Bienvenue au Québec ! [PV Marco]

Rappel du premier message :

Il était 18h... Non, 13h, pardon et l'avion de la British Airways se posait enfin à l'aéroport international Pierre-Elliott-Trudeau de Montréal après 5 ou 6 heures de vol, je n'ai pas fait le compte et je crois que je serais trop fatiguée à présent pour me donner la peine de le faire... Tout ce dont j'ai envie en ce moment, c'est un lit... Un lit ou un sofa, n'importe quoi de confortable pour rattraper la nuit blanche que je viens de passer à l'aéroport international Heathrow de Londres, puis dans l'avion et maintenant ici... Malheureusement, ce n'est pas fini, car le plus drôle est encore à venir : passer la douane, puis récupérer les valises, puis le trajet jusqu'à la maison... Allez, Tori, t'as survécu à une rivière gelée, à une brute, aux zombies, à Déviance, à un jeu cauchemardesque dans tous les sens du terme, à trois hommes mal intentionnés, à ton rôle de représentante, à une déclaration d'amour, à une tempête en forêt, au banquet d'anniversaire de l'école, à des sous-terrains... À côté de ça, un aéroport, qu'est-ce que c'est ? Vu comme ça, probablement la chose la plus banale qui soit.

Peut-être pour rassurer Marco, s'il est éventuellement nerveux ou bien pour me rassurer moi-même ou encore, juste parce que j'en ai envie, je cherche sa main et la prend pour marcher côte à côte avec lui dans les couloirs menant à la douane.

Lorsqu'on y arrive, je m'arrête et regarde Marco en faisant la moue.

- Bon, c'est ici que nos chemins se séparent pour quelques minutes...

Dommage que l'Amérique ne fonctionne pas comme l'Union Européenne... À cause de ça, Marco va prendre plus de temps pour passer que moi, parce qu'il est Américain et qu'il va se faire poser plusieurs questions sur le contenu de ses bagages.

J'ajoute, pour plaisanter :

- Si quelque chose ne va pas, surtout, évite de frapper les douaniers, ça aide.

Je suis sûre que je mériterais de me faire égorger pour un conseil pareil, donc on va mettre ça sur le compte de la fatigue... Quoiqu'il en soit, je fais un câlin à mon amoureux en lui disant que tout ira bien, parce qu'il n'a rien à se reprocher... En fait, je crois que c'est moi qui stresse à sa place. J'ai peur de ne pas savoir quoi faire, si jamais il y a un problème. De toute façon, c'est pas le fait d'aller dans une académie secrète au Royaume-Uni qui nous rend coupable d'exister, pas vrai ?... Mouais, je devrais peut-être tout simplement arrêter de penser.

De mon côté, ce qui prend le plus de temps, c'est de faire la file et d'attendre mon tour, car la douane, c'est à peine 2-3 minutes, étant donné que je ramène rien de particulier. Je me retrouve donc de l'autre côté à attendre Marco en jouant frénétiquement avec mon amulette en obsidienne qui pend à mon cou comme d'habitude... Pitié, faites que tout se passe bien pour lui !

- Ça passe incroyablement vite...

J'acquiesce en me passant la main dans les cheveux.

- Ouais, c'est fou...

Je lui fais une place sur le lit, puis me rapproche pour me blottir contre lui, tandis qu'il passe son bras autour de mon cou.

- Est-ce que je peux rester avec toi comme ça encore un peu... Le temps que ton père revienne avec la mayonnaise?

Je réponds sur un ton quelque peu exaspéré, mais à cause de mon père et non pas en raison de la question.

- Même s'il revient avec son stupide pot de mayonnaise, je voudrais que tu restes. Je m'en fous du reste...

En mentionnant l'assaisonnement, j'ai levé les yeux au plafond. J'ai de la difficulté à digérer la façon dont il nous a parlé tantôt. Je voudrais pouvoir oublier ce qu'il a dit.

- Et ça, qu'est-ce que c'est?

Je sors de mes pensées pour regarder ce que Marco pointe et souris.

- Ça, c'est mon livre préféré, Le Petit Prince, par Antoine de Saint-Exupéry. Il a été traduit dans plus de 300 langues différentes, ce qui fait que c'est le deuxième ouvrage le plus traduit au monde, derrière la Bible. C'est l'un des livres avec lesquels j'ai appris à lire et c'est aussi lui qui m'a donné envie de dessiner.

Après un instant de silence, je rajoute :

- Il faudra que je te le fasse lire, un jour. Il ne fait que 93 pages, dont plus d'une dizaine sont des images. C'est facile à lire et c'est poétique, mais simple.

Oui, 93. Je connais le nombre de pages et je connais même certains passages par cœur.

- J'aimerais que tu me le fasse lire... en Français. Il faudrait bien que j'apprenne, n'est-ce pas?

Je reste surprise quelques instants, face à cette décision, puis lui retourne son sourire.

- Bien-sûr. Ce n'est pas moi qui vais t'en empêcher. J'emmène le livre avec moi presque partout où je vais, donc il est disponible n'importe qu...

Je m'interromps en entendant un éclat de rire qui semble loin et irréel, comme s'il provenait d'un appareil électronique. À regret, je me défais un peu de l'étreinte de Marco et me tourne vers la porte de la chambre qui est restée ouverte, mais je ne vois rien. Après plusieurs secondes au cours desquelles il ne se passe rien, je m'essaie :

- Tu pourrais au moins venir nous saluer, au lieu de nous espionner...

Encore quelques secondes s'écoulent silencieusement, puis je l'entends chuchoter :

(en français)
- Bravo, je me suis faite repérer ! T'es fière de toi ?... Bon, je te rappelle.

Ma sœur apparaît dans le cadre de porte, arborant un air mi-embêté, mi-amusé.

- T'étais dans ta chambre depuis tout ce temps ? Ça te tentait pas de venir m'accueillir plus tôt ?

Elle hausse les épaules.

(en français)
- Bof, ça presse pas ce genre de chose. T'es là pour une semaine.

Je me décide à me lever du lit et vais lentement à sa rencontre, continuant de m'adresser à elle en anglais pour ne pas exclure Marco.

- Mais bien-sûr, c'est ça, dit celle qui était prête à saccager ma chambre l'été dernier, si jamais je venais pas...

J'ajoute aussitôt dans ma langue maternelle :

(en français)
- Et, s'il te plaît, mets le français de côté.

Elle roule des yeux et réponds :

- Comme tu voudras...

- Voilà, merci !

Arrivée à sa hauteur, je lui fais un gros câlin. Au moins, malgré l'attitude blasée qu'elle se donne, elle accepte encore cette marque d'affection.

- ... Tiens, t'as grandi toi.

- Non, c'est toi qui as rapetissé. Franchement, ça t'étonne ? Je te rappelle qu'on a que 20 mois de différence.

- Je sais, je sais.

Puis je me décolle et me tourne vers Marco avant qui ne se sente oublié.

- Marco, je te présente Eden. Eden, voici Marco.

Suite aux présentations, Marco tend la main à ma sœur.

- Ah... euh, enchanté Eden!

Quant à elle, elle détaille d'abord rapidement de son regard azur mon amoureux de la tête aux pieds, puis finalement elle lui attrape la main, sans hésitation.

- Ouais, la même, on va dire... Le prends pas mal, mais je te croyais plus gros que ça, avec les photos que je reçois...

Embarrassée et dérangée par cette dernière phrase, je me tourne vers ma sœur.

- De quelles photos tu parles ?...

- Des photos que Venda m'envoie de certaines personnes.

Venda, encore elle... J'échange avec Marco un regard dans lequel se mêlent gêne et exaspération, puis soupire en reprenant la parole.

- Bon, voilà une autre affaire... Elle t'envoie des photos des gens à Tsuki ?!...

Eden parait visiblement embêtée.

- Ouais, elle fait ça pour que je puisse mettre un visage sur les noms qu'elle me sort quand elle parle de ses conneries... Ou des conneries des autres.

- Okay, c'est officiel, elle a vraiment du temps à perdre...

- Mais c'est comme ça depuis toujours. Au nombre de fois où tu l'as vu, t'as jamais remarqué qu'elle vivait pas à la même vitesse que nous ? Elle a essayé plus d'une cinquantaine d'activités sportives et culturelles durant son enfance, elle a appris plus d'une trentaine de langues dans ses temps libres... Je suis sûre qu'elle peut tenir une conversation entière en japonais avec ton copain. (elle s'adresse à Marco) Ton nom de famille est bien japonais, je me trompe pas ? (et elle revient à moi après confirmation) Elle s'ennuie, c'est tout.

Je croise les bras.

- Ouais, ben elle essaie de s'occuper en sabotant mon couple. Faire ça à la sœur de son amie, c'est pas horrible ? T'es sûre que vous êtes amies toutes les deux ?

La question ne semble pas lui plaire. Elle fronce les sourcils et y répond en me regardant dans les yeux :

- Écoute, Tori, je sais qu'elle a fait des choses douteuses, mais c'est ma meilleure amie et elle, elle était là pour me remonter le moral quand toi, tu ne donnais presque plus de nouvelles, parce que " Oups ! Tu savais pas que ta famille s'ennuyait de toi et t'oubliais de t'ennuyer d'elle dans ta super école ! ". T'aimerais peut-être que moi aussi je juge TA meilleure amie ? D'ailleurs, elle était passée où, l'année où t'es tombée dans une profonde déprime au point où tu déambulais comme un zombie, où tu t'es fait couper et teindre les cheveux en noirs, où tu en avais des idées suicidaires ?... Ah non, j'oubliais, t'étais justement dépressive à cause de sa mort ! Moi, j'étais là durant tout ce temps pour voir que tu souffrais...

Je reste muette face à ses propos. Après avoir repris son souffle, elle termine :

- Voilà. On est quittes, maintenant... Je vais aller me calmer, parce que j'ai pas envie de commencer une guerre et je suis sûre que toi non plus t'en as pas envie. Désolée...

Elle retourne jusqu'à sa chambre et en ferme la porte sans jeter un seul coup d'œil. J'essaie alors de ravaler la boule qui commence à se former dans ma gorge, sans succès et murmure :

- Excuse-là, ça lui arrive parfois. Elle est plutôt franche.

Puis j'essuie les larmes qui me montent aux yeux, avant qu'elles n'aient le temps de couler.

Évidemment, Marco ne reste pas de glace face à ce discours hostile et va jusqu'à frapper à la porte de ma sœur.

- Non! Moi je n'en ai pas fini avec toi! Comment oses-tu?! Comment tu peux la juger?! Sais-tu au moins tout ce qu'on a vécu à Tsuki?! As-tu la moindre idée des souffrances que ta soeur à traversé?! Non, tu n'étais pas là! Et moi si! Sais-tu le nombre de fois où Tori a failli ne pas pouvoir revenir?! Le nombre d'épreuves qu'elle a dut traverser?! Tu n'as pas le droit de la juger... Pas plus que Venda!

Ce qu'il dit ne touche énormément et cette fois, je ne peux pas retenir mes larmes.

- Je suis désolé Tori... Tellement désolé...

Je secoue lentement la tête en regardant le sol.

- Non, t'as pas à l'être. C'est pas ta faute. C'est plutôt moi qui suis désolée. Ça te donne une première impression plutôt négative de ma famille. Je suis désolée aussi que tu apprennes certaines choses de cette façon...

Je sens le besoin de me justifier.

- Je te jure que j'ai tourné la page, mais tu sais ce que c'est de perdre un proche... Et...

J'hausse les épaules dans une signification d'impuissance.

- Voilà...

C'est à peine si je prends conscience des gestes et paroles de Marco, puis tentant à nouveau de m'essuyer les yeux, je le laisse me guider sans me préoccuper de la direction qu'on prend, jusqu'à ce qu'il me serre contre lui.

- Je suis là maintenant... Je ne te laisserai pas seule.

Il parvient à m'apaiser un peu, mais je me sens complètement vidée du contrôle que j'ai sur mes émotions. Je ne serais même pas surprise de voir les ombres environnantes se mouvoir de façon aléatoire...

- Promet moi juste... Que je ne te perdrai pas. Je t'en prie.

Je n'ai même pas besoin de réfléchir à la réponse. Elle est claire pour moi et je laisse parler mon cœur de lui-même :

- Jamais je te laisserai. Il n'en est pas question.

Je laisse échapper un sanglot et poursuis :

- Je veux pas non plus m'imaginer un monde sans toi... Quoiqu'il arrive, je t'aime.

C'est à ce moment précis que je suis complètement convaincue de vouloir faire ma vie avec lui. Pour le meilleur et pour le pire, peu importe ce qu'il pourrait se passer, je ne me vois plus autrement qu'à ses côtés.

Marco se décolle lentement et, même si j'aurais voulu rester plus longtemps dans ses bras, ce long câlin m'a apporté du réconfort ainsi qu'un sentiment de sécurité. Je savoure sa caresse sur ma joue encore humide.

- Je t'aime aussi...

Je ne sais vraiment pas ce qui me retient de me blottir à nouveau contre lui à cet instant précis. Peut-être son regard ? Ou cette impression soudaine que plus rien ne presse ? Et puis, il y a ce silence qui est agréable. Se regarder comme ça, dans le silence, sans malaise. Sans avoir besoin de chercher quelque chose à dire ou à répondre.

- Tori... Voudrais-tu...

CLAC !

Je reconnais ce bruit caractéristique au claquement de portière de voiture. Mauvais timing... Après avoir laissé filer mon regard en direction de l'unique fenêtre dans la pièce, je regarde à nouveau Marco et lui dis sur un ton suggestif, bien que j'ai déjà plutôt pris ma décision :

- Tu sais, on est pas obligés de manger avec eux ce soir. Ils ne nous forceront pas à venir nous mettre à table, ils comprendront qu'on préfère se reposer...

Et par-dessus tout, mon lit m'appelle ! Ça, j'évite de le dire à voix haute, mais c'est la vérité. Je crois qu'il est inutile d'essayer de bien nous tenir à table, alors qu'on a la tête qui tombe dans notre assiette tellement on est à court, et d'énergie, et de nerfs et de volonté.

Je ne suis même pas surprise de le voir acquiescer à mes propos. C'est presque comme s'il n'avait plus de volonté et qu'il se laissait guider par les indications qu'on lui donnait. Bon, j'extrapole, mais c'est pas totalement faux. Quand on est trop fatigué, on est plus à même de réfléchir et de prendre des décisions. Bref, il m'embrasse sur la joue, je l'embrasse aussi sur la joue en retour et le regarde s'en retourner à sa chambre.

Dès l'instant où il a fermé sa porte, je l'imite et installe paresseusement ma literie, alors que d'habitude je suis plutôt perfectionniste par rapport à ça. Une fois que tout est en place, je sors mon téléphone de mon sac à dos qui est resté avec moi durant le vol et je sors aussi le chargeur que je vais brancher dans la prise de courant se trouvant à côté de mon lit. Je souris triomphalement à cause du simple fait de ne pas avoir besoin de passer par un adaptateur ici. Mange de la marde, fichu adaptateur pour prises électriques européennes! N'ayant rien d'autre à faire, je m'écrase sur mon lit et je ferme à peine les yeux que je sombre déjà dans le sommeil.


Lorsque j'ouvre les yeux sans être aveuglée par la lumière du jour ou bien encore par un éclairage artificiel, je me dis qu'on est au beau milieu de la nuit, alors je prends mon téléphone pour regarder l'heure qu'il est. Peut-être parce que la lumière de l'écran m'aveugle, j'ai de la difficulté à lire les chiffres numérique et j'ai même l'impression qu'ils changent. Finalement, j'enregistre 13h34. Wow, j'ai dormi pendant presque 24h. Puis, après m'être fait cette réflexion, je réalise que c'est impossible qu'on soit en début d'après-midi s'il fait noir. Je regarde alors en direction de ma fenêtre, mais dans l'obscurité, je ne vois même pas ne serait-ce que des petites lignes de lumière filtrer à travers les stores. Je décide de me lever pour aller voir et bien que marchant de façon déboussolée car je ne suis pas complètement réveillée, je fini par atteindre le mur. Je le longe un peu jusqu'à ce que je tombe sur la fenêtre, mais au final j'arrive à l'autre mur sans l'avoir trouvé. Je longe donc le mur dans l'autre direction, mais rien. Commençant à paniquer, je recommence, mais avec les autres murs en me disant que je me suis peut-être seulement trompée de côté, mais je ne trouve ni la fenêtre, ni les meubles ni la porte et pire encore, je me sens oppressée. Cette impression s'avère fondée, puisque je me sens peu à peu à l'étroit et je réalise que les murs se rapprochent, mais que je ne les vois pas à cause de l'obscurité. Paniquant de plus en plus, j'essaie de me concentrer pour faire de la lumière, mais il ne se passe rien, si ce n'est que je sens quelque chose coule de mon nez. À tous les coups, c'est du sang. Ça m'arrive assez souvent pour que je sois capable de dissocier saignement de nez et écoulement nasal de mucus. L'espace continue de se réduire et je me retrouve recroquevillée. Bientôt je n'ai même plus assez de place pour remplir mes poumons d'air. Le sang coule toujours, plus abondamment à force de retenir mon souffle, puis je sursaute en me faisant écraser.


Première chose, je prends une grande bouffée d'air et me redresse brusquement en tremblant, puis je porte ma main à mon nez. Rien, je ne sens pas de liquide poisseux ni sur mes mains, ni qui s'écoule de mes narines, alors je soupire de soulagement. Je regarde ensuite en direction de l'endroit où se trouve ma fenêtre, il fait sombre, mais à travers le store, je reconnais l'éclairage légèrement orangé des lampadaires qui éclairent la rue et finalement, dernière chose, je me concentre sur ma main jusqu'à ce qu'un petit cercle de faible luminosité apparaisse. Si c'était physiquement possible, je lui ferais un câlin, mais sa simple vue parvient à me rassurer totalement. Ce n'était qu'un cauchemar, je peux me rendormir...


Lorsque finalement je me réveille et que je me sens assez reposée, il fait jour, mais en regardant l'heure, je constate qu'il n'est même pas encore 6h du matin. C'est déjà pas banal, en tenant compte du fait qu'il est presque 11h en Angleterre. Je décide de me lever et de quitter subtilement ma chambre sur la pointe des pieds. Je descends l'escalier en priant le ciel pour que les marchés en bois évite de craquer trop fort, surtout que c'est dans les moments comme ceux-là qu'on a l'impression de faire un boucan pas possible, alors qu'on est silencieux en fait. Je marche jusqu'à la cuisine et, surprise ! Sur le comptoir, il y a deux assiettes contenant chacune 6 biscuits aux pépites de chocolat. Je trouve aussi un message rédigé en anglais à côté.


Wow, meilleure maman du monde ! Je reconnais son écriture. Je prends place sur l'une des deux chaises hautes qu'on a au comptoir et tire l'une des deux assiettes vers moi. Accotant mon bras droit sur la surface lisse du comptoir, je prends un biscuit avec mon autre main et commence à le manger sans empressement. Je ne sais même pas si j'ai faim, mais c'est bon.

J'entame mon deuxième biscuit, après avoir passé peut-être 10 minutes à mastiquer le premier... Okay, non, je déconne. Pas à ce point, tout de même ! Donc bref, j'entame le deuxième lorsqu'il me semble que j'entends quelque chose ou bien quelqu'un. C'est un parent, c'est un cambrioleur ! Non c'est... un avion ! Marco ! Eh bien, comme ça, au moins, je ne suis pas la seule dont l'horloge interne est sans dessus-dessous. Je remarque au passage qu'il s'est habillé ou du moins, qu'il ne porte pas la même chose qu'hier, alors que moi je suis encore en pyjama. Enfin, " pyjama ", il s'agit d'une camisole et d'un jogging décontracté vraiment trop confortable. D'ailleurs, je ne sais même pas si lui il porte des pyjamas. Est-ce qu'il s'agit-là d'une question pertinente à poser ?... Quoiqu'il en soit, mon amoureux me lance un simple :

- B-bon matin...

C'est assez timide comme salutation, peut-être parce qu'on est tôt le matin. Après avoir avalé ma bouché, histoire de ne pas parler la bouche pleine et surtout pour éviter de postillonner, je lui souris et réponds de façon détendue.

- Chalut.

Puis je lui désigne le message et le fais glisser vers lui pour qu'il puisse le lire. Je lui envoie aussi l'autre assiette juste après.

- Quelqu'un voulait qu'on évite de crever de faim. Et sinon, bien dormi ?

Juste après que je lui ai posé la question, Marco s'étouffe avec une bouchée, mais parvient tout de même à répondre avant que j'ai le temps de lui demander s'il veut un verre d'eau :

- Oui, bien!

- Tant mieux, c'est déjà ça. De toute façon, c'était pas trop difficile avec la fatigue...

Lorsqu'il me retourne la question, je grimace.

- Bof, ça dépend à quel moment. Pas trop mal dans l'ensemble, on va dire ?...

Je regarde les quatre biscuits restants dans mon assiette et réalise qu'il manque quelque chose, alors je propose :

- Veux-tu que je te serve un vers de lait ? Ce sera un peu moins sec.

Quoiqu'il réponde, je me lève pour aller m'en chercher un, mais au passage, je m'accroche le pied dans l'une des pattes du tabouret et freine ma chute en m'agrippant par réflexe à Marco. Malheureusement, je me suis retenue précisément à l'endroit où a cicatrisé la morsure que lui a infligé un chien, le soir où on s'est aventurés dans la cabane de jardin. Le réalisant, je m'empresse de le lâcher et de reculer en me plaquant les mains contre la bouche, puis je m'excuse.

- Merde ! Je suis vraiment vraiment désolée... Ça va aller ?

Non, mais quelle maladroite ! Je suis terrible ! TERRIBLE !

- Oui, o-oui, tout va bien! Ça va... C'est juste un peu sensible, mais hey, c'est rien.

Je me sens encore plus coupable lorsqu'il appuie sa main contre sa blessure. Sérieusement, j'ai mal pour lui. Je ne vois pas comment ça peut aller... Brrrr !

- T-Tu vois? Tout va bien! Au moins... tu ne t'es pas blessée! C'est ça l'important!

C'est vrai, cependant je ne suis pas convaincue.

- Oui, bon, mais si c'est pour te blesser toi, je préfère autant me cogner contre le plancher en tombant...

Soudain, je vois du mouvement du coin de l'œil.

- Hey, bonjour vous deux ! Je vois que j'avais raison de vous préparer une collation.

Ma mère qui se tient dans le cadre de porte, vêtue d'un pyjama avec un imprimé de moutons plutôt mignons. En plus de me sentir mal pour Marco, maintenant j'ai peur d'avoir réveillé tout le monde dans la maison.

- Est-ce qu'on t'a réveillé ?

Elle secoue la tête et approche pour venir se poster face à nous, de l'autre côté du comptoir.

- Non, je l'étais déjà. J'ai simplement été alertée par une sensation.

Je soupire de soulagement, tandis qu'elle tend la main vers Marco.

- Marco, est-ce que je peux voir ton bras ?