Peek-a-boo ! [Terminée]

Papillonnant sur l'allée grisâtre d'un pas léger, je marchais à un rythme dansant en direction de la maison. Vêtue de mon éternelle robe violette et déchirée, j'arrivai enfin face à ma grande habitation. Ses volets bleus la faisaient ressortir de toutes les autres, qui par leur teint monochrome blafard, se confondaient les unes les autres. Ah, mon quotidien ! Enchainement régulier et sans soucis. Comme d'habitude après une journée d'école, je rentrais dans la maison, faisaient mes devoirs, avalaient quelques tartines de pâte à tartiner puis regardait la télé. Aux alentours de 19 heures, Thomas arrivait à son tour. En retard, comme d'habitude. Il se justifiait vaguement, s'excusait... Mais moi je connaissais la vraie raison. Il a une petite copine, le bougre ! Bah oui, c'est évident. Même papa et maman s'accordaient avec moi sur ce point. Mais on ne lui en jamais parlé, pour ne pas le froisser. J'ai essayé de l'observer pour savoir que c'était, mais impossible. Au bout d'un moment, je le perdais toujours de vue et je rentrais à la maison bredouille.

Après ça, nous mangions en discutant. Thomas était anorexique, c'est pourquoi nous le surveillons de près quand il mangeait. Et justement, il n'avait aucun problème. Il ne se resservait presque jamais, mais avait l'air repu. Pourtant, il était encore plus fin que moi ! Est-il malade ? Il faut que je lui pose la question... Mais bref, retournons au passé ! Thomas. Presque 10 ans de différence, et pourtant nous étions tellement proches. Même s'il était vachement bizarre parfois, par exemple quand il rentrait de l'école avec des plaies ouvertes ici et là, ou encore quand il criait le soir pour aucune raison. Il disait qu'il faisait des cauchemars. On fait des cauchemars à son âge.

Mais même si je ne lui ai jamais dit, je suis vraiment jalouse. Jalouse parce qu'il semblait parfait, les meilleures notes partout, gentil, attentionné, plein d'amis. Bref, le garçon-modèle. En plus, il avait la chance d'être l'ainé, et même si son statut de "parfait" l'interdisait d'en profiter, c'est quand même un poids de plus dans la balance. Je crois qu'on appelle ça un complexe d'infériorité. Je faisais des efforts à l'école, j'essayais franchement d'avoir la meilleure note ! Mais pourtant, je n'y arrivais jamais. Tout se mélangeait, tout se perdait, je ne trouvais plus rien et je me retrouvais face à des notes qui descendaient toujours plus bas... Alors que lui, il ne quittait jamais son trône de premier de la classe. Mais, je ne laisserais jamais rien paraître de cette injustice. C'est une promesse que je me suis faite.

Peu à peu, alors que le temps passait, mon frère se couvrait de bandage. Je n'ai jamais compris pourquoi. Au bout d'un moment, il a même mis un cache-œil. Oui, exactement comme les pirates. Mais bon, même si je m'inquiétais un peu pour lui, je ne le montrais jamais. Après tout, il est si parfait qu'il doit aussi savoir se gérer lui-même ! il disait que c'est pour ressembler à un personnage de manga... Moi je pensais que c'était parce que Madame petite amie secrète aimait ça ! Il est vraiment romantique ce bougre !

Mais bref, assez parler de cet idiot de frère. Parlons de moi un peu. Eh oui, mais si j'ai dit que j'étais banale, je ne le suis pas restée toute ma vie. Un jour, j'étais face à mon miroir. EN fait, j'essayais de surprendre mon reflet. Mais cela se révéla comme une tâche bien plus compliquée que prévue. J'essayais de fermer les yeux, puis de les ouvrir et de crier pour faire peur à mon Alter Ego. Mais pourtant, il continuait encore et toujours à mimer mes mouvements à la perfection. Mais à un moment, quand j'ai rouvert les yeux, ma chambre était plongée dans le noir le plus complet. Un noir si profond que l'obsidienne y paraîtrait lumineuse. Pas une trace d'une quelconque lueur. Contrairement à ce qu'aurait fait une petite fille de mon âge, je n'ai pas crié. J'ai attendu. Et lorsque la lumière revient, j'ai aperçu pendant une fraction de seconde mon reflet se remettre de sa peur. Pour la première fois, je l'ai eu. Parce que oui, j'étais certaine que tout ça s'était à cause de moi. Mais une vague de sommeil m'empêcha d'expérimenter plus pour ce soir, et je laissais donc mes paupières se fermer doucement.

e pouvoir de tout faire devenir noir d'un coup, je n'en ai parlé à personne. Pas même à Thomas. Pourtant, j'ai maintes fois voulu lui en parler. Mais bon, il m'est venu une fois à l'idée que mon pouvoir ne soit qu'une cécité temporaire. Plus un handicap du coup. SI seulement j'avais un moyen de vérifier ce que ça fait... Un jour, j'ai trouvé la solution. C'était tout simple. Voler le portable de mon frère, et filmer ce qui se passait. Le plan ne fut pas des plus faciles, mais j'ai réussi à voir une sorte de grosse boule noire qui m'enveloppait pendant quelques secondes avant de disparaitre. Pourtant, j'étais certaine que ma cécité durait bien plus ! Un mystère parmi beaucoup d'autres.
Nous arrivons au dernier chapitre, pour rejoindre enfin le présent. Un jour banal, mais pourtant alors que je rentrais à la maison, mon parent m'attendait avec une expression mêlant fierté et inquiétude. J'ai dû attendre mon frère, et quand ce dernier arriva, nous avons enfin eu l'autorisation d'aller dans la cuisine. Deux lettres. Les mêmes, à la seule différence du symbole qui était dessus. Le mien était un trèfle comme sur les jeux de cartes, mais en bleu. Mon frère avait eu une cour verte. Dedans, il y avait une invitation pour une académie. Loin, en Angleterre. Rejoindre l'Europe... Quel rêve ! Néanmoins, un autre détail attira mon attention. C'est une académie réservée aux gens qui ont des pouvoirs. Ça voulait dire que mon frère avait lui aussi un pouvoir ! Il a peut-être le même que moi ! Curieuse, je n'ai pas osé lui en parler tout de suite. Le rapide dialogue de décision fut rapidement conclu, nous partirons à Avril. Pour ma part j'ai eu le droit à deux heures de discussion avec les parents. Il voulait m'expliquer plein de choses. D'après eux, je ne serai jamais seule. Mais hors de question que je reste enfermée dans l'académie ! Et je serai seule si je veux. Même si elle a la voix portante, je suis certaine que Maman ne pourra pas me fâcher à 6000 km de distance...