Aiky Hito ... Mains Maudites [Terminé]

" Tu es un ... monstre .... " / "Je ... te .. hais ... Aiky" / "Maudite..." / "Indigne de notre famille"

C'est avec ces paroles douloureuses et le cœur battant que je me réveillais en hurlant. Toujours ce même rêve ... ces mêmes mots qui se répètent en boucle dans ma tête ... et lui ... qui se tient en face de moi ...  Mon père qui me regarde une dernière fois , les yeux remplis de terreur ....
Comme à chaque fois, je ne peux m’empêcher de tirer la manche de mon pull sur mes mains pour les cacher.

Tokyo - Le réveil indique 3h27 du matin et je me relève, les jambes encore tremblantes. J'allume la petite lampe de la cuisine et rempli la bouilloire, attrape une tasse et un sachet de thé... et m'assois sur le rebord de la fenêtre, la tête posée contre les carreaux froids de la vitre. La nostalgie de l'enfance et de l'insouciance vient me frapper de plein fouet et s'en m'en rendre compte, des larmes perlent sur mes joues, tombant sur mes cuisses nues. Je ne les sens pas .... Je ne sens pas le froid de la pièce m'entourer, n'entends pas le sifflement doux de la bouilloire ... Je me retrouve 10 ans en arrière... à Ine, un petit village situé dans la préfecture de Tokyo. Mon père Fujihiro et ma mère Shizuka, m'offrant une peluche en forme de loup, blanche et toute douce. Je l'avais appelé ... Yuki... comme la neige. Je l'avais fièrement montré à tout le monde dans le village...  Mais Makkura était là avec sa bande de copains ... je ne les aimais pas... je les évitais toujours mais cette fois-là ils m'avaient poussé à me réfugier vers la forêt... ils m'avaient rattrapé puis attachés à un arbre, couper mes cheveux blonds et Yuki avait été déchiré... Mon seul ami... Depuis mes 6 ans, Makkura m’embêter, me prenant comme bouc émissaire.  Il se moquait souvent de ma chevelure blonde, couleur peu courante et très mal vu pour une japonaise et aimait tirer mes cheveux ou montrer sa force plus ... brutalement.

Un jour, alors que j’étais en train de jouer dans le bac d'eau dans le jardin, il était venu et avait vu ma marque sur mon cœur. Il m'avait agrippé les cheveux et m'avait tiré jusqu'à la place du village pour montrer à tout le monde ma marque alors que j'étais nue et ruisselante d'eau. J'avais caché ma poitrine du mieux que je pouvais, mais Makkura l'avait vu ... la marque blanche ... au niveau de mon cœur... cette forme qui ressemblait à un loup. Ma mère était arrivée en courant, l’avait sermonné mais une fois à la maison, m'avait giflé, m’interdisant de me montrer nue à quinconce. " Tu portes une malédiction. Tu ne dois pas la montrer".
Je ne comprenais pas en quoi cette marque de naissance était une malédiction... ni comment ma mère pouvait la qualifier ainsi. Un tache de naissance pouvait elle réellement être un signe de malédiction ?

Je n'ai compris qu'à l'aube de mes 12 ans...à  quel point j'étais un monstre ... Ma mère était décédée suite à une mauvaise fièvre alors que nous étions pourtant dans une époque où ce genre de soucis de santé se soignait aisément... mais aucun médicament n'y faisait rien, mon père s'échinant à travailler pour payer les soins qui ne fonctionnaient pas.

Des rumeurs se propagèrent dans le village. La mère de la fille maudite était morte... la malédiction l'avait frappée et j'en était responsable.

Mon père ne me regardait plus, ne me parlait plus, m'évitant au maximum, détruit par la perte de maman dont il me jugeait lui aussi responsable. Il passait du temps sur sa vieille barque, une bouteille de saké à la main, le regard vitreux et marmonnant des propos incohérents. Les seules preuves d'attention qu'il m'apportait se résumait aux marques rouges qu'il me faisait avec sa ceinture, sa main ou ses bottes parfois, me laissant couvertes de bleus ou de plaies, prostrée dans un coin jusqu'à ce que je puisse enfin me relever péniblement et continuer mes taches à la maison.

La bouilloire sifflait vivement et me ramena dans le présent. Je secouais la tête, les souvenirs me brulaient les yeux et je sentais ma gorge se serrer douloureusement. Je versai l'eau dans ma tasse, bue des petites gorgées et m’accoudai sur la petite table. Une lettre y étais posée et pour la 5ème fois, je la rouvrais et la relisais, toujours partagée entre le sentiment de peur et de curiosité. Une académie qui me parlait "d'apprentissage spécialisé" ou "d'étudiants portants en eux un pouvoir souvent craint mais maitrisé et compris, peut s'avérer immense et bénéfique"... J'avais hésité à chaque fois à jeter cette lettre et oublier cette histoire. Moi ? être entourée de personne ?

Cette idée m'effrayait et le souvenir de mon père, sa ceinture au-dessus de mon visage, hurlant que tout était de ma faute, que je n'étais pas digne de porter le nom de mes parents et ma peur viscérale éclatant d'un coup en un cri animal, alors que la ceinture aller claquer sur mon visage... La peur ... Mon père, qui s’arrête de bouger... son visage figé par l'horreur... puis .... des lignes écarlates qui se tracent sur le cou de mon père... le sang.. Le sang qui gicle sur mon visage, le sol... et puis.... le vide... le silence... mon père qui appuie sa main sur son cou où 5 lignes écarlates viennent de s'y dessiner.. Mon père hurle "Monstre !! MONSTRE !! NE T'APPROCHE PAS DE MOI !! " avant de me donner un coup de pied au visage.

La douleur était fulgurante ... atroce et je n'arrivais même plus à pleurer. Ma tête a heurter le sol et avant de sombrer dans le noir, j'ai vu en face de moi cette étrange fille qui me regarde dans le miroir , terrorisée, le visage ensanglanté avec des mains comme des griffes ... des  griffes blanches dont le bout et couvert de rouge.. Je baisse les yeux sur mes mains ... et je vois ... que je suis un monstre...

J'ai rouvert les yeux quelques secondes après m’être évanouie , Mon père hurlait des propos incohérents au téléphone. J'avais mal à la tête... Mes mains me faisaient si mal mais mes ongles avaient repris leur taille normal...

"C'est un monstre, je vous dit ! Elle m'a attaquée ! Venez vite !"  Je commençais à reprendre mes esprits et lorsque je vis mon père me regarder avec un regard fou, brandissant un couteau vers moi, je me suis levée péniblement et j'ai fuis ... fuis cette maison qui désormais n'était plus la mienne... fuis cet homme qui ne me considéré plus que comme un monstre, une hérésie, une horreur... j'ai couru dans la foret sans savoir ou aller mais toujours cette peur au fond du ventre...

J'ai passée ces dernières années  dans les rues de Tokyo, à changer mon nom pour me refaire une identité... cachant mon pouvoir, évitant de m'approcher des gens ... me demandant si je ne devrais pas plutôt en finir ... ne plus exister et ne plus être un monstre ...

Pourtant toujours ce même espoir, ce désir de trouver ma place m'a fait avancer...

Et aujourd'hui, je triturais encore cette lettre de l'académie Tsuki me demandant :  "Pourrais-je avoir une autre chance ?

Plus que tout au monde, je voulais avoir des amis .... Et ... une famille... qui m'accepterais ... alors ... dans un élan d'espoir, je signais la lettre de retour, confirmant mon arrivée pour la rentrée de l'Académie Tsuki.