Kalth MacLir [Terminé!]

S’évader. Jeune, Kalth n’aspirait qu’à cela. Ironiquement, dès qu’il fut en âge d’attraper une poignée de porte, ce simple mot pris tout son sens. Dès qu’il franchissait un seuil, Kalth rejoignait inexplicablement une pièce aléatoire proche. Si l’enfant ne disparaissait au départ qu’entre les salles de la petite maison dublinoise, seul endroit au monde qu’il connaissait, ses parents avaient bien sûr remarqué l’étrange phénomène. A ses six ans, le garçonnet reçu des cours à domicile, évitant ainsi quelques « désagréments ». Seulement, au fur et à mesure qu’il grandissait, ce phénomène devint plus préoccupant.

Le jeune garçon atteignit ses dix ans. De tout ce que ses cours lui avaient apporté, Kalth éprouvait un intérêt particulier pour la lecture. Bien sûr, il ne lisait ni Shakespeare, ni Poe, mais à son âge, la simple aventure d’un chevalier délivrant une douce demoiselle le transportait dans une rêverie dont il ne savait sortir. Peut-être un jour Kalth allait-il s'échapper du quotidien à son tour ? Ses parents ne purent pas le garder longtemps enfermé. Il lui fallait apprendre à connaitre le monde extérieur, rencontrer des gens. Kalth dû se rendre souvent dans le voisinage, lors de simples repas ou réceptions, rencontrant des enfants de son âge. A mesure que Kalth sortait, il s’enfermait dans sa bulle, restait à l’écart, se taisait. Il n’attendait que de pouvoir s’enfermer à nouveau dans sa chambre et rêver, toujours rêver. La société le rendait mal à l’aise, les gens étaient ennuyeux. S’il rêvait de sortir, ce n’était pas à ça qu’il pensait. L’ironie de son « don » l’aida à « s’évader ».

A mesure que sa connaissance du voisinage se développait, il compris que chaque porte qu’il traversait risquait de l’emmener hors de chez lui. Mais un lieu l’intriguait. Une remise voisine pleine à craquer de bibelots et de livres de toutes tailles étalés en pagaille sur le sol poussiéreux. Ce lieu l’avait subjugué. Il savait qu’il n’aurait jamais le droit de s’y rendre, mais il le devait. Il espérait alors que, si c’était là son désir le plus cher, son « don » l’y aiderait. Et ce fut le cas. Pendant un moment, la nuit lui servait de refuge pour s’isoler dans cette pièce en désordre. Mais elle était verrouillée. Pour y accéder, il devait d’abord voler la clef dans le séjour du voisin, puis se frayer silencieusement un chemin jusqu’à la vieille porte de la remise. Il ne devait pas toucher la poignée, sous peine d’être envoyé ailleurs. Une fois dedans, Il y lisait discrètement à la lampe ce qui lui tombait sous la main, et s’arrangeait toujours pour ne pas laisser de trace. Il savait que si on le trouvait, il risquait beaucoup. A chaque bruit de pas retentissant, à chaque froissement, une excitante peur lui donnait l’impression d’être un autre, un apprenti lisant des archives interdites par son maître, la pauvre femme de Barbe Bleu découvrant le secret de son mari : il avait découvert la caverne d’Ali Baba.

Une nuit, fidèle à son habitude, l’enfant sorti de son lit, attrapa la lampe torche dans le tiroir de sa commode, baissa la poignée et se rendit avec une boule d’excitation dans ce lieu qu’il aimait tant. Il alluma sa lampe torche, puis avança discrètement jusqu’au séjour. La clef ne s’y trouvait pas. A la place, Kalth senti un souffle chaud effleurer son cou. Un murmure le glaça.
« Ne bouge pas. »
Instinctivement, il couru jusqu’à la porte la plus proche, attrapa la poignée sans précaution et s’engouffra dans le cadre dans un grand claquement. Une fois remis de sa frayeur, il regarda autour de lui, sans reconnaître la pièce obscure dans laquelle il se trouvait. Tétanisé, il vit avec horreur les lumières s’allumer, et un visage incrédule apparaître au fond de la salle. Il se jeta sur la première porte, et encore une fois ne reconnu pas sa maison. La panique le gagna. Plus il tentait de nouvelles portes, plus il se perdait. Finalement, une main empoigna le garçon, le traîna dehors et frappa violemment à la porte de sa maison.

L’aventure s’arrêtait là. La honte et l’embarras obligèrent les parents du garçon à quitter la ville, pour emménager dans une vieille maison plus isolée, prêt d’un village au bord d’un fjord. Là, le garçon ne pourrait plus causer d’ennui. Les parents n’eurent d’autre choix que de durcir leurs règles. Au moins la campagne irlandaise lui correspondait bien mieux. Seule la solitude lui pesait.

Et finalement, Kalth grandit.
Kalth reçu un jour une lettre à son nom. Ses parents la lurent, mais ne dirent rien. Leurs visages traduisaient un choix à faire. Une hésitation dont les deux solutions n’apaisaient en rien leurs inquiétudes. Plus tard, ils lui expliquèrent le contenu de la lettre : une académie lui proposait une place, en raison de ses « capacités ». Une académie du Royaume-Uni. Cela semblait inespéré. Non pas que Kalth détestait ses parents. Peut-être cette académie lui offrirait la vie nouvelle qu’il espérait. Son choix était fait.