Ici, personne ne te réveilleras (PV Warren)

Aucune réponse. Ou plutôt, un semblant de réponse. Une demi-réponse, éludée. C’était frustrant. D’un frustrant. J’avais l’habitude de réfléchir, et surtout dans ce genre de moments, alors que j’étais aux mains de l’Agence, une organisation extrêmement… Agaçante pour être poli. Ils m’avaient certes sauvé… Mais pouvais-je vraiment leur faire confiance ? La réponse était évidente. Non, bien sûr que non. L’Agence a sans doute agi dans son propre intérêt. La disparition d’un élève leur aurait été problématique. Pourquoi, d’ailleurs ? Par quoi sont-ils menacés, concrètement ? Le mystère ne faisait que s’épaissir, et il avait l’impression que l’Agence ne lui donnerait aucune réponse.

Autre chose me vint à l’esprit. Comment allais-je gérer mon retour à l’académie, si je ne devais pas dire la vérité ? Non… Certains devaient tout de même le savoir. L’Agence ne pouvait pas surveiller chacun de mes faits et gestes. Enfin, en théorie si, mais ils ne le feraient pas. Quelque chose tilta alors. Je me regardai à nouveau. Mon corps… Il avait changé durant la punition, je me souvenais… Je n’étais plus du tout le même qu’il y a un mois ! Était-ce aussi de leur fait ? Tout cela faisait de moins en moins sens. Cela m’agaçait de plus en plus d’être tenu au silence. J’avais beaucoup trop de questions, auxquelles on ne donnerait jamais suite. Mon autre moi ne vivait plus dans cette dimension, je ne savais même pas ce qu’ils en avaient fait, je pouvais presque me projeter un peu dans le futur, avec une version zombifiée de moi-même, dont l’Agence se servirait comme arme de destruction massive. J’étais mille, dix-mille fois conscient du danger que représentait cette organisation… Et je ne pouvais rien y faire, car sans le moindre doute, elle resterait motus et bouche cousue. Et bien évidemment, je ne devais rien dire… Ils gèrent vraiment leurs affaires comme des enfants.

Je ne pus réprimer un air insatisfait, mais je me rassis tout de même, pour poser mes dernières questions.

« … Je vois. Il me reste quelques questions : est-ce vous qui nous avez enlevé Jïnn Junalkin et moi pour tester… Des trucs sur nous, une opération sans anesthésie, qui a eu pour effet je suppose… D’étrangement développer mon corps, et de nous priver de nos pouvoirs ? »

J’allais me rasseoir dans ma chaise, lorsque j’eus une autre idée, et me redressai.

« Oh, pendant que j’y pense… J’aimerais apprendre à canaliser mes pouvoirs à grande échelle, sans risquer de témoins ou de modifier la cartographie. Pensez-vous avoir de quoi m’aider ? Pour avoir une salle vide, voire une dimension totalement vide, où je pourrais m’exercer… »

C’était peut-être une demande futile, mais qui ne tente rien n’a rien.

Du flou, du flou, encore, toujours du flou. C’était d’un énervant. Je n’étais pas plus avancé. Pas du tout. J’ignorais si l’Agence était vraiment innocente, ou si les deux sauveurs du jour n’étaient simplement pas au courant. Bien, bien, de mieux en mieux… C’était vraiment frustrant. Mais je n’avais rien pour passer mes nerfs dessus, et de toute manière, je n’avais pas grand intérêt à m’énerver au sein même de l’ennemi, plus ou moins. Acceptant donc la première réponse, je me renfrognai un peu, sans réaction excessive. Je devais essayer d’en laisser paraître le moins possible, et ce n’était déjà pas gagné du tout. Tout ce mystère s’épaississant à propos de mon sort et autour de l’Agence ne me plaisait guère, bien loin de là. Mais au moins, j’en avais tiré une information : elle agit comme une véritable mafia. On ne sait rien des supérieurs. Elle doit donc avoir des tas, et des tas de choses à cacher… Rien que le fait que je ne fusse pas censé parler du monde d’où je venais constituait une preuve suffisamment tangible. L’Agence fait des erreurs, beaucoup d’erreurs, et il ne tient qu’à nous de les découvrir.

Pour ce qui est de la seconde demande, un peu plus personnelle… J’ignorai la réponse du dénommé Neil. Seule la dame semblait savoir vraiment de quoi elle parlait, et elle était beaucoup plus professionnelle. J’écoutai attentivement les termes de sa solution, et je me contentai de hocher la tête.

« Une fois ce problème réglé, je pourrai sortir d’ici, n’est-ce pas ? »