Papiers volants [Pv Fuanteina~]

Biologie. J'ai toujours haï ce cours ! Le prof est un vieux schnoque ridé avec des lunettes à triple verres, des pustules et des cheveux gras, vraiment le stéréotype du gars répugnant... Je m’assois au fond à droite, tout près de la vitre. J'observe les gens. La fille brune avec des tresses devant moi, son uniforme un peu trop grand pour elle et ses lunettes qui lui donnent un air brillant. Le grand gars à côté, son air nonchalant et la cravate desserrée de son uniforme, ses cheveux blonds en bataille... Soupir. Voyons le côté positif des choses, au moins on ne dissèque pas une grenouille ! N'empêche que je m'ennuie ferme. Et quand j'essaye de m'intéresser un schouilla à ce que le prof raconte, je me rend compte que je ne ferai jamais carrière dans la médecine : le système digestif humain est barbant à en mourir.

Je jette à nouveau un œil sur les gens et remarque que la place normalement libre, dans la rangée du milieu, est aujourd'hui occupée. L'élève assise là a des longs cheveux verts, j'aimerais bien voir son visage mais je ne vois que l'arrière de son crâne. Je ne l'ai jamais vue auparavant dans ce cours, elle doit être nouvelle ! Je décide de déchirer le coin d'une page de mon cahi-

"Mademoiselle Svenhild ! Peut-on savoirrrr pourquoi vous dégradez ostensiblement et volontairrrrrrement votre matériel scolairrrrrre ?"

Monsieur Pustule vient de m'apostropher parce que déchirer son cahier c'est mal. Je viens tout juste de m’apercevoir qu'il fait crisser les "r" qu'il prononce, ce qui n'ajoute rien à son charme...

"Désolée, monsieur."

Je finis ce que j'ai commencé - mais de manière plus discrète - et note rapidement :


J'agrémente le mot d'un petit émoticône souriant avant de le plier en deux et de l'envoyer sur la tête de ma cible. C'est seulement à ce moment que je remarque que cette personne a une queue. UNE QUEUE ?! J'ai l'habitude de voir des gens étranges ici, mais c'est la première fois que je vois une fille avec une queue de reptile...

Bon comme c'était mon premier jour ici, j'essayais de résister, résister autant que je le pouvais. Je savais que ça donnait une très mauvaise impression, encore plus si c'était la première, alors je luttait contre le sommeil, mais j'avais du mal, beaucoup de mal. Je rouvrais mes paupières avec difficulté, je ne voulais surtout pas m'endormir à mon premier cours, mais, même avec toute la bonne volonté du monde, ce cours était ennuyeux au possible. Je ne comprenais pas ce que disait le prof que j'écoutais distraitement, j'avais juste envie d'être ailleurs. J'étais venu ici pour contrôler mon pouvoir, limite pouvoir me suicider, mais pas pour écouter des profs pénibles débiter leurs conneries pendant une heure non-stop, les profs du secondaire suffisaient bien pour ça. Et dire que je perdait une précieuse heure de sommeil dans ce cours de.. de biologie, il me semble. Ça allait, temps que les voix dans ma tête ne se faisaient pas entendre, la vie pouvait être pire. J'ai été tirée de mes pensées par un papier que j'ai reçu sur la tête. Alors je me suis baissé pour le ramasser, le prof devait être aussi attentif à mes actes que moi à son cours, parce qu'il ne m'a même pas fait de remarque, peut-être qui n'en avait pas l'envie. En me relevant ma tête je vis une fille à la peau assez blanche m'adresser un regard que j'ai interprété comme amical. "Hey ! Nouvelle à l'académie ? Moi c'est Edi, si t'as besoin d'un peu d'aide je suis là..." avait-elle écrit suivi d'un petit smiley souriant. "Qui c'est elle, on lui a rien demandé !", j'ai failli demander le silence aux voix dans ma tête, être deux Fuanteina gênerait déjà bien assez pour ne pas en rajouter avec des voix que j'entends. Bon maintenant que les voix s'adressaient à moi, la vie pouvait-elle être pire ? J'n'ai pas pris le temps de relativiser ou de déprimer avant de lui répondre, après avoir déchiré un bout de mon cahier : "Moi c'est Fuanteina (un nom assez atypique j'imagine) je suis nouvelle en effet. J'aurai besoin d'aide pour rester éveillée...", en ajoutant moi aussi un smiley souriant. Je plis le papier, et avec toute la précision du monde je lui envoie... À côté de sa chaise, m'enfin elle m'a bien vu lui envoyer, et elle à aussi dû me voir claquer ma main sur mon visage suite à ce ridicule échec.

Le papier que l'inconnue me lance tombe à côté de ma chaise, je le ramasse pendant qu'elle se fait le plus gros facepalm de l'histoire des facepalms. Je lis le papier en riant :



Elle est du même avis que moi : ce cours est chiant à en crever ! Je relis plusieurs fois son nom, c'est vrai que c'est super rare - carrément unique - mais ça sonne bien à l'oreille. Fuanteina... De quel pays vient-elle ? Au dos de son mot, j'écris :



Puis je le barre, j'ai une autre idée. Je réécris :



Je le plie en deux et m'apprête à le lancer à nouveau... Sauf qu'un silence anormal plane dans la salle. Monsieur Pustule me fixe, et les autres sont tous retournés vers moi. Je déteste quand le prof regarde les élèves faire des trucs interdits sans rien dire pour les prendre la main dans les sac juste après. Il s'approche de mon bureau et prend le mot pour le lire. J'hésite vraiment à lui demander si je peux aller aux toilettes maintenant...

"EDI ! FUANTEINA ! VOUS ÊTES EXCLUES DE MON COURS, ET JE VOUS COLLE UNE RETENUE !"

Génial. Dès qu'on est sorties, je m'excuse auprès d'elle de l'avoir impliquée là-dedans, et surtout de m'être fait démasquée...

Je l'ai vu rire en ramassant mon papier "C'est qui pour rire de nous ?!", j'ai soupiré, elles ne pouvaient jamais se taire... J'ai repris ma lutte contre Morphée en attendant sa réponse, mais au moment ou il y eut un silence religieux. Alors, étonnée, j'ai ouvert les yeux et je voyais le prof et tout les élèves regarder la même personne. Je suivais le prof des yeux tandis qu'il marchait vers Edi, pour lire le papier sur lequel elle venait sans doute d'écrire. Il le lut, puis nous annonça calmement : "EDI ! FUANTEINA ! VOUS ÊTES EXCLUES DE MON COURS, ET JE VOUS COLLE UNE RETENUE !". J'ai dû me retenir de rire ,me faire coller le premier jour ,quel exploit ! Enfin elles avaient aussi leur visions des choses "Nous faire coller le premier jour ! Elle mériterait une bonne correction !", j'ai levé les yeux au ciel ; elles ne pensaient qu'à tuer, vraiment, la parfaite association avec la folle. Après qu'Edi et moi soyons sorties elle s'est excusée de m'avoir causé du tort... J'ai rit :

"Tu sais, tu m'as surtout sauvé d'une mort d'ennuie imminente. J'aurai aimé qu'il lise le mot à voix haute ,comme à l'école primaire ,juste pour savoir ce qui l'avait mit aussi en colère ; t'allais pas me proposer de sécher son prochain cours, quand même ?"

Ceci étant je ne sais pas si j'aurai refusé, ce cours était si pénible que j'aurai eu du mal à me motiver pour aller au suivant.

"De toute façon je suis pas venue ici pour des cours de bio' ! Et j'imagine que toi non plus."

Après m'être confondue en excuses, Fuanteina s'exclame :

"Tu sais, tu m'as surtout sauvé d'une mort d'ennui imminente. J'aurai aimé qu'il lise le mot à voix haute, comme à l'école primaire, juste pour savoir ce qui l'avait mit aussi en colère ; t'allais pas me proposer de sécher son prochain cours, quand même ?"

Euh... Comment dire ? Pas le prochain, mais celui-ci, en fait.

"Ca dépend, dis-je d'un ton plein de défi."

Je n'ai encore jamais séché de cours. J'ai toujours été une petite fille sage toute ma vie, mais ces temps j'ai des envies grisantes de dépasser les règles et braver l'interdit. Pour les Rubis, c'est facile, ils le font tout les jours sans se soucier des conséquences ! Mais pour une petite Saphir haute comme trois pommes qui commence tout juste à se rebeller, c'est moins évident... Ce serait cool de sortir en ville avec Fuanteina pendant que tout le reste de la classe regarderait Monsieur Pustule gesticuler devant la classe en parlant de volcans.

"De toute façon je suis pas venue ici pour des cours de bio' ! Et j'imagine que toi non plus.

- Pas le moins du monde ! je répond du tac au tac. J'aimerais faire progresser mon pouvoir plus vite, pour sortir diplômée de cette académie avec un bon niveau."

Pour l'instant, on ne peut pas dire que j'ai effectué d'énormes progrès, j'y vais lentement et sûrement. C'est pas mal non plus, d'une certaine façon.

"Quel est ton pouvoir, Fuanteina ? je demande."

Après que je lui ai demandé si elle voulait me proposer de sécher le cours ,elle n'avait pas répondu clairement ,elle avait l'air de me défier ,mais je n'y ai pas prêté attention.

"De toute façon je suis pas venue ici pour des cours de bio' ! Et j'imagine que toi non plus.

- Pas le moins du monde ! J'aimerais faire progresser mon pouvoir plus vite, pour sortir diplômée de cette académie avec un bon niveau."

Alors elle avait le même objectif que moi ,mais avait-elle le même but...

"Moi de même, enfin presque..."

Puis vint l'inévitable question :

"Quel est ton pouvoir, Fuanteina ?"

Forcément ça devait bien arriver, "Tu vas pas lui parler des voix dans ta tête ? T'as honte hein ?", pour un fois elles n'avaient pas complètement tort ,c'est vrai que même si je devais dire mon pouvoir, je pourrai faire impasse sur le côté "hallucination", ça ne pourrait qu'être une bonne chose, mais ce n'était pas une question de honte...

"He bien en fait...",je transformai mon bras droit en bras démoniaque pendant un moment ,il commençait à virer au noir et les ongles s’allongeaient, "Je peux transformer mes membres en ce genre de choses..."

Autant ne pas le cacher, elle pourrait très bien avoir un pouvoir et un passé qui lui avaient fait beaucoup plus de tort. "Cache le sang aussi, ça ne sers à rien de l'encourager à te poser des questions là dessus.", et là encore elles avaient raison ; si je voulais dissimuler le côté néfaste de mon pouvoir ,il ne fallait pas le faire à moitié.

"Et toi, Edi, quel est le tien ?"

Lui demandai-je en me retournant pour reprendre la marche, en l'invitant à me suivre, et surtout pour dissimuler mes yeux le temps du saignement.

La fille à la queue transforma son bras en... en quoi ? Bonne question. Quelque chose de noir, avec des ongles longs. Un genre de bras-démon plutôt effrayant.

"He bien en fait... Je peux transformer mes membres en ce genre de choses..."

Je devine à l'air sombre de Fuanteina que ce pouvoir n'est pas facile à assumer au quotidien, alors je n'insiste pas plus sur le sujet. N'empêche qu'il doit être super dangereux, à pleine puissance ! Elle commence à marcher un mètre devant moi, ce qui m'empêche de voir son visage. Un passé assez désastreux doit se cacher là-dessous vu la tristesse qui l'envahit... Je la rattrape quand elle dit :

"Et toi, Edi, quel est le tien ?"

Mon pouvoir aussi, il est lié à un drame de ma vie. Mais j'essaye de positiver et d'oublier les malheurs que j'ai subi ! En levant ma main droite au-dessus de ma tête, je forme des aurores boréales assez discrètes autour de nous.

"C'est ça, je dis simplement."

Après lui avoir laissé le temps d'admirer le spectacle, je propse :

"Vu que tu es nouvelle, je peux te faire découvrir l'académie ! Ce qu'il y a de plus cool à voir ici, je dirais que c'est la bibliothèque, les jardins et la serre. Mais si tu es plutôt du genre créatif, tu trouveras ton bonheur à la salle d'art ou de musique ! Tu es dans quel dortoir au fait ? Moi Saphir."

C'est à ce moment que je réalise que j'ai parlé longtemps. Je respire et grand coup et laisse le temps à Fuanteina d'en placer une.

Edi me suivi dans ma marche puis répondu à ma question par l’apparition  de lumières formant des formes magnifiques ; des "aurores boréales" il me semble. C'était juste magnifique, mais je ne pensais pas voir un jour d'aurore boréale, encore moins ici.

"C'est ça."

Je l'enviais, je la jalousais comme jamais je ne pensais pouvoir jalouser quelqu'un. Mais elles la méprisaient toujours, "Elle ne peut pas se défendre, en gros.", c'était vrai, mais jamais je n'aurai refusé de créer quelque chose d'aussi magnifique plutôt que massacrer des gosses et leur arracher le cœur... Je restais émerveillée lorsqu'Edi me tira de mes pensées :

"Vu que tu es nouvelle, je peux te faire découvrir l'académie ! Ce qu'il y a de plus cool à voir ici, je dirais que c'est la bibliothèque, les jardins et la serre. Mais si tu es plutôt du genre créatif, tu trouveras ton bonheur à la salle d'art ou de musique ! Tu es dans quel dortoir au fait ? Moi Saphir.

-Oui, j'accepte ta visite guidée avec plaisir, je faisais un effort pour ne pas lui montrer mon visage, en espérant qu'elle ne trouve pas ça suspect, Je suis Émeraude moi, je ne suis pas créative et je n'ai pas non plus la main verte, je suis plutôt solitaire en général, je pense que je passerai beaucoup de temps à la bibliothèque.

Puis après avoir repris la route une question me vint à l'esprit :

Toi tu es là depuis un moment à cette académie ?

J'avais envie de lui demander si on progressait vite ici, mais inutile de la harceler si elle n'était pas ici depuis longtemps, de plus cela faisait un moment que je ne l'avais pas regardé alors que je lui parlais, je cherchais un moyen d'effacer ce sang de mon visage.

En proposant la visite de l'académie à Fuanteina, je la tire de sa contemplation. J'ai tellement l'habitude de ces aurores boréales que j'en oublie parfois la fascination qu'elles provoquent chez les gens qui les voient pour la première fois.

"Oui, j'accepte ta visite guidée avec plaisir, répond-elle toujours en cachant son visage. Je suis Émeraude moi, je ne suis pas créative et je n'ai pas non plus la main verte, je suis plutôt solitaire en général, je pense que je passerai beaucoup de temps à la bibliothèque."

Je vois, c'est un loup solitaire... C'est vrai que je ne l'imaginais pas chez les Emeraude vu la gêne dont elle fait preuve depuis tout à l'heure, comme quoi il ne faut pas juger les gens sur leurs maisons ! En fait, je suis carrément absorbée par mes pensées alors j'oublie de lui répondre et elle lance :

"Toi tu es là depuis un moment à cette académie ?"

-Hum... Tout est relatif. Ca fait un peu plus d'un mois que j'étudie ici. Et ne t'inquiète pas, même si les couloirs sont nombreux et placés de manière totalement aléatoire, on s'y habitue vite !"

La nouvelle se cache la figure, et j'avoue que ça me met un peu mal à l'aise. Après un court temps de réfléxion, je lui demande d'une toute petite voix inquiète :

"Fuanteina ? Tu... tu vas bien ?"

Qu'est-ce que je suis censée faire ? La rattraper pour découvrir ses yeux, ses joues, sa bouche, son nez ou attendre et ne rien dire ?

"Fuanteina ? Tu... tu vas bien ?"

Me demande-t-elle, sans doute parce que je ne lui ai pas adressé un regard depuis tout à l'heure... "Tu peux bien lui montrer, si elle devient gênante tu pourras la supprimer, ce n'est qu'une fille sans défense.", toujours à vouloir répandre plus de sang par terre... Cependant elles n'avaient pas tort, autant supprimer les autres avant de s'y attacher... J'avais déjà dû adopter mes yeux de félins. Je ri avant de me tourner vers elle.

"C'est juste le contrecoup de mon pouvoir..., je sors un paquet de mouchoir de ma poche pour effacer mes larmes écarlates, C'est le prix de la puissance..., j'essuie le sang de mon visage.

"Tu ne peux pas la tuer ici", c'était vrai, je n'avais en aucun cas le droit de tuer quelqu'un à l'académie, "Tu vas encore devoir faire accuser quelqu'un d'autre.", j'ai dû me retenir de rire, une autre partie de jeu...

Bon, en route pour la visite alors ?, lui dis-je en souriant de manière à rendre mes canines acérées visibles.

"T'as encore du temps à perdre ici ? T'attends quoi pour lui proposer de partir en ville, ou n'importe quoi pour sortir d'ici, je sais pas..."

"Vous ne savez pas, alors fermez la, abruties.", laissai-je échapper sans me rendre compte que je donnais l'impression de parler seule, idéale pour qu'elle se pose des questions...

Fuanteina pousse un rire effrayant avant de se retourner vers moi. Deux filets de sangs coulent de ses yeux, comme des larmes... Et ses pupilles sont étranges, on dirait qu'elles n'appartiennent pas vraiment à ces yeux, cette personne.

"C'est juste le contrecoup de mon pouvoir... C'est le prix de la puissance..."

Mon instinct me dit que je devrais avoir peur pour ma vie, mais étrangement, ça va. Il y a deux minutes à peine la nouvelle élève était sympathique, alors une partie de moi pense qu'elle va le redevenir. Que c'est passager, voir normal. On est à l'académie Tsuki, après tout !

"Bon, en route pour la visite alors ?"

Euh... en voyant ces canines acérées et ce regard meurtrier, je ne suis plus sûre.

"Vous ne savez pas, alors fermez la, abruties, dit-elle, comme pour elle-même."

A qui a-t-elle dit ça ? Est-ce qu'elle aussi, elle a des voix dans sa tête ? Je connais quelqu'un d'autre avec ce problème, c'est l'une des personnes les plus douces que j'ai rencontré... Fuanteina est peut-être douce aussi, sûrement même. C'est vraiment bizarre et plutôt dangereux pour ma santé mentale, mais je n'ai pas peur d'elle. Bien sûr, je me pose un tas de questions dans ma tête, elles forment une pelote de nœuds et d'incompréhensions... mais cette fille, malgré son apparence assez monstrueuse, m'inspire confiance !

"Allons-y ! On commence par la bibliothèque, du coup ? Ou alors tu veux aller prendre l'air ? On fait ce que tu veux !"

Je prend une inspiration avant de continuer :

"Tu verras, tu vas te plaire ici ! Cet endroit regorge de gens fabuleux qui savent apprécier les personnes différentes. Et... même si certains ont eu quelques difficultés psychologiques par le passé, tout le monde finit par se plaire."

J'avance un peu pour arriver au même niveau que Fuanteina. Je lui souris chaleureusement en plongeant mon regard dans ses grand yeux verts. Le message que je veux lui faire passer, c'est "je n'ai pas peur, je ne t'en veux pas, je t'accepte et c'est tout".

Je parle toute seule, mais elle passe outre, je pensais qu'elle trouverai ça bizarre, mais non, et elle ne s'est même pas sentie insultée en le prenant pour elle. Elle réfléchi quelque secondes.

"Allons-y ! On commence par la bibliothèque, du coup ? Ou alors tu veux aller prendre l'air ? On fait ce que tu veux !"

"Dis lui que tu veux aller faire un tour dehors, c'est le mieux à faire", elles m'agacent, elles ne feront jamais preuve d'intelligence.

Ouais, on a qu'à aller à bibliothèque, on pourra sortir après.

"Pourquoi encore perdre du temps ? Je sais que tu veux la tuer", elles continuent de m'ennuyer, je me retiens de répliquer cette fois. Edi fini par rompre le silence :

"Tu verras, tu vas te plaire ici ! Cet endroit regorge de gens fabuleux qui savent apprécier les personnes différentes. Et... même si certains ont eu quelques difficultés psychologiques par le passé, tout le monde finit par se plaire."

Me sentant accusée, je lui lance un regard noir avant de lui demander :

"Tu fais allusion à quelqu'un en particulier ?"

Elle soutient mon regard avec assurance et me sourit, j'ai l'impression qu'elle prend un air amical. Je reprends :

Bon en route pour la bibliothèque alors, je te suis.

J'essaie de faire preuve d'entrain, mais j'espère ne pas passer le reste de ma journée à son meurtre, j'aimerai bien faire autre chose.

"Tu fais allusion à quelqu'un en particulier ?"

Mon message n'est pas passé, son regard noir me le prouve. Au fond de moi, je suis profondément déçue et attristée du fait qu'elle me porte si peu d'affection, mais je me contente de lui sourire. Sympathiser avec elle ne sera pas facile, je le sais... Mais je suis convaincue que c'est la bonne chose à faire !

"Bon en route pour la bibliothèque alors, je te suis."

Je me met donc à guider Fuanteina. Sur le chemin, on ne parle pas beaucoup - carrément pas en fait. Les élèves lancent quelques regards de travers à la fille aux pupilles de félin mais on les ignore royalement. Je pousse enfin la porte imposante et ça y est, les rayons de livres s'offrent à nous... Je lui explique à l'arrache comment sont disposés les rayons, mais c'est barbant alors je ne passe pas trop de temps dessus.

"La bibliothèque est aussi, disons... un lieu de rencontre. Les élèves curieux et studieux se retrouvent ici et papotent tranquillement. C'est là que j'ai rencontré une très bonne amie, d'ailleurs !"

Je m'égare dans mes explications et ça devient de moins en moins intéressant pour la nouvelle : qu'est-ce qu'elle en a à foutre que je parle avec mes amies ici ? Bref, on a rapidement fait le tour de cet endroit.

"Que dis-tu de sortir, maintenant ? je propose."

On s'est rendues à la bibliothèque en silence, on n'a pas échangé un seul mot du trajet, et les voix se taisaient aussi. D'autres élève me jettent des regards indiscrets, en même temps une fille qui a des cheveux verts peut être simplement surprenante, mais avec des yeux de chat et une queue de reptile, rien ne m'est plus normal que le regard des autres. Arrivées à la bibliothèque, Edi m'expliqua brièvement la dispositions des livres.

"La bibliothèque est aussi, disons... un lieu de rencontre. Les élèves curieux et studieux se retrouvent ici et papotent tranquillement. C'est là que j'ai rencontré une très bonne amie, d'ailleurs !"

Je devais avoir repris mes yeux humains quand j'ai marmonné :

"C'est donc ici que je pourrai rencontrer des gens..."

La bibliothèque était vraiment grande, rien à voir avec celles que j'avais pu voir jusqu'alors.

"Que dis-tu de sortir, maintenant ?

-Pourquoi pas, on va quelque part ou tu veux juste prendre l'air ?", demandai-je calmement, avant de lui sourire chaleureusement.

Malgré l'image de fille gentille que j'essaie de donner, et malgré l'image de psychopathe que je dois traîner, arrivées à la porte de sortie je l'arrête avec mon bras puis la regarde dans les yeux avant de lui annoncer calmement :

"Ne quitte jamais l'académie avec moi, compris ?"

J'espérais ne pas avoir l'air trop autoritaire, mais je ne voulais en aucun cas risquer sa vie.

"Pourquoi pas, on va quelque part ou tu veux juste prendre l'air ? demande la nouvelle d'un air chaleureux."

Je suis étonnée de ce changement de ton brusque. Revoilà la fille sympathique que j'ai rencontré au départ !

"Visitons les alentours de l'académie d'abord. Après, si on a un peu de temps, je pourrai t'amener en ville ! Il y a plein de cafés et de boutiques cool, j'y vais souvent entre deux cours."

On marche donc d'un pas guilleret - enfin moi oui, en tout cas. Mais juste devant la porte menant à l'extérieur, je sens le bras de Fuanteina qui m'arrête. Sur un ton grave, elle déclare :

"Ne quitte jamais l'académie avec moi, compris ?"

Décidément, je comprend de moins en moins. Son pouvoir qui lui fait saigner des yeux, sa queue, ses pupilles et ses éventuelles voix dans la tête... Ca fait déjà beaucoup, mais on peut maintenant ajouer sur la liste qu'elle est contradictoire : il y a deux minutes elle était enthousiaste de sortir et maintenant elle me l'interdit ! Cependant, je décide d'obéir. Son visage crispé et sérieux me force à l'acceptation...

"D'accord."

Je n'ai aucune idée du motif de ses paroles, mais je vais m'y plier.

HRP:

"D'accord."

Elle accepte, simplement, sans rien demander, aucune explication. En retirant mon bras de son chemin j'ajoute :

"On peut sortir si l'académie à un jardin, temps qu'on reste à l'académie, ça va.

Je meurs d'envie de sortir, je ne voudrais que ça, sortir avec elle, rien que faire les boutiques, j'ai jamais pu faire... Je sens qu'une larme perle sur ma joue, je ne me connaissait pas si sentimentale... Je priai pour qu'Edi ne remarque rien.

"L'a.. L'académie est vraiment grande.. Je... je ne vais pas... m'y retrouver..."

J'essaie de ponctuer cette phrase d'un rire enfantin : je n'y arrive pas. J'essaie simplement de sourire ; je n'y arrive pas. Ma voix saccadé a dû trahir mes émotions.. "C'est elle qui te met dans cet état.. Supprime la, ne pleure plus.". Des faux airs de bienfaitrices, encore pour des morts... Alors que ce sont elles qui m'empêchent de vivre normalement. Je ne tient plus ; je m'effondre à terre, en larme, mes genoux tombent à terre, puis je serre ma tête entre mes mains.

"Sortez de ma tête, sortez de ma tête..."

Je resserre mon étreinte, sans cesse.

"Sortez de ma tête !"

"On peut sortir si l'académie à un jardin, temps qu'on reste à l'académie, ça va, ajoute Fuanteina."

Ce malaise ambiant me gêne tellement que je n'ose pas parler. Je jette un oeil à la nouvelle élève quand je vois une larme couler sur sa joue... Elle a l'air perturbée, déchirée, tiraillée ; on dirait que quelque chose de maléfique et de bien trop lourd pour elle la hante et l'oppresse...

"L'a.. L'académie est vraiment grande.. Je... je ne vais pas... m'y retrouver..."

Elle bégaye et sa voix est un peu plus aigüe, elle veut camoufler ses pleurs. Elle tente de rire, mais ça sonne faux. Et puis elle s'effondre.

"Sortez de ma tête, sortez de ma tête... supplie-t-elle entre deux sanglots."

Je la vois à genoux par terre, effondrée, les épaules affaissées comme si tout le mal du monde reposaient dessus depuis bien des années. Elle tient sa tête entre ses mains crispées. Elle a l'air tellement désesperée, tellement à bout, elle a l'air de vouloir mourir. Elle pousse un cri éprouvant, teinté de haine et de malheur :

"Sortez de ma tête !"

Et soudain, la galaxie autour n'existe plus. Je ne vois pas les autres, de toute façon ils n'existent pas. Je vois juste cette personne que la vie a injustement malmenée. Je n'entend plus aucun bruit, de toute façon il n'y en a pas. J'entend juste la voix cassée de Fuanteina, les sanglots, les hurlements désespérés, cette haine, cette peur... Je pleure. C'est injuste. Pourquoi elle ? C'est le pire son du monde, le son de quelqu'un qui craque, qui se brise. Le son d'une fille qui ne tient plus à la vie. C'est la pire chose du monde.
Quelque chose bascule en moi. D'un coup, le monde est pourri, fâné, moisi. Ce monde est noir, gris, rouge. Ce monde est empli de cris et de haine, de rancoeur et d'âmes égarées. Ce monde est peuplé de mal.
Et les gens auquels on tient sont tous destinés à mourir.
Et ces esprits perdus, on les évite, on les accable, on ne leur vient pas en aide, on les dévisage. Ils ne sont pas comme les autres, ils sont tristes. Ils ne sont pas comme les autres, alors pourquoi les traiter comme les autres ? De toute façon, ils sont perdus, morts.
Si c'est vraiment la façon dont cette planète fonctionne, si c'est vraiment comment Fuanteina doit finir, et bien moi aussi je suis dégoûtée de cette vie. Moi aussi, ça me fait vomir.

Le regard vide, les pensées sombres, le coeur gros, je m'approche de mon amie et je m'agenouille avec elle. Je l'enlace, passant mes bras nus autour des siens. Je met ma main dans ses cheveux, je pose sa tête sur mon épaule, j'essuie ses larmes. Je pleure aussi... Et je murmure :

"Tu ne seras plus jamais seule. Je peux être ton autre voix, celle qui t'apaiseras et qui calmera les autres. Ecoute Fuanteina, je serai toujours là pour toi. Toujours. Où que tu sois, peu importe quand. C'est le début de ta vraie vie, celle que tu seras heureuse de vivre."

Je repense aux paroles de "My Song", une chanson que j'aime beaucoup. "Pour toi qui as trébuché, je te donne la force et la confiance en toi pour que tu te battes une fois de plus, et je te donne cette chanson. Merci au miracle qui nous a permis de nous rencontrer, même dans un monde si dégoûtant et si laid."

Edi s'agenouille près de moi, elle me prends dans ses bras, je me sens faible, je tremble. Je pleure.

"Tu ne seras plus jamais seule. Je peux être ton autre voix, celle qui t'apaiseras et qui calmera les autres. Ecoute Fuanteina, je serai toujours là pour toi. Toujours. Où que tu sois, peu importe quand. C'est le début de ta vraie vie, celle que tu seras heureuse de vivre."

Je l'enlace à mon tour, je tremble de plus en plus, je la serre de plus en plus. Je sais que ça lui fait mal, mais je n'arrive pas à arrêter. Je suis perdue dans ma tête entre la voix douces d'une amie et les voix stridentes de mes pires ennemies... Je serre encore plus mes bras autour d'Edi, je remarque qu'elle pleure. Je me blotti contre elle comme si elle était ma mère et que j'étai un jeune enfant.

"E... Edi..."

Je n'arrive pas à parler. J'arrive difficilement à articuler quelques mots, me doutant qu'elle ne les entendra pas.

"J'aimerai prendre cette chance..."

Entre deux sanglots j'arrive à peine à m'exprimer.

"Mais elles ne me la laisseront jamais..."

Je pleure sans cesse, les larmes qu'Edi avait essuyé il y a quelques secondes réapparaissent sur mes joues rougies, je n'essaie plus de parler, je me blotti à Edi en pleurant.

Mon amie sanglote et m'enlace à son tour. On se câline ainsi dans le couloir, c'est bon de s'étreindre comme ça. J'essaie de calmer ses tremblements incontrôlables, de calmer sa peine. Elle me serre très fort, comme si elle s'accrochait à moi, comme si un gouffre allait s'ouvrir entre nous et que je devrais la remonter ; et ça me fait un peu mal au côtes. De toute façon, elle pourrait me les broyer complètement, ça m'importerait peu maintenant... Fuanteina se blottit contre moi, comme un bébé animal.

"E... Edi..."

Elle essaye de parler. Je pose ma main sur son petit coeur meurtri, comme pour lui donner un peu de courage.

"J'aimerai prendre cette chance..."

Elle articule avec peine, mais je ne veux pas entendre la suite de sa phrase. Elle va me dire que c'est impossible.

"Mais elles ne me la laisseront jamais..."

Voilà, je le savais. Elle pleure, encore et encore, je la cajole, je la protège, je ne suis pas bien grande mais j'ai un grand coeur, alors ça suffit pour protéger n'importe qui. Même elle. Ces voix dans sa tête, on s'en fiche, tant qu'il y a quelqu'un d'autre pour les remplacer, pour leur donner tort !

"Tu n'a pas besoin de leur permission, tu es libre. Je n'ai qu'à parler plus fort qu'elles. Je te l'ai dit, je serai ta voix..."

Je ne sais plus quoi ajouter, mais je veux continuer à dire quelque chose, je ne veux pas que ces satanées pestes reprennent le dessus dans l'esprit de mon amie. Je dis simplement :

"N'écoute que moi."

Et je commence à chanter. Une douce mélodie sussurée à son oreille, "Climbing to the Moon" du groupe Eels. D'habitude je n'aime pas ma voix, mais elle est aujourd'hui emplie de mélancolie et d'espoir, elle est belle. J'essaye de détendre mon bébé animal, de la sortir de sa prison mentale. Juste le temps d'une chanson, lui faire sentir les choses merveilleuses et rares du monde laid et degoûtant dans lequel on vit. Peut-être qu'elle a été seule, détestée, rejetée, mais c'est fini. Je le jure, je serai sa voix pour l'éternité.

"Tu n'a pas besoin de leur permission, tu es libre. Je n'ai qu'à parler plus fort qu'elles. Je te l'ai dit, je serai ta voix... N'écoute que moi."

Elle chante une chanson, elle chante bien, mais je ne jalouse pas sa voix, je l'apprécie. Elle chante, j'ai l'impression qu'elle me berce... Je reste blottie contre elle.

"Tu peux me bercer, tu peux briser ces chaînes le temps de quelques secondes, mais peux tu me promettre que tu seras là, quand je trancherai mes veines ? Seras tu là quand je ne voudrai plus que du sang et des morts ? Seras tu là quand j'aurai entre les mains le cœur encore battant d'un enfant innocent ? Seras tu là quand les gens regarderont de travers le monstre que je suis ? Seras tu là quand le monde entier rejettera le monstre que je suis ? Seras tu là alors que tous les gens dans la rue ne voudront que me voir dans un sommeil éternel ? Seras tu là quand j'essaierai de tuer mes amis ? Seras tu là lorsque les voix me susurreront de massacrer tous mes petits camarades ? Seras tu là quand je sèmerai des cadavres démembrés derrière mon passage ? Seras tu là quand je trierai aux éclats devants le corps des enfants baignants dans une marre de sang ? Seras tu là... quand je serai moi ?"