Vol de lit à main armée [PV 5F, donc Himiko en fait]

C'est avec un petit pincement au cœur que je rassemble mes affaires pour les changer de dortoir, cette après-midi là.
Fini ma chambre chez les Emeraudes, car l'administration a décidé, après une discussion avec celle où j'ai passé les six derniers mois, que je serais plus à ma place dans la maison Rubis. Je n'en suis pas si sûre, mais soit. Libre à eux de me mettre où ils veulent, je n'ai pas envie de faire un scandale.
Mais je dois bien avouer qu'après deux ans passés dans cette même chambre, elle va me manquer ; après tout j'y avais mes petites habitudes ! La plupart de mes coloc's d'origine sont parties, mais tout de même, j'y étais habituée, j'étais même gluée ici comme un arbre enraciné dans son sol. Si la moindre personne avait osé, par exemple, toucher à MON lit durant mes deux absences, il y aurait eu des blessés.

Mais peu importe, la vie est faite de changements, n'est-ce pas ? J'imagine qu'il est temps de sortir de mon petit confort et de bousculer un peu mes habitudes, et cela commence par faire mes fichues valises et parcourir les quelques mètres qui séparent le dortoir des Emeraudes de celui des Rubis. Vieux bouquins que je n'ai pas ouverts depuis des lustres, vêtements...tout y passe. Après un rapide nettoyage de mon "coin", je prends ma valise et quitte enfin le dortoir des verts, pour toujours et à jamais (Dieu, ce que je suis dramatique !).

J'arrive donc au dortoir des Rubis (non, tu crois ?), et commence à inspecter leur salle commune du regard. Si la cheminée est très apprécie, et que les fauteuils ont l'air d'un confort absolu, j'avoue que la télé du foyer des verts va me manquer. Le baby-foot, par contre, je leur laisse avec plaisir ; je n'ai jamais été douée pour cette connerie.
Après mon tour de la salle commune, je passe un petit moment à chercher la chambre que l'on m'a attribuée, la 5F, que je partagerais pour l'instant avec une certaine Himiko, et puis ensuite avec...et bien, je ne sais pas pour être honnête, on m'a juste parlé d'une peut-être future arrivante.
Je ne connais absolument pas ma nouvelle camarade de chambre, quoi que je crois avoir entendu son nom au détour d'un couloir ; et j'espère franchement que l'on s'entendra bien.

D'ailleurs, c'est ce que je vais vérifier d'ici peu, puisque j'ai enfin réussi à trouver ma chambre. Un rapide coup d’œil me suffit pour décider que je l'aime bien, et que je m'y sentirais bien, une fois le temps d'adaptation passé. Je n'y vois personne, en revanche, j'entends un bruit de jet d'eau, alors j'imagine qu'Himiko doit être sous la douche. En attendant, je me dirige vers le lit qui, selon moi, est à la place la plus avantageuse, et, puisqu'il est fait, décide qu'il est inoccupé, sans plus ample vérification.
Je m'y affale donc sans aucune forme de cérémonie, puisque je suis seule, pour l'instant. Niveau confort, il est à l'égal de mon ancien lit, niveau place aussi. J'ouvre mon sac à dos et songe vite fait à m'installer, sortant pour commencer un paquet de cookies (mais la vraie question est, quand est-ce que je ne mange pas de cookies ?), un bouquin et un paquet de cigarettes, enfonçant mes écouteurs dans mes oreilles au passage.

Musique à fond, je lis tranquillement, mangeant mes cookies sans vraiment me soucier des miettes que je laisse partout sur le lit. Je nettoierais après. Cigarette au coin des lèvres, tapote la cendre dans la canette vide que j'ai promu au rang de cendrier, il y a un petit moment, et chantonne sans vraiment m'en rendre compte. Pour faire cours, je retranscris mes habitudes à ma nouvelle maison !
Au bout de quelques minutes cependant, j'entends s'ouvrir la porte de la salle de bain, et me tourne pour découvrir ma coloc', enroulée dans une serviette, l'air visiblement contrariée par quelque chose.
Un sourire se forme sur mes lèvres, et je souffle ma fumée vers la fenêtre, avant de lui dire :

"Heyyy, moi c'est Chizuru, je vais être ta colocataire. J'espère que ça va bien se passer !

Et, puisqu'elle ne se décrispe pas, j'ajoute ;

"Ça te dérange que je fume ? Oh, euh, puis je me suis permis de prendre un lit...il avait l'air vide."

Une eau chaude perlait sur ma peau et une odeur enivrante embaumait la pièce. Cela devait bientôt faire plus d'une heure que je me tenais là, sous ce jet d'eau. Ma journée avait été très longue, pour ne pas dire ennuyante. Je n'avais pas fait grand-chose, si ce n'est assister à deux ou trois cours. Depuis quelques temps, mes journées ne se résumaient qu'à ces trois mots : manger, dormir, cours. Bizarrement, je n'avais ni l'envie, ni la tête à faire autre chose. Pourquoi me demanderiez-vous ? Je n'en avais moi-même pas la moindre idée. L'hiver peut-être ? Je haïssais cette saison. Le froid, les journées couvertes, pluvieuses ou enneigées, je détestais ça. À vrai dire, le mauvais temps me mettait de mauvais poil. Bien évidemment, j'appréciais tout de même l'hiver pour sa période de fêtes mais ça ne faisait que s'arrêter là.


Le miroir de la salle de bain était recouvert de buée. Du revers de la main, je le nettoyais alors pour pouvoir y contempler mon reflet. Mes cheveux avaient pris en longueur depuis mon arrivée ici, je ne les avais pas coupés depuis un petit bout de temps. Mon teint, quant à lui, était toujours aussi pâle. Pas étonnant puisqu'il n'avait pas fait beau depuis des lustres. Je soupirai profondément, regrettant amèrement le soleil et le beau temps. Une trentaine de secondes plus tard, je ne me préoccupais déjà plus de cette histoire. Mon attention se portait à présent sur tout autre chose : le bruit en provenance de la pièce d'à côté. Durant un très court moment, mon corps se figea. Puis, l'instant d'après, la mention d'une mystérieuse colocataire me revint en mémoire. J'étais censée accueillir une nouvelle arrivante ?





La prénommée Chizuru était une jeune fille aux cheveux violets et aux yeux d'un bleu profond tirant sur le violet. Elle était de grande taille, me dépassant de quelques centimètres et n'était pas mal du tout physiquement parlant. Je la scrutais du coin des yeux, l'observant avec attention. Depuis plusieurs mois, cette chambre n'appartenait qu'à moi, je ne la partageais avec personne et, si cette situation m'ennuyais terriblement au départ, j'y étais à présent habituée. C'était un luxe que de vivre sans personne pour vous embêter ou vous déranger. J'étais donc perplexe face à la décision de l'administration. Après une aussi longue période sans colocataire...  N'y avait-il plus de chambre disponible ? Impossible.