B-BIENVENUE ! (Privé : Mikoubi.)

Je la vois, elle arrive. Je ne sais pas qui elle est mais c'est une nouvelle, ça se voit... Des longs cheveux roses détachés dans son dos, une robe légère à dentelle, des valises sous le bras. Elle passe le portail. Soudain, je jaillis du buisson dans lequel j'étais planquée, et crie "B-BIENVENUE !" de manière pas très assurée. J'ai les bras écartés en l'air. Au lieu d'avoir un sourire enjoué, j'ai la couleur d'un fruit trop mûr et l'expression d'une gosse qui vient de casser le précieux vase de sa mamie, rapporté d'Inde. Bref, j'ai le désagréable sentiment d'être ridiculement coupable.

"Je, euh... voulais faire une surprise. Parce que ces temps-ci, il y a pas mal de nouveaux à Tsuki. Et... en général, j'aime bien les accueillir."

  Je me tiens debout à quelques mètres de la nouvelle, toujours derrière mon buisson, toujours ridicule. Qu'est-ce qui t'as pris, franchement, Edi... ? Elle me regarde d'un air neutre, interrogateur ; muette. Je la considère un instant mais baisse les yeux, me baisse doucement, je plie les genoux et m'accroupis à nouveau derrière le buisson.
  Quand elle aura poursuivi sa route, je sortirai et j'irai mourir de honte au dortoir. Ensuite ça ira mieux... J'espère juste ne plus jamais la recroiser. Pas qu'elle n'ait pas l'air gentille, bien au contraire. Mais cette entrée en matière... du grand n'importe quoi.

Ça fait plus d'une minute qu'elle est là ; seule et immobile, juste devant le portail. Aucune expression n'émaille son visage. Elle doit être déconnectée. Le vent passe dans ses mèches roses et les soulève devant son nez. Ses valises lamentablement écrasées sur le sol et sa courte robe dentelée restent de marbre.
Brusquement, ses yeux de limace attardée reprennent vie et rétrécissent jusqu'à sembler deux points au marqueur gribouillés par un enfant sur une feuille froissée. Cependant, sa bouche et ses sourcils n'ont toujours pas réagit.

"Un ouragan. Ame vient de se faire attaquer par un ouragan."

Elle jette un regard horrifié vers les buissons magiques. Serait-ce alors ça, l'académie Tsuki ? Ce n'est pas vraiment ce à quoi elle s'attendait, pour tout avouer. Elle n'aurait peut-être pas dû accepter cette lettre : elle paraissait suspecte, maintenant qu'elle y pense... Mais si elle est aujourd'hui contrainte d'y résider, autant ne pas trop se laisser faire.
D'un geste vif et précis, elle place sa main droite quelques centimètres devant elle, coupant ainsi son visage en deux, et l'autre un peu plus bas et loin mais également sur la même ligne. Ses pieds placés de manière stratégique pour toujours être encrée dans le sol, elle se murmure un "Ninja style." avant de lancer aux buissons sur un air de défi :

"Vous avez osé vous défier à sa toute puissance, pathétiques touffes d'herbes ! Vous... Vous... Vous allez souffrir...!"

"Un ouragan. Ame vient de se faire attaquer par un ouragan."

 Intriguée, j'hésite à faire dépasser le bout de mes yeux de ma cachette. De quoi elle parle... ? Elle n'est pas seule ?

"Vous avez osé vous défier à sa toute puissance, pathétiques touffes d'herbes ! Vous... Vous... Vous allez souffrir...!"

 Soudain, la nouvelle se jette sur moi mais je me relève juste au moment où elle atteint ma planque. On se retrouve face à face, incrédules, comme interdites ; on se dévisage sans trop comprendre. Elle est positionnée comme une pro des arts martiaux, les mains soigneusement à la verticale, les pieds bien ancrés dans le sol. Elle a cherché à m'attaquer ? Ou plutôt attaquer les buissons, à mon avis.
 Hm, j'hésite, mais je décide de continuer à jouer. Avec le même regard ahuri qu'elle, je plie les genoux, tend un bras dans sa direction et brandis l'autre derrière ma tête, à la manière d'une escrimeuse en garde.

"Vous allez regretter de vous être attaquée au fruit de Mère Nature elle-même ! Moi, la... l'Impératrice des Buissons, je vous maudis sur trois générations... !"

 Oulà, c'était pas très convaincant. On a l'air de deux gamines qui imitent les héros des dessins animés qu'elles regardent, chaque mercredi après-midi, en mangeant un pain au chocolat. Je m'exclame :

"Venez, je vous attend !"

 Et j'attend sa réaction.

Spoiler: