Je suis née durant cette période trouble, entre l'automne et l'hiver. Lorsque les couleurs orangées demeurent, mais que les feuilles s'amassent chaque fois un peu plus sur le sol. Il est dur de faire la transition entre ces deux saisons, peut-être encore plus pour certains.

Je me demande souvent si ça a été le cas de mes parents, si par tout hasard, ils n'avaient pas eu assez de provisions pour survivre durant l'hiver, et donc d'autres choix que celui de m'abandonner pour une vie meilleure.

Ou deuxième option, ma différence a été la cause de ce rejet.  

Je préfère la première théorie. Au moins, ils m'auraient aimé, et auraient voulu me préserver d'une souffrance certaine en me laissant sur le pas d'une porte accueillante. Je ne saurais jamais la vérité. Et malgré la multitude de questions que je me pose, c'est peut-être mieux ainsi.

J'ai été heureuse, et ce depuis le jour où ce prêtre m'a trouvé. Je ne pleurais pas d'après lui, j'observais l'aube avec fascination, dans un calme religieux. C'est pour cela qu'il m'a adopté, pour la façon dont je posais mon regard sur le monde. Il est devenu par la suite celui que j'appelle à présent "grand-père".

Il a dû vite regretter cette idée d'adoption, car ce silence n'a pas duré. Dès lors que j'ai pu lâcher mon premier mot, je n'ai jamais arrêté. Oh non. Impossible de m'la faire boucler,  je donne toujours mon avis sur tout et tout le monde. Pire encore, je n'ai pas ma langue dans ma poche, même sur des sujets épineux.

Ce ne fut que le début des tracas pour mon grand-père, puisque après la parole, vint la capacité à marcher. Je fis par ailleurs de nombreux allers-retours à l'hôpital. Lorsque je courais, je considérais que rien ni personne ne pouvait m'arrêter, pas même un mur ou une voiture. Et ce fut sans compter sur ma manie à grimper sur le premier arbre que je rencontrais. Il m'a fallut un peu de temps avant d'exceller dans ce domaine et surtout beaucoup de chutes.

Grand-père pensait que devenir prêtresse me calmerait, et ce, en me faisant apprendre le Kagura, la danse traditionnelle de notre temple. Mais malheureusement pour lui, ça ne suffit pas. Il dut ajouter quelques cours d'Aikido pour restreindre mon énergie débordante.

C'est ainsi que je devins ce que je suis maintenant ; une fille débordante de vie, un tantinet agressive. Il faut dire que, parce que je ne dis que ce que je pense, j'ai tendance à m'attirer des ennuis, mais surtout.. Des ennemis ! Bien souvent, j'ai été mêlée à des histoires de bagarres ! Je m'en sortais la plupart du temps indemne. M'enfin, je fais un peu moins la fière devant grand-père, pour lui j'essaie de faire profil bas. Il déteste la violence, sauf lorsqu'il tape ma tête avec son bâton pour me punir de ma "stupidité". Je lui rétorque que ça me fait perdre des neurones, mais il n'en a que faire.

Revenons-en à cette histoire de profil bas, je n'ai comme qui dirait pas le choix à cause de ma nature. Car comme je l'ai dit plus haut, je suis différente. Je ne sais pas pourquoi, ni comment, mais je possède un pouvoir ; le Shadow Bind. Je l'ai développé très tôt, tout d'abord pour me sortir de mes fameux ennuis en immobilisant mes rivaux, ou en les blessant par le biais de leur propre corps. Mais surtout pour faire la pitre en classe, en faisait par exemple danser mes camarades, puisque forcé d'imiter mes mouvements. Ils ne comprirent jamais mon tour de "passe-passe", comme ils aimaient l'appeler. Mon surnom à l'école était même le Serpent, ils pensaient qu'au temple, j'avais appris une danse capable d'hypnotiser n'importe qui. Il paraît que cela existe, que c'est une technique ancestrale liée aux arts martiaux. Puisque c'est plutôt cool et que ça évite les questions, j'ai préféré acquiescer.

Ah, et vous l'aurez aussi compris, plus qu'une fauteuse de trouble, je suis également une cancre. C'est pourquoi je n'ai pas immédiatement compris la raison d'une proposition de candidature à l'académie Tsuki. Mais ayant par la suite réalisé que cela n'avait rien à voir avec mes notes, mais à mon habilité un peu spéciale à contrôler les ombres, j'ai décidé d'accepter.
Je savais que ma vie à Kyoto allait me manquer, tant que je la chérissais, malgré mon nombre restreins de proches. Mais je savais également que quelque chose de plus trépidant m'attendait ici, à Tsuki. Et je ne dis jamais non à une petite dose d'adrénaline.