Something in return [Pv Tori]

Ce matin, avant d’aller à mon premier cours, je suis passée à mon casier, comme je le fais habituellement. Je ne m’attendais pas à grand-chose, étant donné que je reçois très rarement des messages, mais par mesure de précaution, je préfère vérifier tout de même. En fait, en devenant représentante Émeraude, je m’attendais à voir le nombre de messages augmenter de manière significative, mais en fin de compte rien n’a vraiment changé. Je ne sais pas si je devrais m’en inquiéter ou bien être soulagée… Toujours est-il qu’à mon plus grand étonnement, aujourd’hui, il y avait un message. J’ai donc pris le temps de le lire et allant de surprise en surprise, j’ai découvert à la fin qu’il avait été rédigé par Jïnn.

Jïnn ? Mon dieu, ça doit bien faire… presque 6 mois que je ne l’ai pas vu… Il me semble que, la dernière fois, c’était juste après cet espèce de cauchemar traumatisant. Il s’est passé tellement de choses après cette journée et il y a eu tellement de changements que j’ai l’impression que ça remonte à une autre vie. Je me demande bien de quoi il peut s’agir, du coup.

C’est donc pensive que je me suis dirigée vers mon premier cours de la journée. Cours dans lequel j’ai été plutôt distraite, d’ailleurs, car déjà, les mathématiques ne sont pas partis de mes points forts académiquement parlant, mais en plus, il y avait ce rendez-vous qui, de façon totalement clichée occupait mon esprit. Lorsque le cours s’est terminé, je ne me suis pas fait prier pour quitter la classe et me rendre au point de rencontre indiqué dans le message.

En arrivant, je crois l’apercevoir au loin, adossé au mur. Sur le coup, j’ai un léger doute, car il me semble qu’il a changé, mais l’instant d’après, j’écarte ce doute. Il ne doit pas y avoir 3 000 garçons qui attendent quelqu’un à cet endroit précis de l’académie et puis, en une demi-année, c’est possible de changer physiquement. La preuve, c’est que moi-même je ne me ressemble plus… Enfin, plutôt, mon apparence n’est plus celle de la fille endeuillée et à l’allure sombre que j’étais encore à la fin de l’hiver. Après avoir replacé le haut de mon uniforme, je m’approche donc et le salue avec une pointe d'appréhension :

- Bonjour, Jïnn. J’ai reçu ton message. Que se passe-t-il ?

Voilà, " que se passe-t-il ? " Je n’ai rien trouvé de mieux à dire, alors que j’aurais pu au moins lui demander comment il se portait après tout ce temps.

Il ne souligne pas mon écart de politesse, donc je ne sais pas s’il s’en est rendu compte, mais si c’est le cas, ça ne parait pas dans son expression faciale ou ça ne le dérange pas. Tant mieux ?

-Bonjour, Tori. Cela fait longtemps. Je suppose que tu te portes bien. Si je t'ai demandé de venir ici, c'est surement pas pour enfiler des perles comme on dit. Je dois te rendre un objet qui t'appartient.

Wow, en fin de compte, lui non plus ne perd pas de temps avec les formalités… Ce n’est d’ailleurs pas pour me rassurer, en plus de la raison de base de la rencontre. Pendant cette réflexion au cours de laquelle j’étais tombée dans la lune, comme c’était le cas en cours plus tôt ce matin, il avait pris quelque chose et je ne m’en rends compte que lorsqu’il vient doucement attraper ma main pour la tendre et y déposer l’objet. Je comprends alors de quoi il s’agit au contact du métal qui n’est à la fois ni chaud, ni froid et que je reconnais la forme ainsi que le poids de objet. Sans même jeter un coup d’œil à la clé, je regarde Jïnn dans les yeux en me demandant s’il s’agit d’une blague. Je connais déjà la réponse, mais je ne peux pas m’empêcher de me poser la question tout en scrutant son regard à la recherche d’une étincelle quelque part qui pourrait me permettre d’affirmer qu’il n’est pas sérieux.

-J'ai fait des choix qui feront que cette clé sera perdu à jamais. Je préfère te la rendre. Je ne suis pas digne de la garder pour le moment.

Je continue de soutenir son regard encore un moment, puis je ferme les yeux et laisse échapper un léger soupire. Lorsque je me décide à les rouvrir, je jette enfin un coup d’œil à ma main dans laquelle se trouve la clé et je la referme sur l’objet.

- Eh bien soit ! Je suppose que tu souhaites récupérer ta bille en retour ?

Sans attendre sa réponse, je range la clé et passe mes mains à l’arrière de mon cou pour atteindre la corde sur laquelle se trouve la bille en question. Je tente de l’enlever, mais la bille s’est emmêlée avec l’obsidienne de mon amulette, alors je sors les deux ornements de sous mon chemisier pour les séparer avec délicatesse et lorsque c’est fait, je tends son bijou à Jïnn. Si je n’ai pas protesté jusqu’à maintenant, je ne peux cependant pas m’empêcher de demander :

- Est-ce que tu veux en parler ?

- Eh bien soit ! Je suppose que tu souhaites récupérer ta bille en retour ?


C'était sa réplique à la suite du retour de la clé à son propriétaire. Cependant, Jïnn faisait non de la tête. En aucun cas il n'avait voulu faire donnant donnant. Il redonnait simplement la clé au cas où ce dernier venait à disparaître mystérieusement. Tori lui tendait sa bille hélas, ce n'était pas pour le conforter dans l'idée de se la jouer un peu solo. Il tirait une légère moue, contrastant par rapport à son précédent air neutre.  

- Est-ce que tu veux en parler ?

C'était tentant. Pourquoi ? Parce que Tori pourrait potentiellement s'enfuir, ou se défendre en cas de pépins. Elle a été aussi l'une des victimes d'une attaque mystérieuse dont on ignore les initiateurs. Enfin Jïnn ne savait rien pour l'instant. Quoi qu'il en soit, il se permettait de refermer la main de Tori qui tenait la bille. Il n'avait pas envie de la récupérer ou de sentir cela comme une contrainte qu'il avait suscité chez elle.

-Désolé. Mais tu peux la garder. On avait pas dit que si je te la rendais tu devais ma la rendre en retour.


C'est alors qu'en refusant son offre, il venait regarder un instant la fenêtre, fuyant le possible regard de Tori. Timidité ? Lâcheté ? Qui sait, seul Jïnn savait la raison du pourquoi il fuyait du regard la blonde. Il reprenait alors au bout d'un court instant en la re-regardant :

-J'peux pas tout te dire car c'est personnel, mais bon, je pense pas que ce soit utile à vrai dire. J'veux pas que tu t'inquiètes ou autre alors que je vais bien. Donc t'inquiète pas. En plus, la récréation va bientôt se finir et le prof' de Maths va me défoncer si j'arrive en retard....

Il approche les mains, mais pas pour effectuer l'action attendue. Plutôt que de reprendre possession de ce qui lui appartenait en premier lieu, il me fait comprendre que je n'ai pas à le lui rendre.

-Désolé. Mais tu peux la garder. On avait pas dit que si je te la rendais tu devais ma la rendre en retour.

Il a raison. Mon côté soucieux de l'équité n'est pas satisfait, mais c'est mon côté poli qui l'emporte et je décide donc de respecter son choix pour la seconde fois. Cependant, tandis que je range la bille que je remettrai plus tard, Jïnn fuit mon regard pendant un moment et je fais de mon mieux pour l'ignorer. De cette façon, j'évite de me poser des questions sur les raisons pour lesquelles il agit ainsi.

-J'peux pas tout te dire car c'est personnel, mais bon, je pense pas que ce soit utile à vrai dire. J'veux pas que tu t'inquiètes ou autre alors que je vais bien. Donc t'inquiète pas. En plus, la récréation va bientôt se finir et le prof' de Maths va me défoncer si j'arrive en retard....

Je réprime une moue et n'insiste pas d'avantage, préférant éviter de le frustrer et d'avoir l'air d'une stalkeuse. Mieux que ça : je souhaite éviter que le reste de sa journée ne soit pénible par ma faute, alors je réponds simplement :

- Bon, okay... Et ouais, je trouve le prof de maths terrible. C'est le genre de type qui me fait craindre de me faire frapper les doigts à coups de règle parce que j'écris de la main gauche. Brrrr !

Pour accompagner mes paroles, je me frotte les épaules comme si j'étais parcourue de frissons et conclue sur une proposition :

- En tout cas, s'il y a quoique ce soit qui ne va pas et que tu as besoin de te confier, n'hésite pas à venir me voir.

J'ajoute avec un sourire amical :

- Après tout, ce n'est pas parce que tu es un Rubis que je ne peux pas jouer mon rôle de représentante auprès de toi. Allez, bonne fin d'avant-midi.

Sur ce, je m'éloigne en direction de mon cours suivant.