Une soudaine envie de fuir ... [Libre] [Terminé]

Le soir après le repas en compagnie de Caliptika, Yumiko et Narudgi, mon ressenti par rapport à cette académie continuait de m'oppresser. Je n'avais nul part où aller mais je voulais quitter cet endroit une bonne fois pour toute. Il était à peu près minuit quand je me décidais à me risquer dans les couloirs munis de mon sac remplit de quelques affaires personnels. J'avais laissé sur mon bureau une lettre d'explication pour Caliptika, même si à mes yeux c'était aussi une lettre de démission de cet endroit qui m’écœurait. Les couloirs étaient déserts. Je me faufilais à pas de loup en déambulant parmi les étages, la lune étant ma seule complice. Je me guidais grâce à sa douce lumière. Je voyais les ombres des arbres bougeant au vent dansant sur les murs. J'étais bel et bien entrain de faire une bêtise mais j'espérais que personne ne me verrait. Il est vrai que le couvre feu était dépassé depuis fort longtemps mais que serait ce qu'une vie sans prise de risque? Parfois, je m'étonnais : j'aurais pu très bien être un rubis à cet instant mais j'avais un sérieux sens de l'obéissance. Ce soir j'enfreignais les règles à contre cœur mais je me sentais obligé de le faire pour ma survie. Imaginons un seul instant que l'on me débusque : je m'imaginais déjà en plein milieu d'une battue où j'étais la proie. C'était à la fois dérangeant mais excitant... J'avais changé en effet...

Je poussai la porte de l'académie laissant apparaître l'allée principale. Quelle péripétie il y a quelques semaines! Le temps n'était pas à la nostalgie : j'en manquais terriblement... Je me retournais déjà en plein milieu de l'allée... Cali allait me manquer. Je voulais être plus fort que cela mais je n'avais pas la force. J'avançais le plus doucement possible vers le portail : j'allais devoir l'escalader. Un dernier obstacle et pas des moindres. Ne jamais abandonner voilà ce que l'on m'avait appris et ce n'est pas aujourd'hui que j'allais bafouer ce credo. Je m'élançais sur le portail et commençait l'ascension. J'avais parfois le vertige il faut l'avouer mais là l'adrénaline me rendait tout autre. Je me sentais fort et invincible. Je sautais du haut du portail me rattrapant tant bien que mal que les mains. Je découvris une plaie assez importante sur ma main gauche qui saignait abondamment. Et voilà que les ennuies commençaient... J'ouvris mon sac et me fis un bandage à l'aide d'un tee shirt que j'avais.

Je me mis à contempler les étoiles espérant qu'elles me guideraient vers un monde meilleur. J'étais enfin libre à moins que quelqu'un m'ait suivi ou m'ait aperçu de sa fenêtre.

Ce soir, il faisait chaud. Colombe ne voulait pas dormir dans son dortoir. De toute façon, elle ne pourrait pas... Trop chaud. Trop de bruit.

Elle sortit donc très discrètement de son dortoir, puis de sa maison. Aaah... Les nuits à la belle étoile lui avaient manquées ! Ces soirées qu'elle avait passé à l'orphelinat, dans la cours avec les autres enfants quand Lewis organisait des petites soirées feu de camp... Ces nuits qu'elle avait passé dans cette même cours, à regarder les étoiles couchée dans l'herbe, avec Peter...
Il ne fallait plus penser à Peter.
Alors toi aussi, tu t'en souviens... Comme je regrette de ne plus être là... Avait répondu Peter à l'évocation de ses souvenirs.
"Tu es toujours là. Dans mon coeur..."

Colombe répondait toujours à Peter à voix haute. Elle risquait de se faire découvrir mais elle s'en fichait. Une larme avait coulé le long de sa joue, alors qu'elle courrait dans le couloir pour sortir plus vite, ses chaussures dans la main pour réduire les bruits.

Elle se retrouva donc dans l'allée principale. Comme c'était joli, la nuit ! Les fleurs étaient fermées, l'herbe était couverte d'une légère rosée qui brillait sous la lune, et le vent dans les feuilles d'arbre jouait une jolie musique...

"Regarde, Peter, on est comme à la maison..."

Colombe tourna sur elle-même pour regarder tout au tour. Elle s'avança un peu pour se trouver un coin tranquille pour roupiller... Et discuter avec Peter. Hum, le meilleur choix serait près du portail, loin des autres bâtiments donc des gens. Elle s'allongea bien contre un arbre et entama une conversation avec son jumeau.

Mais soudain, des bruits de pas se firent entendre. Quelqu'un approchait. Colombe tressaillit. Elle tourna la tête et regarda l'arrivant.
Ouf. C'était un étudiant. Il avait des cheveux clairs qui brillaient sous la lune. Elle ne le connaissait pas, probablement un élève d'une autre classe. Elle ne fréquentait pas trop les autres classes.

L'inconnu se mit à essayer d'escalader le portail. Colombe le regardait en pouffant dans son coin. Mais il allait réussir dites-donc ! Il sauta de l'autre côté du portail. Colombe s'approcha du portail et regarda de l'autre côté. Elle vit le jeune homme se penser la main gauche dans un tee-shirt. Il s'apprêtait à repartir. Inquiète, elle lui demanda tout de même :

"Euh... Ca va ?"

"Euh... Ca va ?"

Et mince... On m'avait surpris en plein milieu de la nuit... Et dire que je ne pensais pas que quelqu'un soit debout à cette heure ci. Bon, c'était déjà pas si mal ce n'était pas un surveillant ou alors fallait qu'il revoit son métier de A à Z. J'hésitais entre partir en courant ou parler à la voix de jeune femme qui s'était élevait au milieu des ténèbres derrière moi. Conclusion de l'affaire : liberté à moitié retrouvée, question posée et main broyée... Quelle chance! J'étais sûr d'une chose à présent... la nuit risquait d'être longue.

Maintenant je me devais de répondre soit en me retournant soit en lui tournant le dos... J'avais envie d'être mystérieux mais d'un certain côté l'identité de mon interlocutrice m'intriguait. Sa voix ne me disait rien... D'un certain côté cela était bon signe. Et si je lui parlais j'allais lui dire quoi : tout va très bien mis à part mon moral et ma main qui est explosée... A vrai dire si je devais corriger cette phrase j'aurais dit : moral et main explosés...

Je me retournais pour faire face à mon interlocutrice : une jeune femme se dessinait dans la pénombre les cheveux argentés et une mèche violette pour surplomber le tout. ARGHH...!!! Et des yeux rouges... Mes yeux je l'avoue n'étaient pas naturels mais là ... Etait-ce un vampire? Il faut dire que je n'avais réellement pas les idées en place donc bon... Ma remarque intérieure avait été déplacée... Je me mis à rougir comme si j'avais fait une faute. Et en plus, elle était plutôt jolie malgré sa pâleur. Nouvelle raison pour justifier ma couleur écarlate... Là... j'étais bien embêté, je ne savais pas quoi dire... Je mis mes idées en place et lui dis pour réponse :

"Ça va mieux on va dire. Je ne pensais vraiment pas croisé quelqu'un à cette heure ci..."

En prononçant ces mots je mettais mis à sourire. Je ne savais plus trop si je devais partir ou la rassurer.

"Ca va mieux, ça va mieux... Tu es blessé !"

Colombe avait sauté sur la première rangée de barreaux horizontaux pour avoir une meilleure vue de la scène. Il saignait, cet idiot, et en plus il avait une tête bizarre. Il était tout rouge ! Colombe maudit intérieurement Ammout. Elle faisait toujours un peu peur au gens avec la couleur de ses yeux... Surtout qu'elle venait d'apparaître brusquement de nul part, en pleine nuit ! Elle espérait qu'il ne la prenait pas pour un monstre. ...Mais attendez, lui aussi avait des cheveux blancs et des yeux rouges ! Soudainement, Colombe ne comprenait plus rien à la situation.

Enfin bref ! Colombe devait aller aider l'autre blessé, là, dehors. Mais qu'est ce qui lui était passé par la tête pour essayer de s'enfuir comme ça ! Colombe se mit donc à escalader le portail à son tour, malgré un léger vertige. Une fois en haut, elle redescendit le portail barreau par barreau, trop effrayée pour sauter.

Une fois de l'autre côté, elle s'approcha du jeune homme... Et là elle s'arrêta.
Ok, elle était avec lui maintenant, mais... Elle ne savait pas quoi faire. Elle ne pourrait pas le faire rentrer, ni le soigner. Peut-être qu'elle pourrait trouver du Millepertuis pas loin... Raah, mais il avait essayé de s'enfuir, si elle s'éloignait, il partirait sans doutes. Et il n'y avait pers...

Le regard de Colombe se posa sur une petite jeune fille de l'autre côté du portail. Elle ne l'avait pas remarqué jusqu'à présent, mais elle allait pouvoir l'aider ! Colombe s'approcha du portail.
"Hey, toi ! Tu peux me le surveiller, s'il te plais ? Faudrait qu'il bouge pas, histoire de réduire l'hémorragie, tout ça... Je reviens vite !"

Elle se tourna vers le blessé.
"Tu bouges pas pour le moment, je vais te soigner, ok ?"

"Ca va mieux, ça va mieux... Tu es blessé !"

Et puis zut, je me sentais bien pour dire vrai. J'étais entrain de me dire que ma fuite était peine perdue : mon sang allait perler et le lendemain la chasse au petit Poucet aurait commencé. Je me maudissais de n'être pas plus agile. Certes, cette jeune était gentille de s'inquiéter pour moi mais... Elle avait sauté par dessus le portail avant que je ne puisses dire autre chose. Bon, je vivais en ce moment la scène la plus irréaliste depuis mon arrivée à l'académie... Mes yeux commençaient à se fermer, j'avais une soudaine envie de dormir pour tout oublier.

La fille se tourna vers quelque chose et lança :

- Hey, toi ! Tu peux me le surveiller, s'il te plais ? Faudrait qu'il bouge pas, histoire de réduire l'hémorragie, tout ça... Je reviens vite ! (se retournant ver moi) Tu bouges pas pour le moment, je vais te soigner, ok ?

Une fille sortit de la pénombre : je voyais son jolie visage surmonté d'une queue de cheval. Jusque là tout paraissait normal... Et elle se mit à escalader le portail. Elle se débrouillait bien. Au lieu de se jeter du haut de celui-ci elle descendit telle une alpiniste. Arrivée à ma hauteur, elle me dit :

- D... Donne-moi t... ta main

Après un court instant, elle m'appliqua quelque chose sur ma main puis revint après s'être éloigné me mettant un morceau de tissu sur la main. Et me dit :

- V... voilà... Ç... Ça devrai aller p... pour l'instant... M... Mais c'est juste p... provisoire...

Ses yeux étaient.. rouges. Bon bein me dis-je, on n'est pas tous normaux dans cette académie moi y compris...

En me disant cela, la nouvelle venue se tourna vers l'autre et lui fis signe, je ne comprenais toujours pas ce qui se passait. La scène commençait à se brouiller et je ne distinguais plus vraiment ce qui se déroulait devant moi.

La jeune fille avait escaladé le portail. Elle avait fabriqué une espèce de cataplasme rapidement avec quelques feuilles ramassées pas loin. De la sauge... Colombe se rappela des cours sur les plantes médicinales de l'ami de Lewis, Jack. "La sauge est un excellent antiseptique local. Mais il fluidifie le sang..." Colombe tressaillit. Mais la jeune fille enroula un bout de tissus autour de la main du jeune homme. Elle savait ce qu'elle faisait ! Colombe aimait déjà bien cette gamine.

La jeune fille demanda du regard à Colombe de se dépêcher de trouver mieux. Colombe acquiesça puis partit chercher son millepertuis. Elle avança une dizaine de mètre... Et une odeur bien connue attira son attention. De la lavande... à l'instar du millepertuis, la lavande avait également de forte capacités cicatrisantes. Colombe s'enfonça encore un peu plus dans les allées d'arbres et tomba sur du cassis. Elle en prit trois grappes, puis retourna près des autres. Le jeune homme semblait partiellement dans les vapes et la demoiselle qui le surveillait ressemblait un peu à un chaton apeuré (elle devait être timide, songea Colombe).
"C'est bien d'avoir mit du sauge. J'ai récupéré de la lavande et un peu de cassis, tu veux bien nettoyer la plaie pendant que je prépare le tout ?"

Avant de commencer à broyer tout son petit tas de plantes, Colombe s'approcha du jeune homme. Elle lui mit une grappe de cassis dans la main droite.

"Mange ça, ça devrait te faire du bien. T'es pas allergique au cassis ?"

Colombe enleva son manteau, le posa sur le sol et déposa ses fournitures dessus. Elle prit un gros cailloux par terre et alla le laver et se laver les mains à la petite fontaine qu'il y avait non loin. Puis elle prit lavande et cassis et commença à broyer le tout dans sa main. Elle en profita pour faire la causette à son blessé.

"Si je ne suis pas indiscrète, je peux savoir ce qui t'as prit d'escalader le portail à une heure pareille ?"

"C'est bien d'avoir mit du sauge. J'ai récupéré de la lavande et un peu de cassis, tu veux bien nettoyer la plaie pendant que je prépare le tout ?"

Je ne comprenais rien de ce que la jeune fille racontait. Elle venait de revenir et voilà que ses paroles me perdaient. Je me doutais qu'elle était gentille avec moi et que j'avais eu beaucoup de chance qu'elle soit là mais ... Je leur causais du tort... si... si.. elles étaient prises entrain de m'aider par un surveillant, elles allaient passer un sale quart d'heure.

"Mange ça, ça devrait te faire du bien. T'es pas allergique au cassis ?"

Je sentais qu'elle avait mis quelque chose dans ma main. Cassis... Allergique... Je ne comprenais rien... Tout ces termes m'étaient inconnus. J'avais compris que ce quelque chose dans ma main allait m'aider... J'en prenais petit à petit, c'était sucré et agréable à manger. Je me délectais de ce repas en faisant signe à la jeune femme pour la remercier. Pendant un instant, il y eut du silence puis elle recommença :

"Si je ne suis pas indiscrète, je peux savoir ce qui t'as prit d'escalader le portail à une heure pareille ?"

Tout sauf cette question... Je ne voulais pas...

- C... C'est pourtant é... évident, je lui répondit. Il... Il avait sûrement... envie d.. de fuir...  C'est ça ?

L'autre jeune femme volait à mon secours, elle était si gentille, si jolie... Je ne savais plus trop quoi penser avec mes sens qui se brouillaient peu à peu. Je voulais hurler mais de peur de les effrayer je me retins...

"Fuir... Merci de m'aider" lançais-je dans un souffle. Je m'étais tourné vers ma dernière locutrice en essayant tant bien que mal de lui sourire.

Fuir...
Les mains de Colombe retombèrent d'un coup sur sa jupe. Fuir... Ce mot résonnait comme un coup de tonnerre, à la fois puissant et très douloureux. Comme une détresse. Des larmes s'écrasèrent sur les mains de Colombe.

La jeune fille brune avait terminé de nettoyer la plaie. Doucement, Colombe prit la main du blessé et commença à mettre sur la blessure la mixture de lavande et de cassis.
"Attention, ça risque de piquer un peu..."

Colombe chercha de quoi protéger la plaie. Elle détacha le ruban qui nouait sa tresse violette et pensa la plaie bien proprement. Elle se força à sourire.
"Tu devrais te reposer un peu. Si tu veux vraiment t'enfuir, il faut que tu reprennes des forces..." Colombe marqua une pause et baissa la tête. "Je voudrais t'aider... Mais si tu penses que partir est le meilleur choix pour toi..."

Colombe se tourna vers l'autre jeune fille. Cette fois, elle avait un sourire sincère.
"Merci beaucoup, mademoiselle...? Tu ferais une excellente guérisseuse ! D'où te viennent ces talents d'herboriste ?

La première des protagonistes qui avait franchi le portail s'était mise à pleurer malgré le voile qui couvrait mes yeux. Elle me prit délicatement la main. Je commençais à reprendre des forces si l'on put dire. Disons que j'allais un peu mieux depuis quelques instants, ma vue revenait progressivement comme si m'être déchargé de mes envies de fuite me soulageait.

"Attention, ça risque de piquer un peu..."

Ah oui ça piquait effectivement. Mais qu'avait pu-t-elle mettre? Ça sentait bon c'était déjà ça et j'espérais qu'à moyen terme cela estomperait un peu la douleur.

"Tu devrais te reposer un peu. Si tu veux vraiment t'enfuir, il faut que tu reprennes des forces..." Je voudrais t'aider... Mais si tu penses que partir est le meilleur choix pour toi..."

Je voulais lui dire merci, lui dire que son aide quotidienne pourrait certainement m'aider mais les forces de le dire me manquait comme si m'avouer vaincu était impossible. Ne jamais abandonner, ne jamais montrer ses craintes, voilà le leitmotiv de ma vie que mon père m'avait inculqué.

"Merci beaucoup, mademoiselle...? Tu ferais une excellente guérisseuse ! D'où te viennent ces talents d'herboriste ? en se tournant vers l'autre jeune fille.


- S... Si je le s... savais, j... je te l'aurais d.. dit...

Cette voix fut la dernière chose que j'entendis. La nuit m'avait absorbée délicatement. Mes dernières forces qui avaient sur me tirer de ma torpeur m'avaient lâchés. Je ne savais plus où j'étais dorénavant. Une voûte noire comme seule paysage m'entourait et Morphée me guidait dans les méandres des ténèbres.

Colombe sourit faiblement. La jeune fille avait-elle un problème de mémoire ? Ou bien était-ce un don inné... Ou son pouvoir ? Toutes les hypothèses étaient possibles.

Alors que Colombe s'apprêtait à lui demander des explications, elle entendit la respiration de son inconnu blessé se faire plus calme, apaisée. Il s'était endormit. Colombe avisa qu'il était plus prudent de le laisser reprendre des forces... De toute façon, il ne pourrait pas rentrer dans l'académie avant l'ouverture du portail, le lendemain matin. Colombe tourna a nouveau ses yeux vers l'autre jeune fille.
"Il s'est endormit... Je vais rester avec lui. Reste avec moi si tu veux, ou si il te reste des forces, rentre te coucher."

Colombe s'allongea dans l'herbe et se mit à regarder les étoiles. Ce n'était pas grave si elle se faisait prendre. Elle était une rubis, une rebelle, de toute façon. Au diable les grands et leur fichu règlement ! Un petit sourire narquois se dessina sur les lèvres de la jeune fille.

Colombe se redressa, et tendit sa main à sa camarade.
"Au fait, moi c'est Colombe, maison Rubis. Et toi ?"

Plus un bruit, des sensations étranges parcouraient mon corps. La brise nocturne devait m'emporter comme une feuille loin de cette académie. Je ne savais plus où j'étais... Je rouvris les yeux, mes interlocutrices d'il y a peu avaient vogué vers d'autres horizons. Une chambre d'enfant autour de moi. Je ressentais un air de déjà vu comme si... Non ce n'était pas possible... Je n'avais pas voulu en arriver là. Un sanglier me fixait dorénavant juste devant moi... Ce n'était qu'une tête trophée de la chasse d'antan accroché au mur qui me fixait. Des murs blancs m'entouraient : cette chambre est décidément glauque me dis-je.

J'ouvris la porte à l'arrière de celle-ci. Je voulais m'enfuir... Des bruits de pas dans le couloir me ravisèrent. Je n'étais pas seul... Mais où étais-je? Les ombres des arbres se dessinaient dans la pièce. Il faisait nuit je n'avais aucun doute... Les pas s'éloignèrent, je devais agir vite! Je poussai la porte et me faufilai à travers un dédale de couloirs. Des torches éclairaient les murs faisant danser mon ombre sur ceux-ci. Je sortis dehors le plus silencieusement possible. La pleine lune... Des champs de fleur à perte d'horizon. Quel spectacle magnifique!

Des aboiements de chien se firent entendre. Je me mis à courir à travers champs escaladant les barrières comme si ma vie en dépendait... Je voulais retourner à l'académie mais je ne savais pas où j'étais... Soudain, je m'affalais à terre rattrapé par un chien. J'étais encerclé... Ils se jetèrent sur moi et soudain :

"Non!!"

La lumière du soleil me réchauffa. Je relevais doucement la tête et vit la jeune femme qui m'avait secouru tout à l'heure. La lumière était rassurante comme sa présence d'ailleurs. Je vis l'académie se dessiner devant mes yeux. J'étais sauvé...

Colombe s'était endormie à son tour. Elle avait roulé sa veste en boule sous sa tête, et s'était endormie... D'un sommeil assez calme...

Une petite berceuse en musique de fond. Des images couleur sépia. Colombe voyait de près une dame sans visage... Comme une aquarelle qui aurait prit l'eau. On ne voyait qu'un sourire doux. Colombe était dans les bras de cette dame. Elle tourna ses yeux derrière la chaise à bascule en bois, et vit, de dos, un homme. Elle ne voyait pas son visage. Colombe tourna ses yeux rubis vers la dame sans visage, puis les mis droit devant elle. Un autre enfant, avec des cheveux tout blancs, bien cours. Il avait des yeux rubis, lui aussi, mais ils étaient teinté de la couleur de la joie. L'autre enfant avait un large sourire sur le visage. Peter... pensa Colombe. Elle tendit ses petites mains d'enfant et saisit celles de son frère. Il devait avoir cinq ans.

Le décor s'évanouit autour d'elle. La femme sans visage disparut. La cuisine, le salon, l'homme de dos, la chaise à bascule, même Peter, tout disparut. Colombe se retrouvait dans un endroit vide, d'un blanc jaunâtre. Elle avait retrouvé ses grandes mains et sa taille habituelle. Elle se retourna, espérant trouver quelque chose ou quelqu'un. Rien. Le vide. Des pas derrière elle. Elle fit volte-face, et vit Peter, face à elle. Il lui parlait, mais elle n'entendait rien. Colombe voulut lui dire quelque chose, mais rien ne sortit de sa gorge. Peter continuait de lui parler. Colombe se mit à pleurer, à crier de toute ses forces, mais elle restait muette. Peter commençait aussi à pleurer. Il serra sa soeur dans ses bras, toujours parlant sans qu'elle ne l'entende. Un vent se mit à souffler, emportant Peter avec lui...
Sans savoir pourquoi, Colombe se mit à hurler. De plus en plus fort. Un son commençait à se former dans sa gorge. Elle hurla...
"AAAAAAAAAAAAaaaah...

Elle s'était réveillée en sursaut, et s'était immédiatement assise. Elle essayait de reprendre ses esprits. Lentement, les événements de la nuit lui revenaient en mémoire. D'instinct, elle se tourna vers son blessé, comme pour voir si il ne s'était pas sauvé.

Il était toujours là, et commençait à se réveiller aussi. Colombe frotta ses yeux encore engourdis de sommeils et salua le jeune homme.
"Yo. Ca va mieux ?"

Une main me fit signe tout d'un coup. A peine je reprenais mes esprits qu'une âme bienveillante s'occupait de moi.

"Yo. Ca va mieux ?"

Je reconnaissais la voix de la fille de cette nuit. Je me demandais bien combien de temps j'avais dormi. Je levais ma tête direction le soleil et vit que celui-ci commençait à pointer le bout de ses rayons. Mon voyage dans le confins de mes rêves avait été plus long que ce que j'avais imaginé en fin de compte. Je remarquais que je portais toujours mon bandage à ma main. Cependant, je fus content en voyant que le sang ne s'écoulait plus. Plus de peur que de mal en fin de compte! J'avais du tout simplement tombé de fatigue émotionnelle et nerveuse , et non pas à cause de ma blessure.

Je mis à sourire à mon interlocutrice :

"Ça peut aller. Et en fait merci encore pour hier"

J'étais un peu gêné...Par ma faute, elle avait du certainement dormir dehors en veillant sur moi. Elle devait être crevée. Elle avait un grand cœur pour avoir fait ça. Je me demandais bien comment j'aurais réagit à sa place. Je ne l'aurai pas abandonnée dans l'obscurité mais je ne suis pas si sûr que sa solution m'aurait fait plaisir avec le froid qui avait du régner cette nuit.

Je me mis à repenser à mon rêve. Je voulais me confier à quelqu'un. Pourquoi pas à cette jeune fille en fin de compte! Mais on ne se connaissait à peine et je me doutais que mes problèmes personnels n'allaient l’intéresser guère. Quoique... je me remémorais ce qu'elle avait dit plus tôt : elle était là si je voulais parler.

En pensant à tout ça, je me mis à le regarder et lui fit un sourire chaleureux pour lui montrer à quel point j'étais reconnaissant de ce qu'elle avait fait. Les gestes étaient à mes yeux plus importants que les paroles dans ces moments là.

"De rien."

Colombe s'étira. Elle s'était promit de rester éveillée toute la nuit, mais au final, elle s'était endormie. Elle avait même très bien dormit, bien mieux que dans son dortoir, car personne ne voulait qu'elle laisse la fenêtre ouverte. Elle avait beaucoup de mal à dormir dans le noir. Enfin bref. Colombe passa sa main dans ses cheveux pour les remettre en ordre. Sa mèche violette, détachée, se mêlait à ses cheveux argentés.

Colombe regarda son blessé. Il avait l'air de s'être bien rétablit, même si il avait l'air un peu soucieux. Colombe perdit son sourire pour laisser place à un air inquiet. Il lui arrivait quelque chose ? Il la regarda dans les yeux et lui sourit. Colombe lui sourit aussi, en baissant les yeux. Elle respira un grand coup. Il fallait qu'elle lui pose la question. Mais si il trouvait ça déplacé, qu'il ne voulait pas en parler ? Bon, on va dire tant pis ! Elle allait poser sa question.

"Ca va ? Tu avais l'air soucieux..."

Colombe remit sa mèche violette derrière son oreille, puis elle posa sa main sur celle, valide, du garçon.
"Si tu veux me parler de quoi que ce soit, vas-y, hein..."

Colombe le regardait droit dans les yeux avec un air le plus rassurant possible. Elle avait sa petite fierté, elle ne voulait pas qu'il voit qu'elle s'inquiétait. Elle se demandait d'ailleurs pourquoi elle tenait tant à l'aider...

"Ça va ? Tu avais l'air soucieux..."

Pour l'être... euh j'avais dû l'être et je devais encore le montrer si elle me posait la question. Et puis lui dire de quoi j'avais rêvé : je ne prenais aucun risque. Quoique... Il était vraiment bizarre ce rêve pensais-je. Mon passé avait une nouvelle fois resurgit. J'avais besoin de quelqu'un avec qui en parlé. Mais pour l'heure c'était cette fichue académie qui hantait mon esprit et son système de groupe qui me rendait malade. Ils voulaient quoi au juste? Fonder une société parfaite? Comme si on pouvait classer les individus grommelais-je intérieurement. C'était de la pure science-fiction. Quoique... J'avais peut être raison je devenais parano... Ça ressemblait en fin de compte aussi au système de maison dans le roman de l'autre sorcier avec son placard à balais. Je ne savais plus trop quoi penser à vrai dire. Et cette fille... Je lui serai éternellement reconnaissant de m'avoir sauvé. Bon, certes je n'étais pas à l'agonie mais j'avais grâce à son aide échappé à quelques souffrances nocturnes.

"Si tu veux me parler de quoi que ce soit, vas-y, hein..."

Je remarquais qu'elle avait posé sa main sur la mienne. Sa mèche violette que je n'avais pas remarquée la veille lui allait bien. En réalité, je ne savais pas par où commencer et me confier n'avait jamais été mon fort. Mais j'appréciais réellement son aide. Je voulais tout lui raconter... Pas en détail certes car je ne la connaissais pas assez bien mais grosso modo mes problèmes ou plutôt si je puis dire mon histoire. Je décidai de me lancer :

" C'est super gentil de ta part... Je supporte mal cette académie pour tout te dire. Disons pour faire simple que mon passé ne m'aide pas vraiment."

En prononçant ces mots, je lui fis un sourire. J'avais envie de pleurer d'un coup. Mais je me doutais que j'allais la perturber. J'étais faible et je n'avais plus aucune défense. La carapace que je m'étais forgé était en train de craquer. Et puis, tant pis si je fondais en larmes, elle comprendrait...