Le burn out (Pv Luxia)

Bon... Que dire que dire... Pour le moment c'est juste... Une journée normale. Rien de très original ne s'est produit d'aucun côté, et une fois encore je ne suis pas allée en cours, et une fois de plus j'ai juste déambulé dans le parc en écoutant de la musique, et une fois de plus j'ai évité les surveillants qui rodaient, et c'est à peu près tout. C'est assez impressionnant comme on se lasse vite. Pourtant... C'est Tsuki ! Le mystère est partout, mais dès qu'il ne se produit pas un événement extraordinaire, on se lasse, et on a l'impression de s'ennuyer tout le temps. Comme dans un peu près tout, finalement. Je marche donc là, méditant à propos de plusieurs choses, et ne pensant à rien en même temps. Je me sens... Juste paisible, sereine, mais légèrement ennuyée. Rien ne semble pouvoir mettre un terme à ma marche vide de sens et rythmée par les basses crachées de mon casque. C'est bien, des fois, de s'ennuyer. Ces paroles traversent furtivement mon esprit, avant de s'en échapper aussitôt. C'était mon père qui disait ce genre de choses. Pourquoi je pense encore à lui ? Peut-être à cause de la visite de Mathieu ? Je ne sais pas. Mais peu importe. Je veux juste arrêter de penser à cette vieille vie que j'ai vécue, et avancer tout droit en me contentant d'utiliser les leçons qu'elle m'a enseignées.

Je regarde les premiers rayons de soleil printaniers qui commencent furtivement à passer au travers du feuillage des arbres, qui eux aussi peu à peu renaissent, j'essaye un instant d'entendre les oiseaux, puis je me rappelle que ça ne sert à rien, puisque seules les guitares résonnent dans mes tympans en ce moment. Du coup, je retire l'appareil de ma tête un instant, et essaye de discerner les différents signes de vie sonores des environs. Mais aucun oiseau d'aucune sorte. Plutôt une respiration irrégulière, coupée par des sursauts que rien ne semble pouvoir retenir. Je détourne le regard, intriguée, et vois au sol, abattu et larmoyant, Noa. Noa, mon jumeau de cœur, pleurait là, au sol. Inquiète je laisse tomber mon casque sur mon cou, et me précipite en face de lui en criant son nom.

"-Noa ?!? "

Une fois accroupie à sa hauteur, je pose mes mains sur ses épaules, ce spectacle me fendant le cœur comme jamais. Qu'a-t-il bien pu lui arriver ? J'aurais aimé ne jamais le voir dans cet état. Mais il m'avait aidée, et j'ai deux principes : reconnaissance et loyauté. Ce n'est vraiment pas mon genre de laisser quelqu'un dans une situation comme celle-ci. Par contre, il avait intérêt à accepter de me parler. Sinon je ne vais pas pouvoir faire quoi que ce soit. Bon, je verrai bien. Il me fait confiance, non ? Toujours d'un ton paniqué et plein d'incompréhension, je demande :

"-Qu'est ce qui t’arrive ?!? "

Il m'ignore. Totalement. Il ne réagit pas le moins du monde à mon arrivée. Enfin... Il ne semble pas. Je n'aime tellement pas le voir comme ça... Ne rien comprendre et ne rien pouvoir faire me met non seulement dans un état de frustration mais aussi de tristesse que personne ne peut comparer. Il a intérêt à vite m'expliquer sinon à le voir pleurer comme ça j'allais finir par m'y mettre aussi... Et ça n'est très certainement pas ce qui devrait tout arranger là tout de suite. Lorsqu'il réussit enfin à articuler quelque chose, voici ce qu'il dit :

"-je ne veux pas que ça recommence …. Je ne pourrais pas y supporter une fois de plus."

Une nouvelle vague de panique me parcours. De quoi parle-t-il ? Que'est ce que je peux faire ? Je tente désespérément de le convaincre de me parler alors que ses tentacules commencent à arpenter le sol.

"-De quoi ? Parle moi Noa ! Qu'est ce qui se passe ?"

Je cherche tant bien que mal un moyen de le réconforter, mais ne connaissant pas le moins du monde les événements auquel il peut bien faire référence, la seule chose qui me vient à l'esprit est la phrase qu'il avait lui même utilisé pour me convaincre de lui révéler ce qui me tourmentait. Après quelques secondes de recherche, j'essaye un ;

"-Tu crois qu tu peux cacher quelque chose à ta jumelle ?"

Ne pensant sérieusement pas que ce serait suffisant, j'insiste sur ce dernier argument.

"-Crois tu qu'il y ait quelque chose que je ne sois pas capable de comprendre ou de garder ? Parle moi Noa, s'il te plaît..."

On pouvait probablement sentir un peu d'hésitation dans ma voix. J'ai peur de ne pas savoir m'y prendre, mais je veux réellement faire de mon mieux pour l'aider.

Il fait un geste comme pour se protéger, posant l'une de ses mains sur son épaule et l'autre au niveau de son abdomen.

"-Je les entends encore se moqué et m’insulter … je les revois encore se regrouper autour de moi alors que les autres me tourne le dos. Je ressens encore la douleur de quand ils m’ont frappé."

À ces mots tout s'éclaircit dans ma tête. Je sais ce qui le tourmente maintenant, et je sais à quel point ça peut-être douloureux. Il m'en avait vaguement parlé. Mais qu'est ce qui a bien pu faire remonter tout ces souvenirs ? Lui qui est d'habitude si souriant... Je découvre une toute nouvelle face de Noa. Mais ce n'est en aucun cas pour ça que je vais le laisser là, comme ça. Non, hors de question. J'écoute attentivement la suite de sa tirade. Nous nous fixons maintenant mutuellement dans les yeux, il pourrait presque faire peur avec ses pupilles fendues et ses iris rouges sang, mais pas à moi.

"-Comment tu fais ? Comment tu arrives à vivre sans que tes souvenirs te hantent ? Comment tu arrives encore à faire confiance aux gens sans avoir constamment peur qu’ils ne te laissent tomber ou qu’ils te plantent un couteau dans le dos ?"

Et il rabaisse à nouveau le regard. Si il savait... Il ne se rappelle pas de ce soir sur l'arbre ? Moi aussi, je suis tourmentée par tout ça. Seulement... Je ne sais pas. En réalité, maintenant qu'il m'en a appris plus, je me sens presque coupable. Il semble avoir encore plus souffert que moi, et pourtant j'avais déjà été détruite par tout ce que j'avais pu subir. Ma gorge se serre à mon tour, mais je dois rester forte.

"-Est-ce que toi tu as réussi à leur pardonné ? Est-ce que tu as pu accepter ton passé ?"

Je laisse un court instant de blanc s'écouler, fixant maintenant à mon tour le sol, et hésitant grandement à lui dire la vérité. Je ne sais pas quoi faire. Mais non, mentir ne sert à rien, ça n'apporte jamais que des problèmes, surtout dans des situations pareilles. Je réussis donc à articuler, en toute sincérité :

"-Non. Non, je ne leur ai pas pardonné, et je n'ai rien accepté. Mais aujourd'hui, contrairement à cette époque où j'étais piégée, j'ai l'impression d'avoir quelque chose pour me défendre. De pouvoir me battre. J'y pense. Tous les jours. Et si je fais toujours confiance... C'est parce que j'ai l'impression d'avoir trouvé des gens qui me ressemblent, comme toi par exemple. Est-ce que tu penses que je serais capable de t'abandonner ? Non. Parce que je sais ce que tu as pu vivre. Et je suis persuadée que toi non plus tu ne pourrais pas. La preuve est, à l'arrêt de bus, tu aurais pu partir malgré tout et laisser Yumiko s'occuper de moi en attendant qu je me réveilles, mais tu m'a quand même portée jusqu'à l'infirmerie."

J'espère avoir vu juste, et après un autre instant de blanc, je continue désespérément, prise d'un doute :

"-Tu me fais confiance, pas vrai ?"

J'espère que oui. Si ça n'était pas le cas...

"-Les gens ne sont pas tous pareils. Il y en a qui sont incapables de trahir qui que ce soit."

Et si je n'étais toujours qu'une gamine inconsciente qui refusait de voir la réalité en face? Non. Ce n'est pas le moment d'être pessimiste. Mes doutes reviendront plus tard, pour le moment je n'ai pas le temps de m'en préoccuper.

Il hésita un instant qui me semble encore une éternité, avant de me prendre dans ses bras, comme si c'était moi qui avait besoin d'être réconfortée. Je ne suis toujours pas très tactile, et ne sais pas vraiment comment réagir, mais le laisse faire. Ça ne change pas grand chose à mes yeux.

"-Biensur que je te fais confiance … ce n’est pas le problème … j’ai l’impression tout s’écroule autour de moi en ce moment …"

Je suis à la fois rassurée qu'il dise croire en moi, et inquiète parce que je ne sais toujours pas quels événements récents ont pu le mettre dans un état pareil. Cependant, il semble se ressaisir lentement. Mais je ne dois pas m'en contenter; je sais très bien qu'on peut avoir l'impression d'aller mieux, alors qu'en réalité tout resurgit un peu plus tard. C'est comme remettre un problème au lendemain, on ne fait que le repousser. Il faut l'affronter. Depuis quand je suis profonde comme ça moi? Peu importe. Mettant à mon tour mes bras autour de lui d'un geste protecteur, bien qu'étant donné notre différence de taille ça peut paraître assez ridicule, en tout cas l'intention est là, je réponds:

"-Moi je suis là. Explique moi ce qui ne va pas, je suis là pour ça."

J'aimerais lui dire que peu importe où iront les autres, je resterais là, mais c'est une mauvaise idée. Je ne sais pas qui sont ces "autres" justement, et si il s'agit par exemple de Yumiko, j'ai du mal à croire qu'elle puisse le laisser seul ou lui faire du mal... Si? Je sais qu'on ne peut jamais complètement se fier aux impressions que nous renvoient les autres mais... Elle m'avait parue tellement innocente! Je ne peux pas l'imaginer blesser qui que ce soit.

Un instant de silence s'écoule comme une éternité avant qu'il ne se décide enfin à se confier. Je me doute que cela lui demande beaucoup d'efforts, mais j'ai besoin qu'il me parle pour pouvoir l'aider.

"-C’est parce que … j’ai revus les personnes qui nous avais envoyé à l’infirmerie avec Tori et Marco … j’ai appris que l’un d’entre eux était l’un de mes amis … enfin je pensais pourvoir le qualifier comme telle …."

Et moi pendant ce temps je revoyais la scène de l'infirmerie, où ils étaient tous dans cet état horrible, et où j'étais impuissante et frustrée... Je meure d'envie de lui demander qui était le responsable, et d'aller le venger. Mais je vois bien que le sentiment de trahison le tiraille, et qu'il ne voudra probablement pas m'en dire plus. Mais j'essaierai tout de même.
Avant ça, je le laisse terminer.

"-Je n’arrive plus à me contrôler j’ai déjà blessé plusieurs de mes amis, j’ai peur que Yumiko m’en veuille à cause de mes agissements. J’ai l’impression que je vais devenir cinglé avec toutes ces histoires …."

Moi aussi, j'ai déjà connu cette impression d'être folle, de complètement dérailler, mais je suis persuadée que lui ne l'est pas. En voici la preuve, il en a peur. Je ne sais pas si Yumiko lui en voudra, je ne la connais pas assez, et je doute de pouvoir agir sur ses sentiments, mais elle a l'air attachée à Noa, et quand on tient à quelqu'un on pardonne.

"-Ce n’est pas déjà le cas j’ai qu’une seul envie c’est de baissé les bras. A quoi bon continue, pourquoi je devrais continuer à m’acharné a essayé de m’accroché. Si ça se trouve ce n’est qu’une question de temps avant que je te blesse toi aussi … ou pire.

-Qu'est ce que tu veux dire? Me blesser comment? Psychologiquement? J'ai du mal à croire que tu puisse me faire ça. Physiquement? Jïnn m'a cassé trois côtes et je le considère toujours comme mon ami, tu sais? Peu importe, tout ça pour dire, ne t'inquiète pas, tu ne pourras pas me faire de mal, et je serai là, ok? S'il te plaît dis moi que tu vas te relever et continuer d'avancer..."

Je laisse un nouveau blanc, le serrant contre moi pour le rassurer tant bien que mal, avant de timidement demander en le regardant dans le yeux, pas très sûre de moi;

"-Dis moi qui vous avait fait ça, à Tori à Marco et à toi, et j'irai m'en occuper si tu veux."

Il adopte un instant une expression des plus déconcertées. Qu'y a-t-il? Il sait très bien que je déteste laisser un affront ou une humiliation en plan sans y répondre, je doute que ce soit réellement ça qui le surprenne. Est-ce qu'il est étonné que je le défende? Je ne sais pas, mais en tout cas il devrait à mes yeux se douter que si je le considère comme un frère il est normal que je veuille le protéger, non? Peut-être trouve-t-il ridicule cette situation ou moi qui fait trois pommes de moins que lui me propose à lui venir en aide, mais on a toujours besoin d'un plus petit que sois, comme on dit. Après en y réfléchissant bien, si la personne en question a réussi à mettre Noa dans cet état, il y a de très fortes chances qu'elle ne fasse qu'une bouchée de moi qui en plus de ne pas encore savoir utiliser mon pouvoir de façon totalement optimisée suis aussi épaisse qu'une brindille... Mais je ne peux pas supporter de rester là à rien faire... Si j'organise tout correctement, que je ne laisse aucun détail au hasard, il ne devrait pas y avoir de problèmes, si? Voilà en tout cas la raison de son air halluciné. Me fixant dans les yeux comme si j'étais sur le point de faire la plus grosse connerie de ma vie il met ses mains sur mes épaules et me crie presque;

"-Surtout ! Ne t’approche jamais de lui ! Jamais !"

Je baisse la tête, un peu déçue, même si j'aurais du m'en douter. Il ne me dira jamais comment m'y prendre pour le venger. Il continue ses cris de mise en garde.

"- t'as aucune chance face a Narok !

Je dois faire un gros effort mental pour réussir à ne pas prendre un grand sourire en coin. Narok... Ce nom me dit quelque chose. Et mais... Ce n'est pas ce Saphir qui était là à Noël? Et qui jouait avec un casse tête? Et surtout, à qui il manquait un bras? Ce détail me perturbe maintenant. Vraiment? Je ne peux cependant m'empêcher de demander, en toute franchise;

"-Ce n'est pas un Saphir manchot, Narok?"

Je crois que je n'aurais juste JAMAIS du parler. Je sais très bien comment Noa pense à ces sujets... Mais c'est plus fort que moi! Je me sens d'un coup coupable, et surtout particulièrement stupide.

"-Je sais très bien à quoi tu penses alors oublis ça tout de suite  tu veux !"

Je baisse les yeux, résignée, tentant désespérément de comprendre. Je me sens même... Je ne sais pas. Pourquoi ai-je ce besoin de revanche en permanence? Je dois m'en débarrasser. En attendant, je me sens plus coupable que jamais.

"-Je te remercie de m’avoir aidé et redonner un coup de fouet, mais je préfère régler cette affaire par moi-même"

Conclue-t-il. C'est en remarquant que sa voix s'éloigne peu à peu que je vois qu'il est en train de s'écarter. Par une sorte de réflexe, je me redresse brutalement avant qu'il ne soit trop loin, et faisant briller mes mains pour attraper à l'aide de mes plantes l'une de ses jambes dans l'espoir de le retenir un peu plus, je crie;

"-Attend!!! Je suis désolée! Je ne ferai rien si c'est ce que tu veux vraiment!... Mais c'est juste que... Je suis inquiète pour toi... Mais je t'en prie ne m'en veux pas!"

Inévitablement, il dut se retourner. Après, est-ce que c'est pour me regarder ou parce qu'il y est forcé, je ne sais pas.

"-Mais je t’en veux pas. C’est juste que je ne veuille surtout pas que tu te mettes en danger pour moi surtout pour … ça."

Je baisse les yeux. "Ça", comme il l'appelle, ça a fait que je l'ai retrouvé dans cet état, et qu'on a eu cette discussion. "Ça", c'est un mot un peu vicieux, non? Deux lettres, c'est court, ça donne l'illusion que "ça" n'est rien. Mais "ça" c'est un masque, qui cache bien trop souvent des choses auxquelles on ne veut pas faire référence... Tant mieux si maintenant ça ne lui paraît plus important, mais l'image de tout à l'heure restera à jamais gravée dans mon esprit, et pour moi, "ça" n'aura pas été sans conséquence. Mais très bien, très bien, je ne ferai rien.

D'un autre côté... Je suis contente qu'il veuille me protéger... Mais moi, j'ai l'impression de ne jamais rien faire, d'être la petite protégée, de n'avoir aucune influence. Moi aussi je voudrais pouvoir l'aider, des fois. Après tout, nous sommes "jumeaux". Il n'y en a pas un qui soit inférieur ou supérieur à l'autre, parmi des jumeaux, pas vrai? J'aimerais que cette règle soit vraie ici aussi. Je me relève puis me dirige vers lui, toujours attaché au sol par mes plantes, et le prends à nouveau et à mon tour dans mes bras, dans l'espoir de me faire pardonner et surtout de lui prouver ma bonne volonté.

"-Désolée. Je te promet que je ne ferai rien. Mais moi non plus, je ne veux pas qu'il t'arrive quoi que ce soit... Ce n'est pas parce que tu es plus âgé et plus fort que ça doit être toi qui me protège et en aucun cas réciproquement... Pas vrai?"

Je lève les yeux pour fixer les siens, et ajoute;

"-Jumeaux démoniaques, pas vrai?"

Je souris timidement.