Le voyage de Taïchi Kagame, la lettre Tsukienne [Pv- Yumiko]

Quelques jours plus tôt, alors que je rangeais mes affaires de cours pour en prendre d'autres, j'avais trouvé un mot. C'était le deuxième que je recevais depuis mon arrivée. J'étais assez curieuse de savoir de qui il s'agissait. Mais, d'un autre côté, J'étais extrêmement anxieuse depuis la dernière missive que j'avais eu du Japon. C'est donc partagée entre ces deux sentiments opposés que j'ouvris le morceau de papier et le lu. J'étais soulagée que ce ne soit pas une énième mauvaise nouvelle. Je n'en avais pas vraiment besoin en ce moment. Mais elle me laissait perplexe. De quelles attentes parlait donc le président du club? Et pourquoi m'appelait-il "chère beauté"? Et, diable, qu'il était exaspérant avec ce vouvoiement! Mais j'allais devoir m'y faire. Rangeant le mot dans une poche, je pris ce que j'étais venue chercher et je pris la direction de mon prochain cours.

Le dimanche arriva très vite et je craignais toujours ce qui allait se passer. Tout tournait en catastrophe depuis quelques temps et chaque nouvelle expérience me rendait anxieuse. Pourtant, je ne perdis pas trop de temps pour enfiler des vêtements chauds, dont un pull qui cachait mes poignets, des bottes fourrées élégantes au dessus de mon slim, et partir rejoindre Taïchi-kun au gymnase. Marchant d'un bon pas, plongée dans mes pensées, j'arrivais rapidement au lieu de rendez-vous malgré quelques détours inutiles. Je pris quelques secondes pour reprendre un contrôle acceptable sur mes émotions avant de passer la porte. Je ne mis pas longtemps à le repérer : il était le seul présent. Cheveux en pétard, il était en tenue de sport et semblait s'être bien dépensé. Lentement, sans prendre garde à mon expression qui était légèrement triste, je m'approchai de lui alors qu'il me saluait de la main en me parlant avec douceur :

- Vous vous êtes mit sur votre trente-et-un aujourd'hui.... Enfin, merci d'être venue ici, je pensais que vous alliez décliner mon invitation.

Doucement, en arrivant vers lui, je soupirai avant de lui répondre en croisant les bras sur ma poitrine, regardant ailleurs :

- Je t'ai déjà demandé de ne pas me vouvoyer. Cela me met mal à l'aise...

Puis, après une petite pause, je lui demandai en le regardant :

- Que se passe-t-il?

Suite à ma question tout à fait légitime, puisqu'il ne m'avait pas donné la raison de sa demande de le retrouver au gymnase, il se gratta le menton en me regardant. Souvent, il me semblait étrange. Dommage qu'il le soit à ce moment-là. Je ne savais pas du tout à quoi m'attendre, alors sa réponse ne me laissa pas tellement de surprise :

- Hum.... Comment dire, ma proposition est quelque peut... Embarrassante vis-à-vis de nous deux... Et, pour une personne que j'apprécie, tutoyer m'est impossible, cela serait une honte pour vous....

Je ne compris pas en quoi être tutoyée serait une honte pour moi. Au contraire, être vouvoyée était bien plus embarrassant pour moi qu'autre chose. Même être traitée comme une esclave me paraissait bien plus naturel qu'être considérée comme une personne ayant une quelconque importance dans le monde. Je détournai donc le regard, tirant sur mes manches pour cacher mes mains encore plus et je murmurai d'une voix quasi inaudible, pâle comme un linge :

- Arrête, je ne mérite pas d'être vouvoyée...

Puis, comme s'il ne m'avait pas entendue, il me répondit :

- Heu... Comment dire... ... Est-ce que mon égo et moi aurions la chance que l'on danse tous deux pour le bal ? Cela me ferait envie, que l'on puisse danser en tête à tête, tous les deux.

Doucement, je relevai la tête vers lui. Nous étions en train de préparer l'évènement de Noël dans le club et nous avions prévu trois activités :
- un concert
- un banquet
- un bal.
Quand nous avions parlé de tout cela, je m'étais dit que j'allais certainement rester en coulisse pour aider en cas de besoin. Après tout, il y avait certainement beaucoup à faire, des réglages de dernière minutes à réaliser... et j'étais certainement la dernière personne à pouvoir animer quoi que ce soit. Sans parler que mon dernier bal ne s'était pas très bien passé. Et puis... mes poignets étaient encore douloureux. La douleur passerait-elle d'ici là?

- Cela ne me dérange pas, lui répondis-je en tirant encore sur mes manches. Mais si tu me choisie comme cavalière, je souhaite que tu ne me laisses pas seule toute la soirée... et que tu me tutoies!

Sans vraiment le cacher, il soupira doucement en se frottant les yeux. peut-être que ce marché n'était pas facile à accepter pour lui. Mais je ne voulais pas passer ma soirée avec quelqu'un qui me vouvoierait. C'était trop embarrassant, surtout quand on savait ce qu'avait tenté de faire mon père...
Ensuite, il prit sa bouteille d'eau et la versa sur ses cheveux. Bizarrement, ces derniers restèrent secs. Surprise, j'ouvris de grands yeux le temps de quelques secondes avant de le regarder comme plus tôt. Il prit ensuite une serviette pour la mettre autour de son cou avant de s'approcher de moi. Devant moi, il approcha une main qu'il mit sur mon épaule. Interloquée, je le regardai sans prononcer un mot. Qu'est-ce que cela voulait dire? Je n'en avais aucune idée, mais son sourire me rassura.

- Hum... Dilemme très difficile, mais je me dois d'accepter. Dès demain j'installerai l'affiche, pour nous deux.... Que dirais-tu de venir pour le bal ? Je voudrais te voir ensoleiller mes yeux.

Je lui adressai un sourire devant l'effort qu'il faisait de me tutoyer. Je lui fit signe de la tête pour lui affirmer que j'acceptais et, suite à cela, il commença à tournoyer. Il dansait. Seul, mais il dansait. C'était assez étrange de le voir faire, mais je ne dis rien, l'observant en silence.
Quand il eut terminé, il se craqua les doigts dans un bruit désagréable et il me tendit une main :

- Veux-tu te joindre à moi ?

Après une grande hésitation, je tendis la main vers la sienne. Quand je fus prête à la prendre, j'eus une ultime hésitation. Et si il venait à découvrir mes poignets? Et si je dansais mal? Chassant mes doutes, je pris sa main et le laissai m'entrainer dans une danse. Je n'avais pratiqué cela qu'une seule fois dans ma vie : lors d'un bal organisé dans le club au temps où Caliptika avait été présidente.

Délicatement, il me prit la main pour ensuite m'entraîner dans une danse. Je ne connaissais pas le nom de cette dernière, mais je savais que c'était la même que m'avait fait danser mon ex-petit ami lors de mon tout premier bal. Que de souvenirs! Je me laissais donc aller, suivant ses pas avec le plus de grâce qu'il m'était possible de faire, ne pensant que de moins en moins au reste du monde. La réalité me rattrapa cependant quand mon président s'écarta de moi pour ensuite tomber les fesses sur le sol. Je ne compris pas tout de suite ce qu'il se passait alors qu'il se recroquevillait sur lui-même, comme s'il était triste, voire victime d'une immense culpabilité. Ce ne fut que lorsque je baissai mon bras gauche pour le mettre le long de mon corps que je me rendis compte qu'il pouvait avoir aperçu les stigmates sur mon poignet. Convulsivement, je me mis à baisser les manches de mon pull. Puis, tout en continuant de cacher mes poignets, je lui dis :

- J-je suis désolée... Je ne voulais pas que tu les vois. Je ne voulais pas... Pardon...

J'avais envie de m'enfuir en courant, mais j'étais certaine que cela n'aiderait pas Taïchi à aller mieux. Il fallait que je reste, voire que je lui explique ce qu'il s'était passé. Cela m'attristait de voir que rien n'allait jamais comme je le souhaitais. Pire encore : tout semblait tourner en catastrophes.
Je voudrais que tout ailles pour le mieux...

-... Je retrouve celui qui a fait ça, je le bute. ... Franchement, faire ça à une fille si adorable, gentille et douce que toi ? Humpf, ce type là ne mérite pas bien mieux qu'un allé simple pour l'enfer... Faudrait-il que cet endroit existe encore. Mais si je le retrouve, je ferais tout pour qu'il soit réellement là-bas. Je serai là pour toi et te protègerai Yumiko, tu comprends ?

Il avait dit ça après un temps de silence, comme s'il avait réfléchis à mes paroles. Mais, alors que je pâlissais à vu d'oeil, je me demandais comment il avait fait pour deviner que je ne m'étais pas fait cela de ma propre volonté. Suivant du pouce le trait qui barrait mon poignet gauche, je regardai Taïchi en me demandant comme j'allais pouvoir le convaincre de ne rien faire. Mais je n'arrivais pas à penser correctement et j'avais trop peur pour parvenir à me raisonner, à me donner seule le courage de dire les choses sans énigme. C'est cette suite de raisons, ou cette raison seule, qui me fit parler ainsi :

- N'en fais rien... Je t'en prie, il est bien trop puissant pour que je te laisse te frotter à lui... Je le connais, il ne connaît pas la pitié. Et...

... me voir mourir avec mon pouvoir est son voeux le plus cher, finis-je silencieusement en baissant les yeux.
Comment aurais-je pu le formuler à voix haute? Comment aurais-je pu dire qu'on ne voulait pas de moi en ce monde?