pensées. Par contre, je me demandais tout de même pourquoi elle ne s’était pas présentée. Croyait-elle qu’elle serait seule ? Ou bien elle était plus timide qu’elle ne voulait le laisser croire ? Pourtant, rien dans ses gestes ne me le laissais croire… A moins qu’elle ne soit plus du genre à rester le plus possible loin des autres ? A cause de son pouvoir ? Possible aussi, mais je n’avais absolument aucun moyen de le déterminer. Quoi que… En levant les yeux de mon livre sur lequel je ne parvenais pas à me concentrer à nouveau, je pus constater qu’elle me tournait toujours le dos le moins possible. Si elle était comme la dernière option me le laissait croire, elle n’aurait pas agi de la sorte.
Ne sachant pas trop quoi en penser, je la regardai faire jusqu’à ce qu’elle se présente enfin :

- Au fait, je suis Aleïsha.

- C’est un très joli prénom ! Enchantée, je m’appelle Kendra. Bienvenue dans la chambre.

Je lui avais répondu avec enthousiasme et sourire. Certes, je n’étais pas totalement sincère puisque j’avais peur qu’elle ne découvre ma maladie, mais je ne pouvais pas me permettre de la rejeter sans la connaître non plus. Puis, comme me l’avait fait comprendre la psy, pour cacher ce qui n’allait pas, mon attitude allait devoir le cacher également. D’ailleurs, j’avais un autre livre à lire… Je l’avais commencé mais il m’avait paru tellement complexe que même Bel ami était lisible à côté.

A la question des origines de mon prénom, je lui répondis que ma mère ayant des liens familiaux avec le Japon elle avait voulu me prénommer ainsi puisque je portais le nom espagnol de mon père. J’ajoutai également que, malgré cela, j’étais purement anglaise. Cette discussion avait, pour moi, détendu l’atmosphère que j’avais malgré moi alourdie. Malheureusement, la jeune femme ne laissa pas passer ce fait et me parla en conséquence :

-Écoute, je suis assez directe comme personne et enfin, je sais que ça doit être frustrant de ne plus avoir la chambre pour toi seule, mais je ne cherche pas d'embrouilles. Je suis ici pour les mêmes raisons que toi et j'aimerais vraiment qu'il n'y ait pas de froid chaque fois que j'entre dans la chambre et que tu y es déjà. Sur ce, j'espère qu'on pourra devenir au moins des connaissances ?

En me proposant cela, elle s’était levée pour venir devant moi et me tendre la main. Sur le coup, je ne réagis pas tout de suite. Il était certain que cette discussion serait abordée tôt ou tard, mais je ne pensai pas que ce serait aussi tôt. Je lui pris tout de même la main en me levant, un sourire sympathique aux lèvres. J’étais tout de même malaisée et, à cause de cela et le fait que je ne voulais pas qu’un malentendu se déclare, je lui déclarai avec gentillesse :

- Sincèrement, je n’ai absolument rien contre toi. Si je suis peut-être un peu distante c’est parce que j’ai des problèmes personnels. Je ne veux pas qu’ils deviennent une barrière à une possible amitié entre nous même s’ils peuvent s’avérer difficiles à gérer pour moi. En tous cas, je ne voulais pas te mettre mal à l’aise, désolée.

J’étais sincère malgré tous les points négatifs que ma maladie pouvait me montrer sur le fait de cohabiter avec d’autres filles dans la même chambre. Je ne voulais pas non plus me priver de nouvelles amitiés et, de ce fait, de merveilleuses aventures en leur compagnie. Gardant cela en tête, j’accueillis sa question avec le cœur un peu plus léger :

-Bel ami ? Je ne connais pas. Ca parles de quoi ? C'est un livre pour l'école ou bien c'est simplement toi qui voulais le lire ?

- En vrai, c’est pour les cours. J’aime pas ce livre tant il est difficile à lire et que l’histoire est barbante. Mais bon… Quand il faut le faire je le fais même si je préfère largement des bouquins comme Les ailes d’Emeraude ou d’autres bouquin du même genre. Et toi, tu aimes lire ?

Tout en parlant, je me rassis sur le lit naturellement (bien que la raison soit la fatigue subtile qui me prenait) et l'invitai à venir auprès de moi.

Je compris un peu mieux en quoi elle ne connaissait pas du tout les livres que je lui nommais quand elle m’expliqua qu’elle était plus littérature Russe. Je me demandais tout de même si ce pays ne traduisait pas certaines œuvres venant de pays étrangers comme le faisait la France par exemple ? Ne connaissant pas très bien cette contrée, je ne savais pas non plus si mes questions seraient mal vues. Puis, considérant qu’elle n’aimait pas les livres de type fantastique, je préférais attendre qu’elle engage à nouveau la conversation :

-Les ailes d'Émeraude, ça parle de quoi ? Je veux dire, c'est quel genre de littérature ?

- Je peux certainement me tromper, mais je dirais que c’est plutôt du genre fantastique. En fait, c’est le genre d’histoire qui se déroule à peu près à notre époque, dans un monde comme le nôtre mais dans lequel on insère des éléments magiques, impossibles. Dans le cas du livre que je t’ai cité, on a inséré des créatures ressemblant à des humains ayant des ailes comme celles des papillons malgré les plumes qui les habilles et ayant des super-sens. D’ailleurs, je suis certaine que si on faisait un livre sur l’académie on le mettrait dans cette catégorie aussi.

J’espérais que ce que je disais n’était pas faux ou incompréhensible. Malheureusement, je n’eus pas le temps de m’en inquiéter plus que cela puisqu’on frappa à notre porte. Adulte ou élève ? Enquiquineur ou était-ce la nouvelle ? D’ailleurs, j’avais presque oublié que Aleïsha n’était pas la seule personne qui devait arriver. A vrai dire, j’avais encore des craintes malgré, ou à cause de, ce qui s’était passé avec la jeune femme à côté de moi. Néanmoins, je me levai en tâchant de ne pas aller trop vite pour éviter une perte d’équilibre qui m’aurait valu des questions et j’ouvris la porte. Je découvris alors une toute nouvelle tête féminine portant des bagages aux airs lourds. Je n’eus pas vraiment de mal à comprendre de qui il s’agissait, bien que je ne sache pas son nom. En l’invitant à entrer, je lui annonçai :

- Bienvenue dans la chambre. Je m’appelle Kendra, et voici Aleïsha. Prends n’importe quel espace libre pour t’installer Tu as besoin d’un coup de main ?

Malgré ma bonne humeur, je fis preuve des mêmes retenues qu’avec la première arrivante. Ce n’était pas vraiment volontaire pour le coup. En tous les cas, entre celle qui entre sans frapper et celle qui faisait l'exact contraire, j'étais servie. A quoi pourrait ressembler la dernière ?

Lorsque je nous eue présentées à la nouvelle arrivante, Aleïsha proposa également son aide en pointant du doigt le fait que les valises devaient faire deux fois le poids de leur propriétaire. Je me fis alors la remarque silencieuse qu'il allait m'être impossible d'aider comme je le souhaitait : ayant perdu pas mal de poids, ces valises devaient peser le triple de mon pauvre corps ! Je me contentai donc de sourire en remerciant en mon fort intérieure la grande jeune femme qui prit une des valises après quoi elle demanda à Jahia (puisque tel était le nom de la nouvelle arrivante) où elle souhaitait aller. A vrai dire, elle avait bel et bien le choix mais je croisais les doigts pour que, si elle était du genre observatrice, elle aille plutôt du côté de la blonde.

Quand tout le monde fut installé, je pris une chaise pour m'assoie près d'elles et je leur demandais pour engager la conversation et mieux les connaître :

- Sans indiscrétion, vous êtes originaires d'où ?
Personnellement, jusqu'à mon entrée ici je vivais dans la ville d'à côté, chez mes parents. C'est un joli coin, mais je rêve de pouvoir voyager un jour !

J'avais parlé de moi pour briser la glace et montrer que je ne posais pas mes questions en sens unique. Je prenais aussi en compte qu'il pouvait y avoir une différence de culture entre nous, auquel cas elles pourraient éventuellement voir d'un mauvais œil le fait que je ne réponde pas à ma propre question en premier. Enfin, c'était une supposition et je pouvais également être dans le faux. Si tel était le cas, il était certain que j'en éprouverais un sentiment de honte. Enfin ! Dans la vie fallait savoir prendre des risques et j'en prenais. Cela n'allait certainement pas m'empêcher d'avancer. Puis, peut-être que cela leur permettrait de trouver une suite à la conversation, surtout si je me montrais ouverte.
Pendant qu'elles me répondaient, ou m'ignoraient, je regardai l'heure sur ma fine montre, histoire de ne pas oublier d'aller à l'infirmerie pour prendre mes médicaments. Je vis alors qu'il me restait encore un peu de temps pour trouver une excuse crédible pour cette sortie routinière. Dire que j'étais malade me semblait totalement exclue.
Mais il me vint peut-être une idée qui me permettrait de mettre une part de vérité dans mon mensonge. Cela ne me plaisait pas, mais mieux valait cela que voir d'autres personnes prendre soin de moi comme si j'étais une chose fragile. Après tout, je voulais m'entendre avec elle et non créer un conflit.

Sans vraiment de surprise, bien que j'en ressentis une petite pointe de tristesse que j'ignorai totalement, Jahia pris l'emplacement près d'Aleïsha pour s'installer. Ce n'était pas vraiment une surprise et, comme un répit qui serait de courte de durée. Du coup, le soulagement n'était vraiment pas de mise. Un jour où l'autre mon secret serait connu, que je le veuille ou non. Je ne me voilais pas la face à ce propos, mais le plus tard serait le mieux. C'était ce que je pensais malgré mon envie de sociabiliser avec elles, mieux les connaître et, pourquoi pas, devenir leur amie.

Lorsque je leur eu posé ma question sur leurs origines, Jahia me répondit en souriant qu'elle était née en France malgré des origines ivoiriennes du côté de son père. Quant à ma seconde colocataire, venait de Russie et, plus précisément, d'un petit village de 1000 habitants. Ainsi, j'étais donc la seule anglaise ici même si j'avais une européenne pour me tenir compagnie, si je pouvais me permettre. Néanmoins, j'eue l'impression que c'était Aleïsha la moins offusquée par mon comportement puisqu'elle rebondit sur un de mes dires :

-Où souhaiterais-tu voyager? J'ai visiter de nombreux pays, je peux te dire beaucoup d'informations sur certaines places !

- A vrai dire, j'ai tellement d'envies que un simple tour du monde, en beaucoup plus de 80 jours pour visiter absolument tous les pays, me plairait beaucoup, lui répondis-je avec honnêteté. Malheureusement, j'ai bien peur que mes soucis personnels m'en empêchent.

Encore une fois, j'avais tenté de suivre un conseil de la psy pour éviter des questions de curiosité sans pouvoir rester totalement évasive. Je savais que si elles venaient à chercher à savoir sans cette tentative de ma part j'aurais pu mal réagir. Je souhaitais absolument éviter ce genre de réaction de ma part, même si c'était loin d'être facile... Il n'y avait qu'à voir ce qu'il s'était passé quand j'étais tombée nez à nez avec Noa qui était entré... comment dire ? Par hasard ? Oui, très certainement vu les propos qu'il avait tenu. Je n'en voulais pas au jeune homme et avais décidé de prendre leçon de l'erreur que j'avais faite ce jour-là, le jour-même de l'arrivée d'une camarade de chambre qui plus est !

- Dis-moi, Aleïsha, qu'as-tu préféré comme pays dans tes voyages ? Et toi, Jahia, n'as-tu jamais voyagé, mis à part pour venir jusqu'ici ?

Continuant sur ma lancée en laissant le temps à mes camarades de converser si elles voulaient le faire, et prenant le temps de répondre à une éventuelle question sur mes soucis personnels. Quoi que... la russe était plus ou moins au courant déjà puisqu'elle avait, au premier abord, mal prit la distance que j'avais pris en tentant de ne pas laisser cela nuire la relation. D'ailleurs, elle semblait avoir compris mes raisons sans poser des questions. Est-ce que ce serait le cas de la française ?