Un tête à tête mouvementé [Pv Yumi J. - FIN]

Cela faisait quelques dizaines de minutes que j'étais sorti de l'Académie en compagnie d'une fille. Qui était-ce? Yumi, une nouvelle de cet établissement. Notre but? Aller manger... ensemble.

"Je pense que c’est une bonne idée, mais je serais obligée de te suivre, je ne connais rien à cette ville. Allons-y !"

C'est ce qu'elle avait dit en souriant comme si je venais de lui offrir ce qu'elle avait désiré depuis un certain temps. C'était gênant. D'autant plus que je devais lui servir de guide! Mais, malgré cela, je n'arrivais pas à trouver cela dérangeant. Quant à elle, il me semblait qu'elle s'amusait en marchant à mes côtés. Tant mieux pour elle. Perso, je préférais surveiller les alentours. Comme je le lui avais dit plus tôt, nous pouvions bien faire des rencontres. Je n'avais pas précisé si celles-ci seraient bonnes ou mauvaises.

Lorsque nous arrivâmes enfin dans le quartier communément appelé "touristique", ma vigilance s'accrue. Comme c'était là que j'avais pris l'habitude de voler, lorsque j'étais plus jeune, je me doutais que d'autres y avait pensé. De plus, bien que je ne le fis pas savoir, je vis plusieurs cas se produire tendis que je marchais machinalement vers mon ancien refuge. Que dirait l'aubergiste en me voyant?

Plus on s'approchait de l'objectif, plus les tentatives pour nous voler étaient nombreuses, bien que discrètes. Je pris donc la main de Yumi et durcis mon regard pour leur signifier que, s'ils tentaient quoi que ce fut, ils allaient s'en mordre les doigts. Je ne fis pas attention au fait que la jeune fille puisse être gênée par ce contact. Pour moi, je la protégeais simplement. Et ce, jusqu'à ce que nous fûmes devant une simple porte en bois vieilli par le temps. Lorsque je l'ouvris, elle grinça avant de laisser place à un espace animé fait de bois principalement. L'ambiance joyeuse qui régnait me rappela beaucoup de souvenirs. En regardant dans notre direction, l'aubergiste me vit et faillit laisser tomber le verre qu'elle essuyait en s'exclamant :

- Y-Yasushi?! Toi ici? Et accompagné qui plus est? Ben ça alors! Si je m'attendais... Entrez donc, et venez vous asseoir!

La réaction bienveillante de la vieille dame me fit sourire franchement. C'est avec ce dernier que je me tournai vers ma camarade pour lui dire :

- Elle ne changera jamais... Aller, viens.

Puis je l'entraînais vers le bar vers lequel je comptais m'installer.

La rue où je marchais avec Yasushi était bondée de monde. Plusieurs langues étaient utilisées, des appareils photos étaient sortis, des tas de gens grouillaient dans ce quartier si mignon. J’étais comme eux, une touriste. Certes, j’habitais désormais en Angleterre, mais je découvrais une architecture si éloignée de celle de mon pays natal ! Je n’étais jamais sortie de la ville où j’étais née, et j’avais toujours eu envie de voir d’autres horizons. Alors il n’en avait sûrement aucune idée, mais Yasushi avait exaucé un de mes souhaits les plus anciens : sortir dans des lieux nouveaux.
Je devais lui paraître insouciante et terriblement enfantine… J’avais peur de l’embêter, avec mon comportement de jeune niaise fraichement débarquée de sa province. Lui, il avait l’air aux aguets. Il semblait surveiller quelque chose. Ce devait être normal, au milieu d’une foule pareille, de faire attention aux gens autour de soi. Peut-être devrais-je faire pareil ? Oui, j’allais faire pareil.
Yasushi savait où il allait. Il marchait d’un pas décidé, sûr de lui, vers un endroit qu’il devait bien connaître. J’avais hâte de savoir où il allait m’emmener ! Mais je ne lui demanderai pas, il devait certainement penser à des milliers de choses actuellement. Soudainement, alors que mon regard se posait sur tout ce qui composait le paysage, il prit ma main. A vrai dire, je ne savais pas trop comment l’interpréter. On ne se connaissait pas depuis assez longtemps pour que ça veuille dire quelque chose… Non ? Non. Je me sentis rougir malgré cela. Tant pis, tant qu’il ne regardait pas en ma direction, ça irait. Puis nous arrivâmes devant une petite porte en bois. Et lorsqu’il l’ouvrit, nous entrâmes dans une pièce qui respirait la joie. Tout donnait envie de rester ! Le bois rendait l’ambiance si chaleureuse, et la propriétaire avait l’air si gentille !
En voyant Yasushi, la propriétaire sembla profondément surprise.

- Y-Yasushi?! Toi ici? Et accompagné qui plus est? Ben ça alors! Si je m'attendais... Entrez donc, et venez vous asseoir!

Je ne pus m’empêcher de sourire. Elle avait l’air si heureuse de le voir que même le cœur le plus gelé serait instantanément réchauffé. Yasushi sembla touché lui aussi, car un sourire s’était dessiné sur son visage alors qu’il s’était retourné vers moi. Il était si beau… Son sourire ! Enfin. Lui. Et son sourire. Lui souriant. Je n’avais jamais vu quelqu’un sourire ou quoi ? Ne laissant rien paraître de mon trouble, je lui souriais.

- Elle ne changera jamais... Aller, viens.

Il m’entraîna vers le bar, heureux. Il avait l’air différent du garçon allongé dans l’herbe tout à l’heure. Plusieurs questions me traversaient l’esprit, mais je réfléchi à laquelle poser en premier. Quand je trouvai, je me demandai comment la poser… Puis décidai de ne pas réfléchir trop longtemps. Du même ton doux que j’adoptais avec lui depuis le début, je lui demandai :

- Tu viens souvent ici ? La dame qui nous a accueillis avait l’air vraiment heureuse de te voir !

A vrai dire, je m’étais demandé si c’était sa mère, mais… Lui demander ainsi aurait dérogé à ma résolution de ne pas l’interroger sur ses origines. Souriante, j’attendais sa réponse.

Lorsque nous fûmes installés, je pris le menu qui était posé là et le feuilletai rapidement. J'étais certain de deux choses : le menu n'avait certainement pas changé depuis l'avant-veille, et l'aubergiste allait certainement me préparé sa spécialité. Soudain, j'entendis Yumi me demander :

- Tu viens souvent ici ? La dame qui nous a accueillis avait l’air vraiment heureuse de te voir !

Mon expression se rembruni. J'allais devoir lui raconter...

- A vrai dire, j'essai de venir le moins souvent possible. Il y a une raison à ça, mais je ne pas si tu la comprendrais...

L'aubergiste profita que je parlais pour arriver avec deux verres d'eau. Elle en profita pour raconter à ma camarade :

- Yasushi est un de ces orphelins qui vivent dans les rues. Je les héberge de temps en temps à quelques conditions à laquelle ton ami a du mal à se plier.

Je rougis de gêne et de honte tendis que la colère se peignit sur mon visage. Je me levai donc et criai, sans que ça ne gêne les habitués (la plupart de la salle) :

- Non mais tu pouvais pas te taire, vieille comère?!

- Me taire? me répondit-elle sans se départir de son sourire, Aurais-tu donc des choses à cacher?

Je me rassis, toujours aussi rouge et en colère. L'une des règles à respecter si je voulais être accepté là était "Pas de bagarre". J'étais donc accoudé au bar, les poings fermés, alors que l'aubergiste continuai en chuchotant à l'oreille de Yumi :

- Si tu pouvais le convaincre d'arrêter de se battre et de prendre un peu plus soin de lui, je t'en serais très reconnaissante. Après tout, le fait qu'il s'occupe d'autres orphelins plus jeunes que lui montre qu'il n'est pas un mauvais bougre.

Elle se releva et tendis le menu à la brunette avant de me mettre une grosse claque dans le dos pour me "calmer" :

- Allez! Ressaisis-toi donc et occupe-toi de ton amie. J'ai des clients moi!

Et elle partit. Je poussai donc un soupir avant d'attendre de voir ce qu'allait me dire, me demander et/ou me reprocher mon "amie". Était-elle déjà mon amie?

Quand je lui posai ma question, son expression changea. Il est vrai que ma question concernait son passé… J’aurais peut-être dû éviter.

- A vrai dire, j'essai de venir le moins souvent possible. Il y a une raison à ça, mais je ne pas si tu la comprendrais...

En quoi ne pourrais-je pas comprendre ? Il était clair que nous n’avions pas vécu les mêmes choses, mais j’étais assez intelligente pour comprendre, et même faire preuve de compassion. Je ne laissai rien paraître de ce que je pensais, jugeant qu’il n’était pas utile de faire des vagues, à moins que je ne veuille perdre toute chance qu’il m’accorde sa confiance. J’ouvris la bouche pour répondre, mais la dame arriva à notre hauteur.

- Yasushi est un de ces orphelins qui vivent dans les rues. Je les héberge de temps en temps à quelques conditions à laquelle ton ami a du mal à se plier.

Oh… Il était donc orphelin. Ça pouvait expliquer qu’il n’ait pas envie d’en parler. Dans le même temps, l’impression de gentillesse que cette femme dégageait se confirma. Mais, quelles règles lui étaient difficile à respecter ? Je regardai discrètement Yasushi et vit que sa peau claire avait viré au rouge. Gêne ou colère ?

- Non mais tu pouvais pas te taire, vieille comère?!

Alors qu’il cria, je tranchai. Les rougeurs, c’était de la colère. Je n’avais pas peur, en soi, mais je n’osais pas bouger. J’aurais préféré ne pas lui avoir demandé de manger avec moi, pour lui éviter cette gêne. Clairement, si je n’avais pas été là, rien de tout cela ne serait arrivé.
L’aubergiste, qui ne se laissait pas démonter par l’accès de colère de son protégé, répondit avec le même sourire aux lèvres.

- Me taire? Aurais-tu donc des choses à cacher?

Personnellement, j’étais convaincue qu’il ne voulait pas le cacher, mais… Il préférait éviter d’en parler. La nuance est presque imperceptible. A vrai dire, je le comprenais. On venait tout juste de se rencontrer, pourquoi m’aurait-il révélé les détails douloureux de son passé – voire de son présent ?
Il s’accouda au bar, sûrement pour tenter de se calmer. Il était donc ce genre de personnes un peu nerveuses ? Vraisemblablement, oui. Mais il ne l’était pas par plaisir, plutôt pour se protéger. Du moins, c’était ce que je décelai en lui, mais il était possible que je me trompe.

- Si tu pouvais le convaincre d'arrêter de se battre et de prendre un peu plus soin de lui, me chuchota l’aubergiste, je t'en serais très reconnaissante. Après tout, le fait qu'il s'occupe d'autres orphelins plus jeunes que lui montre qu'il n'est pas un mauvais bougre.

Il se battait donc tant que ça ? J’avais vraiment beaucoup à apprendre sur lui. Pour la « mission » qu’elle me proposa, j’acceptai de relever le défi. Il avait vraiment l’air d’être quelqu’un de gentil, tout en étant susceptible sur les bords. Il m’apparaissait complexe, et cela avait le don de me fasciner.
Je fis un signe de tête à la dame pour lui montrer que je comptais bien l’aider, et elle me tendit le menu avant de dire à Yasushi :
- Allez! Ressaisis-toi donc et occupe-toi de ton amie. J'ai des clients moi!

Elle partit, et je fis semblant de lire le menu pour réfléchir à ce que je pouvais bien dire.

- Tu sais… Je peux comprendre bien plus de choses que tu ne le penses. Et… Je ne vais pas avoir peur de toi après ce qui vient de se passer, loin de là. Alors, je te propose un marché. Si tu veux bien m’en dire plus sur toi, je t’en dirai plus sur moi, si ça peut te mettre en confiance. Tu peux me dire ce que tu veux, même presque rien. Quoiqu’il en soit, je ne bougerai pas et je ne prendrai pas peur. Je suis bien décidée à te comprendre, et je suis tenace. En revanche, si jamais tu me détestes, j’accepte de te laisser tranquille.

Je ne savais pas si j’avais bien fait de dire ça, mais j’étais sûre que mes mots auraient un effet sur lui. Lequel, je ne sais pas… Mais il ne pourrait pas rester indifférent. Il fallait cependant que je lui dise une dernière chose.

- Je tiens aussi à te dire que je suis désolée. Si je ne t’avais pas proposé de manger avec moi, rien de tout ça ne serait arrivé. C’est pour ça que si tu décides de me haïr ou de me mépriser, j’accepte de tenter de retrouver mon chemin vers l’académie. Elle est si grande, quelqu’un doit bien savoir où elle se trouve !

Je souriais timidement, me retenant de gratter encore une fois ma tête, ne voulant paraître ni trop sérieuse, ni trop idiote. J’espérais qu’il ne voudrait pas que je m’en aille…

Je regardais le sol. J'étais toujours en colère, mais j'avais réussis à me calmer de manière à ce que ça ne se voit plus sur mon visage. Pourquoi s'était-elle mêlé de la conversation?! J'allais le lui dire, mais il me fallait du temps! Après tout, les seules personnes que j'ai jamais côtoyées étaient les enfantes qui étaient comme moi et l'aubergiste... Jamais une fille de mon âge.
Cette dernière me coupa dans mes réflexions peu de temps après le départ de la commère :

- Tu sais… Je peux comprendre bien plus de choses que tu ne le penses. Et… Je ne vais pas avoir peur de toi après ce qui vient de se passer, loin de là. Alors, je te propose un marché. Si tu veux bien m’en dire plus sur toi, je t’en dirai plus sur moi, si ça peut te mettre en confiance. Tu peux me dire ce que tu veux, même presque rien. Quoiqu’il en soit, je ne bougerai pas et je ne prendrai pas peur. Je suis bien décidée à te comprendre, et je suis tenace. En revanche, si jamais tu me détestes, j’accepte de te laisser tranquille.

Un temps passa sans que l'un de nous ne prononça un mot de plus. J'étais ahuri par ce qu'elle me demandait et elle semblait hésiter. Puis, finalement, elle ajouta :

- Je tiens aussi à te dire que je suis désolée. Si je ne t’avais pas proposé de manger avec moi, rien de tout ça ne serait arrivé. C’est pour ça que si tu décides de me haïr ou de me mépriser, j’accepte de tenter de retrouver mon chemin vers l’académie. Elle est si grande, quelqu’un doit bien savoir où elle se trouve !

Je la regardai encore un instant avant de murmurer :

- Le monde ne tourne plus rond... Puis, je repris sur le ton de la conversation : Très bien... Je vais te raconter mon histoire. 'Fin, seulement une partie. L'autre je veux l'oublier. Et sache que si je n'avais pas voulu venir ici, nous serions allé ailleurs. Ce n'est donc pas ta faute. T'as rien à te reprocher.

Pendant que je parlais, je détournai les yeux. Oui, je voulais oublier, si seulement c'était possible... Je repris en regardant mon verre d'eau :

- L'aubergiste a raison, je suis orphelin depuis que je suis jeune. Je n'ai pas toujours aimé la bagarre. Non, autrefois j'étais comme les enfants que je protège aujourd'hui : faible, gentil, en bas de la chaîne alimentaire. Je me faisais voler ma nourriture. Je devais voler pour me nourrir mais je me faisais souvent voler moi-même. J'ai donc commencé à me battre pour survivre. C'est ainsi que je me suis fait un ennemi et que j'ai découvert mon pouvoir. J'ai été invité dans cette académie, mais je n'avais aucune envie d'y aller. Et y rester m'est insupportable. A cause de ça je ne peux pas veiller et surveiller les mômes! Les cours sont inutiles pour survivre! Seul l'apprentissage de mon pouvoir m'intéresse, même si je peux le faire par moi-même.

Je m'arrêtais de parler. Je n'arrivais pas à savoir si j'étais calme ou encore en colère. Cette partie de mon passé ne m'était pas insupportable... contrairement à la façon dont j'étais devenu orphelin. Contrairement... à ce qui s'était passé.

J'eus un flash de mon passé plus lointain. Certainement parce que j'y pensais. La peur me prit au point de me faire trembler. Est-ce qu'elle l'avait vu? Allait-elle croire que c'était à cause de mon passé dans la rue?

Ce serait comique, tient! pensais-je.

Alors, les enfants, avez-vous choisis ce que vous voulez manger? nous demanda l'aubergiste en souriant.

- La même chose que d'habitude. lui demandai-je sans la regarder et en levant la main, ce qui m'attira ses yeux emplis d'éclairs.

C'est ma fête aujourd'hui...

Yasushi me regarda silencieusement. N’étant pas voyante, je ne pouvais pas lire dans ses pensées, mais… Je me doutais qu’il devait être comme surpris, ou perplexe. Mon impression se confirma quand il murmura quelque chose pour lui-même.

- Très bien... Je vais te raconter mon histoire. 'Fin, seulement une partie. L'autre je veux l'oublier. Et sache que si je n'avais pas voulu venir ici, nous serions allé ailleurs. Ce n'est donc pas ta faute. T'as rien à te reprocher.

Il ne m’avait pas regardé en disant ça. Je conclus que le sujet était réellement sensible pour lui. Je l’avais déjà remarqué, mais là, c’était avéré. Je n’aurais pas dû le lancer sur le sujet, je ne voulais pas lui rappeler de douloureux souvenirs.

- L'aubergiste a raison, je suis orphelin depuis que je suis jeune. Je n'ai pas toujours aimé la bagarre. Non, autrefois j'étais comme les enfants que je protège aujourd'hui : faible, gentil, en bas de la chaîne alimentaire. Je me faisais voler ma nourriture. Je devais voler pour me nourrir mais je me faisais souvent voler moi-même. J'ai donc commencé à me battre pour survivre. C'est ainsi que je me suis fait un ennemi et que j'ai découvert mon pouvoir. J'ai été invité dans cette académie, mais je n'avais aucune envie d'y aller. Et y rester m'est insupportable. A cause de ça je ne peux pas veiller et surveiller les mômes! Les cours sont inutiles pour survivre! Seul l'apprentissage de mon pouvoir m'intéresse, même si je peux le faire par moi-même.

Ce qu’il me racontait était affreux. Je n’arrivais pas à imaginer qu’on pouvait vivre ça. J’avais vraiment été coupée de la réalité pendant toute mon enfance. Certes, j’avais connaissance des guerres, de l’Histoire… Mais la réalité de la rue, cette réalité brute qui était celle de la misère, on ne m’en avait jamais parlé. Je savais, bien sûr, que certaines personnes étaient pauvres et n’avaient pas de maison, mais cette hiérarchie, cette violence… Non. Jamais. J’étais tellement surprise et mal pour lui, pour tout ce qu’il avait vécu, que j’avais une boule dans la gorge et des larmes qui me montaient aux yeux. Mais je devais les réprimer, c’était oublier la bienséance que de pleurer devant lui. Et il le prendrait sûrement comme de l’irrespect.
Et je comprenais son sentiment, ce caractère insupportable de l’académie. Etre enfermé entre ces murs, avec toujours les mêmes gens. Tous, sauf ceux qu’il avait envie de voir. Il était vraiment gentil, sous ses airs inaccessibles. Et ses intentions étaient vraiment nobles. Il ne méritait pas tout ce qui lui est arrivé par le passé.
Enfin, il avait raison pour les cours. Qui avait besoin de théorèmes pour réussir dans la vie ? Ils feraient mieux de nous apprendre à nous défendre ou à contrôler nos émotions, plutôt que les mathématiques à haut niveau.

En me concentrant de nouveau sur lui plus que sur ses paroles, je remarquai qu’il tremblait un peu. Je ne savais pas trop quoi faire. Lui tapoter le dos, poser ma main sur son épaule ? Avait-il vraiment envie de réconfort ? Non, il me trouverait… Etrange, probablement. Je n’arrivai pas à savoir de quelle façon agir avec lui. Dans le doute, je ne fis rien.
Alors que je m’apprêtai à parler, l’aubergiste arriva en nous demandant ce que nous voulions manger.

- La même chose que d'habitude.

Vu la manière dont la femme l’a fusillé du regard, elle n’avait pas apprécié qu’il ne la regarde pas en lui parlant ! N’ayant pas vraiment eu le temps de regarder le menu, je levai les yeux vers la dame.

- Comme lui, s’il vous plaît, dis-je en souriant gentiment.

Elle me sourit et repartit. Il fallait que je dise quelque chose à Yasushi. Je ne pouvais pas raconter mon passé, faire étalage de mon enfance heureuse, dans une famille noble, ce serait… méchant ? Je n’avais rien vécu de tragique moi-même. Enfin, j’avais vécu en ignorant que j’avais une sœur, mais le drame était plutôt pour elle. Si je m’excusai, il penserait que j’étais une pauvre fille sans personnalité. Que dire ?

- C’est vraiment gentil d’aider les autres comme tu le fais. Je me disais bien que tu te cachais derrière une façade, maintenant je sais pourquoi. J’espère simplement que… que tu réussiras à te battre le moins possible. Parce que ce serait vraiment dommage qu’il arrive quelque chose de grave à quelqu’un de gentil comme toi. Et j’espère que tu t’habitueras à l’académie. Et si jamais ça ne va pas, je serai là pour t’aider ! Enfin, t’aider. Te… soutenir ? T’égayer. Voilà, je serai là pour t’égayer ! Mais je serai aussi prête à t’aider.

Je chuchotai pour moi-même « Combattons le mal ensemble ! » en espérant qu’il n’entende pas. Je devais avoir l’air tellement niaise, pour lui.

- Comme lui, s’il vous plaît, demanda-t-elle à ma bienfaitrice.

Du coin de l'oeil, je la regardai. Savait-elle au moins ce que j'avais commandé? Enfin, on me dira que je ne le savais pas moi-même : à chaque fois que je venais, elle me demandait ce que je souhaitais manger, et devant mes haussements d'épaules incessants, elle m'avait fait chaque fois un plat différent. Ainsi, lorsque je demandais "la même chose que d'habitude", cela signifiait que je haussais les épaules et qu'elle devait me faire un plat qu'elle choisirait. C'était peut-être pour ça qu'elle me fusillait du regard... Ou parce que j'avais manqué de galanterie? Je ne savais pas et c'était désespérant.

Alors que je réfléchissais, l'aubergiste était partie en cuisine (entre autres). Puis, la voix de Yumi se fit entendre au milieu du brouhaha :

- C’est vraiment gentil d’aider les autres comme tu le fais. Je me disais bien que tu te cachais derrière une façade, maintenant je sais pourquoi. J’espère simplement que… que tu réussiras à te battre le moins possible. Parce que ce serait vraiment dommage qu’il arrive quelque chose de grave à quelqu’un de gentil comme toi. Et j’espère que tu t’habitueras à l’académie. Et si jamais ça ne va pas, je serai là pour t’aider ! Enfin, t’aider. Te… soutenir ? T’égayer. Voilà, je serai là pour t’égayer ! Mais je serai aussi prête à t’aider.

Elle me trouvais... gentil? J'avais une façade? Et elle voulait m'aider? Elle était vraiment étrange comme fille. Étrangement, j'étais content qu'elle souhaite me venir en aide. Mais la grande question était "Pourquoi?". Pourquoi voulait-elle m'aider? Parce que l'aubergiste le lui avait demandé, ou parce qu'elle l'avait toujours voulu? Pourquoi moi? Pourquoi pas un autre qui serait plus "gentil"?

- Pourquoi? commençai-je.

Puis, après un petit temps de "silence", je continuai, en la regardant dans les yeux avec un air sérieux :

- Pourquoi veux-tu m'aider? Pourquoi moi et pas un autre qui serait mieux? Plus... "gentil". D'ailleurs, en quoi me trouves-tu si gentil?

Mince... Je devais être effrayant.

Après mes mots, il y eut un petit silence. J’avais sûrement dû lui faire une impression étrange. J’avais l’air d’une personne étrange ? Il devait se poser tellement de question sur ce que je venais de dire. Sur le fond de mes pensées. Je n’aurais peut-être pas dû dire ça ? Il était trop tard, de toute façon.

- Pourquoi?

Pourquoi ? Pourquoi quoi ? Il y eut un petit silence à nouveau, mais celui-ci, pourtant plus court, me sembla durer une éternité. Il avait planté son regard dans le mien, d’un air si sérieux qu’il me stressait. Je baissai les yeux, angoissée.

- Pourquoi veux-tu m'aider? Pourquoi moi et pas un autre qui serait mieux? Plus... "gentil". D'ailleurs, en quoi me trouves-tu si gentil?

Je gardai les yeux baissés, de peur de ne pas réussir à réfléchir si je le regardais. Il se demandait pourquoi lui et pas quelqu’un de « mieux » ? Qu’est-ce que c’était, mieux, pour lui ? J’avais appris que les apparences étaient trompeuses, et qu’on ne pouvait se fier à rien. Alors, pourquoi lui ? Probablement car avec lui, je n’aurais pas de mauvaises surprises : il ne cachait pas son côté dur et agressif. Mais je savais aussi de lui qu’il protégeait des enfants, qu’il en prenait soin, et que s’il ne voulait pas de l’académie, c’était pour rester près d’eux.
J’avalai difficilement ma salive, la gorge terriblement sèche, et levai timidement les yeux vers lui. Je plantai mon regard dans le sien, mais plus doucement qu’il l’avait fait. Je ne voulais pas avoir l’air sérieuse ou en colère, au contraire, je souhaitais avoir l’air douce.

- Aider des enfants, ce n’est pas gentil ? Tu penses plus à eux qu’à toi-même, c’est pour ça que tu n’as pas envie de rester à l’académie. Et puis, tu l’as avoué, tu n’as pas toujours aimé te battre, tu fais ça par nécessité ! Oui, on vient de se rencontrer. Mais… J’ai un pressentiment, je sens que tu es quelqu’un de confiance. Maintenant, qu’est-ce que ce serait, mieux, pour toi ?

Je me tus une seconde, pour laisser un semblant de réflexion naître dans son esprit, mais pas assez pour qu’il réponde.

- Oui, il y a sûrement des garçons plus… Je ne sais pas. Plus aimables au premier abord ? Franchement, il n’y a pas lieu de comparer. Tu as vécu des choses affreuses, tu as dû construire une sorte de carapace pour te protéger, et t’en défaire est quasiment impossible. Alors, oui, tu caches ce qu’il y a de plus tendre en toi derrière une façade. Mais je passerai outre cette façade ! Je veux t’aider. Parce que tu es une personne qui m’a l’air tout bonnement merveilleuse. Pour penser au bien-être des gens avant sa santé, c’est qu’on est merveilleux ! Ce n’est pas conseillé, certes, mais tu le fais. Maintenant... Je t’apprécie. Et je veux t’aider. A ne plus te battre autant. Peut-être que c’est à ton tour d’être un peu protégé ?

Après quelques secondes, je me rendis compte que je me grattais la tête, les yeux fermés. Si je n’avais pas de chance, ça allait discréditer tout ce que j’avais essayé de lui faire entrer dans le crâne… Et si j’étais très chanceuse, il trouverait ça mignon. Est-ce que je réussirais à le protéger ?

Les yeux de Yumi étaient baissés. Je lui faisais certainement peur. Je n'en était pas fier. J'avais même honte de provoquer ce genre de sentiments chez les autres, sauf quand il s'agissait de personnes qui s'en prenaient gratuitement à plus faible qu'eux. C'était le genre de comportement qui me rendait malade. Pourtant, si on ne me connaissais pas, on aurait pu croire que j'étais ce genre de personne. Je me sentais honteux. Sentiment qui me fit détourner le regard, les joues rouges.

Peut-être ne voudra-t-elle pas me répondre si je lui ai fait peur... pensais-je juste avant qu'elle ne prenne la parole.

- Aider des enfants, ce n’est pas gentil ? Tu penses plus à eux qu’à toi-même, c’est pour ça que tu n’as pas envie de rester à l’académie. Et puis, tu l’as avoué, tu n’as pas toujours aimé te battre, tu fais ça par nécessité ! Oui, on vient de se rencontrer. Mais… J’ai un pressentiment, je sens que tu es quelqu’un de confiance. Maintenant, qu’est-ce que ce serait, mieux, pour toi ?

Sa voix et son ton n'étaient pas du tout effrayés, ce qui me surpris. N'avait-elle pas peur avant de parler? Ne l'effrayais-je donc pas? Elle était si douce en cet instant. Comme... Non, je ne devais pas y penser! Ce n'était ni le jour, ni le moment! Pourtant, son image s'imposa dans mon esprit... celle de ma mère qui me berçait sur ses genoux.

- Oui, continua-t-elle, il y a sûrement des garçons plus… Je ne sais pas. Plus aimables au premier abord ? Franchement, il n’y a pas lieu de comparer. Tu as vécu des choses affreuses, tu as dû construire une sorte de carapace pour te protéger, et t’en défaire est quasiment impossible. Alors, oui, tu caches ce qu’il y a de plus tendre en toi derrière une façade. Mais je passerai outre cette façade ! Je veux t’aider. Parce que tu es une personne qui m’a l’air tout bonnement merveilleuse. Pour penser au bien-être des gens avant sa santé, c’est qu’on est merveilleux ! Ce n’est pas conseillé, certes, mais tu le fais. Maintenant... Je t’apprécie. Et je veux t’aider. A ne plus te battre autant. Peut-être que c’est à ton tour d’être un peu protégé ?

Elle était si gentille avec moi. Et moi, je ne lui avait inspiré que de la peur il y a à peine une minute. Et, pourtant, elle m'appréciait. Que faire? Que dire? Je la regardais avec des grands yeux ronds, certainement brillants à cause de la peine que je ressentais par les souvenirs que je refoulais avec beaucoup de difficultés.

J'allais tenter de répondre à mon amie quand j'entendis deux assiettes être posées devant nous. L'odeur était alléchante, mais ce fut la voix de l'aubergiste qui me fit tourner la tête vers elle :

- Voici donc votre plat, les enfants. De la blanquette de veau maison. Bon appétit !

- Merci Berth. lui répondis-je en tentant de lui sourire.

Puis, quand elle fut partie, visiblement de bonne humeur, je pris ma fourchette pour jouer avec mes quelques morceaux de viande. Je réfléchissais à ce que m'avais dit Yumi, à ce que je pensais d'elle... à mon passé aussi. Plusieurs choses me venaient, mais rien ne voulait sortir. Peut-être avais-je aussi peur de pleurer. La boule dans ma gorge était prête à exploser. Pourtant, au bout de quelques minutes, je parvins à articuler :

- Je te remercie Yumi, pour ta gentillesse. Et bon appétit.

Puis, j'entamai mon plat. Ce ne fut qu'après la première bouchée que je me rendis compte de ma faim. Bon dieu! Je ne pensais pas que c'était autant que ça. Mais je ne montrai rien de cela et me contentai de manger avec appétit.

Yasushi me regarda, ses beaux yeux ronds comme s’il était abasourdi Enfin, des yeux ronds ! Mais je remarquai qu’ils brillaient, comme s’il allait pleurer. Et je m’en voulus. Ce n’était absolument pas le but ! Je voulais l’encourager, mais pas le rendre triste… Peut-être était-il heureux ? Ça me semblait possible, après tout, mais comment faire la différence ? Je ne pouvais pas lui demander ça, quand même… S’il se mettait à pleurer, je le réconforterai, ça ne me gênai pas. Mais je préfèrerais qu’il évite, pour qu’il n’aie pas peur de me revoir.
Je vis sur son visage qu’il allait répondre, mais l’aubergiste déposa nos assiettes devant nous. Je lui souris et fit un geste de la tête, les mains jointes, en guise de remerciement.

- Voici donc votre plat, les enfants. De la blanquette de veau maison. Bon appétit !

Je regardai le contenu de mon assiette, comme émerveillée. Je n’avais jamais vu ni mangé de la blanquette de veau ! Le plat sentait si bon, et c’était très appétissant. La voix de Yasushi me surprit, et je le regardai du coin de l’œil.

- Merci Berth.

Le sourire du garçon semblait mi-forcé, mi-gêné par quelque chose. Je me sentis vraiment mal pour lui, je ne voulais pas qu’il pleure par ma faute… Je continuai de le regarder discrètement, puis quand il prit la parole, je tournai mon visage vers lui. Je cachai mon inquiétude derrière ce que j’espérais un sourire qui semblait sincère.

- Je te remercie Yumi, pour ta gentillesse. Et bon appétit.

Je crois que mes yeux se mirent à pétiller, tellement j’étais heureuse qu’il me remercie. Un sourire franc se dessina sur mon visage alors qu’il avait entamé son assiette.

- Y’a pas de quoi, et bon appétit à toi aussi.

Je devais arrêter de sourire comme je le faisais, ou il me prendrait pour une folle. Je décidai donc de goûter mon plat. Quand je mis le premier bout de viande dans ma bouche, je me demandai pourquoi on ne m’avait pas fait goûter ça plus tôt. C’était un tel délice ! Je savourais chaque bouchée de ce met délicieux, heureuse. Donc, il m’appréciait ? Il voulait bien rester mon ami, il ne me jetai pas ? Tout était réuni pour que je trouve ce moment merveilleux.
De temps en temps, je levais les yeux vers lui. Je savais bien que regarder les gens manger n’était pas forcément indiqué quand on les connaissait depuis… quelques heures à peine. Mais tant pis. Cependant, je n’avais pas été très discrète car l’aubergiste me lança un regard que l’on pouvait qualifier de… plein d’encouragements ? Elle mit un doigt devant des lèvres pour signifier qu’elle ne dirait rien, et je lui souris, toute rouge. Avec un peu de chance, il ne m’aura pas vue.
Mais j’avais toujours en tête qu’il avait été sur le point de pleurer, et n’étant pas tout à fait sûre que son plat ait suffit à lui remonter le moral, je décidai de chantonner une chanson peu connue mais très joyeuse, juste assez fort pour que lui seul l’entende. S’il me trouvait un peu bête, tant pis, je voulais juste qu’il soit heureux.J’avais aussi pensé à me lever et à danser, ou faire une sorte grimace, mais… Là, il m’aurait vraiment prise pour une imbécile heureuse. Je continuai donc de chantonner en réfléchissant. J’allais bien réussir à trouver, non ?

- Tu sais, commença-je alors que je ne savais pas trop comment enchaîner, j’ai… euh… j’ai bien fait de te tirer de ta rêverie ! Ça aurait été beaucoup moins sympathique de manger seuls, non ?

Je me grattai la tête, luttant pour garder mes yeux ouverts. J’aurais dû faire l’inverse.

-Je veux dire, on a bien mangé, non ? Puis, tu ne te serais jamais rendu compte que tu avais faim, ça aurait été dommage non ?

Je continuai de chanter la chanson dans ma tête, pour me rassurer. Il allait vraiment falloir que je fasse quelque chose pour cette manie de me gratter, c’était n’importe quoi.

J'étais en train de manger en silence quand j'entendis une mélodie. A cause du bruit qui nous entouraient par les conversations des divers groupes venus ici pour boire et/ou manger, je ne reconnu pas immédiatement la voix de mon amie. C'est sa proximité qui me permit m'en rendre compte. Le rythme soutenu me mit dans l'idée qu'il s'agissait d'une chanson joyeuse. Si c'était le cas, tentait-elle de me remonter le moral? Est-ce que ça se voyait tant que ça que j'étais triste? En même temps, je n'avais pas le même entrain que quelques heures auparavant... Normal que je l'inquiète, si c'était vraiment ça.
Lorsqu'elle arrêta de chanter, elle me parla :

- Tu sais, j’ai… euh… j’ai bien fait de te tirer de ta rêverie ! Ça aurait été beaucoup moins sympathique de manger seuls, non ?

Je ne savais pas si c'était mieux ou moins bien de manger avec autrui. Mais, une chose était certaine : elle m'avait évité de mourir de faim ! Je venais de me rendre compte que je n'avais pas mangé depuis la veille au soir. J'étais idiot ou quoi?
Je ne la regardais pas tant j'étais plongé dans mes pensées. Mais je gardais tout de même une oreille attentive à ce qu'elle me disais.

-Je veux dire, on a bien mangé, non ? Puis, tu ne te serais jamais rendu compte que tu avais faim, ça aurait été dommage non ?

Je me tournai vers elle, quelque peu surpris :

- Tu... tu t'en étais rendu compte?

Surpris, impressionné... Voilà les deux sentiments qui se manifestaient en moi. Elle avait réussis à deviner ce que moi-même n'avais pas réussis à percevoir. Était-ce à cause de ce fameux bruit de ventre? Ne voulant pas m'attarder sur ce sujet qui me faisait honte, j'annonçai comme pour moi-même :

- Berth s'est surpassée aujourd'hui! C'était vraiment bon.

Il se tourna vers moi, l’air surpris.

- Tu... tu t'en étais rendu compte?

Comment aurais-je pu ne pas m’en rendre compte ? En croyant que ce bruit venait de moi, je m’étais demandé ce que j’avais bien pu faire pour que ce soit aussi fort !

- Berth s'est surpassée aujourd'hui! C'était vraiment bon.

J’étais complètement d’accord avec lui. J’avais envie de retourner manger ici, à l’avenir. Evidemment, je n’irai pas seule, et j’aurais bien aimé y aller avec lui. Mais comment verrait-il le fait que je lui demande ? Bizarre, sûrement. Ce qui serait totalement logique. Mais comme il avait déjà eu une image assez loufoque – je n’arrivais pas à trouver le mot exact – de ma personne, peut-être qu’il ne serait pas choqué.

- Il faudra qu’on revienne manger ici, un de ces quatre ! Ce serait sympa, puis ça te changerait de l’académie !

Puis, en me rappelant ce que la conversation m’avait appris, j’ajoutai :

- Comme je compte bien t’aider à moins te battre, ça ira bien ! Ou sinon, on peut manger autre part.

Je venais de faire des plans, là ? J’allais passer pour une psychopathe. C’était sûr. Il fallait que je rectifie le tir, que je trouve quelque chose. Vite.

- Enfin, je dis ça… C’était juste une proposition ! Ce n’est en aucun cas une obligation, c’est juste que je t’aime bien. Enfin, je… Oui, je t’aime bien. Mais on n’est pas obligés de se voir tout le temps, ou même de se revoir tout court. Euh…

Arrête de parler, tu t’enfonces, pensai-je. Rouge, je détournai le regard sur mon assiette vide. Je lui avais fait peur, c’était certain. Il allait faire mine d’avoir quelque chose à faire. Il devait être occupé, avec les orphelins… Si j’avais pu, je me serais cachée. Loin. Mais fuir n’aurait rien arrangé. J’avais tout gâché ? J’espérais bien que non ! Il était vraiment sympathique, ce Yasushi !

Sans crainte, ni gêne, Yumi s'exclama avec joie :

- Il faudra qu’on revienne manger ici, un de ces quatre ! Ce serait sympa, puis ça te changerait de l’académie !

Puis, après ce qui me sembla être une légère hésitation, elle ajouta :

- Comme je compte bien t’aider à moins te battre, ça ira bien ! Ou sinon, on peut manger autre part.

J'avais bien entendu? Elle me proposait de recommencer l'expérience alors que je n'avais pas été forcément agréable avec elle? De plus, même si ça ne me dérangeais pas, je ne voulais pas qu'elle s'oblige à louper des cours par ma faute.
Je pris donc une nouvelle bouchée de la blanquette de veau et la mangeai quand elle se mit à bafouiller :

- Enfin, je dis ça… C’était juste une proposition ! Ce n’est en aucun cas une obligation, c’est juste que je t’aime bien. Enfin, je… Oui, je t’aime bien. Mais on n’est pas obligés de se voir tout le temps, ou même de se revoir tout court. Euh…

Je failli m'étouffer avec ma nourriture. Sa manière de réagir quand la situation lui échappe me donnait envie de rire. Mais elle l'avait fait lorsque j'étais en train d'avaler. Alors, forcément, ce qui devait arriver arriva. C'est donc en toussant que je me mis à mourir de rire. Enfin, j'espérais tout de même ne pas mourir à ce moment-là...
Quelques minutes me furent nécessaire pour que je puisse enfin m'exprimer de façon normale :

- Désolé, Yumi. C'était trop drôle de te voir t'emporter pour rien.

Puis je fus de nouveau pris d'un fou rire. Je pleurais tant j'avais du mal à me calmer. Puis, lorsque je fus enfin remis de mes émotions, je repris en souriant, en la regardant :

- Personnellement ça ne me dérange pas que tu vienne manger avec moi. Ici ou ailleurs ça me va. Enfin, sauf au réfectoire!

Je me tus un peu et rougis. Je repensais à ce qu'elle m'avait dit. Elle m'avait fait plaisir en disant qu'elle m'aimait bien. Mais je ne savais pas ce que je devais lui répondre...

Je rêvais, ou il était en train de s’étouffer de rire ? D’abord, je me sentis mal pour lui. Je ne voulais pas qu’il s’étouffe pour moi ! Puis, je fus heureuse quand il rit simplement. J’aimais bien sa façon de rire. Elle était… Je ne pourrais pas la décrire, mais je l’adorais. Mais je ne lui avouerai pas, sinon j’allais encore bafouiller. Au moins, il était heureux ! Le voir comme ça faisait vraiment chaud au cœur. Etait-ce normal ? Je n’en avais aucune idée. Mais qu’il rie de ce que je venais de dire ne me dérangeait pas le moins du monde. Il riait, et c’était la seule chose qui avait de l’importance actuellement.

- Désolé, Yumi. C'était trop drôle de te voir t'emporter pour rien.

Je sentis mes joues s’empourprer encore plus, mais je lui souris. Ce n’était probablement pas normal comme réaction, de sourire alors qu’il riait de moi, mais je commençais à croire que je n’avais rien de normal. Et tant mieux ! Le sourire de Yasushi était le plus beau cadeau qu’il pouvait me faire. Son regard se posa ensuite sur moi, et il reprit.

- Personnellement ça ne me dérange pas que tu vienne manger avec moi. Ici ou ailleurs ça me va. Enfin, sauf au réfectoire!

Je ne lui avais pas fait peur alors ? Il était sérieux ? Je relevai les yeux vers lui, souriant comme jamais. Alors que je réfléchissais à la manière dont je pourrais répondre, un client arriva à côté de nous.

- Votre ami va mieux ? Il avait l’air de s’étouffer, et il est rouge, alors…

Je n’avais même pas remarqué, mais… Il était rouge, en effet ! C’était mignon. Je regardai mon ami avec un sourire en coin, puis répondit calmement.

- Mieux que jamais ! C’était juste un petit bout avalé de travers, il n’y a rien à craindre.

Le client repartit, et Berth, derrière le bar en bois ciré, s’arrêta à notre hauteur.

- Je vois que tout se passe bien les enfants ! Besoin de quelque chose ?

Je fis signe que non et elle repartit, souriante. Je me demandai si cette femme souriait tout le temps, ou si c’était juste le fait de voir Yasushi ici. Un peu des deux, probablement.
Mon attention se porta à nouveau sur le garçon. J’avais peur qu’il se remette à rire si je disais quelque chose d’un peu idiot. Enfin, c’était surtout la façon de le dire. Il fallait que je reste calme et que je me contrôle. Ce qui, pour ainsi dire, n’était pas gagné.

- Qui aime manger au réfectoire ? C’est bruyant, bondé de monde… Non, dehors, c’est bien mieux ! Mais, es-tu sûr que tu veux vraiment manger avec moi à nouveau ? Je suis tous les jours comme ça tu sais ?

Je lui lançai un discret clin d’œil. J’étais convaincue qu'il n’aurait pas peur. Avec un peu de chance, il trouverait ça sympa. Et pas stupide. Enfin, il n’avait pas l’air de me trouver stupide ! Pour finir sur une note plus positive, je finis par un petit :

- Mais à part quelques personnes, on ne m’a jamais fait de reproche sur mon caractère, alors je suppose que c’est plutôt agréable !

Les seules personnes qui m’avaient reproché mon caractère étaient de ma famille. Et comme je l’avais récemment appris, ils n’étaient pas un exemple à suivre. Prise d’un soudain élan de timidité, je regardai en face de moi. Tout était en bois, et des bouteilles, à côté d’assiettes et de dessins d’enfants, trônaient sur des étagères. Cet endroit était vraiment chaleureux.

Elle était rayonnante. Belle et rayonnante. Et son sourire... Purée, si elle était une poupée, elle serait la plus jolie de toutes. Bon, je n'étais certainement pas le plus grand amateur de poupées, mais sa beauté était telle qu'elle détonnait avec le lieu.
Un client s'approcha de nous. C'était un nouveau? Je ne l'avais encore jamais vu là. A moins qu'il ne vienne que lorsque j'étais absent habituellement? Valait mieux pour lui en ce cas. Ce n'était pas que je dérangeais, mais quand je venais à l'auberge il y avait souvent des éclats de voix entre moi et Berth.

- Votre ami va mieux ? Il avait l’air de s’étouffer, et il est rouge, alors…

J'étais rouge? J'avais rougis, je le sentais, mais je ne pensais pas autant! Yumi me regarda d'un air que je trouvais gentil avant de répondre calmement à l'homme :

- Mieux que jamais ! C’était juste un petit bout avalé de travers, il n’y a rien à craindre.

Puis, ce fut au tour de Berth de venir nous demander si tout allait bien. Quand nous lui fîmes signe que non, elle repartit, tout sourire. Je terminais mon assiette pendant que Yumi semblait épanouie. Puis, elle me répondit :

- Qui aime manger au réfectoire ? C’est bruyant, bondé de monde… Non, dehors, c’est bien mieux ! Mais, es-tu sûr que tu veux vraiment manger avec moi à nouveau ? Je suis tous les jours comme ça tu sais ?

Elle me fit un clin d'oeil qui me fit sourire. Et pourquoi ne voudrais-je pas manger avec elle? Cela faisait longtemps que je ne m'étais pas autant amusé. Une dizaine d'années si ma mémoire était bonne. Elle reprit ensuite :

- Mais à part quelques personnes, on ne m’a jamais fait de reproche sur mon caractère, alors je suppose que c’est plutôt agréable !

Je lui souris tout en lui répondant sérieusement :

- Je ne te ferais aucun reproche quant à ton caractère. Et ceux qui le font sont des idiots. Tu es très bien telle que tu es.

Je me tus, griffonnai maladroitement la commande du dessert à l'adresse de Berth pour qu'elle ne nous coupe pas. Puis, quand je l'eus posé derrière le comptoir, je repris :

- Franchement, ça ne me dérange pas du tout de manger avec toi. Mais, bien que ce soit bizarre venant de moi, c'est seulement si ça ne te fait pas rater des cours. Après tout, je crois que là t'es partie pour louper au moins une heure.

J'avais dit ça avec un air nonchalant. Personnellement ça ne me dérangeait pas de rater des cours. Même si c'était embêtant concernant le maintien de pouvoirs. Enfin, dès le départ je ne voulais pas y aller. Du coup, où était donc le problème?

Il me sourit en me répondant sérieusement.

- Je ne te ferais aucun reproche quant à ton caractère. Et ceux qui le font sont des idiots. Tu es très bien telle que tu es.

Si j’avais pu franchir un autre palier sur l’échelle de la rougeur, il aurait été atteint. Je baissai la tête, plus heureuse que gênée. C’était vraiment gentil de dire ça, alors qu’il avait failli s’étouffer à cause de moi juste avant. Et pour le coup, j’eus envie de rire moi aussi quand il avait dit que les personnes qui m’avaient fait des reproches étaient des idiots. Je n’avais jamais pensé à ma famille comme des idiots, mais maintenant qu’il le disait… Il n’avait pas tort !

- Franchement, ça ne me dérange pas du tout de manger avec toi. Mais, bien que ce soit bizarre venant de moi, c'est seulement si ça ne te fait pas rater des cours. Après tout, je crois que là t'es partie pour louper au moins une heure.

Ca aussi, c’était gentil ! Il ne voulait pas que je rate de cours, comme ça ? Il avait raison, venant de lui, ça semblait un peu étrange. Mais ça n’en restait pas moins noble de sa part ! Pour l’heure que j’allais rater… Tant pis, ce n’était pas grave. Je rattraperai sur quelqu’un, comme n’importe quel élève le ferait.
Je relevai les yeux vers lui, moins rouge qu’avant, et lui sourit joyeusement.

- Oh, tu sais, on m’a toujours fait cours à domicile, alors pour une fois que je peux rater une heure, ce n’est pas si grave ! Je rattraperai. Puis, j’aime mieux être ici plutôt qu’en classe, à m’ennuyer. Je suis enfin libre !

Je me sentais comme une petite fille au milieu d’un champ de fleurs et qui a réussi à échapper à la surveillance de ses parents. J’étais enfin maîtresse de mes décisions. J’avais eu un peu de liberté, certes, mais il y avait toujours une pression sur moi. Plus maintenant.

- Mais, si ça peut te faire plaisir, je ne raterai plus de cours pour venir manger avec toi. Il faudra qu’on mange rapidement, par contre ! Enfin, en une heure, ça peut aller. Mais on va faire un marché, et je raterai pas de cours, seulement si… Tu vas au moins à deux ou trois heures de cours par jour. Que tu évites d’avoir trop d’ennuis, mais que tu puisses aller voir les orphelins.

Je lui tendis la main. Je me doutais qu’il ne respecterait pas le marché, même si j’y mettais toute la volonté du monde. Mais au moins, il verrait que moi aussi, je ne voulais pas qu’il rate de cours.

J'avais remarqué qu'elle avait baissé les yeux pendant que je lui parlais. Puis, maintenant que j'avais terminé, elle les avait relevés pour me regarder. Face à elle, je l'observais à présent. Elle me semblait rouge, mais moins qu'auparavant. Puis, elle me sourit d'une façon qui fit bondir mon coeur :

- Oh, tu sais, on m’a toujours fait cours à domicile, alors pour une fois que je peux rater une heure, ce n’est pas si grave ! Je rattraperai. Puis, j’aime mieux être ici plutôt qu’en classe, à m’ennuyer. Je suis enfin libre !

J'aurais bien rit si quelque chose n'avait pas retenu mon attention. Des cours à domicile? Pourquoi donc avait-elle fait ça? L'école ne lui convenait pas? Non. Ce ne devait pas être ça, puisque sinon elle ne serait peut-être pas là. A moins qu'une autre raison l'ait poussée à venir? Et puis, il n'y avait que les personnes riches pour faire ça, non?

- Mais, si ça peut te faire plaisir, je ne raterai plus de cours pour venir manger avec toi. Il faudra qu’on mange rapidement, par contre ! Enfin, en une heure, ça peut aller. Mais on va faire un marché, et je raterai pas de cours, seulement si… Tu vas au moins à deux ou trois heures de cours par jour. Que tu évites d’avoir trop d’ennuis, mais que tu puisses aller voir les orphelins.

Sa proposition me fit l'effet d'un coup de masse sur la tête. Trois heure par jour? Et moi qui m'étais promis de n'y aller que si c'était nécessaire... Enfin, elle ne pourrait pas vérifier si jamais je n'y allais pas. Je l'espérais en tout cas. Elle me tendait la main. C'était comme pour sceller un pacte? J'étais gêné, ce qui me fit tourner la tête vers le bar. J'essayais de faire comme si je réfléchissais, mais en réalité j'hésitais simplement. Puis, finalement, je lui pris la main avant de l'entraîner vers l'avant pour qu'elle soit à quelques centimètres de moi, et lui demandais avec un air espiègle :

- Tu me fais quoi si je ne vais pas au moins trois heures en cours?

Je n'avais pas envie de lui demander des comptes par rapport à sa situation avant d'être à l'académie. Après tout, elle n'avait pas choisis l'endroit où elle était née. Et puis, je l'aimais bien mine de rien. Jolie, intelligente, drôle. Comment pouvait-on critiquer ce qu'elle était. Personnellement, j'espérais qu'elle ne changerais jamais!

Yasushi tourna sa tête vers le bar, puis il me prit la main. Il m’attira à quelques centimètres de lui. N’ayant jamais été dans cette situation, je rougis abondamment de nouveau. Jamais je n’avais été aussi près du visage de quelqu’un. C’était un peu gênant, mais aussi… On aurait dit que cela faisait battre mon cœur plus fort. Peut-être à cause de l’adrénaline due à l’inconnu ? Je ne savais pas. Mes joues brûlaient, mais son souffle sur ma peau semblait atténuer cette sensation.

- Tu me fais quoi si je ne vais pas au moins trois heures en cours?

Mes lèvres dessinèrent un sourire en coin. Qu’est-ce que je lui ferais ? Hm… Rien. Je ne lui ferais rien. Mais lui faire croire qu’il lui arriverait quelque chose serait plus intéressant. Je réfléchis à ce qui pourrait l’embêter. Gentiment, bien entendu.

- Je ne sais pas trop, dis-je pour le faire patienter.

Comment ne pas paraître trop enfantine ? Bonne question. Je n’avais jamais rencontré quelqu’un comme ça, il était d’ailleurs tout ce que mes parents voulaient que j’évite. Alors, j’avais un peu de mal à voir ce qui pourrait le taquiner. Puis j’eus une idée.

- Si tu ne vais pas au moins trois heures en cours…

Je m’approchai de son oreille pour lui chuchoter.

- Je serai obligée de te chanter la chanson la plus énervante que je connaisse en te forçant à danser avec moi. Et je pourrais même te faire chanter ! Je suis sûre que tu as une jolie voix.

Puis, éloignant un peu mon visage de lui pour le regarder, toujours le même sourire en coin aux lèvres, j’ajoutai.

- Autant je peux méditer des heures, mais chanter… Je ne pense pas que m’entendre chanter soit plaisant. Je suis sûre que tu veux éviter ça. D’ailleurs, ton châtiment pourrait se dérouler dans cette même auberge, ce serait drôle !

Certainement pas. Je me ridiculiserais juste. Mais à vrai dire, je m’en souciais peu. Il était temps que je m’amuse un peu, après des années de travail. Et puis, si je pouvais faire rire quelques personnes autour de moi, tant mieux pour elles. Ce monde erroné manque de joie, et surtout, de porteurs de joie. Il fallait croire que j’étais l’un d’eux.
En regardant Yasushi, je me dis qu’il devait vraiment me trouver bizarre. Mais il avait l’air d’apprécier. Et s’il appréciait, je n’allais pas me plaindre ! J’aurais sûrement pu trouver mieux comme punition, mais il y avait tellement peu de chances que je me rende compte qu’il n’allait pas à ses cours que jamais il ne m’entendrait chanter. Et tant mieux ! On ne m’avait jamais enseigné l’art du chant, ni n’importe quel art qui pouvait paraître superflu. J’avais envie d’apprendre, mais il était probablement trop tard. Quelque part, je me sentais ignorante. Mais une ignorante heureuse.
Je me retins de rire à cette pensée. Je devenais tout ce qu’on m’avait interdit d’être. Et c’était comme ça que j’avais envie de vivre. Réalisant ma liberté, mon sourire devint plus doux. Libre et heureuse. J’avais envie de prendre mon ami dans mes bras, juste parce qu’il était là. Je me retins, évidemment. Je me contentais de lui sourire, sincèrement et doucement.

Comme je m'y attendais, elle se mit à réfléchir :

- Je ne sais pas trop.

J'allais crier victoire lorsque j'aperçus ses lèvres se dessiner en un sourire proche du mien. Me copiait-elle, ou me ressemblait-elle? Je n'aurais su le dire. Elle reprit ensuite en me regardant dans les yeux :

- Si tu ne vais pas au moins trois heures en cours… puis elle s'approcha plus près pour me murmurer à l'oreille, Je serai obligée de te chanter la chanson la plus énervante que je connaisse en te forçant à danser avec moi. Et je pourrais même te faire chanter ! Je suis sûre que tu as une jolie voix.

Je rougis violemment parce que je pensais pas qu'elle allait se rapprocher, mais aussi par sa supposition qui sonnait comme un compliment. Elle s'éloigna de mon visage et je vis qu'elle avait toujours son air taquin. Cela me permit de me reprendre alors qu'elle ajoutait :

- Autant je peux méditer des heures, que chanter… Je ne pense pas que m’entendre chanter soit plaisant. Je suis sûre que tu veux éviter ça. D’ailleurs, ton châtiment pourrait se dérouler dans cette même auberge, ce serait drôle !

Oh! Comme c'était intéressant. Alors comme ça elle n'était même pas certaine de ses capacités en chant mais elle savait méditer? Cela me donna une idée pour renverser la tendance en ma faveur. Je pris donc un air mis intéressé, mi taquin et lui répondit :

- Alors tu pourrais faire moine mais pas chanteuse? C'est dommage, je te verrais bien en jolie robe bien moulante.

Tout en disant cela, je commençais à l'imaginer dans toutes sortes de tenues chics. J'en vint finalement à me dire qu'elle était vraiment mignonne. La personne qui vivrait à ses côtés aurait de la chance. Mais ce ne serait certainement pas moi. J'étais pas du tout une personne de fiable. Elle méritait beaucoup mieux, même si elle prétendait le contraire. Par contre, l'avoir en tant qu'amie pouvait être possible. Enfin, si elle arrivait à me supporter.

Son visage changea d’expression. Venais-je de signer ma fin ? Il aurait pu dire n’importe quoi, il fallait s’attendre à tout. Je souris, attendant la phrase à laquelle il allait falloir que je réponde de façon… ingénieuse.

- Alors tu pourrais faire moine mais pas chanteuse? C'est dommage, je te verrais bien en jolie robe bien moulante.

Je n’avais pas le sens de la rhétorique, mais j’avais une idée pour le taquiner.

- Tu imagines souvent les filles en robe moulante ?

L’air que j’avais sur le visage se voulait malicieux. Avec un peu de chance, mon visage ressemblait à ce que j’imaginais. Puis, pour ne pas le faire mariner trop longtemps, je continuai.

- Mais, oui, j’ai des capacités qui se rapprocheraient plus de celles du moine que de la chanteuse. Ce qui est beaucoup moins intéressant pour toi, malheureusement. Et si je devenais moine, je ne pourrais plus voir ton beau visage ! Mais, peut-être que si je mettais des robes moulantes, il y aurait tellement de gens autour de moi que tu ne pourrais même pas m’apercevoir !

Je fis une moue faussement choquée. Je n’avais jamais mis de robe très moulante. Peut-être que mon corps n’était pas un corps à robe moulante ? Je n’en avais aucune idée. A vrai dire, je n’avais pas très envie d’essayer. Etre comprimée dans un bout de tissus, toutes formes visibles… C’était comme marcher nue. Je préférais pouvoir bouger tranquillement. Mais il fallait que j’assène le coup de grâce, une petite phrase sympathique qui le ferait réagir. Ou rougir ?

- De toute façon, je n’ai pas de robe de ce genre. Mais, si tu veux, je pourrais aller en essayer quelques-unes en ville avec toi. Je suis certaine que tu as bon goût.

Voilà, ça me semblait bien. Je lui lançai un petit clin d'oeil avant de le regarder, impatiente de savoir ce qu’il allait répondre.