Un tête à tête mouvementé [Pv Yumi J. - FIN]

Rappel du premier message :

Cela faisait quelques dizaines de minutes que j'étais sorti de l'Académie en compagnie d'une fille. Qui était-ce? Yumi, une nouvelle de cet établissement. Notre but? Aller manger... ensemble.

"Je pense que c’est une bonne idée, mais je serais obligée de te suivre, je ne connais rien à cette ville. Allons-y !"

C'est ce qu'elle avait dit en souriant comme si je venais de lui offrir ce qu'elle avait désiré depuis un certain temps. C'était gênant. D'autant plus que je devais lui servir de guide! Mais, malgré cela, je n'arrivais pas à trouver cela dérangeant. Quant à elle, il me semblait qu'elle s'amusait en marchant à mes côtés. Tant mieux pour elle. Perso, je préférais surveiller les alentours. Comme je le lui avais dit plus tôt, nous pouvions bien faire des rencontres. Je n'avais pas précisé si celles-ci seraient bonnes ou mauvaises.

Lorsque nous arrivâmes enfin dans le quartier communément appelé "touristique", ma vigilance s'accrue. Comme c'était là que j'avais pris l'habitude de voler, lorsque j'étais plus jeune, je me doutais que d'autres y avait pensé. De plus, bien que je ne le fis pas savoir, je vis plusieurs cas se produire tendis que je marchais machinalement vers mon ancien refuge. Que dirait l'aubergiste en me voyant?

Plus on s'approchait de l'objectif, plus les tentatives pour nous voler étaient nombreuses, bien que discrètes. Je pris donc la main de Yumi et durcis mon regard pour leur signifier que, s'ils tentaient quoi que ce fut, ils allaient s'en mordre les doigts. Je ne fis pas attention au fait que la jeune fille puisse être gênée par ce contact. Pour moi, je la protégeais simplement. Et ce, jusqu'à ce que nous fûmes devant une simple porte en bois vieilli par le temps. Lorsque je l'ouvris, elle grinça avant de laisser place à un espace animé fait de bois principalement. L'ambiance joyeuse qui régnait me rappela beaucoup de souvenirs. En regardant dans notre direction, l'aubergiste me vit et faillit laisser tomber le verre qu'elle essuyait en s'exclamant :

- Y-Yasushi?! Toi ici? Et accompagné qui plus est? Ben ça alors! Si je m'attendais... Entrez donc, et venez vous asseoir!

La réaction bienveillante de la vieille dame me fit sourire franchement. C'est avec ce dernier que je me tournai vers ma camarade pour lui dire :

- Elle ne changera jamais... Aller, viens.

Puis je l'entraînais vers le bar vers lequel je comptais m'installer.

Sans prendre le temps de réfléchir plus que ça, elle me répondit, toujours aussi taquine :

- Tu imagines souvent les filles en robe moulante ?

Pas forcément, pensais-je en regardant le plafond en bois.

Puis, elle reprit sur le même ton, me sembla-t-il :

- Mais, oui, j’ai des capacités qui se rapprocheraient plus de celles du moine que de la chanteuse. Ce qui est beaucoup moins intéressant pour toi, malheureusement. Et si je devenais moine, je ne pourrais plus voir ton beau visage ! Mais, peut-être que si je mettais des robes moulantes, il y aurait tellement de gens autour de moi que tu ne pourrais même pas m’apercevoir !

Surpris par ses propos, je me mis à rougir alors que je me tournis vers elle, bouche ouverte, yeux ronds et sourcils froncés. Elle était sérieuse là?! Certes, je pouvais l'imaginer dans de jolies robes, mais elle était bien plus jolie en enfilant ce qu'elle aimait. Je me repris en espérant qu'elle ne s'attarderait pas sur ma réaction puérile et me mis à observer les clients. La salle allait encore être dégueulasse après ça...

- De toute façon, je n’ai pas de robe de ce genre. Mais, si tu veux, je pourrais aller en essayer quelques-unes en ville avec toi. Je suis certaine que tu as bon goût.

Je souris et tournai la tête vers elle. Franchement, je n'y connaissais rien en matière de fille. Et je n'avais jamais fait les boutiques. Ce serait une première expérience pour moi. Je lui répondis donc simplement :

- Tu es très bien comme tu es maintenant. Tu n'as pas besoin de vêtements chics ou moulants pour être jolie.

Il me semble l’avoir vu regarder à peu près chaque recoin de l’auberge alors que je parlais. J’avais donc réussi à le gêner tant que ça ? Je n’aurais pas pensé être si forte à ce jeu là ! En vérité, ce n’était pas non plus mon but ultime. Puis il tourna la tête vers moi et me rétorqua :

- Tu es très bien comme tu es maintenant. Tu n'as pas besoin de vêtements chics ou moulants pour être jolie.

Je rougis violemment et baissai la tête. J’aurais dû sentir le coup fourré. Je ne m’attendais pas à ce qu’il pense ça, à vrai dire. Je regardai mes vêtements. J’étais en uniforme. L’uniforme ne lui déplaisait donc pas. Mais… Par mes origines, j’avais pris l’habitude de m’habiller en kimono. Et j’étais bien plus à l’aise en kimono.

- En général, commençai-je en évitant son regard, je ne m’habille pas comme ça. Mais ici, ça ne serait pas… passe-partout.

Je me fis violence pour le regarder à nouveau. Il y avait quelque chose de doux dans son visage. J’aimais son sourire. Et sa blondeur… S’il allait au Japon, toutes les filles que je connaissais seraient folles de lui ! Jamais je ne l’amènerai au Japon, décidai-je.
Ne pouvant pas le laisser dans l’ignorance de mes habitudes vestimentaires, je continuai.

- Quand j’ai le choix, je porte des kimonos. J’adore ça ! C’est dommage qu’il soit si rare que d’autres personnes en portent, surtout ici. J’aime bien mon uniforme, il me fait penser à celui des écoles de chez moi. Mais… Je préfère les kimonos. Pas très moulants, donc.

C’était original. Peut-être bizarre. Mais après tout ce qu’il avait vu de moi, je ne pensais pas que ça pouvait l’étonner. Puis… J’avais l’air bien japonaise, non ? Il ne serait pas étonné tant que ça. Et puis, un kimono, c’est mignon. Et doux. Et ça donnait un air calme. Un air calme, tout le contraire de ce que je devais dégager depuis qu’il m’avait rencontrée !

- Si on se voit en dehors des cours, terminai-je, je te montrerai. Ca me donne une allure tout à fait différente, mais j’aime bien.

Je souris timidement, gênée. Pourquoi parler de ça m’aurait gênée ? Hm. Non. Ce devait être le fait qu’il me trouve jolie. J’étais plutôt contente qu’il me trouve jolie. Mais il fallait que j’évite d’y penser, sinon j’allais encore rougir.

Ma remarque la fit rougir. Surement l'eut-elle sentit puisqu'elle baissa immédiatement la tête. Mais cela ne l'empêcha pas de parler sans me regarder :

- En général, je ne m’habille pas comme ça. Mais ici, ça ne serait pas… passe-partout.

Que voulait-elle donc lire par là? Elle s'habillait plus sexy? Plus chic? Je ne comprenais pas. Mais je la laissais continuer sans laisser paraître mon trouble. Elle releva la tête et posa son regard sur moi. Ensuite, elle continua :

- Quand j’ai le choix, je porte des kimonos. J’adore ça ! C’est dommage qu’il soit si rare que d’autres personnes en portent, surtout ici. J’aime bien mon uniforme, il me fait penser à celui des écoles de chez moi. Mais… Je préfère les kimonos. Pas très moulants, donc.

Des kimonos? Qu'était-ce donc? Je n'avais jamais entendu parler d'un pareil vêtement. Était-ce étranger? Si cela se confirmait, je ne pensais pas que ça m'étonnerait vu qu'elle n'avait pas l'air de venir d'Angleterre. Comme beaucoup d'étudiants d'ailleurs. Enfin, elle pouvait aussi paraître étrangère et avoir vécut dans mon pays. Tant de questions tournaient dans mon esprit que je ne pus m'empêcher d'arquer un sourcil. Mais je ne dit toujours rien puisqu'elle finit :

- Si on se voit en dehors des cours, je te montrerai. Ca me donne une allure tout à fait différente, mais j’aime bien.

Je me détendis grâce à sa promesse et son sourire. Mais elle semblait toujours gênée. Je ne savais pas comment la rassurer mais je ne pus m'empêcher de lui dire :

- J'ai hâte de voir à quoi ça ressemble. Mais, du coup, ça vient d'où? Désolé, dans la rue on n'apprend à connaître que les petites ruelles et cachettes qui peuvent nous sauver la mise en cas de pépin.

Ce fut à moi d'être gêné : je venais de montrer à la jeune fille à quel point j'étais ignorant. Mais, au moins, peut-être que cela la détendrait un peu.

- J'ai hâte de voir à quoi ça ressemble. Mais, du coup, ça vient d'où? Désolé, dans la rue on n'apprend à connaître que les petites ruelles et cachettes qui peuvent nous sauver la mise en cas de pépin.

Surprise, mes yeux s’ouvrirent un peu plus qu’habituellement. Je n’avais pas pensé à ça. Evidemment, s’il avait vécu dans la rue, il ne pouvait pas savoir ce que c’était. Je lui souris de la façon la plus bienveillante que je le pouvais.

- C’est une tenue typiquement japonaise. Comme moi, dis-je en lançant un nouveau clin d’œil. Ca ressemble à… Une robe à manches longues, qui s’ouvre sur le devant. Un gilet. Une robe gilet. Hm…

Je réfléchis à la meilleure manière de lui décrire cela. Puis, me rappelant que j’avais mon sac de cours avec moi, je me mis à chercher ma trousse et un cahier. Un stylo vert à la main, je m’appliquai à dessiner ce qu’était ce fameux kimono. Je n’étais pas très forte – pas du tout même – en dessin. Mais avec un peu de chance, ça allait ressembler au vrai vêtement. Quand j’eus fini, je lui tendis la feuille.

- Tu vois, c’est à ça que ça ressemble. On attache ça avec une ceinture en tissus. C’est devenu plus une tradition qu’autre chose, et les japonais le portent surtout pour les festivals, les fêtes… Mais chez moi, on porte ça tout le temps. Et c’est plutôt agréable ! Ils en font aussi pour homme, d’ailleurs. Je suis sûre que tu porterais très bien le kimono.

Je lui souris. Il avait la carrure parfaite pour avoir l’air classe dans cette tenue. N’importe laquelle d’ailleurs.

- Si tu veux voir ce que ça donne sur quelqu’un, je pourrais te montrer ça quand tu veux ! Et si je réussis à en trouver un pas trop coloré, je pourrais même t’en faire essayer un. Il ne sera pas ajusté, mais, juste pour que tu vois l’effet que ça donne.

Parfait. J’avais trouvé l’excuse parfaite pour le revoir ! Comme je lui avais promis que je ne raterai pas de cours pour lui, je ne pouvais pas vraiment lui dire de venir aujourd’hui. Surtout que je ne savais pas si c’était autorisé de faire venir un garçon dans sa chambre. Mais il serait sûrement occupé avec les petits de la rue, de toute façon. Je ne voulais pas le déranger, surtout s’il aidait de pauvres enfants !
J’étais tellement bien, là, avec lui. Peut-être que c’était parce que j’étais enfin libre. Peut-être que c’était juste parce que c’était… lui. J’avais envie de rester avec lui. Le plus longtemps possible. Je posais mon coude sur le comptoir et appuya ma tête sur ma main. Je le regardais en souriant. Il était vraiment gentil. Et j’étais heureuse d’avoir décidé de le réveiller de sa sieste. S’il tournait la tête vers moi, il rougirait ou il me taquinerait. Mais tant pis. Il était mignon, comme ça, devant mon dessin mal fait. Est-ce que le bonheur pouvait résider dans un sourire et un dessin mal fait ?

Dans ma gêne, je vis le visage de Yumi se transformer à cause de la surprise. Apparemment elle semblait ne pas avoir pensé qu'il était possible que je ne vois pas le monde comme elle. Que je pouvais ne pas connaître l'étendue de ce monde. Puis, elle se reprit, me sourit et me répondit :

- C’est une tenue typiquement japonaise. Comme moi. Ça ressemble à… Une robe à manches longues, qui s’ouvre sur le devant. Un gilet. Une robe gilet. Hm…

Elle sembla réfléchir à la façon dont elle pouvait m'expliquer comment était cette tenue que je n'arrivais pas à visualiser. Finalement, elle prit une feuille et un crayon dans son sac pour me dessiner ce fameux kimono. Elle me tendit la feuille, que je pris, en retentant de m'expliquer :

- Tu vois, c’est à ça que ça ressemble. On attache ça avec une ceinture en tissus. C’est devenu plus une tradition qu’autre chose, et les japonais le portent surtout pour les festivals, les fêtes… Mais chez moi, on porte ça tout le temps. Et c’est plutôt agréable ! Ils en font aussi pour homme, d’ailleurs. Je suis sûre que tu porterais très bien le kimono.

Grâce à ce qu'elle m'avait dessiné, j'arrivais mieux à voir de quoi elle parlait. Mais ce n'était pas encore ça et l'envie de voir cette tenue de mes propres yeux, sur elle qui plus est, était encore plus forte. Elle ajouta en souriant, me faisant lever les yeux vers elle :

- Si tu veux voir ce que ça donne sur quelqu’un, je pourrais te montrer ça quand tu veux ! Et si je réussis à en trouver un pas trop coloré, je pourrais même t’en faire essayer un. Il ne sera pas ajusté, mais, juste pour que tu vois l’effet que ça donne.

L'idée qu'elle veuille m'en faire porter un ne m'étais pas venu à l'esprit. De plus, je n'étais pas certain d'être prêt à tenter l'expérience. Pourtant, si ça pouvais lui faire plaisir, je voulais bien le faire pour elle. Mais rien que pour elle. Cependant, je n'allais pas non plus aller la chercher pour ça.
L'aubergiste revint pour nous demander si nous voulions un dessert. Peu désireux de payer une fortune, je répondis poliment :

- Non merci, Berth.

Puis, elle se tourna vers Yumi pour lui demander :

- Et toi, ma jolie, tu as fais ton choix?

La propriétaire de l’auberge arriva vers nous et nous demanda si nous voulions un dessert. Yasushi répondit poliment que non. Puis, sans grande surprise, elle se tourna vers moi.

- Et toi, ma jolie, tu as fais ton choix?

J’hésitais. J’aurais pu commander un dessert pour faire durer notre repas plus longtemps, et pouvoir discuter encore avec mon ami. Mais je ne voulais pas l’importuner, d’autant plus que je n’avais aucune idée des desserts qu’ils servaient ici. S’il avait dit qu’il voulait quelque chose, j’aurais simplement demandé la même chose, quitte à avoir l’air d’une suiveuse. Mais je ne demanderais rien. Puis, j’avais encore le goût divin du plat que l’on venait de manger, alors, quitte à avoir un goût dans la bouche, autant que ce soit ça !

- Je ne vais rien prendre non plus, merci. La blanquette était tellement bonne, je n’ai plus faim.

Je n’avais vraiment plus faim, en vérité. On ne m’avait jamais fait manger en grande quantité, pour que je garde un poids que mes parents jugeaient acceptable.

- Vous avez de petits appétits, les enfants ! Je reviens dans cinq minutes !

Et elle repartit. Cette femme devait avoir une sacrée dose d’énergie pour réussir à servir et s’occuper de tout le monde. Et sa mémoire ! C’en était admirable.
Mon regard se posa à nouveau sur Yasushi. J’aimais bien parler avec lui ! Mais là, je ne savais pas trop quoi dire. Je n’allais quand même pas parler des heures sur les habitudes vestimentaires des japonais, si ? Non. Ça n’était pas un sujet des plus intéressants. Je pouvais toujours lui parler du Japon. Ou de ma vie là-bas. Mais, je ne paraîtrais pas narcissique ? Oh, de toute façon, il ne restait que cinq minutes avant qu’on doive s’arrêter de nouveau.

- Si tu veux, je peux t’en dire un peu plus sur ma vie au Japon ?

Mais, ce n’était pas lui imposer de parler de moi ? Il s’en moquait peut-être complètement de ma vie d’avant. Surtout que ce serait faire étalage d’une vie sympathique. Enfin, je n’étais pas obligée de tout lui dire. Et s’il en venait à me détester ? Je n’aurais pas dû lui dire ça.
Me grattant la tête, je me repris.

- Enfin, si ça t’intéresse, euh…

Et, comme les mauvaises habitudes avaient la vie dure, je fermai les yeux.

- Non, oublie-ça en fait. Euh… Tu ne trouves pas que le temps dehors est vraiment réjouissant ?

C’était tout ce que j’avais trouvé. Bravo Yumi, pensai-je, il va penser que tu es malade.

Yumi refusa elle aussi de prendre un dessert. J'espérais qu'elle n'avait vraiment plus faim et qu'elle ne se privait pas par ma faute. L'aubergiste, quant à elle, se contenta de nous sourire (comme d'habitude) et nous dit :

- Vous avez de petits appétits, les enfants ! Je reviens dans cinq minutes !

J'espérais qu'elle ne nous réservait pas une mauvaise surprise. Enfin, mauvaise pour moi. Pour ma camarade je ne savais pas. Ce qui était certain c'était que, l'un comme l'autre, on ne savait plus trop de quoi parler. Cela se confirmer quand la brunette tenta de lancer un sujet de conversation :

- Si tu veux, je peux t’en dire un peu plus sur ma vie au Japon ? Enfin, si ça t’intéresse, euh… Non, oublie-ça en fait. Euh… Tu ne trouves pas que le temps dehors est vraiment réjouissant ?

Plus elle avait parlé, plus elle semblait gênée. Je lui souris, un peu mal pour elle. C'était certainement ma faute si elle réagissait comme ça puisque je savais que je n'étais du genre facilement abordable. Dans le but de dissiper son malaise, je lui répondis :

- J'aimerais bien que tu me décrive ton pays. Est-il très différent de l'Angleterre?

Comme il s'agissait du premier sujet de conversation qui lui était venu à l'esprit, j'espérais que cela la mette en confiance et à l'aise. Et puis, découvrir de nouvelles contrées pouvait être intéressant. Enfin, ça dépendait du contexte aussi. C'était pareil que le changement de "résidence" à mon avis. Après, à savoir quel était le sien, il fallait que je lui demande. Qu'est-ce qui l'avait décidée de rejoindre l'académie, quitter sa famille et son pays natal? Pourquoi venir ici?

Il me sourit, et me dit :

- J'aimerais bien que tu me décrive ton pays. Est-il très différent de l'Angleterre?

Par où commencer ? Bonne question. C’était la première fois que je venais en Angleterre, je ne savais donc pas si il y avait beaucoup de différences… Mais de ce que j’avais vu, il y en avait quelques-unes qui m’avaient sauté aux yeux.

- Le Japon est un très beau pays ! Les montagnes, les cerisiers, les temples… Tout me semble magnifique. Mais les règles ont l’air beaucoup plus strictes là-bas. Par exemple, on utilise des suffixes après les noms. Je devrais t’appeler Yasushi-kun, par exemple, et tu devrais m’appeler Yumi-chan. En vérité, j’aimais plus le paysage que les gens et leurs règles de société.

Je n’avais jamais eu beaucoup de relations en dehors de la famille, alors que dire d’autre ? Je pouvais toujours tenter de décrire un peu ma famille. Rapidement. Avais-je de bonnes choses à dire ? Très peu, maintenant.

- J’habitais dans un village, dans la campagne japonaise. Là-bas, l’architecture n’est pas du tout pareil qu’ici. Toutes les portes étaient coulissantes, chez moi. Pour ce qui est de l’école, je ne peux rien dire, mes parents ne voulaient pas que j’y aille. Ils étaient la famille, le clan le plus important du village. Et à cause de mon pouvoir, ils voulaient que je me préserve. Peu de relations, beaucoup de travail ! Et surtout, ils détestaient que je voie des garçons. Ils ne voulaient pas que j’aie de copain. Mais ça ne m’empêchait pas d’en voir, mes cousines avaient des amis masculins. Enfin, tout ça pour dire qu’au Japon, surtout dans un clan qui est très traditionaliste, dans la campagne, il vaut mieux ne pas déroger aux règles. Obéir et subir. Mais le temple à côté de chez moi était très beau.

Je parlais trop. Alors que je regardais au hasard dans la salle, je vis Berth nous regarder de loin. Ces cinq minutes, c’était pour nous rapprocher ? Elle avait forcément une idée derrière la tête. Mais ça ne me dérangeait pas, bien au contraire ! Cela me permettait de rester un peu plus ici.
Je ne lui avais pas du tout décrit le pays. Autant lui demander ce qu’il voulait savoir, je répondrais avec plus de succès, probablement.

- Enfin, dis-je en lui souriant franchement, si tu veux savoir quelque chose, je répondrai à tout. Je suis toute ouïe !

Je fut heureux qu'elle me parle de son pays :

- Le Japon est un très beau pays ! Les montagnes, les cerisiers, les temples… Tout me semble magnifique. Mais les règles ont l’air beaucoup plus strictes là-bas. Par exemple, on utilise des suffixes après les noms. Je devrais t’appeler Yasushi-kun, par exemple, et tu devrais m’appeler Yumi-chan. En vérité, j’aimais plus le paysage que les gens et leurs règles de société.

Les règles... C'était une chose que je n'aimais pas du tout, sauf quand elles préservaient la paix et la justice. Et même si je n'arrivais pas toujours à m'y plier, je savais que ces dernières étaient essentielles. C'était désespérant, mais ce que me racontait Yumi était vraiment ce qui me cloua sur place. Jamais je n'aurais imaginé qu'on soit obligé de mettre des suffixes derrière les noms!

- J’habitais dans un village, dans la campagne japonaise. Là-bas, l’architecture n’est pas du tout pareil qu’ici. Toutes les portes étaient coulissantes, chez moi. Pour ce qui est de l’école, je ne peux rien dire, mes parents ne voulaient pas que j’y aille. Ils étaient la famille, le clan le plus important du village. Et à cause de mon pouvoir, ils voulaient que je me préserve. Peu de relations, beaucoup de travail ! Et surtout, ils détestaient que je voie des garçons. Ils ne voulaient pas que j’aie de copain. Mais ça ne m’empêchait pas d’en voir, mes cousines avaient des amis masculins. Enfin, tout ça pour dire qu’au Japon, surtout dans un clan qui est très traditionaliste, dans la campagne, il vaut mieux ne pas déroger aux règles. Obéir et subir. Mais le temple à côté de chez moi était très beau.

C'est ce qu'il m'avait semblé : elle était née dans une riche famille. Mais, comme lorsque je m'en étais douté, je ne pouvais pas lui en vouloir. D'autant plus qu'elle semblait ne pas supporter sa famille. Je me demandais pourquoi d'ailleurs. S'était-il passé quelque-chose? Je ne savais pas si je pouvais le lui demander. Je décidais donc de saisir la perche qu'elle me tendrait pour le faire.

- Enfin, si tu veux savoir quelque chose, je répondrai à tout. Je suis toute ouïe !

Parfait! pensais-je en me préparant à parler.

- Dis-moi, j'ai remarqué que tu semblais ne pas aimer ta famille. Je peux me tromper, mais si j'ai raison, pour quelle raison? Il s'est passé quelque chose?

En prononçant mes pensées, j'avais l'impression d'être indiscret. Je rougis donc, envahis par un malaise qui m'obligea à ajouter :

- Tu n'es pas obligée de répondre! Mais... j'aimerais mieux te connaître...

Je me mis à regarder le bar d'une façon si intense que j'aurais pu faire un trou dedans. J'espérais simplement qu'elle ne m'envoie pas méchamment balader, même si elle en avait le droit.

- Dis-moi, j'ai remarqué que tu semblais ne pas aimer ta famille. Je peux me tromper, mais si j'ai raison, pour quelle raison? Il s'est passé quelque chose?

Il rougit. Il était mignon, quand il rougissait. Je n’eus pas le temps de répondre qu’il ajouta rapidement :

- Tu n'es pas obligée de répondre! Mais... j'aimerais mieux te connaître...

Je souris, heureuse qu’il ait envie de mieux me connaître. J’étais contente qu’il cherche à savoir qui j’étais, d’où je venais… Même si c’était moi qui avait lancé le sujet.

- Ca ne me dérange pas. Le début de l’histoire est plutôt satisfaisant, c’est la fin qui… est gênante.

J’avais eu du mal à le dire. Personne n’était au courant. Du moins, moi, je n’avais jamais mis personne au courant. Je ne savais pas quel effet ça me ferait d’en parler. Devais-je tout lui raconter ? Je verrais bien…
Je souriais, mais la joie n’y était plus vraiment. Ca commençait mal. Peut-être qu’il ne verrait pas derrière ce sourire, qu’il ne verrait pas que je n’étais plus si joyeuse. J’espérais qu’il ne le verrait pas.

- Quand j’étais toute petite, on me traitait comme une princesse. Personne ne voulait me contrarier. Je n’avais jamais rien connu d’autre, alors, ça me semblait normal. Puis on a découvert mon pouvoir. Et on ne laissait plus rien passer. J’étais heureuse cependant. Je recevais une éducation stricte, et je dois avouer que je souffrais physiquement. Surtout que je ne comprenais pas l’intérêt de mon pouvoir. J’avais très peu le droit de sortir, et il devait toujours y avoir quelqu’un à côté de moi. Mais j’aimais mes parents. Et je pensais qu’ils m’aimaient pour ce que j’étais.

Finalement, y’a-t-il une seule partie de l’histoire qui ne faisait pas mal ? Je n’avais jamais raconté mon existence à personne, et maintenant que je le faisais, je me rendais compte que j’avais été un objet, en quelque sorte.
Je ne souriais plus. Je n’aurais pas dû réfléchir à ça. Pas autant. Surtout que je ne devrais pas me plaindre, ma sœur avait bien plus souffert.

- Mais je crois que… Ils n’aimaient que le fait que j’aie un pouvoir. Et pas mon caractère. Et j’ai commencé à réfléchir, à me poser des questions, et j’ai compris que quelque chose clochait. Ils évitaient les questions en m’occupant à travailler. Je méditais beaucoup. Mais je les aimais tout de même. C’étaient mes parents, tu vois ? Je ne pouvais pas les détester, surtout qu’ils… faisaient mine de vouloir me rendre heureuse. J’avais le droit de sortir, mais je n’avais plus le temps. Je pense qu’ils le savaient. Enfin, à ce moment-là, je ne pensais pas à tout ça. J’étais juste une enfant surprotégée, beaucoup entraînée, mais heureuse. Ce n’est venu que quand…

Je baissai la tête. Je pourrais couper ici. Je pourrais ne pas lui dire. C’était l’histoire de ma sœur, avais-je le droit de la raconter ? J’allais paraître faible, si j’arrêtais. Mais si je continuais… Comment réagirais-je ?
Fixant mes genoux, je décidai de continuer. Tant pis pour l’image de la famille, elle méritait d’être ternie. Et il s’était ouvert à moi, alors, à mon tour de m’ouvrir à lui.

- Alors que je me baladais dans la maison, j’ai vu une fille qui ressemblait à ma mère. C’était ma sœur. Je ne savais pas que j’avais une sœur. Tu sais le pire ? On a le même prénom. Ils n’étaient pas satisfaits d’elle, alors ils l’ont enfermée, oubliée, et m’ont donné son prénom. Et depuis ce jour, j’ai commencé à les détester.

J’avais le cœur serré. Mon estomac me brûlait. Et je me rendis compte que j’avais les poings serrés. Ca n’allait pas.

- Depuis ce jour, je me suis sentie mal d’être heureuse. Et j’eus deux souhaits. L’un était de rendre les gens heureux. J’en avais déjà envie avant, mais je venais de prendre conscience que ce monde était… erroné et affreux. Alors je voulais encore plus aider. Et l’autre était de voir ma sœur. Elle est avec nous, à l’académie. J’étais euphorique à l’idée d’y entrer. Je vais enfin pouvoir la connaître. Enfin… Voilà pourquoi je déteste ma famille. Il n’y a que ma sœur que j’apprécie. Je ne veux pas retourner vivre avec eux. Je veux juste être avec ma sœur.

Je ne pouvais me résoudre à relever la tête. Je ne voulais pas qu’il voie mon visage. J’avais l’air déprimée, c’était sûr. Enervée et déprimée. Et je ne voulais pas non plus voir son expression à lui. S’il était surpris, compatissant ou quoi que ce fut d’autre. Ma frange cachait mes yeux et mes cheveux devaient créer une ombre empêchant de voir ce que je ressentais. Je ne voulais pas lui faire pitié.
D’une voix que je n’espérais pas cassante – je n’arrivais pas à contrôler le ton de ma voix quand j’étais dans cet état – je conclus par.

- Désolée de t’avoir raconté tout ça. Ca a dû t’embêter. Et je n’ai  pas le droit de me plaindre, j’ai bien vécu, moi, contrairement à ma sœur, toi et des tas d’autres gens. Désolée.

Il allait m'en vouloir de m'être plainte. Et il avait raison. Je ne devrais pas me plaindre de ce que j'avais eu...

- Ca ne me dérange pas. Le début de l’histoire est plutôt satisfaisant, c’est la fin qui… est gênante.

En me disant cela, Yumi parut heureuse. Mais, quand elle continua, son expression me sembla étrange. J'avais l'impression qu'elle souriait sans joie. Je n'aimais pas ce genre de sourire, mais je ne dis rien. Je la laissai parler tranquillement :

- Quand j’étais toute petite, on me traitait comme une princesse. Personne ne voulait me contrarier. Je n’avais jamais rien connu d’autre, alors, ça me semblait normal. Puis on a découvert mon pouvoir. Et on ne laissait plus rien passer. J’étais heureuse cependant. Je recevais une éducation stricte, et je dois avouer que je souffrais physiquement. Surtout que je ne comprenais pas l’intérêt de mon pouvoir. J’avais très peu le droit de sortir, et il devait toujours y avoir quelqu’un à côté de moi. Mais j’aimais mes parents. Et je pensais qu’ils m’aimaient pour ce que j’étais.

C'est bien ce que je pensais : être dans une famille était extrêmement risqué. La preuve était son ressenti sur son vécu avec du recul. Je ne lui répondis pas, préférant la laisser me raconter son histoire en entier. De plus, elle semblait souffrir de ce qu'elle disait : son sourire avait disparut, ce qui me faisait mal. Mais pourquoi Diable lui avais-je demandé ça?

- Mais je crois que… Ils n’aimaient que le fait que j’aie un pouvoir. Et pas mon caractère. Et j’ai commencé à réfléchir, à me poser des questions, et j’ai compris que quelque chose clochait. Ils évitaient les questions en m’occupant à travailler. Je méditais beaucoup. Mais je les aimais tout de même. C’étaient mes parents, tu vois ? Je ne pouvais pas les détester, surtout qu’ils… faisaient mine de vouloir me rendre heureuse. J’avais le droit de sortir, mais je n’avais plus le temps. Je pense qu’ils le savaient. Enfin, à ce moment-là, je ne pensais pas à tout ça. J’étais juste une enfant surprotégée, beaucoup entraînée, mais heureuse. Ce n’est venu que quand…

Découvrir la véritable nature de ses parents était quelque chose de vraiment douloureux quand celle-ci est mauvaise. J'étais bien placé pour le savoir! Et nos deux situations n'étaient pas comparables. Il m'était donc impossible de la juger. Au contraire, je préférais juger ses parents. Et encore, je n'étais pas au bout de mes surprises !

- Alors que je me baladais dans la maison, j’ai vu une fille qui ressemblait à ma mère. C’était ma sœur. Je ne savais pas que j’avais une sœur. Tu sais le pire ? On a le même prénom. Ils n’étaient pas satisfaits d’elle, alors ils l’ont enfermée, oubliée, et m’ont donné son prénom. Et depuis ce jour, j’ai commencé à les détester.

Pardon?! Elle avait une soeur qui s'était fait reniée?! Là j'étais catastrophé! Mais comment des parents pouvaient être capable de faire un truc pareil?!

- Depuis ce jour, je me suis sentie mal d’être heureuse. Et j’eus deux souhaits. L’un était de rendre les gens heureux. J’en avais déjà envie avant, mais je venais de prendre conscience que ce monde était… erroné et affreux. Alors je voulais encore plus aider. Et l’autre était de voir ma sœur. Elle est avec nous, à l’académie. J’étais euphorique à l’idée d’y entrer. Je vais enfin pouvoir la connaître. Enfin… Voilà pourquoi je déteste ma famille. Il n’y a que ma sœur que j’apprécie. Je ne veux pas retourner vivre avec eux. Je veux juste être avec ma sœur.

Je ne savais pas si je comprenais son sentiment, mais j'étais certain que j'aurais été comme elle. après tout, j'avais fugué de chez moi quand j'avais découvert la véritable nature du seul parent qui me restait. Peut-être étais-je le mieux placé dans cette pièce, ou parmi ses amis, pour la comprendre.
Mon amie avait la tête baissée. Je ne voyais pas son expression complète, mais j'étais certain qu'elle était sur le point de pleurer. Malheureusement sa conclusion ne me permit pas de le confirmer :

- Désolée de t’avoir raconté tout ça. Ca a dû t’embêter. Et je n’ai pas le droit de me plaindre, j’ai bien vécu, moi, contrairement à ma sœur, toi et des tas d’autres gens. Désolée.

Ma haine pour ses parents se voyait sur mon visage. Mais c'est détendu que je me levai pour me rapprocher d'elle. Debout, je mis ma main droite sur sa tête, pas brusquement, mais pas trop doucement non plus. Et, d'une voix neutre, je lui répondis :

- Ne sois pas désolée. Tu n'a rien à te reprocher. Par contre j'ai la haine contre tes vieux! Comment peut-on devenir ainsi? Je suis content qu'ils n'aient pas réussis à te faire devenir comme eux.

Je me mis à hésiter un instant, puis finis par avouer :

- Je pense que je comprends un peu ce que tu ressens aujourd'hui. Ça fait un choc quand on se rend compte que nos parents ne sont pas tels que nous les imaginions...

Je lui souris d'une manière que je voulus compatissante. Je n'avais pas pitié. Mais je voulais la soutenir. Simplement la soutenir, puisqu'il m'était impossible de l'aider plus que ça, me semblait-il.

Je sentis sa main se poser sur ma tête. C’était gentil de sa part de se lever pour me réconforter.

- Ne sois pas désolée. Tu n'a rien à te reprocher. Par contre j'ai la haine contre tes vieux! Comment peut-on devenir ainsi? Je suis content qu'ils n'aient pas réussis à te faire devenir comme eux.

Il avait parlé d’un ton neutre. Je ne sus pas trop quoi en penser, et laissai donc ça de côté pour me concentrer sur ses paroles. Je ne l’avais pas agacé, alors ? Tant mieux, ça me soulageait. Il aurait eu toutes les raisons d’être fâché. Après tout, lui avait dû se battre pour survivre. Moi ? Moi, j’avais juste été trahie, en quelque sorte.

- Je pense que je comprends un peu ce que tu ressens aujourd'hui. Ça fait un choc quand on se rend compte que nos parents ne sont pas tels que nous les imaginions...

Je n’aurais pas dû lui faire repenser à un passé douloureux. Je relevai discrètement les yeux vers lui, pour voir si je lui avais fait mal. Il souriait. Son sourire ressemblait à un sourire compatissant. Comment quelqu’un d’aussi gentil pouvait avoir vécu seul dans la rue pendant aussi longtemps ? Comment se faisait-il qu’il n’y avait eu personne pour l’aider et s’occuper de lui ?
Lentement, je posai le haut de mon crâne contre son… ventre ? Quelque part entre son ventre et son torse.

- C’est injuste.

Je n’aimais pas montrer ce côté-là de ma personnalité. Personne ne l’avait jamais vu, à vrai dire. Il allait sûrement trouver ça flippant qu’une fille puisse passer du sourire à un tel état en quelques minutes. Mais il fallait que j’explique ma phrase. Trois mots, était-ce une phrase compréhensible, d’ailleurs ? Non. Il manquait des compléments pour comprendre ce que je voulais dire.

- C’est injuste que des parents agissent comme ça avec leurs enfants. C’est injuste que les humains pratiquent la trahison. Je veux dire… Des tas de gens souffrent et ne le méritent pas. J’ai cru comprendre que… qu’il était arrivé quelque chose par rapport à tes parents. Alors, je me demande… Pourquoi les personnes les plus gentilles doivent subir des choses de la sorte ? Pourquoi souffrir ?

Il fallait que je m’arrête. J’allais lui faire peur, sinon. Qui voudrait continuer de parler avec quelqu’un de déprimant ? Je ne voulais pas l’attirer dans l’abîme dans laquelle j’avais plongé. J’avais une solution pour en sortir, mais… Je ne savais pas si elle serait la bienvenue. Je n’avais qu’à faire mine d’aller beaucoup mieux ? Le problème, c’était que je ne voulais pas lui mentir. Appliquer ce que je rejetais n’était pas bien.

- Est-ce que… tu… Je… Je peux…

Non. Je ne pouvais pas lui demander ça. Il n’allait jamais accepter. Ou il interprèterait mal. C’était risqué. Mais je décidai de tenter. Regardant toujours mes pieds, je repris.

- Est-ce que je peux…

J’allais vraiment le faire ?

- Je peux te prendre dans mes bras, juste un peu, s’il te plaît ?

Il allait dire non. Je comprendrais. Il n’avait pas à faire ça. Mais… J’avais besoin d’aide pour pouvoir aller un peu mieux. Je verrais bien. Et au pire, il me suffisait de ne plus jamais le regarder en face.

Brièvement, elle me regarda. Cela me permit de voir toute sa douleur dans ses grands yeux dorés. N'y avait-il pas quelques larmes en plus? Sans que je puisse le savoir, elle rebaissa la tête pour la poser sur mon ventre. Ce contact me surpris, mais je ne bougeai pas. Si ça pouvait l'aider à aller mieux, alors autant que je sois là pour ça. Je n'allais pas mourir de ce simple contact, même si toutes sorte de sentiments indéfinissables m'envahissaient, explosaient comme des bombes dans mon corps. J'espérais seulement que ça ne se voyait pas : certains clients chuchotaient en nous regardant, et je n'aimais pas ça. Je devinais aussi que la Bernadette veillait elle aussi.

- C’est injuste.

La voix de mon amie ramena mes pensées à elle. La pauvre, j'allais l'occulter... Je m'en voulais d'être ainsi. Mais je comprenais ce qu'elle voulait dire. Ce monde est injuste, cette vie est injuste. Pourquoi devions-nous souffrir alors que nous n'avions rien fait de mal? Cela me ramena à mon arrivée et mes début dans ces rues emplies d'enfants qui vivaient selon la loi du plus fort.

- C’est injuste que des parents agissent comme ça avec leurs enfants. C’est injuste que les humains pratiquent la trahison. Je veux dire… Des tas de gens souffrent et ne le méritent pas. J’ai cru comprendre que… qu’il était arrivé quelque chose par rapport à tes parents. Alors, je me demande… Pourquoi les personnes les plus gentilles doivent subir des choses de la sorte ? Pourquoi souffrir ?

Ses paroles me firent l'effet d'un poids sur le coeur. Elle avait deviné quelque chose que j'aurais préféré qu'elle ignore. Je savais qu'il ne fallait pas que je dise quoi que ce soit par rapport à la trahison, à la déception vis-à-vis de la véritable nature de nos parents. Je me tus donc pour laisser passer la douleur. Mais je ne m'attendais pas à ce qu'elle tente de me demander quelque chose :

- Est-ce que… tu… Je… Je peux…

Oui?

- Est-ce que je peux…

Si tu me dis ce que tu souhaite, peut-être que je pourrais te l'accorder...

- Je peux te prendre dans mes bras, juste un peu, s’il te plaît ?

C'était à en tomber par terre! Je m'attendais à beaucoup de chose, genre que je lui raconte mon histoire, que je lui parle de l'Angleterre ou qu'on aille se promener dans les rues... mais pas à ça! Enfin, il y avait pire comme requête et je n'allais pas me plaindre. D'autant plus qu'elle avait commencé le câlin en question. Comme les chaises-tabourets sur lesquels nous étions installés tournaient sur eux-même, je tournais de façon à ce que je sois dos aux clients. Hors de questions qu'ils me voient rougir quand j'accéderais à sa requête! Puis, j'enroulai mes bras autour de ses épaules et me mis à caresser ses cheveux d'une main. J'espérais qu'elle apprécierait... Je n'étais pas doué pour ce genre de choses.

- Tu as de la chance qu'on soit ici, et non dehors, lui dis-je doucement sur un air léger de plaisanterie, sinon, je n'aurais pas accepté. Ça t'aurais mise en danger.

Yasushi se tourna doucement dos aux clients puis passa ses bras autour de mes épaules et caressa ma tête d’une main. Je sentais que ça me faisait du bien. Etre dans ses bras était réconfortant, mais qu’il caresse ma tête était rassurant. Plus j’apprendrais à le connaître, plus je le trouverais gentil ? Ça avait l’air d’être le cas. J’aimais ça. Je fermai les yeux, blottie contre lui, et l’entourai de mes bras.

- Tu as de la chance qu'on soit ici, et non dehors, sinon, je n'aurais pas accepté. Ça t'aurais mise en danger.

Il me parlait d’un ton doux. J’étais soulagée de ne pas l’avoir fâché avec mes plaintes. Je ne pensais plus à grand-chose, sauf à la fin de sa phrase. « Ca t’aurait mise en danger ». Avait-il vraiment tant d’ennemis que ça ? Et étais-je si ignorante que cela quant aux dangers des rues anglaises ? Le plus simple serait de lui demander.
Je ne bougeai pas. J’étais bien, là, contre lui. Ce contact était exactement ce dont j’avais besoin. Je ne savais pas si ce qui me réconfortait le plus était lui ou ses gestes. Probablement un peu des deux. Les yeux toujours fermés, ma tête contre son torse, je commençai à parler.

- Merci beaucoup d’avoir accepté, c’est vraiment gentil. Et désolée de t’avoir demandé  ça.

Je resserrai doucement mes bras autour de lui. Je ne savais pas s’il verrait que c’était une marque d’affection. C’en était une, mais c’était peut-être trop vague pour être compris. Mais je l’avais fait aussi pour me donner du courage, pour la question que j’allais poser. Je doutais du fait qu’elle soit bonne à poser, mais… Il fallait bien que je sache ça, juste au cas où.
Je ne bougeai toujours pas, car j’aimais trop avoir sa main sur mes cheveux. Je pris donc un ton que j’espérais plus joyeux et lui dit :

- C’est gentil de vouloir me protéger, aussi. Merci pour ça. Mais… Tu as tant d’ennemis que ça ?

Il devait en avoir, et sûrement des dangereux, s’il voulait absolument que je les évite. Je relevai un peu la tête, juste assez pour le voir, mais pas assez pour qu’il retire sa main. J’avais envie qu’elle reste là, c’était vraiment agréable.
En le regardant, je lui souris doucement. Il fallait qu’il voie qu’il m’avait réconfortée.

Nous restâmes silencieux un moment pendant lequel je la sentis se détendre. Il me semblait que les mômes aussi se détendaient lorsque je les prenais dans mes bras. Avais-je donc ce pouvoir là? Il ne me semblait pas. Et il aurait été bête de ma part de croire que seule ma présence y était pour quelque chose. Pour éviter de pousser la réflexion vers les sujets tabous, je me concentrais sur mes gestes. Bien que répétitifs, j'avais bizarrement envie que ça dure le plus longtemps possible.

- Merci beaucoup d’avoir accepté, c’est vraiment gentil. Et désolée de t’avoir demandé ça.

Jamais je n'avais été aussi rouge qu'à ce moment-là. Déjà les gestes que je faisais, bien qu'agréables pour nous deux apparemment, n'étaient pas dans mes habitudes. Et le fait qu'elle s'excuse pour ça me mettait mal à l'aise. Mais le pire était tous ces yeux que je sentais tournés vers nous! Si seulement nous pouvions être dans une salle, seuls... Mais n'était-ce pas embarrassant d'être seul avec une fille?!
Pendant que je me posais mille questions, je sentis la brunette me serrer au niveau de la taille. Cela me sortit de mes pensées et me permit de me concentrer à nouveau sur elle. Elle ne semblait pas avoir changé d'expression, pourtant, le son de sa voix me parut plus joyeux quand elle parla :

- C’est gentil de vouloir me protéger, aussi. Merci pour ça. Mais… Tu as tant d’ennemis que ça ?

La question piège!! Mais je lui répondis en toute franchise, avec un air on ne peut plus sérieux :

- Disons que j'ai un ennemi suivi par tout un groupe de personnes comme moi qui n'hésitent pas à voler, piller, taper et humilier toutes les personnes qu'ils croisent. Je suis totalement contre ce genre de procédés. Donc, forcément, dès qu'on se voit on ne peut pas se tolérer.

Je fis une pause pour me souvenir de ce qu'avait dit l'aubergiste avant de reprendre :

- Tu te souviens, quand l'aubergiste t'a dit que je n'arrêtais pas de me battre? C'est principalement à cause de ça. Et je ne supporte pas qu'on s'en prenne impunément à mes mômes, donc forcément je vais rendre les coups aux fauteurs de troubles. Dans les rues la principale loi est celle du plus fort. La plupart d'entre nous qui ont vécu dehors, sans famille, ne connaissent ni l'entraide, ni la charité... Personnellement, j'en ai souffert. J'ai donc décidé de réunir les gosses qui ne voulaient pas vivre ça et j'essais d'en prendre soin.

J'espérais qu'elle comprendrait ce que je voulais dire. Mais, vu mes explications un peu chaotiques, j'en doutais un peu.

En voyant son air si sérieux, je me dis que je n’aurais pas dû poser la question.

- Disons que j'ai un ennemi suivi par tout un groupe de personnes comme moi qui n'hésitent pas à voler, piller, taper et humilier toutes les personnes qu'ils croisent. Je suis totalement contre ce genre de procédés. Donc, forcément, dès qu'on se voit on ne peut pas se tolérer.

Et après une petite pause, il ajouta :

- Tu te souviens, quand l'aubergiste t'a dit que je n'arrêtais pas de me battre? C'est principalement à cause de ça. Et je ne supporte pas qu'on s'en prenne impunément à mes mômes, donc forcément je vais rendre les coups aux fauteurs de troubles. Dans les rues la principale loi est celle du plus fort. La plupart d'entre nous qui ont vécu dehors, sans famille, ne connaissent ni l'entraide, ni la charité... Personnellement, j'en ai souffert. J'ai donc décidé de réunir les gosses qui ne voulaient pas vivre ça et j'essais d'en prendre soin.

Il était donc gentil. Gentil, et courageux. Mes impressions, avec le temps, ne faisaient que se confirmer. Mais ça ne servait à rien que je lui dise encore une fois. Et, si il se battait pour ça… Alors il avait raison. Je ne pensais pas dire ça un jour, mais si c’était pour ça, la violence devait être l’unique solution. Je ne savais rien de ce qui se passait dans la rue. Je ne savais rien des souffrances que l’on vivait. Mais ce dont j’étais sûre, c’était que j’approuvais son comportement. C’était d’ailleurs un comportement ironique, quand on pensait que son nom signifiait « pacifique », en japonais. Mais parfois, il fallait se battre pour la paix.
Mes bras toujours autour de sa taille, je me redressai.

- Je ne suis pas pour la violence en général, mais là, je dois dire que j’approuve ton comportement. Si tu te bats pour ce qui t’es cher, alors bats-toi. Je préfère que tu te battes pour eux, pour les aider et tenter de stopper les injustices, plutôt que tu ne fasses rien. Ne te mets juste pas en danger inutilement, et si tu en as envie, pense à… qui se battrait pour eux ?

Puis, j’enchainai sur un air plus taquin.

- C’est mignon, la façon dont tu les appelle, « tes mômes ». J’aime bien cette facette de toi.

Je rougis un peu, espérant le détendre un peu. Au moins, comme ça, il verrait que j’allais mieux. Et puis, je le pensais vraiment. Il était mignon. Et protecteur.

- En fait, finis-je avec une voix un peu moins taquine, tu es une sorte de justicier des rues très protecteur. C’est merveilleux d’être comme ça.

Je souris en attendant de voir ses réactions. Je ne savais pas s’il verrait combien je pensais mes mots, mais au moins, je lui avais dit. Et ça allait faire son petit chemin dans son esprit.

Lorsqu'elle se redressa, je l'imaginais en train de me gronder, de me dire que la violence n'était pas une solution, qu'il fallait faire appel à la police ou une autre forme d'autorité. Or, faire appel aux forces de l'ordre ne rendrait personne heureux. Certains enfants, comme moi, avaient choisis de vivre dans la rue, d'autres avaient fuis l'orphelinat à cause de mauvais traitements, ou d'autres avaient toujours vécus ainsi tant leurs parents décédés étaient pauvres. Leur demander d'aller à l'encontre de leur choix ou de leur mode de vie n'était pas la meilleure chose à faire et je ne savais pas s'il était possible pour quelqu'un ne l'ayant pas vécut de le comprendre. Pourtant, Yumi me surpris en allant dans mon sens :

- Je ne suis pas pour la violence en général, mais là, je dois dire que j’approuve ton comportement. Si tu te bats pour ce qui t’es cher, alors bats-toi. Je préfère que tu te battes pour eux, pour les aider et tenter de stopper les injustices, plutôt que tu ne fasses rien. Ne te mets juste pas en danger inutilement, et si tu en as envie, pense à… qui se battrait pour eux ?

Si j'avais mal compris, mal entendu ou autre, j'étais prêt à m'encastrer la tête dans le mur le plus proche et à m'enterrer vivant. Elle approuvait? Vraiment? Alors que, plus tôt, elle avait promit à Berth de faire en sorte que je me batte moins? J'avais du mal à réaliser ce qu'elle avait dit. Et lorsque je compris enfin que c'était bel et bien réel, elle enchaînait sur le ton de la plaisanterie :

- C’est mignon, la façon dont tu les appelle, « tes mômes ». J’aime bien cette facette de toi.

Je m'arrêtais soudainement de respirer, ne pouvant rougir plus que je l'étais déjà. Mignon? Moi? Non, impossible! C'était totalement impossible. Elle devait se tromper. Pour estomper mon malaise, je regardai ailleurs.

Tiens, je ne savais pas qu'il y avait un trou dans ce mur, pensais-je en imaginant un gros trou dans le mur près de la porte d'entrée.

Cette petite comédie intérieure me permit de me calmer assez pour respirer à nouveau par l'oublie de mon malaise. Au moins elle allait mieux. Je n'allais pas lui en vouloir. Enfin, elle conclut avec un air un peu plus sérieux :

- En fait, tu es une sorte de justicier des rues très protecteur. C’est merveilleux d’être comme ça.

Alors comme ça elle me voyait comme un super-héros? Genre en collant, cape et des supers pouvoirs? C'était à des années lumière de ce que j'étais réellement à mon sens. Je ne vis pas son compliment.

- Je n'ai rien d'un justicier, lui répondis-je, légèrement morose, et encore moins d'un super-héros. La plupart du temps j'aspire la peur aux personnes qui croisent ma route et les seuls que je fais sourire sont les personnes qui, comme toi, me trouvent gentil. Mais va donc demander aux personnes qui m'ont cherché des noises si je suis un enfant de choeur...

Non, elle ne savait pas ce que j'étais capable de faire quand j'étais en colère. Elle ne savait pas que j'avais envoyé plusieurs personnes à l'hôpital tant la violence de mes coups avait été présente. Et ce qui m'avait sauvé de la prison, des autorités ou autres c'était les méfaits des personnes qui avaient subis ma violence. Comme ils pouvaient être punis pour ça, ils n'osaient pas me dénoncer au risque de se faire interroger sur les circonstances des faits. Je dois tout de même remercier la rue : elle préservait notre honnêteté , même si le vol n'était pas le meilleur moyen de le prouver. Mais, ce que je veux dire par là, c'est que nous étions incapable de mentir. Incroyable, n'est-ce pas?

- Je n'ai rien d'un justicier, et encore moins d'un super-héros. La plupart du temps j'aspire la peur aux personnes qui croisent ma route et les seuls que je fais sourire sont les personnes qui, comme toi, me trouvent gentil. Mais va donc demander aux personnes qui m'ont cherché des noises si je suis un enfant de choeur...

Je n’aurais pas dû dire ça. Des fois, je m’en voulais de parler sans penser à ce que ça pouvait provoquer. Comme en ce moment même. Au moins, je savais qu’il ne fallait plus que j’utilise ces mots-là.
Mais, d’une certaine façon, ce qu’il disait était tout à fait logique. Evidemment que les personnes qui l’ont cherché ne vont pas l’apprécier, et peut-être même avoir peur de lui. Et j’avouerais que je n’avais pas du tout envie de le mettre en colère. Mais… D’une certaine façon, il restait un justicier. Un peu comme… Robin des Bois. Il doit enfreindre les lois pour protéger.
Je ne savais pas trop comment appuyer ce que je pensais. Il rejetterait sûrement tout ce que j’avais à dire. Mais, ne valait-il mieux pas essayer ? Je n’avais rien à perdre après tout.

- Je ne sais pas ce qui pourrait te convaincre d’essayer de voir la situation de mon point de vue, mais… C’est normal que les personnes qui te cherchent des noises le paient. Bien sûr, je préfèrerais que tu ne te battes que pour les cas de grande urgence, mais le fait est que je ne connais rien à la vie dans la rue. Cependant, je sais que l’on ne peut pas comparer ça à la situation d’une personne qui ne vit pas dehors.

J’étais peut-être hors-sujet. Il trouverait ça peut-être stupide. Mais je ne comptais pas lui faire dire qu’il était la personne la plus calme ou un enfant de chœur, ça n’arriverait pas. Si l’idée qu’il n’était pas si mauvais qu’il le pensait pouvait mûrir en lui, en revanche, j’en serais ravie. Je trouvais vraiment qu’il n’était pas mauvais. Il était quelqu’un de bon. Ses méthodes n’étaient pas celles que j’utiliserais, mais à moins d’avoir vécu comme lui, qui pourrait le blâmer ? En fait, tout le monde. Mais je ne serais pas de ceux-là. La violence, dans ce cas-ci, devait être la seule solution, j’imagine.
Puis je m’imaginai à sa place. Une Yumi enfant, seule, dans la rue. J’en tremblais un peu.

- En fait, je m’imagine à votre place. Moi, je n’aurais pas survécu longtemps, je pense, si j’avais été une cible. Surtout si personne ne tentait de m’aider. Tant que ça peut aider des gens, je me dis que ces batailles sont… ne sont pas choquantes. Enfin, si, mais légitimes. Je ne t’encourage pas à te battre pour tout, mais, je dis juste certaines batailles sont capitales.

Je lui souris. S’il trouvait ce que je disais étrange, ce n’était pas grave. Tant qu’il savait que j’étais de son côté, ça m’allait. Et puis, ça ne changerait rien. Pour le moment, je ne pouvais rien faire pour l’aider à réduire ses bagarres. Je pouvais juste lui dire ce que je pensais. Mais je comptais tout de même tenir ma promesse, celle que j’avais faite à l’aubergiste.

Quand je posai les yeux sur la jeune fille, je vis que je l'avais peinée. Je m'en voulu beaucoup. Comment allais-je pouvoir me rattraper? Qu'est-ce qui pourrait ramener son sourire? Changer de sujet, peut-être... Mais je n'en eu pas l'occasion :

- Je ne sais pas ce qui pourrait te convaincre d’essayer de voir la situation de mon point de vue, mais… C’est normal que les personnes qui te cherchent des noises le paient. Bien sûr, je préfèrerais que tu ne te battes que pour les cas de grande urgence, mais le fait est que je ne connais rien à la vie dans la rue. Cependant, je sais que l’on ne peut pas comparer ça à la situation d’une personne qui ne vit pas dehors.

Je ne sus que lui répondre. Elle ne semblait pas avoir abandonné son idée. Au contraire, j'avais l'impression qu'elle voulait que je comprenne où elle voulait en venir. Loin de me mettre en colère, j'étais content qu'il en soit ainsi. Ne pas s'arrêter sur mon mauvais caractère pour chercher plus en profondeur. Peu de personnes parvenaient à faire une telle prouesse. Mais, cela me donna envie de lui donner une chance de comprendre en profondeur la vie que j'avais menée. Une idée commença alors à germer dans mon esprit.

- En fait, je m’imagine à votre place. Moi, je n’aurais pas survécu longtemps, je pense, si j’avais été une cible. Surtout si personne ne tentait de m’aider. Tant que ça peut aider des gens, je me dis que ces batailles sont… ne sont pas choquantes. Enfin, si, mais légitimes. Je ne t’encourage pas à te battre pour tout, mais, je dis juste certaines batailles sont capitales.

Je me mis à sourire, fière de moi et de ce que je m'apprêtais à faire. Le bourgeon était devenu fleur et la fleur allait devenir un fruit sous peu. Je fis signe à Berth que je m'en allais avec mon amie avant de prendre la main de cette dernière. En l'aidant à se lever, je lui annonçai :

- Je vais t'aider à nous comprendre. Mais pour ça, nous allons sortir dehors. On va s'amuser.

Nous sortîmes et je l'entraînai dans les rues, toujours en lui tenant la main. Pendant quelques minutes je pris des virages impossibles, des ruelles étroites..., je fis tout pour qu'on nous perde si jamais on tentait de nous suivre. Je faisais tout de même attention à Yumi, pour qu'elle ne se perde pas, ni qu'elle se blesse. Et, enfin, nous arrivâmes dans un espace assez arrondi non loin de la cachette dans laquelle logeais mes mômes.

- On est arrivés! Ah, ce que cet endroit peut me manquer!

Je lâchais la main de la jeune fille pour m'étirer un peu. Puis, je me tournai vers elle, un grand sourire aux lèvres, et lui dit :

- Bienvenue dans le repaire de mon groupe, bien que ce ne soit pas encore notre planque. Alors, si je t'ai amenée ici, c'est pour te faire jouer à un jeu qui te permettrait de mieux comprendre les enfants dont on parlait tout à l'heure. Ça te dit?

Après mes mots, il se mit à sourire. Trouvait-il cela bête ? Ou plaisant, peut-être ? Je ne le sus pas tout de suite. Il fit signe à sa bienfaitrice que nous partions.

- Je vais t'aider à nous comprendre. Mais pour ça, nous allons sortir dehors. On va s'amuser.

V-vraiment ? J’étais très heureuse, mais tout aussi étonnée. J’étais sûre que mes yeux s’étaient ouverts et arrondis, tels des soucoupes. Il voulait vraiment que je le comprenne ? C’était plutôt bon signe, ça, n’est-ce pas ? Je souris moi aussi, contente qu’il veuille que j’en sache plus sur la façon dont il avait vécu.
Si je ne connaissais rien de la ville, lui, il en connaissait bien tous les recoins. C’était ce que j’avais conclus en me laissant entraîner à travers de multiples ruelles et de nombreux virages. Je ne savais pas trop pourquoi on faisait tous ces détours, mais je lui faisais confiance. Après tout, il avait vécu ici, il savait quoi faire. Il s’arrêta finalement à un endroit arrondi. Je ne savais pas du tout ce que nous allions faire ici, mais j’allais bientôt le savoir.

- On est arrivés! Ah, ce que cet endroit peut me manquer!

C’était donc là qu’il avait vécu ? J’eus un pincement au cœur en voyant – et non plus en écoutant juste – qu’il avait grandi ici, dans la rue. Un enfant ne devrait pas avoir à subir ça. Néanmoins, il avait l’air heureux d’être ici. Je ne laissais donc rien paraître de ce que je pensais et regardai tout ce qui était autour de moi, curieuse.
Il lâcha ensuite ma main, avant de s’étirer et de revenir vers moi, un grand sourire aux lèvres. Le voir ainsi me faisait vraiment plaisir. Je lui fis un grand sourire moi aussi.

- Bienvenue dans le repaire de mon groupe, bien que ce ne soit pas encore notre planque. Alors, si je t'ai amenée ici, c'est pour te faire jouer à un jeu qui te permettrait de mieux comprendre les enfants dont on parlait tout à l'heure. Ça te dit?

Si ça me disait ? Bien sûr ! J’avais envie de comprendre par moi-même ce qu’ils avaient tous vécu. Il avait été très gentil de me le proposer. Bon, évidemment, c’était plutôt triste si on y réfléchissait bien, mais il m’avait laissé une chance de bien comprendre ce qu’il ressentait. N’était-ce pas une preuve qu’il m’aimait bien ?
J’étais toujours souriante quand je lui répondis :

- Evidemment que ça me dit ! Alors, dis-moi tout, qu’allons-nous faire ?

J’avais hâte de voir ce qu’il me réservait, surtout que là, je n’avais aucune idée de ce à quoi il avait pensé. Impatiente, je le regardais en attendant qu’il réponde. Il avait l’air bien, dans cet endroit.