Un tête à tête mouvementé [Pv Yumi J. - FIN]

Rappel du premier message :

Cela faisait quelques dizaines de minutes que j'étais sorti de l'Académie en compagnie d'une fille. Qui était-ce? Yumi, une nouvelle de cet établissement. Notre but? Aller manger... ensemble.

"Je pense que c’est une bonne idée, mais je serais obligée de te suivre, je ne connais rien à cette ville. Allons-y !"

C'est ce qu'elle avait dit en souriant comme si je venais de lui offrir ce qu'elle avait désiré depuis un certain temps. C'était gênant. D'autant plus que je devais lui servir de guide! Mais, malgré cela, je n'arrivais pas à trouver cela dérangeant. Quant à elle, il me semblait qu'elle s'amusait en marchant à mes côtés. Tant mieux pour elle. Perso, je préférais surveiller les alentours. Comme je le lui avais dit plus tôt, nous pouvions bien faire des rencontres. Je n'avais pas précisé si celles-ci seraient bonnes ou mauvaises.

Lorsque nous arrivâmes enfin dans le quartier communément appelé "touristique", ma vigilance s'accrue. Comme c'était là que j'avais pris l'habitude de voler, lorsque j'étais plus jeune, je me doutais que d'autres y avait pensé. De plus, bien que je ne le fis pas savoir, je vis plusieurs cas se produire tendis que je marchais machinalement vers mon ancien refuge. Que dirait l'aubergiste en me voyant?

Plus on s'approchait de l'objectif, plus les tentatives pour nous voler étaient nombreuses, bien que discrètes. Je pris donc la main de Yumi et durcis mon regard pour leur signifier que, s'ils tentaient quoi que ce fut, ils allaient s'en mordre les doigts. Je ne fis pas attention au fait que la jeune fille puisse être gênée par ce contact. Pour moi, je la protégeais simplement. Et ce, jusqu'à ce que nous fûmes devant une simple porte en bois vieilli par le temps. Lorsque je l'ouvris, elle grinça avant de laisser place à un espace animé fait de bois principalement. L'ambiance joyeuse qui régnait me rappela beaucoup de souvenirs. En regardant dans notre direction, l'aubergiste me vit et faillit laisser tomber le verre qu'elle essuyait en s'exclamant :

- Y-Yasushi?! Toi ici? Et accompagné qui plus est? Ben ça alors! Si je m'attendais... Entrez donc, et venez vous asseoir!

La réaction bienveillante de la vieille dame me fit sourire franchement. C'est avec ce dernier que je me tournai vers ma camarade pour lui dire :

- Elle ne changera jamais... Aller, viens.

Puis je l'entraînais vers le bar vers lequel je comptais m'installer.

L'attitude qu'elle adopta pour réfléchir lui donna un air on ne peut plus sérieux. Elle avait sa main sur son menton et ses sourcils s'étaient imperceptiblement froncés. Puis, alors que je sentais mes lèvres s'étirer doucement, elle me sourit doucement et me répondit :

- Je dirais qu'ils sont quinze environ, mais ils étaient tellement vifs que les compter est difficile.

Je hochais la tête. Il me semblait qu'ils étaient bien plus que ça, mais n'étant pas capable de compter au-delà de la dizaine, je n'avais pas mon mot à dire sur ça. Si l'orphelin n'avait pas été en face de moi, j'aurais certainement soupiré, las de mon ignorance et de mon incapacité. Dans ces moment-là, mon esprit meurtrier s'éveillait pour aller maudire mon paternel, faute de pouvoir le frapper à mort.
Je refoulai mes idées noires et remerciait mon amie :

- Merci, Yumi. Puis, je retournai vers le gamin qui attendais une réponse en souriant, les yeux pétillants de malice : Bon, comme l'a dit mon amie ici présente, je l'ai faite à une ribambelle de gamins comme toi.

Il recommença à râler par rapport à son surnom, ce qui ne manqua pas de me faire rire, amusé. J'adorais les faire rouspéter comme ça. Et, quand ils s'y habituaient, ils ne manquaient pas de me rendre la monnaie de ma pièce, ce qui était assez drôle à voir.
Les moments passés avec eux me manquaient. Bien que ça ne fasse que peu de temps que j'étais entré à l'académie, ma seule envie était de retourner à ma vie d'orphelin de la rue. Je ne voulais pas avoir de comptes à rendre et les relations "civilisés" étaient beaucoup trop compliquées à mon goût.

- Alors, que décides-tu? Préfères-tu être dans un groupe soudé dans les difficultés ou devoir te débrouiller par toi-même en risquant de te faire tabasser chaque jour et manquer de mourir de faim?

J'étais dur, j'en étais certain. Mais, d'un autre côté, il ne fallait pas que je lui voile la face. Le risque en restant seul, parfois même en dessous de ce qu'on appelait la chaîne alimentaire, c'était bel et bien de mourir... seul. Et encore! Je ne lui parlait pas de ma peur d'être arrêté par la police, être emmené à l'orphelinat et d'avoir une famille. Peut-être que sa vision des choses concernant cela était radicalement différente de la mienne et lui en parler pouvait avoir l'effet inverse de celui escompté.

Après quelques instants de réflexion, le gamin m'avoua qu'il cherchait un groupe tel que le mien d'une petite voix, presque honteux. Je lui sourit et lui ébouriffai le cheveux en lui disant :

- Alors bienvenue dans ma bande, petit! Et ne sois pas honteux, ce que tu me dis là me fait très plaisir.

Je me tournai vers Yumi après m'être relevé et lui sourit, heureux :

- Je n'ai plus qu'à le mener à la planque. A moins qu'on ne croise un de mes garnements. Tu veux nous accompagner?

J'avais confiance en elle. Et je ne savais même pas pourquoi...

Il hocha la tête avant de remercier, puis de dire au petit devant nous :

- Bon, comme l'a dit mon amie ici présente, je l'ai faite à une ribambelle de gamins comme toi.

Je me demandai si des enfants avaient déjà refusé sa proposition. Probablement. Mais ce n'était sûrement pas le moment.
Au mot « gamin », le petit avait râlé, et Yasushi rigolé. Il avait un rire qui me plaisait. Enfin, euh... Un rire plaisant. Qui me plaisait. Rah ! Pourquoi je pensais à ça, je ne le connaissais que depuis quelques heures !

- Alors, que décides-tu? Préfères-tu être dans un groupe soudé dans les difficultés ou devoir te débrouiller par toi-même en risquant de te faire tabasser chaque jour et manquer de mourir de faim?

Oh. Dis comme ça, le choix n'était pas long à faire ! D'ailleurs, le petit avoua juste après qu'il cherchait un groupe de ce genre. Dans sa voix, on pouvait sentir... De la honte ? Moi je trouvais ça intelligent de chercher à survivre de cette façon ! Et en plus de les protéger, Yasushi offrait à ces enfants des amis. Ca aussi, ça aidait à survivre. Du moins, s'ils créaient des liens, ça pouvait leur donner envie de survivre.

- Alors bienvenue dans ma bande, petit! Et ne sois pas honteux, ce que tu me dis là me fait très plaisir.

Il lui ébouriffa les cheveux. Quand il était comme ça, l'adolescent dégageait quelque chose de chaleureux, de solaire. J'aimais le voir comme ça, passer du temps avec lui.
Il se releva, se tourna vers moi, un sourire magnifique sur le visage. Radieux. Un sourire radieux, voyons.

- Je n'ai plus qu'à le mener à la planque. A moins qu'on ne croise un de mes garnements. Tu veux nous accompagner?

J'étais vraiment contente qu'il me le propose. Je lui fis un large sourire, et lui répondit d'une voix ravie et heureuse :

- Évidemment que je veux !

J'avais l'impression que je pourrais le suivre n'importe. C'était étrange, et franchement pas très prudent, mais je me sentais tellement en sécurité avec lui...

Lorsqu'elle me sourit, mon cœur fit un raté. Non, mais sérieux, un ange n'aurait pas pu être plus joli qu'elle. C'était im-po-ssi-ble! Et le ton de sa voix ne fit aucun doute sur ses sentiments par rapport à la situation :

- Évidemment que je veux !

Je me sentis rougit et détournai la tête. Comment se pouvait-il que je ressente de telles sensations. J'étais heureux mais je n'étais pas en train de me battre, ni avec mes mômes pour m'occuper d'eux ou jouer... Non, j'étais avec une jolie fille, aussi radieuse que gentille.
Pincez-moi! Je suis en plein milieu d'un rêve qui est en train de me voiler la face! Le monde n'est malheureusement pas aussi beau...
C'était la pensée qui me traversait l'esprit tandis que je tendais une main à Yumi, toujours en regardant ailleurs. Le jeune garçon nous regardait tour à tour, certainement en se demandant ce qu'il était en train de se passer. Mais je ne répondis pas à ses questions silencieuses. Moi-même je ne savais pas pourquoi j'avais envie de sentir sa main dans la mienne, ni pourquoi je souhaitais de toutes mes forces que ce moment ne s'arrête jamais.

- Viens, je vais vous guider.

Le petit n'était pas dupe puisqu'il leva les yeux au ciel avant de courir quelques mètres avant de nous héler :

- Bon! Vous comptez faire vos amourettes en prenant racine ou vous allez me guider vers mon nouveau chez moi?

Je rougis plus fort et marmonnai faiblement :

- Sale gosse! Tu ne perds rien pour attendre!

Puis, accompagné de Yumi, qu'elle m'ait prit la main ou non, je rejoignis le gamin et le guidait silencieusement vers son "nouveau foyer". J'espérais qu'il ne s'imagine pas vivre dans un palace, ou encore moins une maison. Sinon, il serait très déçu!

Yasushi rougit discrètement avant de détourner le visage. Je ne savais pas ce que j'avais bien pu dire pour qu'il réagisse comme ça, mais je le trouvais très mignon. C'était une impression, ou je le trouvais tout le temps mignon ? Je rougis un peu moi aussi, mais peut-être moins discrètement. Il fallait dire que question rougissement, la discrétion n'était pas mon fort. Il tendit sa main vers moi, le regard toujours tourné dans une autre direction. Je la regardai pendant quelques secondes, puis alors que je m'apprêtai à la saisir, il annonça :

- Viens, je vais vous guider.

Je posai doucement ma main dans la sienne, les joues encore un peu plus rouges. Le petit, que j'avais oublié l'espace d'une minute, courut et nous cria :

- Bon! Vous comptez faire vos amourettes en prenant racine ou vous allez me guider vers mon nouveau chez moi?

J'avais franchi un nouveau niveau de rougeur. Mais après tout ce que j'avais rougi aujourd'hui, ça ne m'étonnait plus. Mais, amourettes ? C'était vraiment ça ? Bon, j'étais jeune, je n'avais aucun moyen de savoir. Mais... Si c'était vraiment ça, ça ne me dérangeait pas. Je serais même... Contente ? Yasushi avait rougi plus fort lui aussi, fallait-il le voir comme un signe ? Oh, et puis, si ça me faisait plaisir, pourquoi pas, hein !

- Sale gosse! Tu ne perds rien pour attendre!

Mon ami – enfin, je crois ? – se mit à avancer pour mener le petit à leur planque. A vrai dire, nous venions de faire le chemin peu de temps auparavant, mais je n'aurais pas pu y retourner toute seule. Ce qui, dans le fond, n'était pas étonnant, puisque je venais d'arriver, et qu'on prenait toujours des tas de virages. Mais dans l'instant, j'étais surtout contente d'avoir ma main dans la sienne, c'était chouette. Mais, j'étais aussi contente pour le petit ! Surtout pour lui ! Voyons ! Hm. Je l'observai. Son impatience se lisait sur son visage, et ça faisait plaisir à voir. Il fallait juste espérer pour lui qu'il n'aurait pas peur et qu'il s'entendrait bien avec les autres protégés de Yasushi.
J'hésitai à lui poser une question, puis me lançai. Après tout, j'étais là pour apprendre.

- Dis, Yasushi ? Comment ça se passe, en général quand il y a un nouveau dans ton groupe ? Je veux dire, entre les enfants.

Je n'étais pas sûre d'avoir été vraiment claire, mais ce que je voulais dire devait bien se deviner, non ? Espérons que si. Le regard posé sur les cheveux de soleil de mon interlocuteur, j'étais aussi impatiente qu'angoissé pour le petit en attendant la réponse. Si il me disait la vérité, évidemment. Si c'était horrible, il ne valait mieux pas que l'enfant le sache. J'avais peut-être encore fait une bêtise en posant la question... Pour changer.

J'avançais lentement, la mains de Yumi doucement serrée dans la mienne. Le petit semblait connaître le coin puisqu'il gambadait joyeusement en s'arrêtant de temps à autres pour vérifier que nous suivions, et certainement aussi parce que j'étais sensé le guider.
Le silence des rues me paraissait trop calme. Même lorsque nous fûmes loin des marchands qui criaient qu'il fallait acheter leurs produits parce que c'était les meilleurs, j'avais l'impression que quelque chose clochait. Mais je n'arrivais pas à mettre le doigt sur ce que c'était.

- Dis, Yasushi ? Comment ça se passe, en général quand il y a un nouveau dans ton groupe ? Je veux dire, entre les enfants.

Sa voix me fit presque sursauté tant je ne m'attendais pas à l'entendre. Mon cœur faisait des bonds énormes dans ma poitrine et j'avais un peu de mal à le ralentir. Puis, quand je fus remis de mes émotions, je pris quelques secondes de réflexion avant de lui répondre :

- Lorsque j'ai commencé à rassemblé les orphelins, c'était dur car ils n'arrivaient pas à voir comment on pouvait vivre sans voler. Moi-même, j'avais du mal à trouver une solution, jusqu'à c'que je me trouve un travail. Enfin... Berth m'as aidé. Bref! Aujourd'hui, les plus anciens du groupe aident les nouveaux à s'intégrer et les surveillent pour qu'ils ne fassent pas de bêtise, la plupart du temps. Mais la plus grosse difficulté repose sur le fait d'accepter l'endroit où ils vivent...

J'avais honte de ne pas pouvoir offrir à ses gamins un endroit plus décent pour vivre. Mais je n'avais pas vraiment le choix, malheureusement. Je poussai un soupir plus ou moins discret avant de continuer :

- Sinon, entre les gamins, comme je ne les oblige pas à suivre la loi du plus fort et que je suis là pour veiller sur eux, ça se passe généralement bien. Je ne dis pas qu'il y a parfois des disputes, mais je leur apprends le partage, la tolérance et l'entraide. Ce sont trois choses qui leur manque pour beaucoup... enfin, je veux dire... ils ont connus ces trois choses et le fait de ne pas le voir dans la rue les a fait souffrir. La chance que je leur donne est pour eux une sorte de miracle. C'est c'qu'il m'ont dit.

Je regardais autour de moi, cherchant ce que je trouvais de bizarre. J'avais l'impression qu'on nous tendais un guet-apens. Et si c'était le cas, je savais de qui il s'agissait. Je serrais donc plus fort, sans pour autant vouloir lui faire mal, la main de Yumi et me mit à courir. Lorsque je fus au niveau du gamin, je l'attrapais et le mis sur mon épaule comme un vulgaire sac à patate et me remis à courir. Mais pas vers la planque. Trop dangereux! Non, je me dirigeais vers l'auberge en faisant encore des détours improbables pour tenter de semer nos éventuels poursuivants. J'entendais le gamin râler, me demander de le lâcher, mais j'avais peur de devoir me battre en ayant à les protéger. Je ne savais pas comment faire ça...

Quelques secondes après ma question, il me répondit :

- Lorsque j'ai commencé à rassemblé les orphelins, c'était dur car ils n'arrivaient pas à voir comment on pouvait vivre sans voler. Moi-même, j'avais du mal à trouver une solution, jusqu'à c'que je me trouve un travail. Enfin... Berth m'as aidé. Bref! Aujourd'hui, les plus anciens du groupe aident les nouveaux à s'intégrer et les surveillent pour qu'ils ne fassent pas de bêtise, la plupart du temps. Mais la plus grosse difficulté repose sur le fait d'accepter l'endroit où ils vivent...

Si ça se passait vraiment comme ça, alors j'étais soulagée. J'avais sincèrement peur pour le petit et la façon dont il pourrait s'intégrer, mais d'une certaine façon, il n'y avait pas lieu de s'en faire. Après tout, Yasushi était quelqu'un de juste, et comme son but était de venir en aide à ces enfants, il ferait tout pour que tout se passe au mieux. Cependant, je n'étais pas étonnée que certains puissent avoir des difficultés à accepter de devoir vivre dans les égouts. Mais... Il valait mieux vivre dans un tel endroit sans risquer de se faire tabasser plutôt qu'être dans un endroit plus décent – si l'on pouvait dire que la rue était un lieu décent – et être menacé ?

- Sinon, entre les gamins, comme je ne les oblige pas à suivre la loi du plus fort et que je suis là pour veiller sur eux, ça se passe généralement bien. Je ne dis pas qu'il y a parfois des disputes, mais je leur apprends le partage, la tolérance et l'entraide. Ce sont trois choses qui leur manque pour beaucoup... enfin, je veux dire... ils ont connus ces trois choses et le fait de ne pas le voir dans la rue les a fait souffrir. La chance que je leur donne est pour eux une sorte de miracle. C'est c'qu'il m'ont dit.

Un miracle. Ce n'était même plus être gentil, là, c'était beaucoup plus fort ! Et il fallait avouer que ça me plaisait. Ce garçon avait tout d'un miracle. Il avait vécu dans la rue, mais, miraculeusement, il avait réussi à ne pas mal tourner. Il avait souffert, mais il préférait aider les autres plutôt que faire payer au monde entier pour ce qu'il avait vécu.
Alors que je m'apprêtai à répondre, je remarquai qu'il observait l'environnement dans lequel on évoluait. Quelque chose clochait. Il serra ma main un peu plus fort avant de courir, de prendre le petit sur son épaule et de faire des tas de détours. S'il s'était mis à courir, s'il portait le petit comme ça, c'était pour une raison : nous étions en danger. Enfin, surtout l'enfant et moi.
Je ne reconnus pas les rues. Toutes les maisons, tous les murs, tous les trottoirs se ressemblaient. Et Yasushi courait vite, ce qui limitait un peu plus mes capacités à reconnaître ce qui m'entourait. Mais il y avait bien une chose dont je n'avais eu aucun mal à me souvenir, c'était la devanture de l'auberge dans laquelle j'avais mangé un peu plus tôt. Il y avait donc un sérieux souci. Mais avec l'adolescent à mes côtés, je me sentais tout de même en sécurité. Je savais que ça irait, et la personne pour laquelle j'étais le plus inquiète, c'était lui. Pas moi, pas le petit. Lui.

Juste devant l'auberge. C'est là que Yasushi, qui avait entendu, malgré le bruit de la rue, les pas – plutôt lourds, il fallait le dire – de quelqu'un qui nous suivait. Je m'en doutais. Il s'arrêta soudainement et, ma main toujours dans la sienne, se retourna. Je jetai discrètement un coup d'oeil au sujet de notre fuite. Un garçon plus petit et bien plus gros que mon ami était apparu en face de nous. Je tournai ensuite le regard vers Yasushi. Dans ses yeux, je pouvais lire de la colère, comme si une flamme brûlait dans ses prunelles. Ses traits étaient tirés par cette même colère, mais il y avait autre chose d'autre. De l'inquiétude.

- Yasushi...

Les yeux rivés sur le gros garçon, il me demanda d'aller me réfugier à l'auberge avec le petit. Je le pris dans mes bras et me rendit à l'auberge. J'entrai dans le bâtiment et dit au petit.

- Tu vas dire à la dame derrière le bar que tu viens de la part de Yasushi, et qu'il va arriver dans peu de temps. Elle prendra soin de toi, sois-en sûr. D'accord ? Reste bien à l'intérieur, avec elle, ça ira.

Je lui souris avant de sortir de l'auberge en faisant le moins de bruit possible, et en m'assurant que le petit était bien allé voir l'aubergiste.
Il ne fallait que ni le gros, ni Yasushi ne me voie. Mais je ne pouvais pas rester à l'intérieur sans rien faire. Il fallait que... que je m'assure que ça aille. Cachée derrière un mur, je regardais les deux jeunes hommes se faire face. Il fallait que Yasushi gagne. Mon estomac me faisait mal, mes pensées étaient embrouillées, et j'avais des fourmis dans les jambes. Je ne l'avais jamais vu se battre, mais je savais déjà que j'allais détester ça. Mais... Le voir était moins pire qu'imaginer.

Lorsque nous fûmes enfin arrivés à l'auberge, je me tournais pour voir et comprendre ce qui m'avait semblé bizarre : des pas. Ils étaient lourds de menaces. Et cette façon de marcher... Je ne connaissais qu'une personne qui avait une telle démarche. C'était La Brute et le fait qu'il apparaisse devant nous ne fit qu'attiser ma colère et mon inquiétude. Heureusement que j'avais pris la direction de l'auberge. Le danger qu'il représentait pour mon amie et le p'tit gars était trop grand pour que je puisse les protéger correctement. D'autant plus qu'il ne devait pas être seul!

- Yasushi...

La voix de la jeune fille me ramena à la réalité. Sans quitter mon ennemi des yeux, je chuchotais à Yumi :

- Prends le gamin avec toi et allez vous réfugier à l'auberge. Ne sortez sous aucun prétexte!

A mon grand soulagement, elle obéit sans commentaire. Je pus donc me concentrer sur le gros qui me faisait face. En moi, ma rage se développait et menaçait de m'envahir totalement. Et le dialogue qui suivit n'était pas pour améliorer les choses :

- Hé! Mais regardez qui est venu dans les jupes de l'aubergiste. C'est l'crevard!
- J'préfère être un crevard qu'un crevé.
- Allons, sois pas comme ça. Après tout, tu n'es qu'un bâtard pour pleins de raisons. Faut que je te les cite?
- Je les connais déjà, tes raisons, La Brute.

J'étais calme en apparence. Mais, malheureusement, ce n'était qu'une apparence. Dans mes poches mes mains étaient en train de griller à cause de mon pouvoir. Dans mon cœur la lumière de l'espoir s'éteignait très vite et toute source de chaleur dont j'avais fait preuve avec Yumi disparaissait. Je n'aimais pas être comme ça, mais il me laissait pas le choix.

- Alors tu sais que tu dois te laisser faire. J'ai des passages à tabac que je dois te faire payer et des vols à rattraper. J'ai entendu dire que tu travaillais. Tu dois donc avoir du fric sur toi, nan? Et si t'es pas content t'as qu'à retourner pleurer dans les jupes de ta môman. Ah, non, c'est vrai. Il ne te reste que ton pôpa!

Ses paroles et le rire qu'il émit finirent de tuer toute émotions autres que la rage que je ressentais. Il allait payer. Et ce n'était une promesse faite quelques heures plus tôt qui allait m'arrêter.
Avec lenteur, je sortis mes mains brûlées de mes poches tout en m'approchant. La Brute me regarda faire en sortant un objet de ses manches. Je n'en tins pas compte. J'aurais dû. Dans ma main droite déjà grièvement blessée, je créai une boule de lumière sombre. Jamais, à ma connaissance, je n'en avais fait de pareilles. Mais, là encore, je n'en tins pas plus compte que ça. Je continuais à marcher dans la direction de mon ennemis qui restait calme malgré sa peur grandissante. Il transpirait comme un porc et ses mains tremblaient légèrement. Je m'arrêtai quelques secondes. Puis, nous nous élançâmes l'un vers l'autre. Alors que je lui lançai ma boule de lumière, je sentis une vive douleur juste en dessous de l'épaule droite. Là encore je ne m'attardai pas dessus et me retournai vers mon ennemi. Il était à terre, les bras entourant son ventre. Il gémissait. Mais ça ne me faisait rien. J'étais comme ailleurs.

En apercevant mon amie, plus loin, cachée, je sentis quelque chose remuer en moi. Mais je n'eus pas le temps de me demander ce que c'était : mes forces m'abandonnèrent en même temps que l'adrénaline et la douleur au niveau de mon épaule me fit tomber à genoux. Je transpirais et je me sentais mal.

J'avais choisi un mur qui m'offrait un superbe point d'observation. Enfin, superbe... J'aurais préféré observer autre chose. Mais nous étions là, tous les trois. Mon ami, grand et fin, en face de son ennemi, petit et gros. Si ils n'avaient pas été ici pour se battre, on aurait pu croire à un sketch. Si seulement ça avait pu être ça...

- Hé! Mais regardez qui est venu dans les jupes de l'aubergiste. C'est l'crevard!

Je savais parler l'anglais couramment, et je comprenais aisément tous les gens que j'avais entendu parler jusque-là. Mais pour ce garçon, j'avais du mal. Il avait une sorte d'accent qui lui faisait mâcher les mots. Par contre, ce qu'il ne mâchait pas, c'était les insultes. J'étais déjà en colère contre lui – en même temps que d'être inquiète pour Yasushi – mais en l'entendant l'appeler ainsi, je l'étais un peu plus. Un crevard. Et puis, en quoi c'était mal de chercher à se protéger ?

- J'préfère être un crevard qu'un crevé.

Pas faux. Cependant, je n'avais qu'une envie : qu'il n'attise pas l'idiotie et la violence de l'autre débile. Qu'il en finisse vite, qu'il revienne sain et sauf. Surtout sain et sauf.

- Allons, sois pas comme ça. Après tout, tu n'es qu'un bâtard pour pleins de raisons. Faut que je te les cite?

Il était sérieux là ? J'avais regretté d'être née au Japon, dans une famille de psychopathes, mais là, j'étais heureuse que mon pays natal en soit un où les gens faisaient preuve de respect entre eux.

- Je les connais déjà, tes raisons, La Brute.

- Alors tu sais que tu dois te laisser faire. J'ai des passages à tabac que je dois te faire payer et des vols à rattraper. J'ai entendu dire que tu travaillais. Tu dois donc avoir du fric sur toi, nan? Et si t'es pas content t'as qu'à retourner pleurer dans les jupes de ta môman. Ah, non, c'est vrai. Il ne te reste que ton pôpa!

Non. Non. Non. Là, c'en était trop. Si c'était de l'argent qu'il voulait, je lui en balancerais, et puis voilà, qu'il lui fiche la paix ! Mais là, s'attaquer à ses parents, à son passé si douloureux... Trop. C'en était trop. Si je n'y avais pas risqué la vie, j'aurais sauté sur lui pour le démonter. Lâche-toi, pensai-je, il mérite une bonne raclée.
Les poings serrés, je vis Yasushi bouger, me reconcentrant sur le face-à-face. L'adolescent sortit les mains de ses poches. Des mains brûlées. Il devait probablement souffrir le martyr, mais il était possible que la colère lui fasse oublier la douleur. Alors qu'une boule sombre naquit dans sa main droite, La Brute sortit un couteau de sa manche. Je prenais pleinement conscience du danger. Les deux garçons coururent l'un sur l'autre, et je me mis à trembler. La boule toucha le gros, et le couteau entailla le blond. J'étouffai un cri en cachant ma bouche de ma main. J'étais sûre d'être devenue livide.
Que faire ? Le gros tomba au sol, gémissait de douleur, les bras autour de son ventre. Yasushi, lui, se tourna vers son ennemi, et... Il m'avait vue ? Et moi, je le vis tomber à genoux. Je... Mon estomac se serra. Il avait l'air conscient, mais... Pour combien de temps ? Et sa blessure semblait saigner beaucoup... Le souffle court, je pris une décision. Je devais y aller. Et son ennemi étant à terre, je ne risquais rien. Puis, même si je risquais quelque chose, je ne pouvais pas le laisser comme ça.

Tremblante, je marchais vite vers Yasushi. Des pas courts, mais rapides. En chemin, j'avais pris le couteau de l'ordure qui s'était battue contre lui, juste au cas où. Puis je me laissais tomber à genoux face à mon ami.

- Je vais regarder ta blessure, mais surtout, ne ferme pas les yeux. C'est ce qu'on dit dans les films, alors... Dans le doute, reste avec moi. Je t'en prie.

Je soulevai le tissu et vis ce que je n'aurais pas dû voir. Le sang coulait, vite. Et la plaie semblait profonde. Je sentais des larmes mouiller mes yeux, en même temps qu'un haut-le-coeur. J'enlevai mon gilet, me glissai à la gauche de l'adolescent et, serrant mon vêtement contre son bras, je l'appuyai contre moi.

- Tu... Tu peux marcher ? Je...

Je n'avais aucune idée d'où était l'hôpital. Je ne savais pas s'il pouvait bouger. Devais-je le bouger ? L'épuiser n'était certainement pas une bonne idée. Mais je ne pouvais pas le laisser là. Je pouvais toujours crier à l'aide, mais... Ca pouvait aussi attirer d'autres ennemis. Il ne me restait plus que l'auberge. Peut-être que le petit avait averti Berth que quelque chose se passait ? Tout ce que je souhaitais, c'était mettre Yasushi en lieu sûr.

- Je... Je vais... l'auberge est... On va aller là-bas, il faut soigner ton bras, et... et ta main... Ca va aller. Je suis là. Tu n'as qu'une chose à faire, je t'en supplie, reste conscient. Hm ?

Je priais tous les dieux que je connaissais. Je ne faisais jamais ça, habituellement, mais... C'était un cas de force majeure. Il fallait qu'il survive. J'en avais besoin. De lui.

Mon regard était sur le bitume. Mon souffle était court et j'avais du mal à garder les yeux ouverts. Seule mon ouïe semblait être encore en état de marche. Quoi qu'en entendant des pas raisonner, je crus que j'étais devenu fou. Ils étaient petits, rapides et typiquement féminins si j'en croyais mon esprit embrumé. Mais c'était tout bonnement impossible... Pourtant, c'est bel et bien une jupe, les fines jambes et la voix de mon amie que je vis et entendis :

- Je vais regarder ta blessure, mais surtout, ne ferme pas les yeux. C'est ce qu'on dit dans les films, alors... Dans le doute, reste avec moi. Je t'en prie.

C'était bien Yumi. Je lui avais pourtant dit de ne sortir sous aucun prétexte! Pourtant, elle était là. Dans sa voix, l'inquiétude était palpable. Mais pourquoi? J'allais bien. Il fallait juste que je dorme un peu. Pourquoi ne le voulait-elle pas?

- Tu... Tu peux marcher ? Je...

Je ne savais pas si je pouvais marcher. Et, de toute façon, je ne le pouvais pas. Tien? Qu'entendais-je derrière les paroles de la jeune fille? Des pas?

- Je... Je vais... l'auberge est... On va aller là-bas, il faut soigner ton bras, et... et ta main... Ca va aller. Je suis là. Tu n'as qu'une chose à faire, je t'en supplie, reste conscient. Hm ?

Une autre voix féminine s'éleva devant moi :

- C'est pas vrai! Il fallait que ça arrive un jour...

Je sentis qu'on passait mon bras, celui qui ne me faisait pas mal, autour d'un cou. Celui de l'aubergiste :

- Allez, espèce de brigand, aide moi un peu! Je ne suis pas toute jeune non plus. Quant à toi, jeune fille, presse bien la blessure.

Avec le peu de volonté qu'il me restait, j'aidais la vieille femme à me lever avant qu'elle ne m'amène à l'auberge. Nous montâmes à l'étage et je sentis qu'on m'allongea sur un lit. Mon corps s'enfonçait dans les édredons tandis que mon esprit s'enfonçait dans le noir. J'avais envie de dormir un peu. Ne serait-ce que quelques minutes. Après je serais de nouveau d'attaque, promis...

Je n’avais pas entendu les pas de l’aubergiste qui arrivait devant nous. Ce ne fut que quand elle nous parla que je remarquai sa présence. Intérieurement, je remerciais le petit de l’avoir prévenue. C’était la seule qui pouvait aider Yasushi.

- C'est pas vrai! Il fallait que ça arrive un jour...

Je levais vers elle un regard plein d’inquiétude, de peur, mais… On pouvait y déceler une pointe de soulagement. Mais je n’arrivais pas à parler. La seule chose à laquelle je pensais, c’était la blessure de Yasushi. Elle était pour le moins… Purulente. C’était la première blessure que j’avais vue, et elle était pour le moins impressionnante. Si seulement ça avait pu être le petit gros, qui avait été touché si grièvement !
Berth passa le bras gauche de Yasushi autour de ses épaules et essaya de le relever. Il avait l’air si faible… Tout dans son état m’inquiétait. Sa blessure, son manque de force, ses mains…

- Allez, espèce de brigand, aide moi un peu! Je ne suis pas toute jeune non plus. Quant à toi, jeune fille, presse bien la blessure.

Sa voix me ramena à la réalité. J’appuyai mon gilet contre sa blessure, tout en priant pour qu’il reste en vie. Il fallait qu’il survive. En fait, je n’avais aucune idée de ce qu’il risquait, mais j’imaginais les pires scénarios.
Laborieusement, nous arrivâmes à l’auberge. Tous ces gens, assis, mangeant tranquillement et rigolant devant leur café, tous ces gens nous regardèrent sans bouger. Toutes les deux, nous montâmes l’adolescent dans une chambre, et tout doucement, nous le déposâmes dans un lit. La femme appuya plus fort contre le gilet et le noua autour du bras du blond.

- Je m’occupe de lui, va chercher un médecin dans la salle, en bas.

Tétanisée, je lui lançai un regard de détresse. Comment le reconnaître ? Je… Je ne pouvais pas bouger, mais je le devais. Mais…

- Ne t’en fais pas, me dit-elle doucement, on va l’aider.

Je hochai la tête, et me mit à courir pour rejoindre la salle du bas. Puis, je poussai la porte reliant les escaliers au restaurant en prenant une grande inspiration. Ils étaient trop. Bien trop pour que je puisse analyser qui pourrait être médecin. Surtout que… Personne n’était habillé comme tel, évidemment.
En voyant un siège près du bar, je pris une décision. Je montai sur le tabouret, et, debout sur le meuble, je parlai aussi fort que je le pus.

- Je… Il nous faut… Est-ce que quelqu’un est médecin ? S’il vous plaît ? Il est jeune, et… Je vous en prie…

Alors que des larmes brouillèrent ma vue, un homme se leva, un sac en cuir à la main. Il s’approcha d’un pas rapide et me tendit la main pour m’aider à descendre. Et nous rejoignîmes Berth le plus vite possible.
Dès qu’il vit Yasushi, le médecin prit un air grave, qui acheva de m’inquiéter. Debout dans un coin de la pièce, je pleurais silencieusement pendant que les deux adultes s’affairaient autour de mon ami. La femme sortait, revenait, puis sortait de nouveau, et elle avait même « engagé » un autre client pour l’aider. Les mots que j’entendais se mélangeaient, comme dilués par mes larmes. Ils l’avaient examiné avec plusieurs instruments, et j’étais comme dans un cauchemar. C’était comme si tout ce qui était arrivé était irréel. Mais lorsqu’ils sortirent une seringue… Ça en faisait trop d’un coup. Puis une aiguille. Je savais qu’il avait besoin de se faire recoudre, mais… Je me laissai glisser contre le mur, tentant de pleurer en faisant le moins de bruit possible. Mais en un sanglot, je m’étais trahie.
L’aubergiste se tourna vers moi. Je pensais qu’elle allait me mettre dehors, me crier de me taire, ou toute chose se rapprochant de près ou de loin d’une punition. Saleté de parents. Mais elle s’avança, s’assit au sol et me prit gentiment dans ses bras. Elle me caressait doucement la tête alors que je mouillais son tablier.

- Ne t’en fais pas, ça va aller… Le médecin est là, il s’occupe de lui. Tu sais, jeune fille, ton ami est un dur à cuire !

Je relevai lentement la tête vers elle, le regard interrogateur, bien que je ne doutais pas tu fait qu’il soit un dur.

- Il était tout jeune, commença-t-elle en caressant toujours ma tête, quand je l’ai rencontré. Il ne t’as sûrement pas raconté ça, non ? Il pleuvait à torrent, et il avait glissé dans un courant d’eau. Le petiot ne savait pas nager, et quand je l’ai vu, je l’ai attrapé et ramené à l’auberge. Il n’était pas plus haut que trois pommes, et tout léger ! Il avait dû avaler son poids en eau, mais… Si nous sommes là, c’est qu’il a survécu. Il ne se laissera pas faire comme ça.

Elle me sourit, puis regarda le blond étendu dans le lit.

- C’est pour ça que je me fais du souci pour lui. C’est un garçon bien, mais je n’arrive pas à le protéger comme il faut.

Le médecin s’approcha de nous et tendit la main à l’aubergiste pour la relever. Je restai au sol, la peur d’entendre une mauvaise nouvelle me dissuadant de bouger.

- Il est infecté. Il faudra changer les pansements, et lui donner ces antibiotiques. J’ai aussi soigné ses mains. Il est hors de danger, cependant.

J’ouvris grand les yeux. L’aubergiste remercia chaleureusement l’homme, et annonça qu’elle lui offrirait quelques verres. Les deux hommes montés pour soigner mon ami redescendirent. L’aubergiste me tendit la main et, avant de partir, me dit :

- Reste avec lui ma jolie, ça lui fera plaisir, j’en suis sûre. Prends soin de lui.

Elle ferma doucement la porte et je m’approchai du lit. Je n’osais pas toucher mon ami. En avais-je le droit ? Je ne le connaissais que depuis… une bonne brochette d’heures, mais… Oh, et puis zut ! Je posai une main sur sa joue, et ma tête sur le drap blanc, juste à côté de son cœur. Je pleurais toujours, mais cette fois parce que le stress retombait.

- Merci d’être resté en vie. Merci.

Je ne savais pas s’il m’entendait, mais je comptais bien rester là. Je déplaçai la main que j’avais posée sur sa joue pour la poser contre son cœur, pour le sentir battre, et je le regardais endormi. Il était enfin en sécurité. Et je me jurai de veiller sur lui du mieux que je pouvais.

J'ouvris les yeux doucement. Je me sentais fatigué. Ma gorge était sèche et je voyais flou. Je pus tout de même distinguer les murs blancs faits à l'ancienne et le décor d'une chambre de l'auberge que je reconnaissais assez bien. J'avais la même vu d'ensemble le jour où Berth m'avait sauvé de la noyade, dix ans plus tôt.
Et dire que je m'étais juré de ne plus revenir ici...

Quelques minutes passèrent pendant lesquelles mes sens s'aiguisaient lentement. Grâce à cela, je remarquai enfin qu'une main était posée au niveau de mon cœur et que j'aperçu à travers mon brouillard une personne qui me regardait. De ce que j'arrivais à voir, c'était une personne brune qui avait à peu près mon âge. Mais ce qui me permit de la reconnaître ce fut son uniforme. Yumi...
Je tendis ma main gauche vers elle et la portait à son visage dont je n'arrivais à distinguer que les limites. Par ce geste, je sentis ses joues mouillées. J'en déduisis qu'elle pleurait. A l'aide de mon pouce, je les essuyais en murmurant faiblement :

- Hay... Faut pas pleurer... Un peu de repos et je serais sur pied, tu verras...

Je tentai de lui sourire. Certainement était-il faible, mais peu m'importait. Je voulais la rassurer. Lui dire que tout allait bien. Je me sentais si fatigué... Et je ne sentais pas mon bras droit. Bras blessé lors d'une altercation avec mon ennemi. Il ne me causait que des problèmes celui-là. Quand allait-il donc me lâcher?

Je ne savais pas combien de temps s’était passé, mais je m’en fichais. Je regardais Yasushi. A vrai dire, je le fixais, comme si j’avais besoin d’un mouvement de sa part pour respirer de nouveau. C’était le cas, d’ailleurs. J’attendais impatiemment qu’il se réveille. J’avais besoin de le savoir en vie. Ma main sur son cœur le confirmait, mais… Il fallait qu’il se réveille. Sans interruption, j’espérais, je priais pour qu’il ouvre les yeux, ou qu’il bouge les doigts. Je savais ce que le médecin avait dit, qu’il allait se rétablir, mais… Un mouvement. C’était tout ce que j’espérais. Et je pleurais. Toujours silencieusement, mais plus les minutes passaient, plus l’étau autour de mon cœur se resserrait. C’était… C’était de ma faute. Il avait été ici par ma faute, je lui avais parlé, puis… Puis il m’avait emmenée avec les enfants, puis au marché, et son ennemi… Je le regardais, en pleurs.
Et l’impensable se produisit. Enfin, ce n’était pas impensable, mais… Magique. Doucement, tout doucement, ces beaux yeux gris s’ouvrirent. Et les miens firent de même alors que mes pleurs redoublèrent. Là, j’avais le droit d’être totalement soulagée ? Pas d’autre aiguille ? Pas d’autre seringue ? C’était fini ? Il était bien là, pour de bon ?
Comme pour confirmer mes dires, il tendit sa main gauche vers moi et essuya doucement mes larmes avec son pouce.

- Hay... Faut pas pleurer... Un peu de repos et je serais sur pied, tu verras...

Il me sourit, et je sentis d’autres sanglots serrer ma gorge. Je posai ma tête contre son ventre, et, cachant mon visage sur son haut, je tentai sans succès de contenir mes larmes.

- Ne… Ne refais plus ça… Tu as failli disparaître et… Je t’en supplie, fais attention à toi… Bats-toi, mais ne meurs pas. S’il-te-plaît…

Il était si gentil, alors qu’il avait failli… Je ne savais pas ce qu’il avait failli, mais je m’étais inquiétée. Je n’aurais pas dû lui parler comme ça. J’aurais juste dû lui sauter dans les bras, être heureuse, mais pas pleurer. Je n’aurais pas dû pleurer. Mais c’était plus fort que moi. Je ne pouvais pas arrêter le flot des larmes salées qui coulaient sur mes joues.

- C’est trop dur de te voir comme ça…De…De te voir… Souffrir, et… Et tu es si doux, et… Et cette ordure a failli te tuer, et… Désolée. C’est de ma faute, je… Si je ne t’avais pas proposé de manger, ça ne… Tu serais toujours… Dans le parc, et sain et sauf. Désolée…

Je me relevai, essuyant mes yeux avec le dos de ma main. Je devais avoir l’air d’une enfant, à pleurer comme ça. Mais j’avais vraiment peur pour lui. En une fraction de seconde, il s’était fait tailler le bras. Et qu’est-ce que j’avais fait ? Rien. J’étais restée là, sans bouger. Je m’en voulais. Mais à ce moment-là, ce qui l’emportait sur le remords, c’était le besoin de le sentir contre moi. Parce que je m’étais inquiétée. Parce que j’avais besoin de sentir qu’il était bien là, vivant. Parce que… Parce que je tenais à lui.

- Dis, demandai-je en baissant la tête, est-ce que je peux… Juste une minute, pas plus… Est-ce que je pourrais m’allonger sur le bord du lit ?

Les joues toujours mouillées, je rougis. Il allait dire non. Mais il ne s’en souviendrait pas, de toute façon, avec un peu de chance. Et s’il refusait, j’étais trop dans le vague moi aussi pour lui en tenir rigueur. C’était de l’abus de faiblesse, ce que je faisais là ? Non, j’avais juste… Une forte envie de l’avoir contre moi.

Je n'avais as prévu qu'elle pleure encore plus. Etait-ce à cause de mes paroles? Ou bien...

- Ne… Ne refais plus ça… Tu as failli disparaître et… Je t’en supplie, fais attention à toi… Bats-toi, mais ne meurs pas. S’il-te-plaît…

Je fronçais doucement les sourcils, un peu perdu. Qu'est-ce que j'avais fait exactement? Je n'étais pas mort, me semblait-il.
Elle s'était allongée sur mon ventre. Je me mis donc à lui caresser la tête avec des gestes lents et maladroits. J'attendais qu'elle continue ou qu'elle se calme.

- C’est trop dur de te voir comme ça…De…De te voir… Souffrir, et… Et tu es si doux, et… Et cette ordure a failli te tuer, et… Désolée. C’est de ma faute, je… Si je ne t’avais pas proposé de manger, ça ne… Tu serais toujours… Dans le parc, et sain et sauf. Désolée…

Pourquoi s'inquiétait-elle à ce point pour moi? Et pourquoi se jetait-elle la pierre? Ce n'était pas de sa faute! Je savais qu'un jour La Brute passerait au niveau supérieur. Il devenait de plus en plus dangereux et c'est pour ça que je les avais menés ici. D'ailleurs, où était le petit?
Malgré toutes ses pensées, je sentais que je m'endormais et je ne parvenais pas à parler. J'avais la gorge si sèche aussi...! Même ma main s'était arrêtée. Je ne savais pas si elle en profitait ou si elle l'aurait fait de toute façon, elle se releva et s'essuya les yeux a l'aide de sa main. Puis, baissant la tête, elle me demanda :

- Dis, est-ce que je peux… Juste une minute, pas plus… Est-ce que je pourrais m’allonger sur le bord du lit ?

Tout en m'endormant, je lui souris à nouveau avant d'essayer de lui répondre positivement d'un signe de tête. Mouais... Je doutais qu'elle l'ait vu. Mais, sur le moment, je n'en tins pas compte, me laissant aller au sommeil.
Au moins elle pourra s'allonger autant qu'elle le voudra, fut la pensée qui m'accompagna dans les bras de Morphée.

Il sourit, et je crus voir qu’il avait bougé la tête avant de se rendormir. C’était donc… Un oui ? Je ne savais pas trop comment me mettre, n’osant pas trop m’appuyer sur lui, ni même toucher un endroit où il y avait des pansements. Je me levai, en veillant à faire le moins de bruit possible, et appuyai ma main sur le matelas, entre son torse et son bras. Tout doucement, je m’assis sur le lit, puis m’étendit sur mon côté droit. Sans l’avoir calculé, j’étais blottie contre lui. J’étais bien, comme ça, il fallait dire. Et je ne bougeai plus. Je n’osais pas, pour ne pas le réveiller, mais aussi pour ne pas risquer de lui faire mal. Il était comme un petit oiseau fragile, que j’avais envie de protéger. Je me sentie comme investie d’une mission. Je devais prendre soin de lui.
J’entendis la porte s’ouvrir doucement, et alors que je commençai à me relever, j’entendis la voix de l’aubergiste. Dans sa voix, j’entendais qu’elle souriait.

- Reste comme ça ma jolie, chuchotait-elle, vous êtes mignons. Je suis juste venue apporter de l’eau et de quoi manger, au cas-où. Si tu as besoin de quoi que ce soit, tu peux descendre. Je te fais confiance pour prendre soin de lui !

Et elle ressortit avec des pas aussi légers que quand elle était arrivée. Cette dame avait vraiment l’air de tenir à lui, ça faisait chaud au cœur de savoir qu’il avait été orphelin, mais qu’elle avait vraiment été là.
Je me mis à sourire doucement et, le touchant à peine, je caressais sa joue, comme si ça pouvait l’aider à rendre son sommeil plus paisible. En le voyant comme ça, les yeux fermés, je pris une décision. J’allais être là pour lui, peu importe le risque.
Alors que je n’étais pas si fatiguée que ça, à force d’être allongée et apaisée contre le blond, je commençais à sentir le sommeil m’appeler. Petit à petit, je m’endormi, le sourire aux lèvres.