夜 の 目 (yoru no me (Oeil de la nuit)) [PV Kendra][Terminé]

Il faisait nuit alors que j’étais assise sur un banc du jardin. J’ignorais l’heure qu’il était tant j’avais la flemme de la regarder. Je n’étais pas vraiment comme cela à l’accoutumée, mais j’avais passé une grande partie de la journée à subir un traitement qui s’avérait être encore plus lourd que le précédent, bien qu’il le soit moins que la chimio. Du coup, après être sortie de l’infirmerie je n’avais pas eu envie de rester enfermée jusqu’au lendemain et j’étais sortie prendre l’air. Chose que je n’avais pas prévue c’était que je m’étais endormie, ou évanouie sans m’en rendre compte, sur le banc sur lequel j’étais désormais installée. Pour être totalement franche, je venais de reprendre conscience et j’étais étonnée et soulagée que personne ne m’ait trouvée dans un moment de faiblesse. Je me sentais tout de même engourdie, certainement par le froid de l’hiver qui s’installait lentement. Les lieux étaient éclairés par la pleine lune qui s’avérait merveilleuse. Elle était d’ailleurs ce qui me retenait encore alors que j’avais un peu froid. Je profitais du spectacle, un peu comme si c’était la dernière fois que je le voyais. Ne sachant pas combien de temps il me restait à vivre, je préférais faire ainsi pour ne pas avoir de regret par la suite.

Vint alors une lumière éblouissante qui m’obligea à mettre une main devant mes yeux. Un surveillant avait-il été prévenu de mon absence ? Ou était-ce quelqu’un d’autre venant pour tout autre chose ? Venait-il vers moi ? Il semblait déjà que j’avais été aperçue grâce à cette sorte de flash qu’on éteignit assez rapidement, me permettant d’arrêter de me protéger. Des bruits de pas s’approchèrent alors qu’une voix masculine s’élevait dans la nuit :

▬ Excusez-moi, j'espère que votre pouvoir ne vous a pas rendu trop photosensible des yeux.

Doucement mais clairement, je me mis à rire face à ces excuses. C’était fort aimable de sa part de se préoccuper de cela. Voilà pourquoi, entre autres choses, que je lui répondis :

- Non, fort heureusement, mais le fait que j’étais ici depuis un moment fait que j’étais tout de même bien éblouie. Enfin, ce n’est pas très grave. Au fait, est-ce que tu sais l’heure qu’il est s’il te plaît ?

J’espérais que cela ne lui paraîtrait pas trop étrange bien que cela semblait inévitable. Après tout, j’étais assise sur un banc, au beau milieu de la nuit d’après ce que je voyais et au lieu de me présenter je demandais l’heure. Je venais même à me demander si le produit ne m’avait pas un peu grillé les neurones… J’espérais que non auquel cas j’allais en mettre plein la vue de mon médecin !

Sans poser plus de question, il regarda son portable pour répondre à la question que je lui avais posée :

▬ Il est 23h58. En fait, que faites-vous ici ? Personnellement, ma curiosité m'a empêché de dormir, j'avais envie de savoir à quel heure mon pouvoir se renouvelle et comment. Et par la même occasion, j'aimerais voir si la légende concernant les instruments de l'académie qui jouent tout seuls les nuits de pleine lune est vraie. Et vous ? En fait, je m'appelle Okura, de la Maison Emeraude. Et vous ?

Il était plutôt sympathique, ce jeune Emeraude. J’étais contente de rencontrer un autre membre de ma maison. Il était cependant le second à me vouvoyer. C’était un peu triste, mais avec un peu de chance il arrêterait, si je le lui demandais. Sincèrement, j’avais beau dire et penser que cela ne me dérangeait pas, j’avais la nette impression que cela mettait un mur entre deux personnes. Bien entendu, je vouvoyais les personnes à qui je devais le respect, comme les professeurs, sauf contrordre de leur part, mais voilà. Il était des personnes avec qui la familiarité n’était pas de mise et tout le monde le savais et d’autres pour qui ça l’était moins. Dans le second cas, je tutoyais pour éviter d’ériger ce mur. Je préférais m’excuser au cas où la personne n’appréciait pas. Il semblait que les autres n’étaient pas de cet avis, malheureusement. Chacun ses habitudes, n’est-ce pas ?

- Merci, lui répondis-je en souriant. Je m’appelle Kendra et suis également de la maison Emeraude. Tu peux me tutoyer, je préfèrerais. Pour ce qui est de ma présence ici… mmh… admettons que je me suis assoupie ici et que personne n’a pensé que c’était possible, rigolais-je doucement.

J’avais dit cela sur le ton de la plaisanterie, mais cette vérité faisait mal mine de rien. Après tout, si je ne m’étais pas réveillée il n’était pas certain que quelqu’un ait pensé à moi… Bon, Okura aurait très bien pu me trouver puisqu’il était passé par là, mais j’aurais très bien pu mourir de froid… Oh super ! Super perspective que voilà !

- Quel est ton pouvoir, si ce n’est pas indiscret ? Et… de quelle légende parles-tu ? lui demandai-je pour éviter de penser à ma mort qui aurait pu arriver plus tôt que prévu.

Je pensais notamment à un certain jeune homme qui serait particulièrement affecté par ma disparition. Je me demandais d’ailleurs ce que pouvait bien faire Alastor…

Je me rendis bien compte qu’il n’avait pas ris face à ce que j’avais dit, bien que je ne vis pas s’il avait souri ou non. Jusqu’à quel point était-il perspicace ? J’espérais qu’on n’en viendrait pas à parler de ma maladie qui n’était pas fait pour alléger l’atmosphère que j’avais finis par alourdir. Heureusement, il se contenta pour le moment de répondre à mes questions sur un ton plus léger que la situation le laissait présager :

▬ Comme toute le monde, dans mon ancien lycée, connaît mon pouvoir, ce n'est pas aussi indiscret qu'avec quelqu'un d'autre. Je peux reproduire des mouvements qui ne demandent aucune force, ni aucune souplesse. Et concernant la légende, j'ai juste entendu que les nuits de pleine lune, les instruments dans la salle de musique se mettent à jouer tout seuls. Cependant, c'est une nuit de pleine lune et pourtant je n'entends aucun instrument, donc ça me laisse encore plus sceptique que je ne l'étais avant. Je ne crois qu'à ce que je vois, et il est probable que cette légende soit fausse. Et toi ? Quel est ton pouvoir ?

Ainsi il existait ici aussi de telles absurdités ? C’était assez étrange. D’ailleurs, c’était peut-être pour cela que je n’y avais jamais prêté attention. Je souris donc, amusée par cette histoire à dormir debout en pensant qu’il s’agissait d’une coïncidence ou d’un plaisantin qui avait voulu faire des siennes. Voire, peut-être, l’utilisation d’un pouvoir ? Je n’avais aucune preuve de ce que je pensais, du coup je préférai répondre avant tout à sa question. Quel était mon pouvoir ? Il était simple :

- Je suis simplement capable de créer des barrières en forme de dôme en toute matière pendant un peu plus d’une dizaine de minutes. Je suis assez contente d’avoir été choisie pour l’avoir celui-là, je dois l’avouer. Par contre, continuai-je, je t’avoue que cette rumeur est un peu tirée par les cheveux. Ah ! Ma curiosité est piquée ! Allons dans la salle de musique. Déjà il fera plus chaud, mais en plus on pourra peut-être connaître le fin mot de cette histoire. Qu’en dis-tu ?

Je devais l’avouer, je lui avais fait cette proposition sans trop y réfléchir. Mais, en même temps, il avait été le premier à vouloir connaître les fondements de ce qu’il appelait une légende. Peut-être qu’y réfléchir allait me donner envie de dormir un peu plus sans que ce soit à cause de mon traitement. En tous les cas, ce serait un bon passe temps.

▬ Excellente idée. De toute manière, je vais très souvent dans la salle de musique. Si jamais tu veux encore me voir, n'hésite pas à aller dans la salle de musique. J'y vais à chaque fois que je n'ai pas grand-chose à faire.

Je supposais par ses dires qu’il m’appréciait ne serait-ce qu’un peu sur le premier abord. C’était sympa et cela me faisait plaisir. La question du pourquoi ne me vint même pas puisque nous n’avions rien faire pour nous déplaire, si je pouvais dire. Je trouvai cependant qu’il partit un peu rapidement à mon goût. Encore engourdie par mon traitement, je mis plus de temps qu’à l’accoutumée pour me relever. Heureusement, je n’eus aucune difficulté à le suivre. Surtout qu’il s’arrêta en s’exclamant étrangement. Ne comprenant pas, je le laissais faire sans oser lui poser des questions. Il semblait découvrir quelque chose et en voyant ses yeux verts je me demandais si cela n’avait pas un quelconque rapport avec son pouvoir. J’espérais qu’il pourrait m’en dire plus, ce qui n’était pas vraiment gagné tant il semblait bien plus surpris que moi. Sincèrement, je ne savais réellement pas quoi faire : il n’y avait pas de danger et vu qu’il en vint à se photographier, je ne voyais pas quel rôle j’allais bien pouvoir jouer dans cette scène. L’idée qu’il se soit fait posséder par un fantôme ne me traversa aucunement l’esprit malgré que nous fussions en route pour vérifier une rumeur mettant en scène un acte surnaturel. Tout ce que je fis, c’est attendre qu’il termine avant de lui demander si ça allait. A cela, il me répondit :

▬ En fait, je découvre mes yeux verts en même temps que toi. Mon pouvoir est visible avec mes yeux : rouges pour l'enregistrement, bleus pour la reproduction, mais pour ces yeux verts, au moins je connais à quelle heure mon pouvoir se renouvelle et quels sont les effets. Mais je ne sais pas pendant combien de temps mes yeux resteront verts.

Je lui souris pour lui signifier que je comprenais mais aussi parce que j’étais un peu rassurée. Au moins il n’y avait effectivement rien de grave.

- On peut dire que te voir réagir comme ça m’a surprise. Enfin, tout va bien, c’est le principal. Dis-moi simplement, comment savais-tu que ton pouvoir se renouvelle ? Je veux dire, normalement tu dors à cette heure-ci, n’est-ce pas ? Alors qu’est-ce qui te faisait croire qu’il y avait quelque chose qui se passait ? Désolée, ma question peut sembler idiote, mais je t’avoue que je ne suis pas totalement apte à réfléchir…

La faute à ce que je savais quoi. Je laissais cependant Okura mettre cela sur le compte de la fatigue. Mieux valait qu’il en soit ainsi. D’ailleurs, en parlant de détails et de précisions, n’était-ce pas du japonais qu’il avait prononcé plus tôt ? Je devais avouer que je ne m’y connaissais pas en cette langue, mais la sonorité m’avait fait penser à Tokko qui, elle, en était une. Peut-être aurais-je l’occasion de lui poser la question un peu plus tard.

▬ Pas grave. Pour répondre à ta question, il faut que je te parle de mes limites. En particulier d'une limite : je ne peux enregistrer que cinq fois par jour, où au bout de la cinquième fois j'aurai une immense fatigue couplée d'un énorme mal de crâne. Jusque-là, ça va. Mais ce que je peux dire, c'est que ça fait des années que j'ai ce pouvoir, et je l'adore, et j'avais déjà utilisé cinq fois la partie de l'enregistrement de mon pouvoir deux jours de suite en ayant la même intensité de fatigue et de mal de crâne. Sachant que pendant que je dors, comme par magie, en pleine nuit et lorsque j'avais utilisé la partie de l'enregistrement de mon pouvoir cinq fois de la journée, le mal de crâne disparaît, sachant que même les morphiniques sont incapables de soulager mon mal de crâne, et même une boisson réveillant mieux que le café est incapable de mettre fin à la fatigue. Je dis ça parce que si même le paracétamol couplé à un opioïde faible comme la codéine n'a pas pu diminuer ne serait-ce qu'un petit peu, alors les morphiniques seront inefficaces. Et lorsque j'ai bu un peu d'arabica bien noir et bien corsé, ça ne marche pas du tout.

Alors qu’il répondait à mes questions d’une façon très détaillée, ses yeux émirent un flash qui m’éblouit autant que son téléphone plus tôt, m’obligeant à protéger les miens à l’aide d’une de mes mains. Je devais avouer que ça commençait à m’assommer plus qu’à m’énerver. Je ne devais pas être totalement remise, encore, et la fatigue « naturelle » me rattrapait certainement aussi. Cependant, fort peu au courant de ces détails, le jeune homme s’excusa :

▬ Désolé pour tes yeux, je pense que même après plusieurs années, mon pouvoir n'a pas fini de me surprendre.

S’il savait… Il y avait l’aspect compréhension qu’il me montrait là, mais il allait certainement être surpris par les évolutions qu’il allait connaître par la suite. C’était évident et c’est ce qui me fit rire légèrement. Pourtant, cet aspect de son pouvoir me déplaisait un peu par le fait que la lumière ne disparaissait pas aussi rapidement qu’elle était apparue, s’atténuant progressivement pour mon plus grand désarroi. Sérieusement, je ne savais pas vraiment d’où me venait cette patience dont je faisais preuve à ce moment précis. Cela se remarqua surtout quand je lui demandai gentiment :

- Jusqu’à ce que tes yeux ne clignotent plus ou, même, ne soient plus verts par prudence, pourrais-tu te retourner, s’il te plaît ? Je suis encore pas mal fatiguée et la lumière m’assomme…

Lorsque je pus faire qu’il accéda à ma requête, je le remerciai avec sympathie avant de lui proposer de continuer notre chemin. Par l’intensité de lumière émise par ses yeux, j’étais plus ou moins capable de lui faire des descriptions de ce qu’il se passait s’il me le demandait. D’ailleurs, au bout d’un petit temps ses yeux s’allumèrent à nouveau rapidement.

- Je crois que tes yeux viennent de s’allumer encore une fois… Tu crois qu’ils vont le faire au nombre d’enregistrement que tu as fait ?

Ce que je disais était certainement débile, mais je préférais continuer la conversation avec lui au lieu de le laisser seul dans ses réflexions. Ce n’était pas drôle de se débattre avec des énigmes personnelles sans en discuter avec quelqu’un d’autre. Surtout sur le moment présent. J’en savais quelque chose puisque je l’avais vécu intensément au quotidien quelques mois plus tôt.

Okura rectifia mes dires et me fit comprendre qu’il voulait vérifier la régularité des flashs. Je devais avouer que j’étais confuse : j’étais loin d’imaginer que mon état de fatigue m’empêcherait de bien comprendre les choses qui m’entouraient. Mais loin d’en être offusqué, le jeune homme me prouva ses dire, qu’en soit ses yeux étaient toujours allumés en mettant sa main devant. Je pus, en effet, constater que sa paume était éclairée en vert. Cela allait lui être pratique s’il voulait lire, non ? Après, il était certain que les flashs le seraient moins s’il n’était pas dérangeant. En tous les cas, et comme il me l’avait dit, il sortit son téléphone pour voir la régularité de ces variations lumineuses. Et lorsque la troisième se fit, il déclara :

▬ Au moins, je sais que le flash est précis, du moins au dixième de seconde près. Mais combien de temps ça dure ? Je vais vérifier.

Pendant la minute qui suivit, comme depuis que j’avais posé ma question, je ne dis rien. Ce n’était pas vraiment que je voulais réellement rester silencieuse, mais je n’avais absolument rien de plus à lui dire. Aucune réponse à lui apporter. Quelle prof de pouvoir je faisais ! Bon, je ne l’étais pas encore, mais si je n’étais même pas capable de l’aider peut-être n’avais-je pas réellement ma place à ce poste. D’un autre côté, il prenait toute les bonnes initiatives avant moi. Au vu de mon état physique, ce n’était pas non plus étonnant. Il allait réellement falloir que j’en parle de ce problème. Ce n’était pas normal.

▬ Pile une minute. Tu penses que le cinquième flash sera le dernier ? Sachant que pendant la journée, je n'ai utilisé la partie enregistrement que trois fois.

- Je t’avoue que je n’en sais rien du tout, lui répondis-je en tentant de cacher ma fatigue. Je pense que seul le temps nous le dira pour tes yeux, quant à la salle de musique, je crois ne pas me tromper si j’affirme qu’aucun instrument bouge tout seul.

Pour être tout à fait exacte, tout était à sa place. Aucune trace de « fantôme » sous toute forme qu’on lui donnait, ni d’une quelconque personne qui aurait un pouvoir de télékinésie. Je soupirai donc en allant m’assoir à un des bureaux. J’ajoutai ensuite :

- Soit la personne qui a fait circuler cette rumeur est un mauvais plaisantin, soit on lui a fait une farce. Je ne vois que ça comme solution. Ou alors, un groupe de musique qui répétait la nuit… dans le noir ? Nan… cette histoire est assez étrange. Dis, t’as pas plus d’indices que des instruments qui jouent la nuit ? Parce que, je veux pas jouer les rabats joie, mais il est minuit passé et rien ne s’est produit : pas de musique, pas d’instrument volant ni de fantôme. La seule chose qui se soit produite ce sont tes yeux qui jouent aux leds vertes.

▬ Je n'ai absolument aucun autre indice. Je crois aux histoires de fantômes car j'en ai vu dans l'académie la nuit d'Halloween, en compagnie de trois autres personnes. J'étais allé dans le grenier avant de tomber et d'atterrir sur l'infirmerie, en compagnie de quatre personnes. Après, je pense qu'il n'y en a que dans les nuits d'Halloween, d'après moi. Je ne pense pas que ça puisse exister un autre jour.

Alors qu’il me parlait de fantômes, de ce que je pus en voir, il y eu le cinquième flash dont nous avions plus ou moins prévu l’arrivée. Et pendant qu’il semble regarder l’évolution dans son téléphone, je me mis à émettre pensivement des hypothèses sur l’apparition de ces dit-fantômes. Sérieusement, j’avais énormément de mal à y croire, même pour la nuit d’Halloween. Du coup, pour moi c’était encore l’œuvre d’un plaisantin ou d’un effet d’optique que le cerveau avait interprété comme des apparitions, surtout en considérant le moment. Après, il était vrai que j’avais mes positions et que je n’avais pas grand-chose pour contredire ce que je pensais. Il allait falloir que je pense à rester ouverte lorsqu’on me donnerait des arguments !

▬ Ca y est, mes yeux sont redevenus marrons et sans LED. Je pense que j'irai plus loin demain. Même si je sais que je serai fatigué dans les prochains cours. J'espère juste ne pas devenir insomniaque.

- Tu ne deviendras pas insomniaque pour ça, lui répondis-je en riant doucement. Tout ce que tu risques c’est de dérégler ton horloge interne et aura donc quelques difficultés à dormir. L’insomnie c’est lorsque tu n’arrives pas à dormir du tout. Certes, le déréglage de l’horloge interne peut être une cause, mais pas pour une ou deux nuits. Ce qu’il faudrait que tu évites c’est de faire des sorties nocturnes trop régulièrement.

En parlant de bons conseils, il en était qu’on pouvait facilement me faire quand on me connaissait et qu’on avait conscience de mon état de santé. J’espérais simplement que cela ne serait pas aussi difficile pour lui que pour moi d’entendre cela. D’ailleurs, puisque nous n’avions plus rien à faire en salle de musique, je commençais à me demander ce que nous pouvions faire. N’ayant de réelle idée, je demandai à Okura :

- Du coup, on fait quoi maintenant ? Personnellement, je ne veux pas jouer les rabat-joie, mais ne risque-t-on pas de tomber sur un surveillant si on reste ici ?

▬ Au vu de l'heure, il y a bien une chance, mais assez basse. Donc, il ne faut pas beaucoup s'inquiéter. On peut, mais juste un peu. Mais comme de toute manière, on n'a plus grand chose à faire, et bien on va retourner à la Maison Emeraude. Tu voudrais m'accompagner, demain soir ? Ce que j'ai l'intention de faire, c'est d'utiliser mes cinq utilisations quotidiennes de la partie de l'enregistrement de mon pouvoir, et voir pour minuit. Donc, ce sera normal si tu m'entends dire "いたい !", parfois.

Alors qu’il se dirigeait vers la porte, je me levai lentement pour le rejoindre. En véritable gentleman, il m’avait tenu ma porte pour que je sorte en premier. Je devais avouer que le retour au dortoir n’était vraiment pas de refus, mais sachant qu’il nous restait pas mal de chemin je me permis de réfléchir à la façon de lui répondre. Ainsi, après une ou deux minutes de réflexion je lui déclarai :

- Sincèrement, je ne sais pas du tout si je pourrais t’accompagner. Si je suis assez en forme, pourquoi pas, mais comme ça je ne pourrais pas te dire. Du coup, ce que je te propose c’est de venir me chercher dans la chambre 8F si tu ne me trouves pas dans la salle commune.

Je le laissai évaluer si mon compromis lui allait. Après tout, je préférais qu’il ne soit pas accompagné par un zombie mal luné alors que tout ce qu’il voulait c’était comprendre son pouvoir. Puis, pour le coup, je me sentais plus comme étant un boulet qu’autre chose. Je me demandais s’il serait accompagné de quelqu’un d’autre d’ailleurs. Préférant cependant penser à l’instant présent pour rester concentrée, je lui demandais :

- Au fait, que signifie le mot que tu as prononcé dans ta dernière phrase ? Je ne le comprends pas. C’est une langue asiatique, non ?

Sincèrement, je ne m’y connaissais pas du tout dans ces langages. Bien entendu, comme tous les jeunes de mon âge j’avais regardé des mangas, mais j’avais préféré les écoutant en ma langue natale. Si je pouvais deviner que le langage était asiatique c’était grâce au peu de VO que j’avais écouté alors que je m’étais trompée dans mes recherches. On pouvait effectivement dire que je n’avais pas été très curieuse, mais je parle plus exactement de l’époque avant le début de ma maladie que je passais plus volontiers dehors que devant un ordinateur. Par la suite… la dépression m’avait ôté le goût à tout avant que je ne recommence à voir le monde sous un tout autre angle, celui qui me donnait l’envie de profiter de la beauté des choses qui m’entouraient.

Malgré ma fatigue, la surprise du jeune homme ne m’échappa nullement. Il était vrai qu’on m’avait souvent dit que j’avais des traits asiatiques, mais jamais on était allé jusqu’à croire que je parlais une langue de ces pays orientaux. En même temps, ce jeune homme ne savait pas grand-chose sur moi, du coup il n’était pas si étonnant que ça qu’il ait sauté aux conclusions. De mon côté, si je ne l’avais pas entendu parler japonais, jamais je ne m’en serais douté. Du coup, sans m’offusquer d’une quelconque manière, je l’écoutai m’expliquer ce que signifiait ce mot qu’il avait prononcé un peu plus tôt :

▬ "いたい!" (Itai!) ? Ça veut dire "Aïe !" en japonais. J'ai adopté le réflexe depuis longtemps, étant né d'une mère Japonaise... et d'un père Français. Je ne sais pas parler japonais, mais j'ai les bases.

Ceci expliquait cela. Je ne cherchai cependant pas à en savoir plus que cela. Déjà, l’envie me manquait en plus du fait que je sentais que l’effet du produit laissait place à une grande fatigue. Certes, il était tard, mais il me semblait que mon corps avait besoin de plus de repos qu’à l’accoutumée. Très sincèrement, pour moi ce n’était pas très encourageant. J’avais plus de question qu’avant de changer de traitement et ce n’était pas pour améliorer mon moral.
Avant de commencer à monter pour rejoindre la maison des Emeraudes, nous passâmes devant l’infirmerie. L’odeur d’antiseptique ne laissait aucun doute sur ce fait. Avec le temps, j’avais comme appris à la reconnaître de loin, ce qui n’était pas vraiment pour me plaire. Je savais cependant que m’en plaindre ne servirait à rien, surtout en sachant que j’allais devoir la supporter pendant encore bien des années. Comment faisaient donc les médecins et les infirmiers qui travaillaient avec cela ? S’en accoutumaient-ils ou l’aimaient-ils ? Il faudrait que je pose la question à Archie, tient ! En attendant, quelqu’un nous interpella en nous éclairant d’une lampe torche. Eblouie, je me cachais les yeux que j’avais déjà plissés.

- Hé ! Que faites-vous hors de vos dortoirs à cette heure ?

- Désolée, fis-je toujours en me protégeant de la lumière. Nous venons de l’infirmerie parce que je n’étais pas bien aujourd’hui. Okura me raccompagnait justement à la maison Emeraude où nous logeons.

J’espérais que le jeune homme suivrait le mouvement qui, finalement, n’était pas si compliqué que cela à mes yeux. D’ailleurs, je m’impressionnais moi-même d’avoir réagis aussi rapidement. En même temps… je n’avais pas totalement mentit.

Loin de m’aider, Okura ne fit rien pour démentir mes propos. J’en fus un peu soulagée, mais tentai de ne pas le montrer histoire que le surveillant ne se doute de rien. Enfin, de toute façon, avec la lumière dans les yeux, je ne pouvais pas montrer grand-chose de mes sentiments. L’adulte dû s’en apercevoir puisqu’il baissa sa lampe tout en nous disant :

- Très bien, allez-y. Mais je ne veux pas vous reprendre. Toi, s’il le faut, passe la nuit à l’infirmerie : les sorties nocturnes ne sont pas tolérées quelle que soit la raison.

Sur ces mots, qui mettait en évidence qu’il nous faisait confiance pour retourner dans le dortoir Emeraude, il nous laissa pour continuer sa ronde. Nous reprîmes donc notre route dans la même direction que nous voulions au départ. Et lorsque je fus certaine que l’adulte fut assez loin pour ne pas nous entendre, je dis à Okura :

- Je suis désolée de ne pas avoir dit toute la vérité au surveillant, mais je t’avoue que je n’ai pas totalement mentit. Seulement sur le moment où je suis passée à l’infirmerie en fait.

Certainement n’était-ce pas très utile que je lui dise cela, mais je préférais ne pas rester sur un malentendu qui ne nous aurait pas aidé. J’espérais seulement qu’il n’allait pas me demander les pourquoi du comment parce que je n’étais vraiment pas prête d’aborder le sujet qui fâche. Enfin… je ne pouvais pas dire qu’il fâchait réellement puisqu’il ne faisait en réalité que me déprimer et que c’était pour cela que je n’en parlais pas. Sans avouer en supplément que je détestais quand on s’inquiétait pour moi, trop souvent à outrance. Autant profiter de la vie dans la joie et la bonne humeur, non ? Enfin, le mieux c’était une fois reposé quand même. D’ailleurs, j’espérais que la fatigue n’était due qu’au simple changement de traitement d’un seul coup et que tout irait mieux après quelque temps. Mieux valait aussi que l’adaptation ne soit pas trop longue…Je savais que je n’étais pas infaillible et qu’il pouvait arriver un moment où mes problèmes pouvaient me peser.